CAHIER ROUGE n°14 -janvier 1978- Revue théorique du Comité Central du PCMLF
IIIème Congrès du PCMLF
Rapport politique

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LE COMMENCEMENT DE LA MISE OEUVRE DE LA LIGNE DU IIè CONGRÈS
 

....... Immédiatement après la tenue du IIe Congrès, plusieurs activités de notre Parti ont eu pour but la mise en oeuvre de la ligne contenue dans son programme.
....... S'il est absolument certain qu'au niveau du Bureau politique et du Secrétariat ce dernier ne fut pas interprété de la même façon que par certains membres du Parti de la région parisienne qui crurent le moment venu pour agir avec frénésie dans le sens voulu par eux, il n'empêche que la recherche d'alliance contre les deux super-puissances a pris un tour équivoque.
....... Elle nous a en effet conduit à des entretiens avec l'UJP , la revue "l'Appel" et Michel Jobert, ainsi qu'à des participations en commun à des manifestations diverses avec l'UJP , "l'Appel" et le "Centre pour l'indépendance nationale". Il paraît certain aujourd'hui que de telles initiatives replacées dans le strict cadre du Front uni mondial contre les deux super-puissances pouvaient se justifier. Ces formations et personnalités, quoique liées à la bourgeoisie, ne participaient pas au pouvoir. Leurs positions permettaient de les situer parmi la bourgeoisie progressiste. Depuis lors, d'ailleurs, l'UJP aussi bien que le Mouvement des Démocrates de Jobert ont affiché des lignes politiques qui les opposent aussi bien à la majorité qu'aux partis de l'opposition, à la bourgeoisie réactionnaire de droite et de gauche. L'UJP et le Mouvement des Démocrates ont annoncé qu'ils refuseront tout désistement au second tour des élections législatives prochaines en faveur des candidats de la majorité actuelle ou des partis de gauche.
....... Malheureusement, la conception que nous avions rendue publique avec le programme issu du IIe Congrès a donné à ces contacts le caractère d'une alliance sans principe avec des représentants de la bourgeoisie. C'est ainsi que nos initiatives ont été comprises, et tous nos adversaires en ont profité pour nous créditer d'une politique d'alliance effective avec la bourgeoisie, tournant le dos aux justes nécessités de la lutte contre le pouvoir et l'Etat capitaliste.
....... Nous allons donner dans quelques instants quelques premières idées sur ce que doit être le Front uni mondial contre les deux super-puissances, et la distinction que nous devons en faire d'avec le Front uni contre le capital monopoleur. Nous comprendrons alors qu'à la condition d'avoir une ligne fondamentale juste sur le plan des luttes de classes dans notre pays, la recherche et la pratique d'alliances dans le cadre d'un Front uni mondial contre les deux super-puissances ne risquent plus de provoquer le caractère équivoque, ambigu, de nos relations avec des formations ou personnalités comme celles que nous avions établies après le IIe Congrès.
....... Au passage, il est nécessaire de rappeler que nous n'avons pas organisé un meeting avec la NAF , contrairement à ce qu'ont proclamé tous nos contradicteurs gauchistes, trotskistes et révisionnistes. Nous avons participé à un forum organisé par le "Centre pour l'indépendance nationale" que dirigeait le nommé Patrice Gélinet, étroitement lié au groupe de la revue "l'Appel" et à l'UJP gaulliste. Ce que nous avons déclaré dans ce forum sur la situation internationale fut fondamentalement juste et reste d'ailleurs différent de ce que dirent tous les autres participants. Parmi ces derniers figurait le dirigeant de la NAF, Bertrand Renouvin, dont l'intervention ne contint aucun passage qui permette de lui appliquer l'étiquette de fasciste. Au sujet de cette formation, il importe d'ailleurs de préciser que ses positions dès cette époque comme actuellement, ne justifient pas le qualificatif de "fasciste" que lui accolent volontiers trotskistes et gauchistes en raison du passé particulier de la vieille Action française. De toute façon, en allant à ce forum, nous n'avions aucune intention d'établir des relations bilatérales avec la NAF, et nous n'en établîmes pas. Par la suite, on nous accusa aussi d'avoir eu des contacts avec Patrice Gélinet, présenté comme ancien de l'OAS et originaire d'une famille de collaborateurs avec les nazis. Naturellement, nos rencontres peu nombreuses avec ce militant eurent lieu sans que nous n'ayons connaissance de ces accusations. Mais nous avons depuis lors fait une enquête dont il ressort que notre interlocuteur n'est pas l'individu portant le même patronyme qui fut OAS et ancien collabo. Il ressort de tous ces faits que nos initiatives ont pu donner des arguments contre nous en raison du contenu précis de la ligne bourgeoise du IIe Congrès. Les dirigeants révisionnistes firent savoir à leurs militants de base que nous nous étions alliés avec la bourgeoisie, mais ils ne s'en empressèrent pas moins d'établir justement des relations avec l'UJP et même avec "l'Appel". On peut ainsi discerner la valeur des accusations portées contre notre Parti. A nous, dans l'avenir, de savoir éviter de prêter le flanc à de pareilles attaques, en affirmant plus que jamais dans le programme de notre Parti qu'il comporte, avec la lutte contre les deux super-puissances, la lutte contre le capital monopoleur français.
....... La mise en oeuvre du programme du IIe Congrès, sans l'accord du Comité central et en dépit des directives contraires de son Secrétariat, fut par ailleurs l'objet d'entreprises précipitées et plus que suspectes de la part d'un certain nombre de militants de base et de quelques cadres intermédiaires de la région parisienne. On sait dans quelles conditions ces gens, depuis lors écartés de nos rangs, s'efforcèrent d'entrer en relations politiques avec les représentants aux niveaux les plus élevés des partis réactionnaires de la majorité, étroitement liés au gouvernement et à Jacques Chirac eux-mêmes. Des rencontres furent organisées entre des membres de notre Parti et des politiciens comme Roger Chinaud, le troisième personnage des Républicains indépendants, aujourd'hui Parti républicain (PR), après Giscard d'Estaing et Michel Poniatowski, alors ministre de l'Intérieur, ou comme Joël Le Tac, de l'UDR, bien connu pour ses activités de barbouze. Un meeting où devaient s'exprimer côte à côte notre Parti et des réactionnaires fut envisagé dans le XVIIIe arrondissement, et l'interdiction d'y participer lancée par notre Secrétariat du Comité central fut violemment contestée par un cadre intermédiaire et quelques militants de base qui s'y étaient préparés.
....... Il est clair aujourd'hui que cette ultime phase du développement de la ligne bourgeoise du IIe Congrès mit en évidence l'existence d'une ligne cohérente qui s'était dissimulée jusque-là sous la ligne juste de critique des positions du CTP, mais qui se démasqua à partir de la rectification et déboucha pour certains militants sur des positions antagonistes et même fractionnelles.
....... La lutte pour combattre ces représentants de l'idéologie de l'ennemi de classe fut difficile au début, puis réussit peu à peu à reprendre le dessus, notamment à partir des succès constitués par le Rassemblement ouvrier du 14 février 1976 puis par la tenue de la Conférence nationale ouvrière. Sur la région parisienne, elle a porté atteinte temporairement au développement de notre Parti et s'est soldée par une régression d'environ cent militants au point de vue quantitatif. Mais cette épuration indispensable a créé les conditions objectives d'un renforcement qualitatif de notre Parti et, désormais, la voie est à nouveau ouverte à des progrès sensibles sur la base de la lutte contre la bourgeoisie capitaliste et contre les deux super-puissances.
....... Il est à noter qu'à l'occasion du dernier voyage de Brejnev à Paris, les tenants de la ligne du IIe Congrès ne se sont manifestés concrètement que par l'absence de toute manifestation réelle, que ce soit par l'intervention de la formation squelettique qu'ils ont créée en provoquant une scission du MIL (Mouvement pour l'indépendance et la liberté) ou par celle du groupe tout aussi maigre qu'ils ont essayé de créer en utilisant abusivement et de façon provocatrice les différences d'analyses de la situation internationale du Parti du travail d'Albanie et d'autres partis marxistes-léninistes comme le nôtre.

