Exclusif
- UN COURS DE
FORMATION
- SUR LES SYNDICATS
DONNÉ
- A L'ÉCOLE DE LA
POLICE NATIONALE
- Antisyndicale,
la police française ? Certes pas, à en
croire le nombre d'organisations syndicales de policiers
et le nombre de policiers syndiqués. Des policiers
qui n'ont pas le droit de grève, mais qui vont
même jusqu'à rêver tout haut qu'ils
pourraient l'avoir un jour. Des policiers qui manifestent
en cortège syndical, pour des avantages de
carrière, pour être plus nombreux, pour que
leur propre sécurité soit
assurée...
- Mais une
compréhension un peu trop " sommaire " du fait
syndical, vu comme allant de soi et forcément
légitime, ne risque-t-elle pas de poser des
problèmes de conscience à certains de ceux
qui sont justement chargés d'exécuter les
ordonnances de référés, en vidant
des ouvriers grévistes d'usines occupées ?
Une tâche courante de la police qui, ce faisant,
réprime ouvertement les travailleurs et leurs
syndicats ! C'est ce que semblent craindre les
responsables de la police. C'est ce que confirme la
lecture du document exclusif dont nous publions
aujourd'hui des extraits significatifs. Il s'agit d'un
cours donné aux élèves brigadiers de
police de la région parisienne, intitulé:
"Thème de réflexion : les syndicats et
les conflits du travail".
-
- La liberté syndicale
-
- Une fois
fait l'éloge du pluralisme syndical, et du droit
de choisir son syndicat est développé un
droit fondamental : " Le droit de ne pas se syndiquer " !
- "La liberté ne serait pas complète si
le salarié n'avait pas en outre un droit : celui
de ne pas se syndiquer. Cette liberté impose des
contraintes aussi bien aux syndicats qu'aux employeurs;
elle peut se résumer ainsi : chacun peut à
tout moment démissionner de son syndicat, et nul
n'est tenu d'être syndiqué. Il s'ensuit que
tout accord entre syndicat et employeur pour limiter
l'embauche à des travailleurs inscrits à
tel syndicat est illicite. Toutefois, le conflit du
Parisien libéré a pour origine le monopole
d'embauche détenu à Paris par le Syndicat
du Livre auquel le propriétaire de ce journal est
seul à s'opposer".
- Après
avoir rappelé que l'apolitisme syndical est
inscrit dans le Code du Travail, on tente de faire saisir
la complexité de l'affaire : "L'apolitisme
syndical signifie en outre que les sujets, traités
par les syndicats relèvent de l'économique
et non du politique. Mais le problème est plus
délicat, parce que la distinction entre les
domaines économiques et politique est la plupart
du temps très difficile à établir"
-
- L'unité d'action CGT - CFDT
-
- Cette
unité d'action existe au niveau
tactique. "Il n'en reste pas moins vrai
que chacune d'entre elles garde son originalité et
que si l'accord se fait le plus souvent aisément
au niveau de la lutte quotidienne, elles ont
peut-être des visions de l'avenir qui ne se
recouvrent pas exactement. La CGT envisage les
nationalisations comme un moyen de parvenir au
"centralisme démocratique" c'est-à-dire
à un Etat qui se mette au service des travailleurs
grâce à une planification, un parti, des
syndicats réellement démocratiques. Par
contre la CFDT fait plus confiance dans les individus et
peut-être par là se montre plus
idéaliste, et considère que seule
l'autogestion peut vaincre la situation
d'aliénation dans laquelle se trouve l'individu :
ceci suppose que l'individu participe activement à
toute la vie collective et à tous les niveaux :
entreprise, quartier, commune, Etat... Ces
différences qui ont été
ébauchées trop schématiquement ici,
expliquent pourtant les réticences qu'a
manifesté à plusieurs reprises dans des
conflits récents l'appareil de la CGT devant les
actions entreprises ici ou là par les militants
qu'il jugeait irresponsables mais expliquent aussi
l'hétérogénéité qui se
manifeste parfois au sein de la CFDT qui recouvre un
éventail assez
- large d'options parmi ses militants".
- l FO et
la CFTC
- "Ces deux organisations ont en commun leurs options
réformistes et résolument anticommunistes"
- ... "Ce qui est important à retenir ici c'est
que ces deux centrales ne rejettent pas la
propriété privée des moyens de
production et donc le système capitaliste. Elles
cherchent simplement à l'aménager pour en
atténuer les injustices".
- l La
CGSI et la CFT
- En 1949 est
crée la CGSI composée entre autres
"d'anciens cégétistes exclus de la CGT pour
faits de collaboration et d'anciens "résistants"
mal remis du retour à la paix. Ce recrutement
très particulier a très vite donné
à cette Confédération une
réputation paramilitaire qui ne l'a pas fait
admettre dans le milieu ouvrier. La CGSI s'est donc
adressée au patronat pour s'introduire dans les
entreprises et elle y joue assez efficacement le
rôle de "syndicat-maison" et éventuellement
de briseur de grèves.
- Quant a la CFT, son caractère
d'indépendance est tout aussi discutable ; elle
est assez solidement implantée dans l'automobile
en particulier, grâce il faut le dire, à
l'impulsion efficace donnée par la Direction de
Simca".
