Front-Rouge n°79 -12 juillet 1973- page 5

 un tournant bien significatif de l'humanité rouge

     Dans leur dernière publication, les dirigeants de l'Humanité "Rouge" : amorcent un virage très intéressant. Nous n'embarrasseront pas nos colonnes de réponses à leurs diverses calomnies ; nous ne reprendrons pas une à une toutes leurs bêtises politiques : nous avons déjà eu l'occasion de stigmatiser le comportement anti-unitaire et opportuniste de cette organisation petite bourgeoise, mais aujourd'hui nous avons le devoir de mettre en garde tous les militants qui se rattachent de près ou de loin au marxisme-léninisme contre l'évolution particulièrement dangereuse de la ligne de l'Humanité "Rouge". 

    En effet, dans les derniers mois, une lutte semblait se dessiner au sein de cette organisation entre des positions de principes, vagues et générales mais correctes, notamment contre l'électoralisme, contre les orientations réformistes du programme commun des partis de gauche d'un côté, et d'un autre côté des positions particulièrement opportunistes tendant à mettre une partie du mouvement révolutionnaire à la remorque des révisionnistes modernes. La coexistence de ces diverses positions dans le journal dissimulait mal cette lutte : il est clair aujourd'hui qu'a triomphé sans partage la ligne opportuniste à 100%. En quoi consiste-t-elle ?

     Les deux derniers numéros de l'Humanité "Rouge" désignent à l'évidence la lutte antifasciste comme l'axe principal de lutte offert à ses militants. Le dernier numéro lui est pratiquement consacré en entier. De ce choix résultent de très graves conséquences : --d'abord dans un appel aux militants du P"c"F disparaît toute critique marxiste-léniniste des positions bourgeoises, contre-révolutionnaires de ce parti. Alors même qu'une large partie de la classe ouvrière, par delà ces militants, est abusée par des illusions réformistes développées par le P"c"F, alors même qu'elle est détournée de la perspective de la révolution par la voie sans issue de la démocratie avancée, s'adresser au P"c"F quand on prétend être marxiste-léniniste, sans souligner le rôle d'auxiliaire précieux de la bourgeoisie joué par le révisionnisme, c'est abdiquer toute conscience révolutionnaire, c'est sombrer dans le plus grand opportunisme.

-- ensuite caractériser principalement la Ligue trotskiste comme une organisation anti-fasciste, c'est se vouer délibérément à être aveugle sur le rôle effectif joué par les trotskistes au profit du révisionnisme donc de la bourgeoisie.

    Ces conséquences proviennent d'une très grave erreur politique commise par les dirigeants de l'Humanité "Rouge". Cette erreur consiste à intervertir systématiquement causes et effets. Au moment même où d'important détachements de la classe ouvrière principalement chez les OS entrent en lutte de façon résolue contre leurs exploiteurs, les révisionnistes du P"c"F et de la CGT, leurs acolytes réformistes du PS et de la CFDT se montrent incapables de donner un débouché à ces luttes dont les mots d'ordre entrent en contradiction avec les perspectives du programme commun. Il en va de même avec le mouvement résolu des travailleurs immigrés contre la circulaire Fontanet. Face à ces mouvements, la bourgeoisie qui trouve les réformistes ou débordés ou absents des luttes, emploie fréquemment la répression brutale des ses forces de police. Répression directe et répression indirecte par l'entremise des organisations réviso-réformistes, telle sont les deux armes absolument solidaires de la bourgeoisie face à la révolte des travailleurs. Quand les révisionnistes et les réformistes rencontrent cette impasse, comme au lendemain de leur échec électoral, la bourgeoisie a tendance à utiliser la répression directe, peu confiante qu'elle est dans ses propres tentatives démagogiques.

    Au moment même où se font jour les bases d'une cassure entre les révisionnistes et une frange avancée des masses, s'agit-il comme le préconise l'Humanité "Rouge" de tendre la main aux militants du P"c"F pour les inviter à une illusoire unité antifasciste ou s'agit-il d'ouvrir les yeux à la classe ouvrière, d'étendre en la rendant consciente cette cassure, constatée dans les principaux mouvements actuels entre les révisionnistes et les travailleurs en lutte ?