Toujours est-il qu'il importait de révéler tous ces faits, car ils témoignent avec éclat des torts importants portés à notre Parti par les erreurs intervenues au IIe Congrès.

 

LE PROCESSUS DE DÉVELOPPEMENT DES IDÉES FAUSSES

....... Comment donc une orientation si grave a-t-elle pu triompher au IIe Congrès ?
....... Avant d'en arracher les vénéneuses racines de classe d'un point de vue autocritique approfondi, examinons le processus concret du développement de toutes ces idées fausses.
....... Le point de départ n'est autre que la juste et nécessaire lutte idéologique menée contre les conceptions et la ligne présentes dans nos rangs qui reflétaient la pression du révisionnisme moderne, cette ligne qu'avaient surtout mise en oeuvre les dirigeants parisiens constitués en CTP .
....... Nous nous trouvons en présence d'un éclatant exemple confirmant l'indication de Mao Tsetoung d'après laquelle au cours d'une lutte entre deux lignes, la ligne juste peut parfaitement recouvrir une ligne fausse qui ne se manifeste pas encore ouvertement et ne se développe qu'à partir d'un certain moment, notamment quand la ligne combattue aura été vaincue et détruite.
....... La lutte idéologique et politique contre la ligne représentée par le CTP fut-elle utile ? Nous pouvons assurer qu'elle fut indispensable et contribua à rejeter efficacement la pression du révisionnisme moderne sur nos rangs. Ce qui ne signifie pas qu'une ligne ou une tendance temporairement écartées ne sont pas susceptibles de revenir ultérieurement à l'offensive à l'intérieur du Parti.
....... En fait, si nous examinons sérieusement les matériaux de notre Parti, nous nous rendons compte que la ligne du IIe Congrès est en germe dans nos rangs dès le déclenchement officiel de la lutte contre la ligne de tendance révisionniste, et même quelque temps auparavant.
....... Le déclenchement officiel par le Comité central de la lutte idéologique active contre les conceptions et pratiques du CTP se situe en avril 1974, lors de la 3ème session du Comité central issu de la 2ème Conférence nationale ayant suivi le 1er Congrès. Mais dès la 2ème session de l'organisme dirigeant du Parti, en décembre 1973, les idées fausses portant atteinte à la ligne fondamentale du Parti sont déjà présentes au sein du Comité central. Voici un passage éloquent à cet égard extrait du Rapport de décembre 1973, présenté devant le Comité central sur la question de la rivalité entre les deux super-puissances ; à propos de la "situation politique en France", il est dit :
....... "...Les contradictions de la société française peuvent se ramener à deux grandes catégories: les contradictions entre les diverses classes et couches de la bourgeoisie, les contradictions de la bourgeoisie.
....... Ces derniers temps, les luttes des masses populaires contre le capital monopoleur se sont développées en profondeur et en largeur: chaque mois, de nouvelles catégories sont entrées dans la lutte, chaque fois, les luttes ont gagné en intensité et en détermination. Cependant, est-ce que cela suffit pour dire que désormais et pour toujours la contradiction principale chez nous c'est celle qui oppose le prolétariat et les masses populaires à la bourgeoisie ?.. ".

....... Excusez la longueur de la citation, mais elle parait indispensable pour accéder à une juste conscience du processus des erreurs commises. Ce rapport poursuit :
....... "La France est un pays capitaliste: depuis que la bourgeoisie y a renversé la féodalité, la contradiction fondamentale y oppose le prolétariat dominé à la bourgeoisie dominante. C'est là une réalité de base qui ne se transformera qu'avec la révolution prolétarienne (prolétariat dominant - bourgeoisie dominée) et qui ne disparaîtra qu'avec la société communiste.
....... Cependant, l'Histoire nous enseigne que cette contradiction essentielle qui détermine la nature même du système actuel n'a pas toujours été dans le passé dominante, elle n'a pas toujours été celle qui détermine, qui commande de façon décisive l'évolution des autres. Ainsi, au cours de la 2ème guerre mondiale, n'est-il pas vrai que c'est la contradiction entre l'occupant nazi, ses collabos et le front anti-fasciste national qui fut dominante ? Regardez l'essor impétueux des forces révolutionnaires du prolétariat au cours de la lutte: c'est parce que le PCF fut le parti d'avant-garde pour la défense de la patrie que les forces de la révolution prolétarienne ont grandi. A la fin de la guerre, le développement du prolétariat et l'affaiblissement de la bourgeoisie mit au premier plan de nouveau la contradiction entre ces deux pôles: c'est cette contradiction qui domina les autres contradictions de la société en dépit de la ligne opportuniste du PCF, c'est son développement après la guerre qui suscita la panique de la bourgeoisie monopoliste française et détermina son étroite alliance avec l'impérialisme U.S. ".

