La soif de pouvoir de Marchais
- L'Humanité de mardi insiste
particulièrement sur le refus opposé par
les socialistes aux propositions du PCF concernant les
mesures sociales. Mais l'éditorial ne se contente
pas d'enfoncer le " clou du SMIC ", il conteste les
prises de position des dirigeants socialistes à la
suite de l'Huma spéciale de lundi.
- Trois dirigeants important du PS, Mauroy, Estier,
Hernu, ont fait connaître leur point de vue dans la
journée de lundi : ces déclarations veulent
donner le visage de l'apaisement, pour faire
apparaître le PS comme étant le plus
unitaire au sein de la gauche. En même temps, les
dirigeants socialistes laissent entendre que le PCF
souhaiterait aujourd'hui l'échec de la gauche aux
prochaines législatives.
- Pour accréditer cette idée, le PS peut
s'appuyer sur les interrogations de certains travailleurs
qui se demandent où veut en venir exactement le
PCF, par l'intensité de sa polémique.
- Un des raisonnements est le suivant : "
Considérant qu'il parviendra au pouvoir dans une
situation économique extrêmement
dégradée, le PCF estime qu'il ne parviendra
pas à redresser la barre et préfère
rester dans l'opposition. " Ce raisonnement prend
assurément les dirigeants du PCF pour bien plus
naïfs qu'ils ne sont, car ceux-ci savent depuis
longtemps ce que sera la situation économique lors
d'un éventuel avènement de la gauche au
pouvoir, et ils n'ignorent pas justement, comme le montre
leur insistance sur le SMIC, que la baisse du pouvoir
d'achat, le chômage sont ce qui favorisera
l'existence d'une majorité possible pour la
gauche.
- De même, la nature du PS, la volonté de
ce parti de se débarrasser du PCF dès qu'il
le pourra, ne sont pas une découverte pour les
chefs révisionnistes ; eux qui ont renfloué
la social-démocratie en vue d'accéder au
pouvoir par alliance avec elle, savaient dès le
départ à quoi s'en tenir. Le raisonnement
selon lequel le PC serait " surpris " aujourd'hui par la
volonté hégémonique du PS, et qu'il
renoncerait de fait à une victoire de gauche
où il aurait la portion congrue, ne tient pas.
- De plus, le PCF ne peut prendre aujourd'hui le risque
de renoncer à l'union de la gauche ; lui qui,
depuis une quinzaine d'années, a bâti toute
sa politique sur cette union, le présentant aux
travailleurs comme l'unique alternative à la
situation actuelle, il ne pourrait être compris par
sa base et son électorat. Surtout, l'objectif de
Marchais reste le même et cet objectif ne peut
commencer à se concrétiser que par
l'accès de son parti au pouvoir, même pour
cette période délimitée. Il veut que
son parti profite du passage au gouvernement pour
s'implanter solidement dans l'appareil d'Etat, gagner des
postes au sein des entreprises nationalisées, des
commissions de planification, au sein des appareils de la
justice, la police, l'armée. Les dirigeants du PCF
peuvent estimer qu'ils ne pourront pas -dans un premier
temps- faire beaucoup plus. Les pions qu'ils auront
placés, ils espèrent pouvoir les utiliser
par exemple -dans un second temps- pour un retour en
force.
- Par la polémique actuelle, outre la tentative
d'arracher au PS le maximum de concessions avant le
sommet des partis signataires du programme commun, le PCF
se place dans la perspective de l'après 78. Il
essaye de se forger une image de défenseur des
travailleurs, meilleure que le PS sur lequel il veut
attirer le soupçon de vouloir s'opposer aux
masses, si la gauche vient au pouvoir.
- Mais cette polémique n'implique nullement que
le PCF renonce à une victoire de la gauche. Au
contraire, car jamais peut-être autant
qu'aujourd'hui, il n'a eu la volonté de se hisser
aux commandes de l'appareil d'Etat.
(François Marchadier)
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