    En réalité, ce que l'Humanité "Rouge" et avec elle quelques autres mouvements petits bourgeois, baptise fascisation n'est que l'apparition à visage découvert de la démocratie bourgeoise là où le révisionnisme et le réformisme sont en recul. Ce que l'Humanité " Rouge " est incapable de comprendre, c'est que la menace fasciste n'a de sens et de réalité qu'avec un recul qualitativement différent du révisionnisme et du réformisme, qu'avec une progression plus large et plus conséquente de la perspective Révolutionnaire dans les masses.

    Là où la tâche des Révolutionnaires consistent à prendre en main l'organisation des travailleurs et la défense de leurs aspirations réelles, et par la riposte à la répression de la bourgeoisie qu'ils encourent dans leurs luttes, l'HR trouve le moyen de proposer un front défensif contre le fascisme, masquant et la nature de la démocratie bourgeoise, dictature violente sur les masses exploitées, et la nature du révisionnisme, au moment où il se trouve en recul.

    O au moment où les révisionnistes du P"c"F tentent de refaire leur image de marque en se présentant comme les meilleurs défenseurs de libertés, au moment où ils rivalisent avec le PS pour occuper toute la place que la bourgeoisie assigne à la sociale-démocratie en vue des élections à venir, au moment donc où le P"c"F cherche à rallier à lui, pour faire l'appoint de voix, les couches indécises de la petite bourgeoisie, la tâche des révolutionnaires n'est pas de se faire les instruments de cette manœuvre.

    O au moment où la bourgeoisie tente de dévoyer les aspirations révolutionnaires des travailleurs en présentant comme le parti révolutionnaire, la Ligue trotskiste, pour cela réprimée et pour cela dissoute, le rôle des marxistes-léninistes n'est pas d'entrer dans le jeu. Pendant 5 ans, le parti authentiquement communiste, le Parti Communiste Marxiste-Léniniste a été constamment réprimé, ses militants pourchassés, sans que la presse bourgeoise consacre aux arrestations des militants suspectés de sa reconstitution plus de cinq lignes. De cela l'HR depuis 3 ans ne s'est guère émue et a partagé ce silence.

    C'est pour tout cela que nous mettons en garde les militants révolutionnaires contre les tentatives stériles de l'Humanité " Rouge " de dévoyer leur combat vers l'axe principal de la lutte pour les libertés démocratiques. Ne vous laissez pas abuser camarades par les gesticulations groupusculaires à la remorque des révisionnistes, depuis la manifestation du 20 juin jusqu'au dernier meeting du cirque d'Hiver. La place des Révolutionnaires est dans les entreprises aux côtés des travailleurs qui prennent progressivement conscience des illusions réformistes, avec les travailleurs immigrés, pour contrer la circulaire anti-grève de Fontanet, pour organiser sur le terrain comme à Ivry par exemple la riposte aux crimes racistes qui l'accompagnent ; le rôle des communistes est d'être actifs, présents en tant que tels dans les luttes des travailleurs contre la bourgeoisie, d'aider à la prise de conscience progressive des travailleurs de la nature bourgeoise du réformisme, d'être à l'offensive contre la bourgeoisie et le réformisme ; là où l'HR s'efforce péniblement de dévoyer les révolutionnaires vers la lutte contre les conséquences des luttes de classe en cours : la répression ; les communistes doivent mettre au premier plan le développement de ces luttes et leur approfondissement politique.

Les raisons des erreurs politiques très graves de l'HR sont claires : groupe petit bourgeois coupé de la réalité de la lutte de classe, l'HR est voué à enregistrer les conséquences de ces luttes sur la mise à nu de démocratie bourgeoise, de son caractère répressif. Sa seule réponse consiste à reprendre mécaniquement le schéma de la lutte anti-fasciste de 1934, à préconiser un front populaire anti-fasciste alors même que rien ne rappelle la situation d'alors. Ni l'organisation révolutionnaire des masses (comment comparer la large organisation des travailleurs par le Parti Communiste et la liaison embryonnaire des révolutionnaires avec la classe ouvrière aujourd'hui), ni la crise économique et politique de la bourgeoisie ne sont comparables. L'histoire d'ailleurs, ne se répète pas.