....... Et, écoutez bien ce qui va suivre, camarades, car nous allons trouver le germe de notre erreur fondamentale:
....... "Ainsi, nous devons combattre les vues figées des phénomènes, mais nous devons étudier sérieusement le processus de développement de la situation, notamment les rapports qu'entretiennent entre elles la contradiction bourgeoisie-prolétariat et la contradiction partisans du capital monopoleur-partisans des deux super-puissances, notamment le social-impérialisme soviétique".
....... Suit un développement sur les comportements des révisionnistes du PCF, et le rapport conclut :
....... "Tout indique que dans le développement inégal des contradictions, c'est la contradiction entre la bourgeoisie monopoliste européenne et les représentants des deux super-grands, surtout les sociaux-impérialistes, qui connaît un début de transformation avec l'apparition d'une phase nouvelle dans les rapports où la lutte a pris le dessus sur l'alliance... ".
....... Toutefois, la dernière proposition restera en-deçà des conséquences directes de cette analyse, puisqu'elle lancera ces mots d'ordre :
....... "Impulser, développer l'action révolutionnaire des masses et se préparer et préparer le peuple en prévision d'une agression ou d'une subversion, telle doit être notre ligne".
....... A quoi s'ajoutera cette ultime phrase encore fort imprécise, mais sans doute déjà assez explicite si elle avait été poussée au-delà : "Cette ligne politique fixe notre ligne militaire ".
....... Chers camarades, nous avons parfois pensé que la ligne bourgeoise du IIe Congrès pouvait n'être qu'un simple accident, survenu fortuitement dans le processus d'élaboration de la ligne de notre Parti. Rappeler les extraits du rapport de décembre 73, qui figure dans le Cahier rouge N°9 édité par nos soins en janvier 1975, nous aide à constater une réalité infiniment plus sérieuse. C'est en vérité beaucoup plus tôt qu'au cours des deux ou trois derniers mois précédant le Congrès que la ligne erronée sur le plan fondamental s'est insinuée dans nos rangs, directement au sein de notre Comité central et nous devons le souligner d'un point de vue autocritique approfondi.
....... Examiner ensuite les contenus des rapports présentés successivement devant les sessions ultérieures de l'organisme dirigeant de notre Parti ne peut que confirmer ce fait en décelant dans ses détails concrets le développement du processus d'élaboration politique conduisant au programme du second Congrès.
....... La 3ème session du Comité central issu de la 2ème Conférence nationale suivant le 1er Congrès, s'est tenue au mois d'avril 1974. Elle revêtit une importance particulière car y fut prise la décision de lancer "une grande campagne de lutte contre l'opportunisme, de critique du subjectivisme et de l'idéalisme et de rectification afin de renforcer la direction de la ligne prolétarienne et d'augmenter la capacité combative du Parti". C'est au cours de cette session que fut proclamé: "La tâche centrale du Parti, c'est de lutter contre le révisionnisme. Combattre le révisionnisme, c'est combattre le pilier N° 1 de la bourgeoisie et de l'impérialisme; c'est travailler à abattre l'obstacle principal à la révolution prolétarienne, c'est faire la Révolution". La conclusion du rapport présenté devant le Comité central comportait cette phrase explicite: "La grande campagne lancée par le Comité central contre les manifestations du révisionnisme moderne est une campagne de rectification et d'éducation, qui intervient au moment où s'exacerbe partout dans le monde la lutte du marxisme-léninisme contre le révisionnisme moderne, dernier rempart de la bourgeoisie et de l'impérialisme... ".

