Le Quotidien du Peuple (organe central du PCRml)
n°831 -du 13 /14 / 15 janvier 1979- page 4
CONTRAIRES AU SEIN DU PEUPLE
FAUT-IL OU NON PARTICIPER AU JOURNEE D'ACTION ?
Pas de
règle générale
Tous les moyens d'action sont bons à utiliser. De
la simple pétition jusqu'à la grève
illimitée. Le seul problème, pour les
militants, c'est de savoir faire coïncider le type
d'action avec le niveau de combativité
ouvrière à un moment donné.
Pour les journées de 24 heures, comme pour toute
autre action, la question ne se pose donc pas en termes de
choix définitif : on y participe toujours ou on n'y
participe jamais. Cela dépend. De quoi ? Du niveau de
combativité, de la volonté de lutte des
travailleurs de telle ou telle branche, de telle ou telle
région, ou sur l'ensemble du pays au moment où
cette journée est décidée.
Dans quelles conditions le problème de
la participation à ces journées se pose-t-il
?
C'est un problème complexe qui ne peut être
éxaminé que cas par cas.
D'abord en gardant clairement en tête deux points
:
-- d'une manière générale, c'est le
type d'action que décident les états-majors
pour répondre à leurs motivations politiques
du moment. C'est uniquement le souci d'utiliser la
volonté de lutte des travailleurs, de la canaliser
vers leurs objectifs, qui guident les organisateurs de ces
journées. Et il y parviennent dans une large mesure.
Que cela produise des contradictions avec les travailleurs
et les militants de base, c'est sûr et c'est positif.
Mais enfin, ce ne peut être le seul, ni même le
principale critère pour déterminer si l'on
participe ou non.
-- quoi qu'on en dise, ce type d'action, même s'il
permet ponctuellement aux travailleurs et aux militants de
se retrouver, d'échanger leurs points de vue, de
participer ensemble à des manifestations, est
forcément, dans l'état actuel des
choses, sans lendemain. La notion de
<<journée tremplin>> est un leurre. Il
n'y a pas d'exemple dans l'histoire récente, de lutte
d'ampleur engagées à partir de journées
d'action. Le 13 mai 1968 n'est pas l'exception qui confirme
la règle puisqu'à ce moment-là, il est
devenu évident que les états-majors avaient
décidé de s'engager dans une grande offensive
de masse. Même la puissante mobilisation du 7 octobre
1976, malgré la volonté affirmée de
nombreux travailleurs de ne pas en rester là a
été, elle aussi sans lendemain.
On entend parfois dire : c'est cela ou rien. Si l'on ne
participe pas à ces journées, il n'y a rien
d'autre. Curieuse conception de l'action militante, qui
élude les problèmes posés par l'action
acharnée tous les jours, sur le terrain, contre les
patrons et malheureusement aujourd'hui, contre ceux qui,
à l'intérieur de nos syndicats,
dépensent toute leur énergie pour
empêcher les luttes. Et puis, si l'on ne parvient pas
à développer un rapport de forces dans sa
boîte, qui mobilisera-t-on pour participer à
ces journées ?
Il est apparu, ces temps derniers, l'idée selon
laquelle des journée de ce type pourraient d'une part
oeuvrer à l'unité et d'autre part convaincre
les partisans du recentrage dans la CFDT à l'action.
C'est possible, mais quelle action ? quelle unité
?
L'exemple de la journée pour la
sécurité sociale est intéressant : des
militants et des sections CFDT y ont participé.
D'accord, c'est une épine dans le pied d'Edmond
Maire. Mais qui profite à qui ? à Georges
Séguy ! il n'y avait qu'à ouvrir
l'Humanité du lendemain pour voir comment
était utilisée l'initiative de ces militants
CFDT. Par ailleurs, les mesures contre la
sécurité sociale sont passées sans
problèmes.
Non, on ne peut réduire la question au seul niveau
des problèmes que les militants ont à
résoudre dans leurs sections et dans leurs
structures. Posons la question au niveau de l'ensemble des
travailleurs. Quel jugement est porté sur telle ou
telle journée d'action ? Quelles raisons motivent la
participation ou non à ces journées
décidées, ne l'oublions pas, par les
états-majors presque dans tous les cas. On ne peut y
participer et y appeler les travailleurs que s'il en ressort
quelque chose de positif, pas seulement pour crier sa
colère contre les patrons et aussi contre ceux qui ne
veulent pas lutter.
