Réflexions sur l'Afghanistan, la Chine et la Démocratie Nouvelle

Yenan - Kaboul
 
Il est difficile de comprendre la révolution chinoise, en particulier ses compromis passés avec les capitalistes, sans avoir lu " De la Démocratie Nouvelle " (dont le texte en pdf est dispo dans ce lien) écrit en janvier 1940 à Yenan, trois ans après l'invasion japonaise.
Il établit les objectifs d'une nouvelle révolution anti féodale, anti coloniale et de libération nationale, regroupant paysans, petite bourgeoisie et capitalistes, sous la direction des prolétaires, et de leur parti communiste. (cf. " La révolution chinoise et le Parti Communiste Chinois " - déc 1939)
Bien que la Démocratie Nouvelle ait été remplacée par une société socialiste, cette unité reste d'actualité, parce que l'impérialisme cherche toujours à détruire la Chine Populaire, que les capitalistes chinois, encore utiles au développement de la société, n'existeraient pas sans le Parti Communiste Chinois, et qu'ils doivent donc se plier à sa direction.
 
Mais ce texte historique et adapté à la Chine contient des éléments universels et toujours d'actualité, qui concernent toutes les révolutions nationales et démocratiques depuis 1917, dès qu'elles s'opposent à l'impérialisme.
Présentée comme une invitation à l'émergence d'une nouvelle culture, la Démocratie Nouvelle est un programme général pour la révolution chinoise, sans " prétendre que l'on détient la vérité " mais en partant des faits, de la pratique objective, révolutionnaire de millions d'hommes… " nous voulons transformer la Chine politiquement opprimée et économiquement exploitée en une Chine politiquement libre et économiquement prospère ; de plus, nous voulons transformer la Chine, ignorante et arriérée sous la domination de l'ancienne culture, en une Chine éclairée et avancée, où dominera la culture nouvelle. "
 
Mao Zedong la définit comme la première phase de la révolution chinoise, la révolution démocratique. La seconde est la révolution socialiste. Mais cette révolution démocratique, anti féodale et anti coloniale, est elle-même d'un type nouveau.
Elle constitue le prolongement de la révolution démocratique bourgeoise initiée par Su Yat-sen en 1911. Mais après la révolution d'Octobre en Russie, changeant le cours de l'histoire universelle, elle est entrée dans une nouvelle catégorie de révolutions démocratiques bourgeoises, englobée dans la révolution prolétarienne mondiale :

 

" Dans sa première étape ou première phase, la révolution dans une colonie ou semi-colonie reste essentiellement, par son caractère social, une révolution démocratique bourgeoise, et ses revendications tendent objectivement à frayer la voie au développement du capitalisme ; néanmoins, elle n'est déjà plus une révolution de type ancien, dirigée par la bourgeoisie et se proposant d'établir une société capitaliste et un Etat de dictature bourgeoise, mais une révolution de type nouveau, dirigée par le prolétariat et se proposant d'établir, à cette première étape, une société de démocratie nouvelle et un Etat de dictature conjointe de toutes les classes révolutionnaires. Donc, elle sert en fait à frayer une voie plus large encore au développement du socialisme. Dans sa marche, elle peut parcourir plusieurs stades intermédiaires, en raison des changements intervenus dans le camp de l'ennemi comme dans les rangs de ses propres alliés, mais son caractère fondamental reste inchangé."
 
Et il ajoute que la révolution mondiale socialiste prolétarienne :
" …a pour forces principales le prolétariat des pays capitalistes et pour alliés les peuples opprimés des colonies et des semi-colonies. Peu importe, chez les peuples opprimés, quelles classes, quels partis ou individus participent à la révolution, et peu importe qu'ils soient conscients ou non de ce que nous venons d'exposer, qu'ils le comprennent ou non, il suffit qu'ils s'opposent à l'impérialisme pour que leur révolution devienne une partie de la révolution mondiale socialiste prolétarienne et qu'ils en soient les alliés ".

Cette révolution dit Mao Zedong doit " s'achever par l'édification d'une société de démocratie nouvelle placée sous la dictature conjointe de toutes les classes révolutionnaires chinoises, à la tête desquelles se trouve le prolétariat chinois; puis on fera passer la révolution à la seconde étape, celle de l'édification de la société socialiste en Chine ".
 
Les Trois Principes du Peuple énoncés par Su Yat-sen deviennent alors les Trois Principes du Peuple révolutionnaires de la Démocratie Nouvelle : l'alliance avec l'Union soviétique socialiste, l'alliance avec le Parti Communiste, et le soutien aux paysans et aux ouvriers.
 