....... Sans trop user de citations, voyons quelles étaient les erreurs déjà contenues dans ce rapport approuvé par la 3ème session du Comité central. Concrètement, la contradiction principale de la société française était réduite à la contradiction entre prolétariat et révisionnisme moderne. On calquait de surcroît sur la France ce que l'on proclamait être la contradiction principale sur le plan mondial, celle opposant le prolétariat et les super-puissances, la plus dangereuse étant le social-impérialisme russe. Et du coup, on omettait la fonction de classe exploiteuse, oppressive et répressive de la bourgeoisie capitaliste monopoliste détentrice du pouvoir et de l'Etat, alors qu'en dépit de la force nullement négligeable représentée par le parti révisionniste, surtout considéré dans son allégeance à son homologue russe, cette bourgeoisie capitaliste monopoliste d'Etat constituait bel et bien un élément concret et nullement escamotable de la situation. La session du Comité central qui suivie, la 4ème session, qui se tint en juin 1974, approfondit encore l'orientation ainsi commencée.
....... Il est absolument indéniable que le rapport alors présenté apporta une contribution utile à une juste compréhension de la situation internationale, notamment par rapport à la ligne de tendance révisionniste qu'il convenait de combattre. Mais si sous cet aspect, ce rapport peut paraître bon dans l'ensemble et même excellent pour certain passages, le ver était déjà dans le fruit et poursuivait son mauvais travail.
....... Au début de la campagne de rectification, nous avions décidé de mener la lutte contre l'influence du révisionnisme dans nos rangs. C'était certes une condition importante de l'efficacité de nos activités pour nous efforcer "d'arracher la classe ouvrière à l'influence du révisionnisme moderne", mais aussi pour que notre parti, en cours d'édification, devienne un authentique parti marxiste-léniniste. Or, dans ce rapport à la 4ème session du Comité central, on s'attaqua davantage aux causes externes qu'aux conditions internes. En quoi aurait dû consister la lutte contre les tendances révisionnistes apparues dans nos rangs ? Il eut alors fallu les corriger dans l'action contre la bourgeoisie et contre le patronat.
Notre parti aurait dû soutenir de grands efforts pour imposer sa démarcation critique et offensive de la ligne et des pratiques contre-révolutionnaires des révisionnistes dans les entreprises et dans les syndicats. Malheureusement, dès ce rapport, on éludait la contradiction principale et l'on se préparait à l'abandon du point de vue de classe, parce que l'on était complètement ébloui et aveuglé par ce seul et unique représentant de l'ennemi : le Parti révisionniste "cinquième colonne" du social-impérialisme russe. Du coup, dans une usine, on exigeait de commencer par démasquer les bonzes révisionnistes du PCF et de la CGT, et ce n'était qu'ensuite qu'on pensait pouvoir lutter contre le patronat. En fait, on préconisait d'opérer exactement à l'inverse de la meilleure façon d'agir, car c'est à l'occasion de la lutte de classe que l'on peut démasquer efficacement la fonction traîtresse des révisionnistes. Aujourd'hui, il noua suffit de voir comment ont agi nos camarades grévistes des foyers Sonacotra, entre autres exemples, pour mieux comprendre quelle est la meilleure et surtout la juste tactique à employer. En affirmant de manière exclusive que le révisionnisme était l'obstacle principal à la révolution prolétarienne, nous escamotions la fonction même de l'Etat capitaliste qui, selon Marx comme Lénine est et reste jusqu'au bout le fondement le plus solide du capitalisme et de la classe bourgeoise. Il eut fallu dire que le révisionnisme était l'obstacle principal A LA PRÉPARATION de la Révolution prolétarienne dans les rangs de la classe ouvrière, mais nous proclamions alors que le révisionnisme constituait l'obstacle principal au niveau de l'ensemble de notre société, sans tenir compte des organes répressifs de la classe au pouvoir , tels la police, l'armée, la justice, etc.
....... Peu après intervint la dissolution du CTP annoncé en juillet 1974 et la 5ème session du Comité central se tint au mois de juillet 1974. A cette occasion encore, des progrès furent accomplis dans la compréhension de la situation internationale, même si l'on relève des passages confus et même erronés dans le rapport alors présenté. Mais il y eut également dans ce rapport confirmation et développement des idées fasses déjà exprimées antérieurement. On introduisit l'idée que la Révolution prolétarienne en France dépendait exclusivement non pas de la contradiction principale et fondamentale de notre société, mais de la situation internationale.
....... "C'est pourquoi nous pouvons dire maintenant que la question centrale c'est de bien comprendre les liens existant entre les conditions internes des bouleversements en France et les conditions externes. De quoi s'agit-il ? Il s'agit d'abord et avant tout de bien saisir ce que veut dire "la révolution prolétarienne en France est une partie de la révolution mondiale". "
....... Suivons bien le raisonnement qui va suivre: il semble confus au début mais n'en est pas moins explicite dans sa cohérence et sa persévérance vers l'erreur.
....... "La ligne de droite dons nos rangs a tenté d'escamoter cette réalité de base selon laquelle la révolution prolétarienne en France est une partie de la révolution mondiale, en infléchissant la ligne du Parti de façon à la faire dévier de sa cible. Car telle est pour nous la question centrale: comment viser la cible de notre révolution avec la flèche du marxisme- léninisme ?
....... L'objectif de la révolution mondiale socialiste, c'est le renversement définitif du système impérialiste dont les piliers principaux sont, à l'heure actuelle, les deux super-puissances".
....... Et voyez comment nous allions passer du niveau mondial au niveau national :
....... "La cible de la révolution prolétarienne en France, c'est le renversement du capitalisme et de l'impérialisme dont les plus acharnés défenseurs sont l'impérialisme américain et le social-impérialisme soviétique, ainsi que le capital monopoliste et les autres forces de la réaction intérieure qui trahissent les intérêts de la nation ".
....... Ici, nous avions repris en la forme le point 10 des Propositions en 25 points, mais voyons maintenant comment nous allions, sur le fond, en escamoter une partie :
....... "Dans les faits, sous la pression de la ligne opportuniste, le parti a bien souvent perdu de vue cette cible. Combien de camarades n'ont pas eu dans la tête cette idée qu'il faut d'abord renverser le capital monopoleur dans notre pays et après "on verra" !
Mais c'est là une vue coupée de la réalité car pour conduire la révolution à la victoire en France, il s'agit non seulement de préparer le Parti sur tous les plans à la Révolution violente mais également d'éduquer et de préparer les masses. Or, peut-on parler de préparation et du parti et des masses si l'on imagine un instant que les deux super-puissances et notamment le social-impérialisme soviétique resteraient les bras croisés alors qu'une bonne part de l'économie nationale est investie par les capitaux américains et que les expansionnistes soviétiques nourrissent des ambitions sur l'Europe tout entière ?".
....... Et ici, le rapport à la 5ème session du Comité central issu de la 2ème Conférence nationale suivant le 1er Congrès, parvenait à une affirmation qui réapparaîtra à peu près exactement dans les mêmes termes dans le programme du IIe Congrès :
....... "Du point de vue de la révolution prolétarienne en France, il n'existe que deux solutions: ou bien la révolution éclate en France ( et probablement dans d'autres pays de l'Europe de l'ouest) et cela suscite l'intervention des deux super-puissances rivales, ou bien de la guerre entre les deux super-puissances pour contrôler l'Europe sortira la révolution prolétarienne".

....... Il faut pourtant remarquer que notre processus créateur se heurtait aux enseignements antérieurs et nous imposait des hésitations qui sont encore manifestes dans la fin de ce rapport.
De fait, n'envisager que de façon quasi-exclusive la menace d'un autre ou de plusieurs autres impérialismes intervenant contre notre Révolution pouvait conduire à reprendre à notre compte la fameuse ligne qu'imposa Maurice Thorez par exemple au peuple algérien: "Ne faites pas la révolution contre le colonialisme français parce que les fascistes italiens et nazis vous guettent et ne manqueraient pas d'en profiter !". Heureusement, notre Comité central n'en vint cependant jamais jusque-là.

....... Quels sont les enseignements de la Révolution d'octobre 1917 ? Abattre le pouvoir des tsars puis de leurs successeurs bourgeois ne risquait-il pas de provoquer l'effondrement militaire devant l'offensive étrangère ? Faire la révolution russe ne risquait-il pas de provoquer l'intervention des allemands mais aussi d'autres impérialismes, ce qui se produisit en définitive d'ailleurs ? Mais Lénine sut choisir le moment le plus opportun du point de vue tactique, et de ce fait, au prix même du compromis passé par la paix de Brest-Litovsk, put assurer la victoire de la Révolution prolétarienne.
N'était-ce pas une ligne franchement pessimiste et opportuniste que de ne discerner que les menaces effectives des deux super-puissances pour définir la voie de notre Révolution prolétarienne ?

....... Nous avons établi par cette étude de nos documents les plus officiels émanant du Comité central que le processus d'apparition des erreurs, fondamentales ou non, contenues dans le programme du IIe Congrès s'étendit sur une période d'environ une année et ne fut nullement fortuit, comme nous avions tendance à le croire à une certaine époque.

