l'Humanité Rouge n°885 -p3-

nouvelles intérieures

"L'Expansion" raconte comment...

LE PATRONAT FRANÇAIS
DEVIENT AUTOGESTIONNAIRE

" L'Expansion", " premier journal économique français " est-il précisé sur la couverture,
est un journal patronal bon teint. Son dernier numéro, daté du mois de mai, est consacré à l'autogestion. Le patronat français serait plutôt pour...
 
" Par petits groupes bigarrés, les employés du Plaza-Athénée descendent à l'assemblée géné-
rale annuelle. Blouse bleu ciel, coiffe blanche, la femme de chambre vient de refaire le lit d'un ministre roumain ; noir de pied en cap, le sommelier a servi tout à l'heure du Grevrey-Chambertin à Pierre Balmain ; gilet et toque rouges, le groom ouvrait l'ascenseur au président d'une multinationale. L'espace d'une heure, et cinq fois en deux jours par roulement, ils quittent ainsi leur poste de travail. Les propriétaires du capital le savent, mais ils laissent faire. Ici, au coeur des beaux quartiers, au contact des milliardaires, l'autogestion fait ses classes ".
Tableau idyllique, larme à l'oeil et émotion au fond du coeur devant tant de démocratie et un si beau
mélange du haut et du bas de l'échelle sociale, "l'Expansion " décrit l'assemblée générale du personnel de l'hôtel Plaza-Athénée, avec son directeur.
" Le syndicaliste Edmond Maire, le politique Michel Rocard comme le théoricien Pierre Rosan-
vallon vous le diront; en France, aujourd'hui l'autogestion ..ça n'existe pas encore". Pourtant sur le terrain, en fouillant bien, on peut en rencontrer quelques ébauches et quelques prototypes ", tel est le cas du dossier de l'"Expansion " . On y cite trois entreprises " en autogestion ", on y fait un sondage montrant que les Français sont plutôt favorables, on fait l'éloge de l'autogestion yougoslave (avec quelques réserves) et on conclut par une " rencontre exclusive " entre Ceyrac et Maire sur l'autogestion.
Ceyrac déclare d'emblée : l'autogestion " ce n'est pas quelque chose que, a priori, nous jugeons
antipathique ou condamnable ". Tous deux parlent très vite de négociations, puisque cela reste le thème à la mode.
Le grand patronat français a son idée à lui de l'autogestion. Ce n'est pas une idée irrécupérable.
Il faut l'adapter un petit peu et cela devient même rentable. Pour deux raisons :
" Le patron peut manquer d'une autre façon ; non plus comme patron-guide, mais comme patron adversaire. On rencontre des ouvriers désemparés de ne pas avoir à lutter avec des armes classiques sur des griefs classiques. L'autogestion d'une certaine manière, altère la solidarité ouvrière ".
-" L'autogestion est assez favorable à la performance sociale et économique. Le Plaza-
Athénée, Manuest et Markétube, toutes trois parties de situations désespérées, ont effectué de brillants redressements ".
L'ouverture sociale comme la conçoit Ceyrac assurerait donc au patronat la paix sociale et de
meilleurs profit. Qu'on se le dise...

Ouverture et concertation battent leur plein

La bourgeoisie a plus d'un tour dans son sac pour se maintenir au pouvoir. Dix ans après Mai 68,
dix ans après les slogans Sur le " pouvoir personnel " de De Gaulle, Giscard-Barre ne parlent que d'ouverture et de concertation. Dans " l'Expansion ", journal économique du grand patronat, on se montre favorable à une certaine forme d'autogestion. Souvenons-nous de la " Société nouvelle " du Premier ministre Chaban-Delmas et de la " participation " gaulliste.
Démagogie ? En partie oui, bien sûr. La politique de Barre reste celle de l'austérité et de la
répression. Le gouvernement et le patronat ne cèderont que les miettes qu'ils veulent bien céder ou sont obligés de céder sous les coups de la lutte.
Mais il y a plus que de la démagogie. Les idées " d'ouverture " et de " concertation " ont pour but de
niveler les contradictions de classe. L'article de " l'Expansion " que nous citons, comme les déclarations gouvernementales, le disent en toutes lettres : pour la bourgeoisie, il faut par tous les moyens étouffer la lutte de classe, la " division de la France en deux " le " climat social tendu ".
Comme c'est son intérêt, la bourgeoisie et son gouvernement peuvent tenter de mettre réellement en
place une certaine " ouverture " , une certaine " participation des travailleurs " .
Cette politique est nettement lancée au niveau de la " concertation entre partenaires sociaux ".
Giscard, Barre et Ceyrac reçoivent. N'est-il pas grave que les dirigeants syndicaux jouent ce jeu, qu'ils se nomment Bergeron, Maire ou Séguy ? 

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