-
- Les grands principes :
propriété privée et liberté
du Travail
-
- "Les
grévistes portent atteinte à ces deux
grands principes lorsqu'ils font la grève sur le
tas. Ce mode de lutte, qui a été à
l'honneur dans les années 36-37, a repris une
certaine ampleur depuis 1968. Il représente un
certain nombre d'avantages pour les militants syndicaux
dont les plus importants sont la mobilisation des
travailleurs sur les lieux du travail, et la prise de
responsabilité personnelle de chacun dans la
lutte. Mais, bien sûr, il s'agit d'une action
illégale puisqu'elle viole la
propriété privée, les outils de
travail, n'étant pas la propriété
des travailleurs, mais aussi puisqu'elle apporte une
entrave à la liberté du travail, les non
grévistes étant dans l'impossibilité
matérielle de travailler. Si le chef d'entreprise
n'a pas voulu, ou n'a pas pu obtenir une solution
amiable, c'est-à-dire une évacuation
pacifique des locaux assortie d'une solution au conflit,
il peut toujours s'adresser au juge des
référés au tribunal de Grande
Instance pour obtenir l'expulsion des grévistes.
Pour cela, il doit prouver qu'il y a urgence ; la charge
de cette preuve est plus ou moins lourde suivant les
tribunaux : certains juges allant jusqu'à estimer
qu'il y a urgence du seul fait qu'il faut rétablir
la situation légale. La principale
difficulté consiste à savoir quelles sont
les personnes qui vont être assignées en
référé".
- La loi
française étant "individualiste" et
"ignorant la collectivité d'hommes", l'assignation
de délégués syndicaux au titre de
l'ensemble des grévistes qui occupent est un "pur
stratagème juridique" avoue le directeur du cours
pour brigadiers on herbe.
- "Cette
pirouette juridique ne convainc personne, et
théoriquement un grévistes non
syndiqué ne devrait pas se sentir concerné
par cette décision de justice. Il est pourtant
évident que lorsque l'évacuation se fait
manu militari, les agents de la force publique ne peuvent
pas faire le tri"..
-
-
-
- "Si le
problème de l'occupation des lieux de travail
demeure la question de fond de la plupart des conflits
actuels, toutes sortes de délits peuvent
être commis à l'occasion d'un conflit :
séquestration de personnes, menaces, violences,
dégradation de monument,
détérioration de stocks... Il est
évident que l'employeur a tout
intérêt à exploiter tout délit
commis".
-
- "Quel que
soit le délit commis par un salarié, au
cours d'un conflit du travail, il encourt en plus de la
sanction pénale, ou même d'une
responsabilité civile dans certains cas, le
licenciement immédiat et sans indemnité".
-
- L'Etat défenseur de l'ordre
social
-
- Après
avoir exposé la logique des patrons, on explique
aux futurs brigadiers les difficultés qu'a l'Etat
d'accomplir sa "mission" de défendre "l'ordre
public".
- "Le
paradoxe que nous sommes en train de vivre tient au fait
que, de plus en plus, les gouvernements successifs
affirment une volonté libérale dans la
logique de la politique contractuelle et entendent se
dégager au maximum des rapports entre les
syndicats et le patronat. Cette attitude ne semble pas
à l'heure actuelle porter les fruits
escomptés et faciliter la solution des conflits
qui durent de plus en plus longtemps, se politisent
inévitablement et conduisent en fin de compte
l'Etat à intervenir au moment où les choses
se sont envenimées à un tel point, qu'il
est souvent contraint d'user de la force pour maintenir
l'ordre public.
- L'Etat est
en effet responsable de l'ordre public et dispose
pour cela de la "force publique". L'institution de la
force publique est révolutionnaire : c'est en
effet sous la Révolution française qu'est
née l'idée d'une force publique comme
fondement de l'autorité de l'Etat, et comme
garantie de la liberté. Son rôle est
précisé dans la Déclaration des
Droits de l'Homme et du Citoyen : "La garantie des droits
de l'homme et du citoyen nécessite une force
publique, cette force publique est donc instituée
pour l'avantage de tous et non pour l'utilité
particulière de ceux auxquels elle est
confiée".
-
- "Les confédérations sont
dépassées par les grèves
sauvages"
-
- Enfin en
guise de conclusion, il est reconnu aux centrales un
rôle dynamique incontestable, mais en même
temps des limites d'autorité dans la conduite de
l'action.
- "Les
organisations syndicales ouvrières ont donc eu un
rôle dynamique incontestable dans l'histoire
récente, mais certains voudraient leur voir jouer
aussi un rôle de stabilisateur des conflits. Le
patronat en particulier souhaiterait souvent, et de plus
en plus, des appareils syndicaux suffisamment
hiérarchisés et structurés pour
pouvoir contrôler leur "base" et empêcher
tout débordement. Or, on constate quelque fois que
les confédérations sont
dépassées par des grèves sauvages,
auxquelles elles sont contraintes de se rallier de
manière à pouvoir les canaliser. C'est un
phénomène assez nouveau, qui bien entendu
ne fait que rendre plus difficile le règlement des
conflits du travail dans la mesure même où
l'autorité des confédérations
parisiennes est de plus en plus contestée".
-
- --------------------
- NOTE :
- Le texte en gras est écrit ou
souligné par nous.
- Le QdP.
|