MANIFESTATION ACCELÉRÉE DE LA LIGNE ERRONÉE
A LA VEILLE DU IIè CONGRÈS
 

....... Nous allons voir maintenant comment ce processus s'affirma, se confirma et s'accéléra dans le cadre de la préparation du IIe Congrès, et comment il se trouva renforcé par un courant politique assez important à la base même du Parti, notamment dans la région parisienne.
....... Les positions de tendance révisionniste du CTP firent l'objet d'autocritiques des camarades qui en avaient assumé la responsabilité, et la campagne d'active préparation du Congrès put s'engager début 1975 sur cette base juste en même temps que sur celle contenue dans les rapports et autres documents du Comité central, tels que nous venons de les évoquer de manière critique. De fait, en janvier 1975, le Comité central édita le "Cahier rouge N°9" sous le titre: "La lutte contre le social-impérialisme soviétique et le révisionnisme moderne", qui contint les textes des rapports politiques présentés devant les 2ème (extrait seulement), 3ème, 4ème et 5ème sessions plénières du Comité central issu de la 2ème Conférence nationale suivant le 1er Congrès du PCMLF.
....... Le Comité central avait exprimé le désir d'améliorer sensiblement le fonctionnement du centralisme démocratique. Dans ce but, il avait désigné deux commissions exclusivement composées de camarades dirigeants centraux, une commission chargée d'élaborer le projet des nouveaux statuts à soumettre à la discussion des cellules, une commission chargée d'élaborer le projet de programme à soumettre également aux cellules. Ces commissions travaillèrent de manière inégalement efficace. La première parvint assez rapidement à soumettre au Comité central un document, qu'il retint après quelques amendements, comme premier projet de Statuts transmis aux cellules. Celles-ci firent remonter leurs remarques, critiques et suggestions, la Commission en tint compte pour mettre au point un deuxième projet plus élaboré et ratifié par le Comité central, et ce fut finalement ce deuxième document, sous réserve de quelques ultimes corrections et rajouts qui fut adopté par le IIè Congrès. Il y a vraiment lieu de considérer qu'en la circonstance avait fonctionné correctement le centralisme démocratique.
....... Mais il n'en fut pas de même pour le programme. Certes des efforts délibérés furent entrepris par le Comité central, mais ils se heurtèrent sans nul doute aux difficultés que dressaient les erreurs déjà entérinées lors des 2ème et 5ème sessions, même si dans son ensemble le Comité central n'en avait pas encore claire conscience.
....... La Commission chargée d'élaborer le projet de programme commença par mal fonctionner, ne se réunissant pas ou qu'avec une minorité de ses membres, d'autres étant absents. Finalement, le Comité central dut se résoudre pour ne plus laisser passer le temps, à transmettre aux cellules un projet à la rédaction duquel avaient participé effectivement deux camarades. La décision de publication intervint dans la précipitation à la fin d'une session du Comité central, la rédaction n'étant pas achevée. C'était là bien évidemment une très mauvaise méthode de travail qui nécessite une autocritique et une rectification dans la méthode. Le Comité central n'avait pu apporté lui-même l'attention suffisante à l'examen et à l'amélioration nécessaire de ce projet. Ce projet fut envoyé à la base du Parti. Il avait été décidé lors de la session du Comité central tenue en novembre 1974, adopté lors de la session de janvier 1975 il fut donc transmis tel quel. Il figura dans le Bulletin intérieur N°35. Si nous le relisons aujourd'hui, nous nous rendons compte qu'il ne contenait pas les erreurs sur la ligne fondamentale qui figureront dans le programme du IIe Congrès, mais ce n'était cependant pas un bon document, il comportait de nombreux passages confus, avec des répétitions et ne reposait sur aucun plan clairement ordonné pour constituer un programme. Au surplus, il avait le défaut d'être trop général.
....... Que se passa-t-il par la suite ?
....... Une campagne critique assez soutenue condamna ce projet, tout particulièrement dans certaines cellules de la région parisienne, qui se déchaînaient furieusement contre l'ancienne direction critiquée et dissoute, le CTP ( ces cellules étaient animées par les futurs partisans acharné du IIe Congrès ).
....... D'autre part, ce projet ne remporta pas le soutien enthousiaste du Parti en province. Faisant le point, le Bureau politique en vint à s'alarmer sans doute outre mesure d'une telle situation, décida l'annulation de ce projet et chargea le secrétaire politique de rédiger "en catastrophe" un nouveau texte de projet. Celui-ci fut soumis uniquement aux membres du Comité central résidant dans la région parisienne, puis ratifié après discussion il fut ronéoté et transmis aux cellules fin février semble-t-il (document comportant six pages et trois titres, le dernier étant " Ligne tactique actuelle ".
....... Quand on sait que le IIe Congrès s'est tenu les 8 et 9 mars 1975, on peut remarquer que les cellules n'ont pas pu étudier, discuter, critiquer et amender ce nouveau projet de programme. Différentes régions et de nombreuses cellules ont indiqué par la suite ne l'avoir pas eu à temps. Seuls les délégués le reçurent effectivement et ne purent l'étudier sérieusement faute de temps suffisant.
....... Quel était le contenu de ce projet !
....... Il définissait l'objectif final et l'objectif stratégique actuel de notre Parti dans des termes qui ont presque entièrement subsisté dans le programme du IIè Congrès. Mais la totalité de sa partie intitulée "Ligne tactique actuelle" n'a plus du tout figuré dans le programme issu du IIe Congrès.
....... Nous avons procédé à un rapprochement systématique de ce projet et de ce qui en a été retenu globalement par le IIe Congrès. Nous y avons trouvé quelques modifications, dont nous ignorons si elles furent imposée lors d'une discussion des membres du Comité central présents à Paris avant la transmission aux cellules ou lors de la discussion au IIe Congrès lui-même. Tel est le cas, révélateur de l'offensive menée par la ligne qui triompha au Congrès, en ce qui concerne un passage figurant à la première page à propos de la Révolution prolétarienne. Le programme définitif a supprimé la phrase suivante : "...que la victoire (donc de la Révolution prolétarienne) intervienne avant où à l'issue d'une guerre mondiale... ". La suppression de ce passage revenait à rejeter l'éventualité de la Révolution prolétarienne avant la guerre, c'est-à-dire dans le cadre intérieur par l'assaut du prolétariat contre la bourgeoisie capitaliste monopoliste et tous les défenseurs du système capitaliste.

