APRES LA FUSION C.l.l
HONEYWELL BULL
Giscard a rendu officielle la
décision d'intégrer la CII dans
Honeywell-Bull, après une longue période
d'hésitation. Quelles leçons tirer de cette
nouvelle mesure de l'impérialisme français ?
LE ROLE STRATEGIQUE DE L'INFORMATIQUE
L'hésitation
prolongée s'explique d'abord par l'importance
exceptionnelle du secteur informatique qui est au centre du
développement moderne des forces productives
(automatisme) et des systèmes militaires (guidage,
télécommunications).
L'informatique doit
aussi jouer un rôle important dans le "
redéploiement " de la politique de la bourgeoisie :
les exportations d'ordinateurs rapportent en effet beaucoup
de devises et la vente des usines " clés en mains "
est liée à la possibilité pour le
vendeur de fournir tous les systèmes
automatisés en même temps que les moyens de
production. L'informatique est aussi une grande employeuse :
20.000 emplois à la CII et ses sous traitants, 10.500
à Honeywell-Bull.
Indispensable à
l'édification d'une industrie moderne et "
compétitive ", à la mise en œuvre de
nombreuses techniques militaires, l'informatique est aussi
un gouffre financier, ce qui est un problème de
taille pour un impérialisme secondaire comme
l'impérialisme français : l'Etat a
déjà engagé 200 milliards de francs
anciens dans l'affaire, et la CGE et Thomson actionnaires de
La CII ont toujours été réticentes
à engager des fonds dans cette affaire à
rentabilité incertaine.
LA POLITIQUE DE GISCARD
Dans un premier temps, Giscard a
supprimé, le 2 octobre 74, la
délégation à l'informatique. Cette
délégation avait, entre autres, pour
rôle de défendre les intérêts "
français " au sein d'UNlDATA, filiale commune
à la CII, Siemens et Philips.
Sa suppression
signifiait le refus de la bourgeoisie française de
laisser glisser l'informatique française sous
direction allemande, au sein de l'alliance UNIDATA où
la CII était faible face aux deux géants
Siemens et Philips.
La décision
du 12 mai va dans le même sens. La CII éclate
en deux ensembles (voir schéma) : la moyenne et
grosse informatique fusionnent avec Honeywell Bull France
dans une nouvelle société CII - H.B.,
où les intérêts " français " se
montent à 53 % (Etat et CGE) ; l'informatique
militaire, spatiale et la péri-informatique seront
regroupées sous la houlette de Thomson-CSF, dans une
société " française ".
LES CONTRADICTIONS INTER-IMPERIALISTES
Dans cette affaire, il y a en jeu
les contradictions entre les pays impérialistes, et
particulièrement les contradictions entre les
différents grands groupe monopolistes.
En ce qui concerne
les premières, l'impérialisme français
et l'impérialisme allemand mènent un combat
sans concession pour le leadership en Europe. La
création d'UNIDATA consacrait l'avantage allemand.
Les contradictions franco-américaines d'autre part,
apparaissent dans le fait qu'en s'alliant à
Honeywell, Giscard veut tenter de contrecarrer IBM et sa
domination sans partage.
Pour bien
apprécier ces contradictions, il faut savoir qu'IBM
contrôle 67 % du marché mondial, contre 11 %
à Honeywell, son second, puis 8 % à Univac
avec qui va probablement s'allier Siemens. Dans tout cela,
la part d'UNIDATA, avant l'éclatement de la CII, ne
représentait que 5,2 % du marché
mondial.
Au niveau des
contradictions entre les groupes monopolistes, il y a les
contradictions entre pays différents mais aussi au
sein du même pays, entre différents trusts.
Ainsi la CGE et Thomson règlent leurs comptes :
Thomson vient de se lancer dans le secteur du
téléphone et remet en cause la part du
marché de la CGE ; la CGE, de son côté,
pousse son allié Honeywell contre Thomson dans
l'informatique. C'est pour l'essentiel le groupe CGE qui
sort victorieux de la décision de Giscard. On sait
que la CGE est largement associée à General
Electric dans le nucléaire et comme par hasard, le
même trust US, General Electric, est actionnaire
d'Honeywell International System (HIS), branche informatique
internationale de l'américain Honeywell, qui sera un
des partenaires de la nouvelle société " CII -
Honeywell bull ".
