éditorial
21ème Congrès du
P"C"F: jusqu'ou ira Marchais ?
- Les rebuffades de Marchais
- Au moment où le PS, avec ses " Assises " du
socialisme des 12 et 13 octobre, occupait le devant de
l'actualité politique, Marchais s'est mis en
vedette en accusant publiquement de
déloyauté ses alliés de l'Union
de la gauche : " Constatons, a-t-il
déclaré, que le parti socialiste, les
radicaux de gauche, par leur comportement, vont dans
le même sens que les représentants des
monopoles et que " rééquilibrer la
gauche " signifie prendre des voix aux communistes…
Or, dans les élections on a vu dès le
premier tour le candidat socialiste, le radical de
gauche, mener campagne sur le thème qu'ils
étaient les mieux placés pour battre la
droite ".
- A l'origine de ces rebuffades, il y a le recul net
du P " C " F aux dernières élections :
dans 5 circonscriptions sur 6, il perd des voix et en
Dordogne, le candidat P " C " Péron, ne
récupérant pas au second tour les voix
de son collègue radical, est battu de peu par
un UDR. Par contre, avec l'apport massif des voix P "
C " F, le PS et les radicaux de gauche enlèvent
chacun un siège. Dans l'ensemble, le PS
accroît sensiblement son influence
électorale. S'agit-il d'une simple
mésaventure électorale ? Certainement
pas. La cascade de communiqués officiels du P "
C " F, d'articles dans " l'Huma ", etc… montrent
qu'à travers ce fiasco électoral, le P "
C " F, à la veille de son XXIe Congrès
extraordinaire, se trouve confronté à
une sorte d'impasse.
-
- A qui vont les bénéfices du
Programme commun ?
- Depuis la signature du Programme Commun, il est
clair que le PS est le principal
bénéficiaire électoralement de
l'affaire. Alors que Defferre aux
présidentielles de 69, avait recueilli 5% des
voix, le PS arrive maintenant à rassembler
souvent plus de 20% des voix. Dans le même
temps, les scores électoraux du P " C " F
stagnent, ou comme maintenant régressent.
- Toute la tactique de Mitterrand, à partir
du Congrès d'Epinay, a consisté en effet
à redonner une virginité de " gauche "
au vieux parti social-démocrate SFIO, alors
largement discrédité et squelettique. Et
pour y arriver, l'un des principaux moyens à
consisté à conclure l'accord du
Programme Commun avec le P"C"F. Marchais le sait bien
quand il demande : " Qui a tiré le parti
socialiste du marais de la collaboration de classe ?
". Traduisez : qui a permis au parti socialiste
d'escamoter son passé de parti bourgeois ? Il
répond, c'est le P" C "F.
- Le PS ainsi s'est servi et se sert du P " C " F,
de son alliance avec lui, pour retrouver une base
électorale large et devenir,
électoralement, le premier parti de " gauche ".
Mitterrand ne s'en est jamais caché, du moins
auprès de ses compères " socialistes " :
" notre objectif fondamental, c'est de faire la
démonstration que sur 5 millions
d'électeurs communistes, 3 millions peuvent
voter socialiste.", le lendemain même de la
signature du Programme Commun.
-
- Le PS parti charnière maître du
jeu
- Car le PS joue sur deux tableaux : d'une part en
tant que vieux parti bourgeois qui inspire
entière confiance à la bourgeoisie, qui
a depuis longtemps su la servir avec zèle
(répression des mineurs en 1948, guerre
d'Algérie avec Guy Mollet) et qui conserve
intact son réseau de notables
réactionnaires, il est en mesure de rassembler
tout un électorat bourgeois, petit bourgeois,
réactionnaire qui, par de vieux réflexes
se méfie encore du P " C " F.
- D'autre part, parce qu'il s'est allié au P
" C " F et qu'il a su rénover sa façade
décrépite avec des thèmes comme
l'autogestion et une phraséologie d'allure
révolutionnaire, il s'est donné les
moyens d'illusionner et de drainer des
électeurs qui aspirent à des changements
profonds, qui se posent la question du socialisme. En
ce sens il tend à apparaître comme plus
révolutionnaire que le P " C " F et à
entamer son influence.