....... Nous avons aussi déjà souligné que ce projet, et même ce qu'il en est demeuré après le IIe Congrès, comportait l'énoncé explicite de la contradiction fondamentale de notre société. Mais poursuivant nos efforts critiques et autocritiques aussi bien que le recherche des idées justes auxquelles nous étions alors parvenus, voyons ce qui figurait dans la deuxième partie de ce projet que ne retint pu le IIe Congrès.
....... Cette partie prévoyait la capitulation et la trahison de la bourgeoisie en cas de crise mondiale due à une guerre entre les deux super-puissances, elle réaffirmait la possibilité de la Révolution sans guerre, elle indiquait que "l'indépendance nationale s'identifierait à la Révolution prolétarienne", mais reflétant le processus d'élaboration de la ligne à travers les sessions successives du Comité central, dont le Secrétaire politique tout comme l'unanimité du Bureau politique et du Comité central avaient adopté les rapports politiques successifs, cette deuxième partie du projet, en contradiction avec sa première partie, présentait les deux super-puissances comme "cible principale". Au cours du Congrès, toutefois, cette deuxième partie fut jugée insuffisante par plusieurs délégués, dont on sait aujourd'hui qu'ils étaient de farouches partisans de l'abandon de la lutte contre l'ennemi principal du prolétariat en France pour concentrer tous les efforts exclusivement contre les deux super-puissances, elle fut entièrement rejetée et une commission du Congrès comportant d'ailleurs des membres du Comité central sortant rédigèrent la nouvelle mouture que nous avons critiquée en détail au début de ce document. A l'unanimité moins le délégué de Strasbourg, dont les positions correspondaient à celles du CTP, le Congrès adopta ce programme sans réelle discussion approfondie et à l'issue d'une seule lecture rapide.
....... Pour compléter cette relation des circonstances, nous devons encore souligner que le rapport politique, réédité en mai 1975 dans le Cahier rouge N° 11, fut envoyé par le Secrétariat aux délégués des conférences locales avant le Congrès lui-même pour permettre son étude dans le cadre du fonctionnement du centralisme démocratique. Mais il arriva dans des délais trop brefs pour permettre une étude sérieuse. Quelques conférences locales, certains délégués, même, n'en eurent connaissance qu'après le Congrès à cause des difficultés dans l'acheminement des textes. Mais, plus grave, ce document ne fut pas même évoqué ni discuté au IIe Congrès. Ce fut là d'autant plus néfaste qu'il comportait un important contenu en cinq chapitres :
I.- La légitimité historique et statutaire de notre IIe Congrès ;
II.- Le bilan positif et autocritique de l'activité du Parti du 1er au IIe Congrès;
III.- Nos tâches d'édification du Parti (la discipline, le fondement théorique de notre Parti : le marxisme-léninisme et la pensée maotsetoung, pratiquer l'autocritique, lier le Parti au prolétariat et aux masses populaires) ;
IV.- L'activité prolétarienne du Parti dans la classe ouvrière ( comment doivent travailler nos cellules d'entreprise ?) ;
V.- Une conclusion intitulée : "Seul le Parti de la classe ouvrière dirigeant le mouvement révolutionnaire des masses peut faire triompher la révolution prolétarienne et préserver l'indépendance nationale".
....... Deux annexes présentaient des textes anciens du Parti, notamment sur "la nature de la révolution en France, notre objectif stratégique", ce document étant fondé sur la contradiction principale de notre société entre prolétariat et bourgeoisie.

....... Indépendamment des responsabilités propres au Comité central, sur lesquelles nous allons revenir d'un point de vue autocritique, il importe ici de souligner que la tenue du IIe Congrès comme de certaines conférences régionales ou assemblées de cellule qui le précédèrent, manifestèrent l'existence du courant politique qui triompha dans le programme adopté par le IIe Congrès. Cette orientation se manifesta de manière assez vive dans la région parisienne, ou des cellules et des comités de Parti qui s'étaient opposés depuis des années avec le CTP, profitèrent de son élimination pour déchaîner une campagne idéologique et politique passionnée. Plusieurs des militants qui y participèrent recoururent non point à la lutte idéologique active au sein du peuple, mais dénoncèrent les membres du CTP qui venaient de présenter leurs autocritiques de façon sincère et approfondie, comme les représentants du révisionnisme moderne infiltré par l'ennemi dans le Parti, et agirent en vue d'obtenir leurs éliminations pures et simples. Cet militants transformaient les contradictions du CTP et de la masse des membres du Parti au niveau national en contradictions antagonistes avec l'ennemi.
....... Ce sont aujourd'hui tous ces gens que nous avons dû nous résoudre à écarter du Parti en raison de leur refus d'en respecter les principes statutaires et organisationnels, sous prétexte de "défendre la ligne du IIe Congrès" ce sont ces gens qui ont provoqué la scission du MIL, ce sont encore ces gens qui ont tenté d'user des différences d'analyses internationales du Parti frère albanais et de notre Parti pour provoquer une scission de nos rangs, mais comme on sait, ils ont lamentablement échoué.

 