    L'HR qui fait grand bruit autour de sa participation, au demeurant modeste à la manifestation contre Ordre Nouveau du 21 juin, manifestation à laquelle nous avons également participé, tente aujourd'hui au nom de la lutte anti-fasciste de ramener dans le sillage du P" C "F les militants révolutionnaires qui ont plus que jamais à le combattre. A propos où en sont les Comités d'Unité Populaire censés organiser cette unité à la base contre le fascisme !

    Même si son influence est ridiculement faible, nous ne devons pas négliger nos efforts pour ouvrir les yeux des militants qu'HR trompe et qui ont mieux à faire que s'embourber dans le marais opportuniste. A ces militants, nous tendons une main fraternelle. Quittez ces piètres staliniens qui participent à leur manières aux tentatives grossières de la bourgeoisie pour redorer le blason terni du trotskisme, quittez ces piètres marxistes-léninistes qui au nom de l'unité anti-fasciste se réfugient dans le giron du P" C "F. Vous connaissez tous l'histoire de celui qui criait au loup chaque fois qu'il croyait le voir et que personne n'a cru quand le loup est effectivement venu. HR depuis plus de 5 ans joue ce jeu dangereux.

 

A BAS L'OPPORTUNISME, VIVE LE MARXISME-LENINISME !


Ecouter Duclos faire acclamer " le P" C "F, le grand parti révolutionnaire de notre temps :, Detraz (CFDT) faire applaudir les flics démocrates, ou la claque du P" C "F scander " Union populaire pour les libertés…
…Les communistes n'avaient vraiment aucune raison d'appeler à ce meeting.

au cirque d'hiver…
le chef de piste s 'appelait Marchais

 

    Le 5 juillet, la gauche réformiste P" C "F en tête, tenait un meeting contre la dissolution de la Ligue " communiste ", avec le soutien de nombreux groupes trotskistes et de quelques camarades se réclamant du marxisme-léninisme qui avaient eu la naïveté d'emboîter le pas.

    La mobilisation au regard du nombre et de l'importance des organisations participantes a été faible (quelques milliers) malgré un effort certain du P" C "F qui avait distribué des tracts jusque dans les banlieues. Ce fait témoigne doublement de la coupure entre les trotskistes et la classe ouvrière : d'une part parce que la clientèle petit-bourgeois de ces diverses sectes était en vacances, d'autre part parce que les ouvriers que le P" C "F parvient encore à tromper ne se sont guère dérangés pour l'occasion.

    Cependant, ce meeting éclaire bien le sens de la provocation policière du 21 juin, dans laquelle la Ligue avait donné à tête baissée. En effet, la dissolution de la Ligue qui a suivi, a donné l'occasion au P" C "F et au PS de se livrer à une nouvelle opération démagogique dans leur course à l'électorat petit-bourgeois. Tandis que Mitterrand recevait Krivine, le P" C "F prenait l'initiative du meeting, et marquait un nouveau point dans sa tentative de se dédouaner de son passé communiste en se présentant pour ce qu'il est : un vulgaire parti bourgeois. Ainsi se prolongeait l'entreprise du 20 juin. Ainsi, P" C " et PS détournaient-ils l'attention de l'offensive de la bourgeoisie contre la classe ouvrière, et soutenant par là cette offensive.

    D'un autre côté, au moment même où elle était dissoute, la Ligue obtenait la réalisation de son rêve de toujours : l'unité - fragile, difficile, mais l'unité - avec le P" C "F. Le soutien qui lui a été accordé à cette occasion montre que les révisionnistes n'ont rien à craindre d'une organisation dont la fonction a consisté, au cours des années passées, à ramener dans le sillage des initiatives du P" C "F les jeunes qui se dégoûtait de lui, et à détourner par sa nature petite-bourgeoise la classe ouvrière de la Révolution. En appelant au meeting du P" C "F qui leur refusait la parole les dirigeants de la Ligue ont confirmé une fois de plus cette orientation fondamentale. Le chahut de leurs militants n'y a rien changé : au cirque d'hiver, le chef de piste s'appelait Marchais.

    En définitive, la dissolution de la Ligue et le meeting qui l'a suivi auront été un facteur de clarification politique, montrant comment la lutte contre la répression peut devenir le prétexte à une unité sans principes et sans perspectives des opportunistes de toute espèce.

 

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