Du point de vue purement revendicatif, ces
journées sont d'une totale
inefficacité, ce point n'est plus à
démontrer. Alors ? mettre en difficulté ceux
qui se servent de ces journées pour leurs
intérêts propres, qui utilisent la
colère des travailleurs à leur profit ?
D'accord, mais dans ce cas, en en prenant les moyens, en
rassemblant tous ceux qui veulent lutter, en
dénonçant la politique de manipulation des
états-majors syndicaux... Car, il faut toujours bien
garder présent à l'esprit que les travailleurs
qui font le choix de perdre une journée de salaire
(et parfois plus avec les primes) veulent des
résultats, pas forcément immédiatement
revendicatifs, mais par exemple, marquer effectivement des
points dans la construction du rapport de forces. N'oublions
pas que rien n'est plus démobilisateur que des
actions qui ne servent à rien, des actions dont les
travailleurs ne maîtrisent pas les enjeux. C'est en ne
tenant pas suffisamment compte de cette donnée que
l'on a - appelant inconsidérément à
toutes les 24 heures - dégoûté de
nombreux travailleurs, non seulement des journées
d'action, mais de l'action en général, que
l'on a -à son corps défendant- renforcé
les idées sceptiques sur la possibilité de
lutter, et surtout de gagner. Les états-majors
syndicaux contrôlés par les partis de gauche y
ont trouvé leur compte, eux qui continuent d'appeler
à de telle journées malgré les
critiques d'une partie des militants. Si la direction CFDT
n'y appelle plus provisoirement, c'est surtout pour des
raisons de rivalités politiques avec la CGT.
Pour conclure, on ne peut établir de règle
définitive, bien sûr. Par exemple, il aurait
été parfaitement faux de ne pas participer au
7 octobre 1976, alors que tout indiquait que la
colère des travailleurs s'y exprimerait massivement.
Même chose pour les journées <<ville
morte>> dans la sidérurgie ou ailleurs. Par
contre, la série des journées d'avant le mois
de mars 1978 étaient clairement des initiatives de
soutien à la gauche et au programme commun. Il
fallait les dénoncer nettement comme telles et ne pas
y participer. Être avec les travailleurs quand ils
luttent ne veut pas dire se traîner à la
remorque des idées les plus arriérées.
M.L.B
syndicaliste de Caen
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CONTRAIRES AU SEIN DU PEUPLE
FAUT-IL OU NON PARTICIPER AU JOURNEE D'ACTION ?
Ni 24 heures
sans lendemain, ni isolement à la base !
Grève de 24 heures ou pas, cette question qui se
pose avec acuité chez les travailleurs et les
syndicalistes depuis maintenant quelques années
suscite encore un débat, notamment depuis
l'échec de la gauche en mars 78 ; et ce n'est pas un
hasard.
Grève tremplin ou grève plongeoir ?
Temps fort, ou grève soupape ?
Grève protestation ou action réelle ?
Grève revendicative ou grève politique ?
. La vérité n'est pas facile à saisir,
essayons d'abord de voir.
Les caractéristiques de la
grève de 24 H
Les travailleurs ont besoin face à la coordination
patronale, de lutter ensemble.
Parce que le rapport de force sur chaque entreprise n'est
pas évident à réaliser dans tous les
cas ; parce qu'il faut lutter contre les divisions des
branches, du chômage, du public et du privé
etc...
La grève de 24 heures est interprofessionnelles,
s'adresse à tous, elle peut de ce point de vue
répondre à un besoin.
Une autre caractéristique de la journée de 24
heures, c'est qu'on ne s'adresse plus seulement à son
propre patron, comme dans une grève de boîte,
mais directement au patronat et au gouvernement. De ce fait
les revendications sont plus globales et la
possibilité de <<politisation>> plus
grande.