- Ainsi reconstitué et avec Mitterrand comme
figure de proue, propulsé par deux fois aux
présidentielles, avec l'aide du P " C " F, le
PS apparaît bien maintenant comme le premier
parti de " gauche ". Bien plus, tout indique qu'une
fois porté au gouvernement par une
majorité de " gauche ", il a désormais
les moyens de jouer le rôle de parti
charnière, libre de maintenir ou de rompre
l'alliance avec le P " C " F en fonction des
intérêts de la bourgeoisie. Lecanuet,
récemment avait appelé les socialistes
à se séparer du P " C " F et à
rejoindre les centristes.
- Giscard semble prêt à recevoir
Mitterrand à l'Elysée pour discuter
entre politiciens bourgeois, sur la façon de
gérer au mieux la crise. Toute une série
de gaullistes en mal de reclassements, tels que
Jeanneney, Pisani, Delors, Léo Hamon qui ont
assisté aux " Assises " regardent su
côté du PS. Autant de moyens à la
disposition du PS pour rompre, si besoin est, son
alliance avec le P " C " F et former autour de lui une
nouvelle majorité.
-
- Le P " C " F prisonnier de l'alliance avec le
PS
- Mais, malgré ses rebuffades, le P" C "F,
lui, n'a aucun moyen, dans la situation actuelle, de
rompre l'alliance du Programme Commun. Depuis des
années et des années, à partir du
moment où la ligne révisionniste l'a
emporté irréversiblement dans le P " C "
F, où la voie révolutionnaire a
été définitivement
étouffée, le P " C " F s'est
efforcé d'enfermer la classe ouvrière
dans le carcan de sa logique révisionniste : en
France, il n'est pas possible, il ne faut pas faire la
révolution pour instaurer le socialisme. Seule
une victoire électorale permettra de passer
à une étape transitoire ("
démocratie avancée ") " ouvrant la voie
au socialisme ". Mais comme le P " C " F ne peut
espérer , à lui seul obtenir la
majorité électorale, il doit
nécessairement s'allier à des partis de
" gauche ". Ainsi l'alliance avec le parti socialiste
présentée pendant des années
comme le seul débouché politique
possible à la classe ouvrière, ne peut
pas, une fois conclue, être remise en cause
à la légère : ce serait
bouleverser tout le système d'illusions
pacifistes, électoralistes,
déployé depuis des années par le
P " C " F.
-
- La logique de la
dégénérescence
révisionniste
- Au contraire, la logique de l'évolution du
P " C " F révisionniste l'amène à
renoncer toujours plus avant, dans ses propositions
politiques, à tout ce qui risquerait
d'être interprété comme un reste
de velléité révolutionnaire. Cet
alignement de plus en plus servile sur les positions
du réformisme bourgeois, le P " C " F y est
nécessairement conduit, à la fois pour
obtenir que la social-démocratie accepte de
s'allier avec lui, pour apparaître à la
bourgeoisie comme un candidat honnête à
la gestion de ses affaires et enfin pour tenter
d'élargir au maximum son électorat.
Ainsi le P " C " F, s'est condamné à
faire les frais du renflouement du PS. Non seulement
parce que, avec la signature du Programme Commun, il a
donné une caution de gauche à la vieille
SFIO, non seulement parce qu'il a mis son potentiel de
militants au service du PS, mais aussi parce que en
avilissant toujours d'avantage l'idée du
socialisme et les moyens d'y parvenir, le P " C " F a
permis à la social-démocratie
d'apparaître à bon compte, par
comparaison, comme une force de gauche, et même
porteuse d'un projet révolutionnaire…
-
- XXI e Congrès : plus question de
socialisme !
- Les thèses du prochain Congrès
extraordinaire du P " C " F marquent un pas de plus
dans cette évolution, sur trois points
principaux. D'une part, il s'agit de proclamer
officiellement que le P " C " F renonce de fait,
même en paroles, à l'objectif du
socialisme, que la démocratie avancée -
la réalisation du Programme Commun - ne
mène pas du tout au socialisme. " Il ne s'agit
pas de socialisme, a déclaré Marchais,
pas non plus de commencement de la construction du
socialisme. Il s'agit de réformes
démocratiques "., Et d'ajouter : " La
démocratie que nous voulons n'est pas
conçue comme pour aller plus loin ".