La CGE règle
aussi ses comptes avec son concurrent allemand Siemens
qu'elle veut affaiblir en coulant UNIDATA. Siemens et CGE se
battent aussi dans le secteur du téléphone.
LA QUESTION DE L'INDEPENDANCE NATIONALE
Derrière ces combats entre
groupes monopolistes de différentes
nationalités, on s'aperçoit de façon
frappante que l'indépendance nationale ne saurait
être préservée de façon
conséquente par la bourgeoisie monopoliste. Le
contenu de cette " indépendance nationale " pour
elle, c'est en effet la rivalité avec d'autres
impérialistes pour la conquête des
marchés et la maximisation des profits.
Giscard semble
avoir, dans le cadre étroit de cette rivalité,
préservé certains points : l'informatique
militaire reste " française " (Thomson), et d'Ornano
proclame que le gouvernement est prêt à prendre
s'il le faut une minorité de blocage dans la filiale
Honeywell International System pour la contrôler. Par
ailleurs, dans la nouvelle société
CII-Honeywell Bull, il est possible de racheter la part
américaine.
Mais ces "
protections " sont loin d'être sûres : d'abord,
les marchés dans l'informatique nécessitent
des investissements de plus en plus fantastiques et,
à mesure que la technologie évolue avec
rapidité, il est hautement problématique que
la bourgeoisie française puisse se passer d'une
alliance : le choix d'ailleurs était entre l'alliance
avec UNIDATA et l'alliance avec Honeywell, mais la voie de
l'indépendance totale était
écartée par la bourgeoisie monopoliste
française.
S'allier avec le
géant Honeywell, énorme " conglomérat "
qui gère l'administration de toutes les armées
US dans le monde, cela ne peut signifier une "
indépendance " vis à vis de la
maison-mère.
La
dépendance technologique est ici évidente
puisqu'il s'agit d'un groupe qui ne tolère de ses
filiales que ce qui va dans le sens de son profit maximum,
étant entendu que la direction, la conception
d'ensemble des produits est prise sans partage aux USA. On
conçoit mal comment une telle dépendance
pourrait ne pas se répercuter au niveau de l'ensemble
de l'informatique française.
LES QUESTIONS POSEES POUR LA CLASSE
OUVRIERE
Une grande vigilance s'impose
évidemment pour les suites de cette opération
de regroupement ; Les fusions capitalistes n'ont pas coutume
de profiter aux travailleurs mais bien souvent au contraire
d'entraîner licenciements et intensification de
l'exploitation.
En ce qui concerne
la question de l'indépendance nationale,
l'opération de Giscard illustre au fond la position
de l'impérialisme français, qui rompt avec
celle de la période gaulliste où le Plan
Calcul a pu représenter une volonté
d'autonomie vis à vis de l'impérialisme US.
Aujourd'hui, sous la direction de Giscard,
l'impérialisme français est en butte à
la pression des capitaux US devant lesquels il
fléchit du fait de sa faiblesse (qui ne lui permet
pas de poursuivre un programme seul) mais en même
temps il cherche à préserver une certaine
autonomie (informatique militaire).
La leçon
pour les marxistes-léninistes est évidemment
que le rôle dirigeant dans la lutte pour
l'indépendance nationale appartient exclusivement
à la classe ouvrière ; elle ne saurait s'en
remettre à la bourgeoisie impérialiste
française, inconséquente et incapable,
même si sa situation dans le second monde l'oppose aux
deux super-puissances. Seul le pouvoir des ouvriers et des
paysans permettra une informatique au service du peuple,
indépendante.
LES PÉRIPÉTIES
DE L'INFORMATIQUE
FRANÇAISE
Avril 1964 : La compagnie Bull est
rachetée par le trust US
Général Electric.
Juillet 1966 : Création de la
Délégation générale
à l'informatique.
Décembre 1966 :
Création de la CII (actionnaires : CGE,
Thomson, Etat, Schneider)
Lancement du Plan Calcul visant
à conquérir 10% du marché
national, et à rompre avec la
dépendance de l'étranger.
