LE QUOTIDIEN DU PEUPLE n°692 -samedi 6 - dimanche 7 - lundi 8 mai 1978-

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Après le Conseil National CFDT : Quel jeu veut jouer le CERES ?

La défaite de la gauche le 19 mars semble entraîner une " redistribution des cartes " au sein de la CFDT. Le dernier Conseil national en a administré une double preuve : on a assisté au " retour du Rapport Moreau " évacué en janvier dernier. C'est la plus manifeste ! Mais on a pu enregistrer une nouveauté de taille : la région Rhône Alpes de P. Héritier et la fédération PTT de le Beller ont voté le rapport Maire (réactualisation de la " ligne Moreau " dans la CFDT) alors qu'elles s'étaient élevées au CN de janvier 78 contre des thèses en somme fort semblables ! Peut-on vraiment parler de " surprise " pour autant ?

Le poids de la défaite électorale de la gauche a certes permis de faire passer auprès de certaines fédérations ou régions hésitantes, les mesures qu'elles contestaient auparavant. Pour ceux qui avaient misé à fond sur l'arrivée d'un gouvernement PS-PC pour " débloquer les revendications ", le rêve s'écroule. Et la réalité leur semble si dure d'un coup qu'ils voient les travailleurs aussi démobilisés qu'eux-mêmes. L'avenir électoral bouché les conduit aussi allégrement à jeter, pèle mêle par dessus bord les journées d'action et toute coordination des luttes. Pour eux le rapport de forces à rétablir passeraient par des " résultats partiels " à arracher au tapis vert, avant de penser à toute mobilisation globale des travailleurs. Cet esprit " gagne pain " semble faire son chemin dans certaines directions syndicales. Les gens du Ceres dans la CFDT n'ont pas l'air d'y échapper !

Attendre 79 ?

Pour Héritier et ses amis du Ceres, l'heure n'est guère à jouer les matamores. La perspective de l'Union de la gauche s'éloigne. La querelle PC-PS bat son plein et ils y sont mal à l'aise.

Le " prolongement politique de l'action syndicale " pour lequel ils se sont battus, souvent en première ligne n'existe plus. Ce 1er mai, certaines sections syndicales ou Unions locales CFDT ont même été jusqu'à reprendre le mot d'ordre qui gène le plus le Ceres : " Programme commun : programme défunt ne faisons confiance qu'à nos luttes ".

Incapable aujourd'hui de tracer une alternative pour la CFDT, le Ceres est (en outre) en train de se faire piéger par la majorité confédérale de Maire et Moreau : dans l'affaire de la " normalisation " de l'UD du Rhône, c'est l'Union Régionale Rhône Alpes de Héritier, Oudjaoudji et Martel (tous du courant Ceres) qui va devoir porter le chapeau de la répression, alors même que la majorité confédérale gagne du terrain dans le nouveau collectif, sans bruit ! Conscient des difficultés de sa nouvelle situation, le Ceres définit d'ailleurs dans le dernier numéro de sa revue Repères, les grands traits de son attitude actuelle dans la CFDT.

Après un rappel historique, en termes flous de l'état, des divergences passées entre la majorité confédérale et ce qui fut la " Contribution " (regroupement qu'animait le Ceres au moment du Congrès confédéral d'Annecy de 76), la revue souligne qu'aujourd'hui " on n'aperçoit pas encore à travers les courants contradictoires qui traversent la CFDT, la ligne de pente qui va l'emporter ". Gêné, certes, par la " plus grande méfiance " envers les partis de gauche, qui se fait jour après le 19 mars, le Ceres dénonce comme un " inconvénient majeur " le fait que l'orientation présente de la confédération risque de " détourner les militants du combat avec, et au sein des partis politiques pour la nécessaire (quoique insuffisante) prise du pouvoir central ".

Mais ces remarques côtoient d'intéressantes réflexions, propres à expliquer notamment le vote de l'URI Rhône Alpes et de la fédération PTT au dernier conseil CFDT !

Pour Repères " il y a un consensus, c'est certain, au sein de la CFDT, sur les objectifs finaux (…) il n'y a pas de désaccord non plus sur la nécessité d'une action susceptible de déboucher sur des compromis et des résultats à partir de revendications " articulées " (…) ". On voit là, effectivement de quoi s'entendre avec la majorité confédérale sur des questions importantes. D'autant que l'auteur prend soin de noter que cette convergence est ponctuelle, fruit du rapport de force et du poids de la situation politique. Car c'est " la définition de toute perspective de débouché politique " qui conduit aujourd'hui " à court terme, à une remise en cause des orientations de l'action revendicative ".

Somme toute, les choses sont assez claires lorsqu'est précisé que " la longévité de cette orientation dépendra, pour une bonne part, de l'évolution de la gauche politique, et des nouvelles perspectives qu'elle saura - ou non - proposer ". Si le Ceres se plie aux circonstances (qu'il estime présentement peu favorables à ses ambitions dans la CFDT), il n'en a pas moins l'intention de ne pas prolonger la situation trop longtemps. Soucieux, au plan des partis de gauche, de recoller les morceaux de l'Union, le Ceres a, dans la CFDT, un objectif assez net : le 38e Congrès confédéral de Brest de 1979. Pour ne pas y arriver laminé ou isolé, il lui a fallu se replier lors du dernier conseil. Cela ne l'empêche pas - dans une unité conflictuelle dans la CFDT, avec le PS et avec la majorité confédérale - de souscrire à la " normalisation " de la CFDT d'ici là. Bien au contraire…

 

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