LES RACINES DE LA LIGNE BOURGEOISE DU IIe CONGRÈS

....... Passons maintenant à la recherche des racines des erreurs, fondamentales ou non, du IIe Congrès, en vue de pratiquer les autocritiques nécessaires.
....... La Conférence nationale ouvrière de 1976 a amendé, enrichi et adopté à l'unanimité le rapport autocritique de notre Comité central, après qu'il ait été l'objet d'un large et profond débat centraliste démocratique. Ce rapport contenait le rappel de la Résolution votée par la 7ème session plénière du Comité central issu du IIe Congrès, présenté après les constatations critiques et autocritiques suivantes :
....... "En 1973 a été généralisée une lutte contre une ligne révisionniste qui fut poursuivie jusqu'à la réalisation d'une nouvelle unité, sur la base de l'autocritique des camarades qui défendaient ces positions.
....... Malgré cette victoire, ce n'est pas la ligne prolétarienne mais l'expression d'une ligne bourgeoise qui est apparue au IIe congrès. Elle plaçait le Parti sur les positions de classe de la bourgeoisie.
....... C'est le Comité central sortant qui est le principal responsable de cette erreur fondamentale".
....... Rappelons la Résolution de la 7ème session plénière du Comité central issu du IIe Congrès :
....... "Au cours de sa 7ème session plénière suivant le IIe Congrès, le Comité central a estimé :
1- a) que la composition sociale du Parti a été un terrain favorable pour le développement d'une telle ligne, mais elle ne peut être considérée comme la seule explication valable ;
b) que le centralisme démocratique avant et pendant le Congrès n'a pas fonctionné correctement, sauf en ce qui concerne les Statuts.
2- Le Comité central s'engage, dans le cadre de la préparation du IIIe Congrès, à approfondir les racines idéologiques et politiques de la ligne exprimée dans le programme en y faisant largement participer tous les organismes du Parti.
3- Le Comité central estime que la lutte d'idées qui s'est déroulée dans les rangs du Parti d'août 1973 ( Déclaration du BP ) au IIe Congrès sur la nature impérialiste de l'URSS, sa position de danger principal en Europe, sur les rapports entre les deux super-puissances, sur la nature du PCF, agent du social-impérialisme russe et partie intégrante de la bourgeoisie, a contribué à élaborer des points fondamentaux de la ligne du Parti".
....... Nous allons successivement étudier les erreurs et insuffisances du Comité central en les passant aux cribles successifs du fonctionnement organisationnel et du contenu idéologique et politique.
....... Il est exact qu'en dépit de la volonté subjective délibérée du Comité central, le centralisme démocratique n'a pu fonctionné dans les meilleurs conditions, sauf pour l'élaboration des Statuts.
....... Nous avons relevé les difficultés rencontrées pour la rédaction du programme au niveau de la Commission du Comité central qui en était chargée, puis de nos organismes dirigeants eux-mêmes. Ces difficultés ont provoqué une certaine précipitation et, de ce point de vue, on doit considérer que l'organisme dirigeant du Parti n'a pu assumé correctement sa tâche. Il lui appartenait en effet de mettre au point avec plus de sérieux, de persévérance et de justesse le texte devant servir à la discussion démocratique des cellules. Il devait aussi prendre le temps de centraliser efficacement les avis, les propositions, les amendements et les critiques exprimées par les cellules à l'occasion de l'examen approfondi qu'elles devaient effectuer. La combinaison efficace entre le sommet et la base du Parti par une ou plusieurs navettes de discussion et d'élaboration n'a pu se développer convenablement. Il suffit de comparer les conditions de réalisation de cette tâche par rapport à celles qui ont prévalu pour la mise au point des Statuts, ou par la suite pour la préparation de notre dernière Conférence nationale ouvrière, pour discerner de graves insuffisances dans le fonctionnement organisationnel du centralisme démocratique.
....... D'ailleurs, à cette époque, les organismes dirigeants du Parti eux-mêmes n'étaient pu encore parvenus à un style de travail périodique et collectif assumant leur pleine et totale efficacité. C'est sur la base autocritique du IIe congrès que des progrès importants ont été réalisés sur ce plan. Quand on étudie rétrospectivement cette question du fonctionnement de notre Comité central et de ses organes exécutifs, on discerne clairement le processus d'édification de notre centre et son fonctionnement qui s'est déroulé depuis le Congrès constitutif du Parti, et qu'a entravé gravement durant une assez longue période l'interdiction du Parti et ses conséquences de fonctionnement clandestin.
....... Il n'est donc pas douteux que nous devions incriminer de sérieuses insuffisances à propos du centralisme démocratique et des méthodes de direction. Mais ces insuffisances peuvent-elles expliquer à elles seules les erreurs, fondamentales ou non, du IIe Congrès ? Certainement pas, même si elles ont contribué à en aggraver les effets dans une certaine mesure. Il faudrait pouvoir établir que la majorité de la base du Parti était en désaccord conscient et délibéré avec le programme et les documents issus du IIe Congrès pour nous permettre d'affirmer que le seul mauvais fonctionnement du centralisme démocratique est à l'origine des erreurs. Or tel n'est pas le cas, car au lendemain de la publication, il n'y eut que très peu de désaccords exprimés par les cellules. En général, la réaction de nos camarades se traduisit dans une espèce d'expectative et, seules des cellules d'entreprises confrontées à la pratique d'une ligne très difficile à mettre en oeuvre dans leurs usines, exprimèrent quelques réactions.
....... Nous devons donc pas considérer que la source, la racine fondamentale de la ligne bourgeoise du IIe Congrès s'est trouvée dans le fonctionnement organisationnel insuffisant du centralisme démocratique, ni même dans des méthodes de direction erronées.

....... Dans l'exposé du processus de développement que nous avons fait, à travers les rapports présentés et adoptés par les sessions plénières successives du Comité central comme à travers les rédactions successives des projets de programme, nous avons discerné le phénomène de l'apparition et de la croissance des idées fausses. Comment en définir le mécanisme ?

....... Prenons un exemple concret, que nous avons déjà analysé entre nous. Comment sommes-nous parvenus à proclamer que la guerre était "imminente" ? La réponse est simple et double à la fois: ce qualificatif est passé une fois, une seule fois paraît-il, dans un article publié par l'Agence Chine nouvelle et peut-être s'agissait-il d'un article repris de notre propre presse ! Du coup, l'un d'entre nous l'a retenu, l'a introduit plus systématiquement dans notre vocabulaire et personne ne s'est véritablement préoccupé de la portée idéologique et politique d'un si petit mot. Au surplus, et c'est en cela que sa fonction fut d'une double portée, c'est-à-dire non seulement formelle mais conceptuelle, cette imminence de la guerre a rencontré un état d'esprit extrêmement réceptif chez un certain nombre d'entre nous, ne serait-ce qu'en raison de la multiplicité des événements mondiaux qui survenaient alors. Il ne faut pas oublier le bouillonnement subjectiviste des esprits de plusieurs d'entre nous, par exemple au moment de l'offensive du Parti révisionniste portugais. Des camarades voyaient déjà les chars russes dans les rues de Lisbonne et ne s'en tenaient pas calmement à la simple réalité des faits, dont il ne s'agit pas de minimiser les éléments inquiétants.
....... Il se trouva que des questions posées par la base nous conduisirent à préciser ce que nous entendions par guerre "imminente", et sans doute ce fut là pour nous la première occasion d'y réfléchir plus profondément. Mais nous nous sommes dégagés de ce délicat problème par une référence sommaire à Lénine: la guerre était "imminente" parce que "toutes les conditions de son déclenchement étaient réunies".
....... Le tour était joué, certes involontairement. Mais pourquoi donc ? Tout simplement parce que nous procédions par affirmations, parce que nous nous convainquions nous-même de faits, de situations qui n'étaient pas la réalité, mais naissaient de nos interprétations.

