Le
débat
au sein du
PCF
et le centralisme
démocratique
par Jacques
Jurquet
- Une énorme imposture agite à l'heure
actuelle les rangs du Parti communiste français.
Sous l'effet de
- la sévère désillusion
engendrée par l'échec de la politique
impulsée par Marchais et consorts, certains
militants mettent en cause le centralisme
démocratique. Ils croient de fort bonne foi qu'il
sert de principe d'organisation dans leur parti. Ils
identifient ce principe léniniste aux
méthodes mises en oeuvre par leurs dirigeants.
Influencés par les interprétations
fallacieuses lancées depuis 1917 contre le
léninisme par les dirigeants socialistes et par la
bourgeoisie réactionnaire, ces camarades sont
convaincus que le centralisme autoritaire et
bureaucratique en vigueur dans leur parti est conforme au
centralisme démocratique tel qu'il fut
pratiqué et théorisé par
Lénine.
suite page 3
Notre point de
vue
Le débat au sein du
PCF
et le centralisme
démocratique
par Jacques Jurquet
directeur de notre
journal
(suite de la page 1 )
- Or, il y a longtemps que le caractère
prolétarien de ce principe léniniste a
été révisé et
abandonné par
- les dirigeants du Parti communiste français,
simultanément à la révision et
à l'abandon de la ligne et des principes
politiques marxistes-léninistes fondamentaux comme
la dictature du prolétariat.
-
- Le principe du centralisme démocratique est
né d'une longue période de lutte entre deux
lignes
- opposées au sein de la Deuxième
Internationale, et plus concrètement au sein du
Parti ouvrier social-démocrate de Russie (1).
Une lutte de ligne intense dans la
2ème Internationale
- Dès 1902, Lénine aborda
l'élaboration théorique des principes du
parti ouvrier fondé sur le marxisme.
- Il engagea une lutte acharnée contre les
groupes, les tendances, les fractions, les
économistes, les spontanéistes et autres
opportunistes qui exigeaient et pratiquaient tous " la
liberté de critique " à
l'intérieur et de l'extérieur du parti, en
revendiquant la démocratie au sens formel de la
bourgeoisie. Il suffit de relire "Que faire ? "
pour comprendre que commençait alors un long
processus de lutte, qui passa ensuite par le 2e
congrès du Parti ouvrier social-démocrate
de Russie. Dans la thèse qu'il fit alors
triompher, Lénine insista explicitement sur le
fait que " chaque membre du parti est responsable de
tout le parti, et que le parti est responsable de chacun
de ses membres ". Pour défendre les acquis de
ce congrès, Lénine rédigea " Un pas
en avant, deux pas en arrière " (mai 1904), texte
dans lequel il exposa les principes d'organisation du
parti.
- Mais les luttes de fractions ne cessèrent pas,
à l'exemple de ce qui se passait d'ailleurs dans
tous les
- partis affiliés à la Deuxième
Internationale et dans les congrès de cette
association elle-même.
-
- Ce fut seulement en janvier 1912, lors de la 6e
conférence du parti réunie à Prague,
que Lénine
- parvint enfin à faire approuver les
premières mesures concrètes
découlant de ces principes organisationnels. Il
obtint l'expulsion des irréductibles
qu'étaient les menchéviks, opportunistes de
toutes chapelles, et il organisa les bolchéviks en
parti indépendant de la Deuxième
Internationale.
-
- Enfin, lors du 6e congrès, réuni
à Moscou du 26 juillet au 3 août 1917,
à la veille de la Révolution,
- sous l'impulsion de Lénine, les congressistes
votèrent de nouveaux statuts du parti, instituant
un fonctionnement fondé sur le principe du
centralisme démocratique. De portée
idéologique et organisationnelle, la nouvelle
disposition statutaire stipulait :
- 1) L'élection de tous les organismes
dirigeants du parti ;
- 2) L'obligation pour tous les organismes
dirigeants de présenter des compte-rendus
périodiques devant les organisations de base ;
- 3) Une discipline se manifestant par la soumission
de la minorité à la majorité ;
- 4) L'obligation pour les organismes
inférieurs et pour tous les adhérents du
parti de respecter et appliquer les décisions
des organismes supérieurs.
L'unité et la cohésion
du Parti
- A travers l'activité concrète du Parti
communiste bolchévik, le principe ainsi
fixé bénéficia
- d'enrichissements. Deux déviations le
menaçaient: l'ultra-démocratisme et
l'autoritarisme bureaucratique. Mais l'important à
en retenir réside dans l'insistance mise par
Lénine sur les deux aspects contradictoires, mais
complémentaires, que constituent "
l'unité et la cohésion " de tout le
parti face à l'ennemi, et par conséquent,
l'élimination de toute tendance ou formation de
fractions à l'intérieur du parti d'une part
le droit de discussion et de critique à
l'intérieur du parti avant que ne soit
arrêtée une décision d'autre part.