Mai 1970 : Général
Electric revend Bull à Honeywell. La
société devient
Honeywell-Bull.
Juillet 1973 : Signature de l'accord
UNIDATA entre la CII, Siemens et Philips.
2 octobre 1974 : Suppression de la
délégation à l'informatique
par Giscard.
12 mai 1975 : La CIl et
Honeywell-Bull fusionnent pour donner
CII-Honeywell-Bull.
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dimanche 11 mai, Castro verde,
Portugal.
- LIBERTE POUR ZE
DIOGO !
Dans la situation politique
portugaise, la question des grandes latifundia du Sud, la
question de l'épuration des fascistes, la question de
l'attitude des révisionnistes et des contradictions
auxquelles elle commence à donner lieu dans les
masses, dans des secteurs comme celui des ouvriers agricoles
de l'Alentejo (Sud), où ils étaient
traditionnellement implantés, sont des questions
politiques brûlantes. C'est sur de telles questions
que se joue aujourd'hui, face à la prétention
du nouveau régime à construire le socialisme,
la prise de conscience des masses sur sa véritable
nature : une démocratie bourgeoise, une dictature sur
les masses.
Le reportage de notre camarade
Tobias Engel sur l'affaire Zé Diogo vient nous faire
toucher du doigt cette réalité.
Ce lundi devait se tenir à
Ourique le jugement de l'ouvrier agricole José Diogo,
prisonnier depuis des mois pour avoir tué un
fasciste, le propriétaire terrien Columbano Libano
Monteiro, en septembre 74. Ce jugement a été
reporté à une date ultérieure et
à un autre endroit. La Justice bourgeoise sait bien
que des milliers d'ouvriers agricoles de l'Alentejo,
seraient venus apporter leur soutien, auraient
témoigné, pour leur frère de classe,
car l'histoire de José Diogo c'est toute
l'humiliation et la misère auxquelles le fascisme et
le capitalisme ont soumis les ouvriers des grandes
propriétés du Sud et les travailleurs
portugais en général. José Diogo est
devenu le symbole du refus de se laisser saigner à
blanc par la bourgeoisie, il est devenu un symbole de la
lutte contre les exploiteurs.
Pourquoi Zé Diogo a-t-il tué un
fasciste ? Le fasciste était un latifundiaire du bas
Alentejo, ami intime de Santos Costa (ministre de la
défense de Salazar). Il fut pendant 14 ans,
président de la chambre municipale de Castro Verde.
Ici tout le monde parle de lui comme d'un véritable
gangster, qui n'a jamais cessé de faire souffrir le
peuple, et particulièrement dans le temps le plus
fort du fascisme : battant les travailleurs à coups
de trique et remettant à la Pide des moissonneurs qui
se plaignaient ; en bref, un porc !
Après le 25 avril, comme la plupart des grands
propriétaires terriens, ce fasciste changea de
tactique et se mit à licencier à tour de bras,
arme que les patrons utilisent aujourd'hui pour briser, par
la faim, les luttes des ouvriers agricoles. Zé Diogo
travaillait comme tractoriste et fut licencié
à la fin de septembre. Ne voyant pas les raisons d'un
tel licenciement qui privait sa famille de toutes
ressources, (une femme et 3 enfants en bas âge),
Zé Diogo se rendit le 30 septembre à la maison
de son patron et lui demanda des comptes.
Le fasciste ne veut lui donner aucune raison et le
frappe violemment en lui disant que la " canaille " n'a rien
à faire dans sa maison. C'est alors que Zé
Diogo lui porte 3 coups de couteau. Un exploiteur venait
d'être rayé de la surface de l'Alentejo,
c'était le résultat de la rage
accumulée, de la faim, de l'oppression, de la
violence subies pendant des années par la classe
ouvrière de cette région.
Zé Diogo fut arrêté bien qu'il se
soit trouvé en état de légitime
défense. Voilà 8 mois qu'il est
emprisonné. Aussi un vaste mouvement de masse s'est
développé à l'instigation de
l'Association des ex-prisonniers politiques anti-fascistes
et des organisations révolutionnaires du Portugal.
Non que l'acte de Zé Diogo constitue un exemple, mais
il est clair pour les masses populaires d'ici, que Zé
Diogo n'a rien à faire en prison, qu'ici une fois
encore se manifeste le caractère de classe du droit
bourgeois.