....... Voilà: la guerre étaient-elle sur le point d'éclater ? Non point. Même actuellement les deux super-puissances dont on ne peut ni ne doit nier les volontés expansionnistes et hégémonistes en particulier sur l'Europe, ne sont pas encore prêtes à s'affronter, ni l'une ni l'autre. Plusieurs occasions sérieuses se sont présentées qui aurait pu servir de détonateur à la guerre: la situation au Liban, l'intervention soviéto-cubaine en Angola, l'agression de mercenaires contre le Zaïre et la contre-attaque soutenue par l'impérialisme français et les troupes marocaines. Mais voilà, les deux super-puissances préparent la guerre sans être parvenue pour l'instant au bout de leurs préparatifs, ni au déséquilibre de l'une ou l'autre par rapport à son adversaire. Et nous, nous proclamions voilà maintenant deux ans que les combats étaient imminents. Dans nos rangs, des esprits surchauffés exigeaient des séances d'entraînement militaire, des camarades voulaient un service militaire pour les femmes, et, fait combien plus grave, nous ne cessions de demander à la bourgeoisie l'amélioration de son armée et la mise en oeuvre de moyens de combat dont nous espérions qu'ils resteraient exclusivement au service de la défense nationale. Si bien qu'un officier supérieur de la bourgeoisie donna en exemple "L'Humanité Rouge" dans une caserne !!
....... Comment qualifier de si graves errements et cette méthode de pensée et d'élaboration politique ?
....... C'était du subjectivisme, de l'intellectualisme et du suivisme envers tout ce que nous lisions sous la plume de nos camarades chinois, mais avec cette précision que nous lisions fort mal et que nous interprétions à notre manière ces écrits. D'un seul mot, nous pouvons dire que nous étions tombés en plein idéalisme. Nous ne partions pas de l'ensemble des réalités concrètes du moment et nous ne discernions pas les composantes contraires des événements. Nous ne fixions nos jugements et notre ligne qu'en fonction de nos hypothèses et des constructions de nos imaginations. Quant au suivisme, il nous décollait des réalités nationales françaises.

....... Sur le plan philosophique, cela signifie que nous avions complètement abandonné la méthode d'analyse et de synthèse préconisée par Marx, Lénine et Mao Tsetoung, le matérialisme dialectique. Nous avions une pratique de pensée et d'action propres à la bourgeoisie, et notamment à la petite-bourgeoisie intellectuelle, opposée à celle du prolétariat.

....... Nous pouvons affirmer d'un point de vue autocritique que la racine des erreurs, fondamentales ou non, du IIe Congrès se situe dans l'idéologie alors dominante dans nos rangs, dans notre direction en particulier, l'idéologie de la petite-bourgeoisie.

....... Il est exact que notre Comité central ne comptait pas encore un nombre suffisant de camarades ouvriers, riches d'expériences politiques et sociales concrètes effectuées sur la base de leur travail.

....... Mais, devons-nous, dans ces conditions, "couper les têtes" de tous les camarades non ouvriers sous prétexte qu'ils ne disposent pas d'une connaissance pratique des conditions d'existence et de lutte des travailleurs ? Et devons-nous n'accorder confiance, les yeux fermés, qu'à des camarades qui viennent des usines ou autres entreprises ?

....... Nous agirions encore de manière idéaliste si nous nous abandonnions à de telles réactions. La vérité, c'est qu'il ne s'agit pas d'une opposition irrémédiable entre ouvriers et petits-bourgeois en ne retenant que leurs origines de classe respectives.
....... La contradiction réside entre idéologies prolétarienne et petite-bourgeoise. C'est là un phénomène différent. Un ouvrier peut parfaitement faire preuve d'idéologie bourgeoise. Malheureusement, le révisionnisme moderne a largement enraciné cette dernière dans les esprits de nombreux travailleurs qui, d'ailleurs, vivent et travaillent dans une société où domine l'idéologie de la bourgeoisie servie par la puissante superstructure que l'on sait. Un petit-bourgeois peut par contre, fort bien accéder à des positions idéologiques prolétariennes. Les choses ne sont donc pas si simples.
....... Il importe d'agir de façon à empêcher l'infiltration et le développement de l'idéologie et par suite de la politique de la bourgeoisie dans nos propres rangs.

....... Dans ce but, il convient de réaliser concrètement le juste mot d'ordre qui incite à donner tous les leviers de commande du Parti à la classe ouvrière. La connaissance et l'expérience des luttes par la classe ouvrière lui confèrent une capacité supérieure aux autres classes exploitées. Cela ne signifie pas qu'il faut promouvoir tous nos camarades ouvriers aux postes de commande du Parti à tous les niveaux, mais qu'il est impérieux de placer aux fonctions dirigeantes des militants et des cadres qui s'en tiennent dans la pratique de leur pensée et de leur activité à l'idéologie prolétarienne et naturellement, c'est bien parmi nos camarades authentiquement ouvriers qu'ils sont les plus nombreux.

....... Depuis le IIe Congrès, nous avons effectué une rectification profonde de nos méthodes de pensée, d'élaboration de la ligne et d'action, et nous avons rejeté dans la pratique les erreurs antérieures.

....... Cependant, nous devons continuer à faire preuve de la plus extrême vigilance car la lutte entre deux voies, entre deux lignes, entre deux idéologies et entre deux classes, n'est pas et ne sera pas terminée dans les rangs de notre Parti aussi longtemps qu'il grandira et vivra.

....... La critique et l'autocritique auxquelles s'appliquent les membres du Comité central sont collectives et engagent les responsabilités de chacun d'entre eux, y compris, bien entendu, du Secrétaire politique en personne. Elles ne peuvent qu'aider efficacement tout le Parti à réaliser de nouveaux progrès sur tous les plans, idéologique, politique et organisationnel. Elles ont un caractère éducateur positif.

....... Le Comité central n'a pas enregistré dans ses propres rangs de contradictions portant sur la ligne fondamentale et sur le principe de l'autocritique. Les discussions parfois vives qui sont intervenues en son sein depuis le IIe Congrès ont toujours conservé le caractère de lutte idéologique active au sein du peuple. C'est pourquoi le Comité central n'a pas recouru à des mesures de sanction contre l'un quelconque de ses membres.
....... Conscient de la gravité et du caractère de classe des erreurs du IIe Congrès, le Comité central souhaite que les cellules enrichissent encore concrètement sa propre autocritique en participant à la critique approfondie de la ligne bourgeoise dont il a porté la responsabilité principale. Ainsi seulement triomphera efficacement dans l'ensemble du Parti la ligne prolétarienne que le IIIe Congrès du Parti devra opposer avec justesse, fermeté et conséquence à la ligne bourgeoise du IIe Congrès.
....... Agissons tous ensemble pour que le IIIe Congrès du Parti communiste marxiste-léniniste de France constitue une victoire idéologique, politique et organisationnelle de la classe ouvrière et des masses populaires de notre pays dans la préparation de la révolution prolétarienne ! 

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