l'Humanité Rouge n°771 19-20 novembre 1977 -p4-

Editorial

 

Coopération, gestion démocratique,

autogestion... ILLUSIONS

Le samedi 19 novembre sur FR 3, sera diffusé un film de la CFDT qui retrace la lutte des verriers de
Carmaux en 1895, grève dont l'issue fut la création en 1896, de la "Verrerie ouvrière ", coopérative qui aujourd'hui encore, fonctionne à Albi. Actuellement, les LIP, après des années d'une lutte à bien des égards exemplaire, se trouvent dans une situation difficile.
Ils sont amenés à faire le constat que le rapport de force permettant de faire aboutir la juste revendication d'un emploi pour tous à Palente (c'est-à-dire, d'imposer la reprise de l'usine et des LIP par un patron) n'existe pas.
Aujourd'hui, ils travaillent un projet qui doit aboutir à la création d'une coopérative ouvrière de production.
Bref, la question des coopératives connaît un regain d'actualité.
Le mouvement des coopératives est né dans la première moitié du 18e siècle, avant que la grande
industrie ne soit devenue dominante. Les coopératives d'alors, traduisent d'une part l'aspiration des travailleurs à supprimer l'exploitation au profit de l'association des ouvriers encore très proche des artisans à défendre leur métier contre le capitalisme.
Ce mouvement coopératif à l'époque, au coeur du mouvement ouvrier deviendra par la suite
complètement marginal avec l'essor de la grande industrie qui fait de l'ouvrier un auxiliaire de la machine.
Il est significatif que les coopératives se soient développées surtout dans des branches comme le bâtiment et l'imprimerie où le caractère artisanal du travail a subsisté le plus longtemps.
Combattues dans leur début par la bourgeoisie, les coopératives furent utilisées plus tard par celle-ci
pour essayer de détourner la classe ouvrière de ses tâches révolutionnaires, notamment après la Commune de 1871.
Au moment où la tâche des ouvriers révolutionnaires était de construire leur parti indépendant capable de
diriger le renversement de l'Etat capitaliste, la bourgeoisie trouvait avantageux de promouvoir la voie de garage de la coopération.
Aujourd'hui, il existe en France environ 800 coopératives employant quelques dizaines de milliers
d'ouvriers, elles représentent autour de 0,5 % de la production industrielle. Malgré le discours officiel sur
l'égalité de tous et l'association libre, la réalité des coopératives, c'est l'exploitation capitaliste, L'exemple le plus frappant est celui de l'AOIP , Créée en 1895, avec quelques dizaines de sociétaires, c'est aujourd'hui une entreprise de 3 500 salariés qui fabriquent du matériel pour les télécommunications avec cinq usines en France. Les nombreux OS payés au minimum et soumis au rendement ont comme seul avantage d'être syndiqués d'office à la CGT ! Le timbre syndical étant directement prélevé sur la paye. Devenir une entreprise capitaliste comme les autres, c'est l'issue fatale des coopératives. Voilà pourquoi peu de gens aujourd'hui osent présenter la coopération comme un moyen pour l'émancipation de la classe ouvrière.
Mais que représentent aujourd'hui les discours sur la gestion démocratique et l'autogestion, sinon une
tentative pour détourner la classe ouvrière de la seule voie qui puisse conduire à l'émancipation, qui permette d'en finir avec l'exploitation: la voie de la révolution prolétarienne. En effet, proposer aux travailleurs de prendre "du pouvoir" dans l'entreprise, d'introduire "de nouveaux rapports dans le travail", etc.. en escamotant la question de savoir à quelle classe appartient le pouvoir d'État, c'est essayer de mystifier les travailleurs, c'est travailler à perpétuer le système capitaliste.
Coopération, gestion démocratique, autogestion, c'est toujours la même illusion que les travailleurs
pourraient gérer les usines pour eux-mêmes dans le cadre du système capitaliste.
Les justes aspirations des travailleurs à substituer la libre-association des producteurs à l'esclavage
capitaliste, seule la dictature du prolétariat pourra les faire aboutir.

 

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