Pour la bourgeoisie, pour sa justice, un homme a
tué un autre homme, mais on ne tient
évidemment pas compte de qui était
exploité, qui se voyait chaque jour traité
comme un chien, et qui était l'exploiteur qui pouvait
se permettre tous les abus contre les travailleurs. Le
patron a tous les droits, voler, mentir, battre, tuer. Il
trouvera toujours les moyens de se défendre.
L'ouvrier sait bien qu'il n'a rien à espérer
de cette justice faite par la bourgeoisie pour la
bourgeoisie.
Le ministre de la justice a ajourné le
jugement et le lieu. Car comme me l'a dit la femme de
Zé Diogo :
" Je crois bien
qu'ils ont ajourné le procès parce qu'ils ont
peur du peuple; ils savent bien que des milliers d'ouvriers
seraient venus. Ce gouvernement n'est en rien populaire, il
n'est pas du côté du peuple. Il a peur que le
peuple parle au tribunal, il a peur que le peuple se batte.
Je veux que Zé sorte de prison, j'ai 3 enfants et ici
il y a très peu de travail pour les femmes ; nous
avons faim. Quand j'ai du travail je gagne 120 escudos. Cela
ne me donne pas du pain pour nous tous.
Columbano a
insulté Zé, l'a battu, alors Zé a pris
son couteau. Columbano c'était un grand fasciste. Il
est mort par sa propre faute ".
Zé Diogo faisait-il partie d'une
organisation politique ?.
" Mon mari était lié
au P.C. Aujourd'hui l'organisation qui le soutient c'est
l'UDP ". (une des organisations marxistes-léninistes
portugaises).
Quelle est l'attitude du P"C"P ?
" Le PCP ne veut rien savoir de
Zé Diogo. Les messieurs du gouvernement ne sont pas
socialistes, ne sont rien de ça ".
A Castro Verde (2000
habitants), ce dimanche, plus de 1000 personnes ont
manifesté dans le cinéma leur soutien à
Zé Diogo. Quand le groupe d'action culturel a
retracé la vie de Zé Diogo, son exploitation,
sa révolte, ce sont 1000 personnes qui se sont
levées, les hommes pleuraient, les femmes criaient
leur douleur et leur colère, les enfants battaient
des mains. C'était leur histoire qui était
racontée là. C'était toute leur lutte :
" La vérité pour Zé Diogo ! ". "
Liberté pour Zé Diogo ! "
La chanson sur Zé Diogo dit bien
:
" Les travailleurs de Castro Verde
du grand agrarien Columbano Monteiro travaillaient du matin
jusqu'à la nuit, des heures durant sans recevoir plus
d'argent. Zé Diogo comme tous, travaillait dans une
ferme comme tractoriste. Il travaillait toute la
journée sans s'arrêter du matin jusqu'à
ce que descende le soleil.
Mais cela devait se
terminer un jour, l'ouvrier travaille pour être
payé. 8 heures de travail et rien de plus !... Tous
unis ils gagnèrent. (...). "
Puis ce fut une
très belle manifestation à travers le village,
au cri de " Pain, Paix, Terre, liberté,
indépendance nationale, liberté pour Zé
Diogo, mort aux fascistes - justice populaire ".
Alors que les fascistes
en prison n'ont pas été Jugés, que
certains ont été libérés (1),
que les Thomas, Caetano, Spinola ont pu s'enfuir, que la
droite prépare de nouveaux coups, que la " gauche "
parle de socialisme et appellent les travailleurs à
développer " l'industrie nationale " pour le plus
grand profit de la bourgeoisie, soutenir Zé Diogo,
c'est soutenir la résistance de la classe
ouvrière contre les tentatives de sabotage de ses
luttes par les réformistes et les traîtres du
P"C"P, c'est permettre à la classe ouvrière du
Portugal, à ses alliés, de voir qui son ses
vrais amis, de forger ses armes de lutte. Liberté
pour Zé Diogo ! Mort aux fascistes, justice populaire
!
Tobias ENGEL
(1) Cette semaine encore, de hauts responsables de
la tentative réactionnaire du 11 mars ont
été libères.
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