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Aujourd'hui la Chine Populaire est à la tête de la révolution prolétarienne mondiale, et c'est aussi l'ennemi fondamental désigné par tous les pays impérialistes, sous la direction de l'hégémonisme américain. Pour toutes les révolutions démocratiques et anti impérialistes, les Trois principes du Peuple sont inchangés dans leurs principes. Et dans la situation actuelle ils deviennent : l'alliance avec la Chine socialiste, l'alliance avec le Parti Communiste, et le soutien aux paysans et aux ouvriers.
Naturellement l'absence de la direction d'un parti communiste, dans la plupart des pays émergents du féodalisme et du gant de fer impérialiste, compromet souvent la réussite de leur révolution. La pusillanimité des bourgeoisies nationales, la réaction féodale et compradore vendue à l'impérialisme, la subversion, les printemps de couleur, le terrorisme et les bombardements font rechuter les révolutions, temporairement, comme avant un orage des vents contraires brassent l'air de tourbillons chauds ou glacés.
 
Lequel l'emportera ? Et que deviendra la victoire des Talibans en Afghanistan ?
Il faut garder en tête cette analyse de Mao Zedong et saisir la situation d'ensemble. Le mouvement national Taliban n'est pas dirigé par un parti communiste. Il emporte avec lui les reliquats du féodalisme et du tribalisme et reste encore lié à des groupes terroristes, mais l'indépendance de l'Afghanistan n'a pas d'autre issue que de s'opposer à l'hégémonisme US et à l'occident impérialiste.
 
De grandes difficultés internes se dressent dans ce pays.
Sur le plan ethnique, les Pachtounes qui représentent 40 à 45 % de la population n’en sont pas la majorité absolue. La population Tadjik, Hazara persophone et Ouzbek en constituent encore 30%. Les Talibans ont réduit le pouvoir des Pachtounes mais l’unité politique de cette mosaïque est encore un long chemin.
Le fondamentalisme islamique est le noyau spirituel de la cohésion interne des Talibans, en contradiction avec l’image d’ouverture qu’il leur est nécessaire de présenter maintenant en direction des classes moyennes et de l’intelligentsia des villes, pour réaliser l’unité du peuple. Cette contradiction oppose notamment le réseau Haqqani et l’instance dirigeante.
Le peuple afghan est peu instruit excepté dans les villes et l’instruction se réduit à une connaissance élémentaire du Coran. Le mouvement Taliban manque d’experts en administration et en gouvernance, d’où la promesse d’amnistie en direction des fonctionnaires de l’ex gouvernement Ashraf Ghani. Les pays impérialistes, la France en particulier, s’empressent d’exfiltrer le plus grand nombre d’intellectuels.
Mais la crise financière et alimentaire est le plus urgent. Les revenus des Talibans provenaient de la drogue pour près de 40 % et autant pour l’exportation de minerai, soit plus d’un milliard de dollars, suffisant à peine pour entretenir les rebelles. L’essentiel des revenus du précédent gouvernement provenait de l’aide étrangère US. Les terres arables sont réduites et la sécheresse de cette année a gravement diminué la production céréalière. Sans aide alimentaire la famine peut s’abattre sur le peuple afghan.
 
Cependant la situation régionale est favorable à la transformation de l'Afghanistan.
La Chine Populaire a donné l'exemple dans la lutte contre la pandémie, et malgré de grandes difficultés dont les attaques impérialistes incessantes et multiformes, les inondations millénaires du 20 juillet à Zhengzhou, et une reprise de l'épidémie, elle est en tête de la reprise mondiale. La direction du Parti Communiste Chinois constitue un phare pour les peuples et les nations opprimées.
Depuis peu, et sous l'effet des agressions successives de l'hégémonisme US, le triangle Iran -Chine - Russie s'est constitué en Asie Centrale, rejoint par le Pakistan.
Il représente d'abord un obstacle au terrorisme régional, que les USA attisent depuis fort longtemps. A cet effet la Russie a réalisé des manśuvres militaires conjointes du 30 juillet au 10 août en Ouzbékistan, puis du 5 au 10 août au Tadjikistan, avant un exercice conjoint du 9 au 13 août dans le nord ouest de la Chine, toutes ces manśuvres visant à prévenir le terrorisme et lancer un avertissement à l'impérialisme. Russes et chinois ont également exigé des Talibans une rupture définitive avec le terrorisme.
La Route de la soie traverse la région comme un fleuve les plaines, et comme toutes les routes commerciales depuis les premiers temps de l'humanité, conditionne le développement économique et technologique des pays riverains. L'Afghanistan ruiné par 20 ans de guerres éprouve un besoin vital à redresser son économie. C'est une demande faite par les Talibans à la Chine.
L'Afghanistan recèle aussi de considérables gisements de terres rares. C'est une ressource inestimable de l'économie moderne.
Inexorablement, et même au prix de longs détours, le développement de ce pays mettra fin à l'arriération et à la soumission.

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