Voici à cet égard le point 4 de la
Résolution du 10e congrès du Parti
communiste bolchévik de Russie " sur
l'unité du parti " (mars 1921)
-
- "... 4e - Il faut que chaque organisation du parti
veille strictement à ce que la critique
absolu-
- ment nécessaire des insuffisances du parti,
l'analyse de la ligne générale du parti, la
considération de ses expériences pratiques,
l'examen de l'application de ses décisions et la
méthode de correction de ses fautes, etc. ne
soient pas le fait de groupes qui se forment sur la base
d'une " plate-forme " quelconque, etc., mais viennent en
discussion devant tous les membres du parti. Dans ce but,
le congrès prescrit la publication
régulière de la feuille de discussion
et de recueils spéciaux. Tous ceux qui
émettent des critiques doivent tenir compte du
fait que le parti est entouré d'ennemis et
s'efforcer, par leur participation directe à
l'activité des soviets et du parti, de corriger
pratiquement les fautes de ce dernier... ".
L'apport de Mao
Tsé-toung
- Par la suite, et au-delà de certaines
violation de la légalité socialiste
qu'évoqua Mao Tsé-toung
- en présentant le bilan de l'oeuvre de Staline
et en les situant dans la dernière période
de sa vie, le président du Parti communiste
chinois enrichit encore le principe du centralisme
démocratique. Il lui accorda, une importance
considérable en le situant sur le plan
idéologique, notamment dans son ouvrage " De la
juste solution des contradictions au sein du peuple "
et dans nombre d'autres articles ou discours qui sont
publiés dans le Tome V de ses " Oeuvres
choisies ".
-
- Une étude du processus d'élaboration du
principe du centralisme démocratique fait donc
apparaître
- avant tout qu'il a pris naissance en opposition avec
la pratique des partis sociaux-démocrates, qui
acceptaient et même encourageaient les tendances et
fractions, dans le but de réviser et falsifier les
principes mêmes du marxisme.
-
- Mais dans un parti communiste authentique, où
domine l'idéologie prolétarienne,
l'interdiction des
- fractions et la discipline impliquent le droit de
discussion et de critique des organisations de base. Nous
ne pécherons par aucun opportunisme en soulignant
qu'il s'agit même d'un devoir. Si la base du parti,
si les masses acceptent sans réfléchir,
sans jamais faire preuve d'esprit critique, les analyses
et la ligne avancée par les dirigeants, le parti
peut connaître les graves méfaits du
suivisme. Mais bien entendu, ce droit et ce devoir
doivent s'exercer en temps voulu, par exemple avant un
congrès, ou bien sur une question
déterminée avant la tenue d'une autre
instance, conférence nationale ou session
plénière du Comité central ; dans
toutes ces instances, c'est alors le principe de la
soumission de la minorité à la
majorité qui doit être appliqué.
Quand l'organisme dirigeant a fixé la ligne en
tenant compte des critiques et des avis exprimés
par les cellules et par les organismes
intermédiaires, les organisations de base et tous
les militants qui conservent des désaccords ont le
devoir absolu d'agir dans le sens décidé
par l'organisme dirigeant. En revanche, le Comité
central a pour tâche de prendre tout le temps
nécessaire en vue d'expliquer les raisons
idéologiques et politiques qui fondent sa
décision. Envers tous les camarades en
désaccord, il a le devoir de fournir de grands et
patients efforts pour les convaincre. II ne doit pas
recourir à des mesures administratives
autoritaires, mais à la persuasion. En
contre-partie, la patience des organismes dirigeants ne
doit pas être utilisée pour faire preuve
d'indiscipline et former des fractions oppositionnelles.
- C'est entre autres, en ce sens qu'il convient de
comprendre la portée des trois principes fondamen-
- taux définis par le Président Mao
Tsé-toung, quand il déclara : " Il faut
pratiquer le marxisme et non le révisionnisme,
travailler à l'unité et non à la
scission, faire preuve de franchise et de droiture et ne
tramer ni complots ni intrigues. "
Le 3ème Congrès du
PCMLF
- Les communistes marxistes léninistes de France
ont veillé à la qualité du
fonctionnement du
- centralisme démocratique lors de leur 3e
congrès. Les documents, résolutions et
appels qui ont été publiés par ce
congrès ont fait l'objet d'une discussion
très approfondie dans toutes les cellules, dans
toutes les conférences locales et
régionales, et encore pendant le congrès
dont la durée s'est ainsi trouvée assez
longue. Tous les délégués au
congrès ont été élus de bas
en haut, et non cooptés. Tous les membres du
Comité central ont été
proposés de bas en haut, et non cooptés par
le Comité central sortant. Aujourd'hui, le Parti
communiste français ne pratique plus du tout de
cette manière. Il est ultra-démocratique
à la base, mais centraliste autoritaire au sommet.
Le révisionnisme moderne l'a conduit à
conjuguer les deux déviations principales du
centralisme démocratique. C'est pourquoi la crise
qu'il traverse est avant tout d'ordre politique et
idéologique. Les dirigeants s'efforcent de la
limiter à des questions de tactique, mais les
militants de base doivent prendre conscience qu'il leur
faut détruire la stratégie imposée
par Marchais et par le 22e congrès,
stratégie qui les a conduits dans l'impasse.
Jacques JURQUET
10 avril 1978
Note: POSDR : première appellation du Parti
communiste en Russie.
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