Un troisième aspect, non négligeable comme on
le verra, est qu'elle ne peut être
décidée qu'au sommet syndical, que selon les
cas elles seront unitaires ou non. Le poids des structures
de base est très faible dans la décision : aux
états majors de décider si ce sera un 7, un
24, un 15 qui s'ajoutera à la longue liste de la
petite histoire syndicale.
Ce sont quelques caractéristiques de ces
journées, et qui permettent d'être utiliser
d'une certaine façon :
Avant les élection de mars 78, moment capital pour
eux, le PC et le PS ont enfourché dans les syndicats
le cheval des 24 heures. Tous deux d'accord pour en faire
des journées qui manifestent la volonté de
<<changement politique>> puisque l'interlocuteur
est le gouvernement qu'ils prétendaient
remplacer.
Mais, en même temps, des journées qui ne
puissent pas déboucher sur un mouvement de lutte
généralisé contre le plan Barre, car
cela aurait compromis les élections (ces politiciens
gardant en mémoire le souvenir cuisant des
élections qui avait suivi le mouvement de mai 68). De
ce point de vue, et PC et PS ont pesé dans les
syndicats pour faire de ces journées des
grèves soupapes et sans lendemain où pouvait
s'exprimer la combativité ouvrière et la
canaliser vers les objectifs électoraux. Ils
cherchaient à imposer à ces journées
chacun de leur côté l'objectif revendicatif de
leurs programmes; on se souvient à cet égard
de la question des nationalisations, par exemple. Action
ponctuelle sur un objectif global, la grève de 24
heures ne pouvait avoir qu'un but : démontrer aux
travailleurs que ce qu'ils ne pouvaient obtenir par la
lutte, ils devaient tenter de <<l'arracher par le
bulletin de vote>> !
Devant des mots d'ordre de 24 heures de ce type,
travailleurs et syndicalistes étaient souvent pris
dans la contradiction : ou ne rien faire, ou se battre avec
les autres, mais pour des prunes.
Aujourd'hui les élections ne sont pas à
l'ordre du jour et les syndicats cherchent à refaire
le terrain que leur tactique a fait perdre. On voit alors
ceux qui les ont longtemps qualifiés de gauchiste ou
basiste reprendre les arguments contre les journées
d'action de 24 heures, mais pour repousser cette fois tout
mouvement d'ensemble.
En réalité, l'opposition n'est pas entre 24
heures ou pas. S'il faut rompre à tout prix avec le
type de grèves que nous avons subies ces
dernières années, cela ne saurait être
pour se retrouver chacun isolé à la base, en
butte aux mêmes problèmes; cela ne saurait ne
saurait être aussi pour renforcer la division
syndicale entre les tenants et les détracteurs des 24
heures comme le 21 décembre sur la
Sécurité sociale. Ni 24 heures sans lendemain,
ni lutte à la base sans coordination.
Il faut se battre pour des actions d'ensemble dont les
objectifs permettent de lutter contre les divisions
entraînées par la crise et le chômage,
dont les objectifs soient précis, et que les
travailleurs sachent comment ils avancent. Il faut que ce
type d'action se poursuive, pas forcément de 24
heures en 24 heures, mais jusqu'à ce que satisfaction
soit obtenue. C'est un processus d'action qu'il faut mettre
en place de façon unitaire, et pour obtenir des
résultats.
D.N.
Syndicaliste du Rhône
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CONTRAIRES AU SEIN DU PEUPLE
FAUT-IL OU NON PARTICIPER AU JOURNEE D'ACTION ?
Unité
d'action, une priorité aujourd'hui
Faut-il ou non participer aux journées d'action de
24 heures ?
Depuis le temps que les directions syndicales nous
promènent de la Nation à République en
passant par Bastille, pour rien, pour reprendre le lendemain
après avoir laissé au patron une
journée de salaire, la réponse semblait
claire. Du moins pour de nombreux militants de la CFDT.