- Avec ce genre de " réformes
démocratiques " d'où est
évacuée toute idée de socialisme,
le P " C " F compte se rendre acceptable par
pratiquement toutes les classes sociales : "
Fixons-nous une limite, à ce rassemblement ?
Notre réponse est catégorique : Non,
aucune limite, à l'exception de la
poignée de féodaux de France " où
devrait ce retrouver au coude à coude patrons
et ouvriers, exploiteurs et exploités. Entre
dans ce cadre l'alliance avec des courants politiques
réactionnaires comme le gaullisme : " Je le dis
en pesant mes mots : nous tenons le rapprochement avec
les travailleurs et patriotes gaullistes comme une des
questions déterminantes de l'Union du Peuple de
Français qui est notre objectif ".
-
- L'emprise du révisionnisme devient plus
fragile
- Mais cette fuite en avant, pour se transformer en
grand parti de réformes abandonnant toute
référence même formelle, au
socialisme, en un parti fondé ouvertement sur
la collaboration de classes, cette fuite en avant,
irréversible affaiblit son audience, sape la
cohésion du P " C " F. Alors que le PS peut se
permettre une certaine phraséologie
révolutionnaire, qu'il tient aux " Assises du
socialisme ", parle de société
socialiste à construire, le P " C " F, lui axe
son Congrès extraordinaire, en fait, autour du
thème : " Il ne s'agit pas de socialisme ". En
une période où s'affirment les
aspirations révolutionnaires des masses, c'est
un handicap important qui freine sa capacité
à duper les masses et laisse du champ à
l'offensive démagogique du PS.
- Au sein même du P " C " F, cette fuite en
avant tend à approfondir les doutes, à
multiplier le désarroi. D'une part, pour de
nombreux militants se pose la question : à quoi
bon, pour aboutir à l'union de la gauche, avoir
capitulé de concessions en concessions face au
Parti Socialiste, pour se retrouver finalement
affaibli ?
- Tout a été sacrifié au nom de
l'efficacité électorale : mais cette
politique électoraliste elle-même aboutit
à des échecs électoraux.
- A partir de là, il devient plus difficile
de faire avaler les nouvelles concessions : l'abandon
du socialisme ! Mais alors, quelle est la raison
d'être du Parti qui se prétend encore
communiste ? L'alliance avec les Petits et Moyens
Entrepreneurs ? Comment l'accepter au moment
où, tant de PME jettent leurs ouvriers au
chômage ? L'alliance avec les gaullistes ? Mais
alors, comment oublier Mai 68, où les
travailleurs ont massivement contesté De
Gaulle, sa politique et l'ensemble des politiciens
gaullistes. A coup sûr, de nombreux travailleurs
adhérents ou proches du P " C " F qui aspirent
sincèrement à des changements
révolutionnaires, posent ces questions et
entrent en contradiction avec le projet du 21e
Congrès.
- Marchais a beau se rebiffer, affirmer : " il faut
absolument un Parti Communiste fort, influent, actif "
pour rassurer tous ceux qui doutent de plus en plus de
la capacité du P " C " F à mener les
travailleurs à leur émancipation. Cet
appel sonne creux. Il ne peut empêcher que
malgré son apparente force numérique,
financière, électorale, etc…, le P " C "
F ne soit profondément rongé,
miné par la contradiction entre sa politique de
plus en plus ouvertement réformiste et la
montée des aspirations révolutionnaires
des masses.
- Le 21e Congrès - malgré son
côté spectaculaire - ne doit pas faire
illusion. Le P " C " F prépare ce
Congrès dans un climat où perce le
désarroi de nombre de ses militants. Il faut
débattre largement avec eux et avec les masses
des nouvelles orientations du P " C " F, pour les
dénoncer et pour tracer les perspectives
révolutionnaires. C'est un moyen important pour
accélérer la décomposition et
à terme l'élimination du parti
révisionniste. C'est un moyen important pour
engager de nouveaux travailleurs jusque là
paralysés par le P" C "F, dans l'action
révolutionnaire. "
-
- (Gabriel FERREOLE).
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