Combien de fois avons-nous dénoncé ces
journées d'action de 24 heures qui
démobilisent les travailleurs et usent les mot
d'ordre de grève, qui désamorcent les
mouvements de lutte au lieu de les impulser ! Combien de
fois avons-nous dénoncé ces journées
sans lendemain qui, dans la période
pré-électorale, n'ont servi qu'à faire
pression pour le programme commun que notre
confédération n'avait pas signé -
même si, par ailleurs, elle ne se gênait pas au
niveau de sa direction pour indiquer que c'était la
seule solution. Nous avons été nombreux
à dire et répéter que Maire et
Séguy se servaient de nous lors de ces
journées pour mettre le poids des syndicats au
service des partis de gauche.
Oui, mais aujourd'hui, la situation n'est plus la
même. Sans doute, si la direction CGT lance ses
troupes dans la bataille aujourd'hui, sans trop savoir,
où elle va, c'est principalement une fuite en avant,
c'est un moyen d'esquiver les questions de fond qui se
posent dans ses rangs sur la stratégie syndicale
suivie avant mars 78. Sans doute, aussi, cherche-t-elle
à rallier un certain nombre d'éléments
combatifs qui ne lui font pas toujours confiance.
Mais la question n'est pas là ! La CGT veut l'action
! Nous aussi. Les travailleurs, dans leur immense
majorité, veulent l'unité d'action entre les 2
grandes centrales ! Nous aussi. Les préoccupations de
boutiques ne pèsent pas lourd face à ces
exigences. Nous les avons vues à l'oeuvre dans le
congrès URP qui s'est tenu, début
décembre, mais nous avons vu également la
très grande volonté d'unité d'action
qui venait de très nombreux syndicats.
Aussi, cette unité d'action doit se faire
aujourd'hui, y compris à l'occasion de ces
journées de 24 heures. C'est pourquoi nous
étions un certain nombre de syndicalistes CFDT
à débrayer et à défiler aux
côtés de nos camarades de la CGT.
Cela pour au moins deux raisons :
- La première, c'est qu'il faut faire avancer
l'action. A tout prix. Et que, dans la période,
toutes les occasions sont bonnes à prendre.
Pouvait-on laisser passer les atteintes très graves
contre le sécurité sociale, pouvions-nous
laisser attaquer nos acquis sans riposter
immédiatement ? La CGT a été la seule
à proposer une riposte globale de tous les
travailleurs, secteur privé et fonction publique
réunis. Nous y avons participé. Nous savons
bien qu'une grève de 24 heures ne suffit pas, mais
tout ce qui va dans le sens d'une conrtre-attaque contre les
coups de Giscard-Barre, est bon à prendre
aujourd'hui. C'est le seul moyen de faire redémarrer
l'action. A condition, bien sûr, que l'unité se
fasse dans les entreprises et dans les sections. Dans notre
secteur, si nous avons appelé à la
grève le 21 décembre (CGT et CFDT), c'est
parce que cette grève a été
décidée en AG et de façon
majoritaire.
- La deuxième raison qui nous a
déterminés à réagir, est une
raison interne à notre confédération.
Au nom d'un réalisme syndical aux accents rocardiens,
Maire et la direction confédérale bloquent
toute action globalisante et veulent nous enfermer dans une
négociation branche par branche, atelier par
atelier...
Le refus d'unité d'action avec la CGT, nettement
affirmé par Maire à la
télévision, alors que les négociations
entamées sur le plan de la région parisienne
n'étaient pas terminées, confirme bien cette
volonté de transformer la stratégie syndicale
telle qu'elle était sortie du dernier congrès
et de l'infléchir encore plus dans le sens d'un
blocage de l'action au bénéfice d'une
négociation tous azimuts. La vigueur avec laquelle la
confédération a mis en garde les militants
CFDT qui, en participant a la journée du 21, se
livreraient à une action dirigée contre la
CFDT, montre qu'elle est décidée à
imposer cette ligne, coûte que coûte, jusqu'au
congrès de Brest qui se prépare.
Relancer l'action, s'opposer à l'intérieur de
la CFDT à ceux qui veulent remettre en cause tous les
acquis depuis Lip, voilà deux bonnes raisons au moins
qui nous déterminent à nous saisir de ces
journées de 24 heures en leur imprimant notre marque,
même si elles n'apportent pas de solutions
immédiates.
M.D et F.J
Syndicalistes CFDT
de la région parisienne
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