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Le Quotidien du Peuple organe central du PCRml (n°865 du vendredi 2 mars 1979)
L'ÉVOLUTION DU -VIETNAM (1) - La victoire d'une ligne révisionniste Dès le lendemain de la libération de Saïgon, en avril 75, et alors que l'impérialisme américain. battu dans les trois pays d'Indochine, était contraint de plier bagages ; les dirigeants vietnamiens se sont consacrés à renforcer leur potentiel militaire. Ils l'ont fait en s'appuyant sur les moyens considérables acquis au cours de la guerre de libération, notamment le matériel de guerre, d'une valeur de plusieurs milliards de dollars, abandonné à la hâte par les Etats-Unis, et en mobilisant d'importantes ressources humaines, matérielles et financières. Le choix fait ainsi, d'une militarisation à outrance du pays alors que celui-ci devait surmonter d'énormes difficultés économiques et sociales, au sortir de la guerre, a reçu l'appui croissant de l'URSS, au fur et à mesure que les autorités de Hanoï confirmaient leur alignement sur Moscou. La position désormais adoptée vis-à-vis de l'URSS, aussi bien que l'orientation de l'ensemble de la politique du parti communiste vietnamien, sur les plans intérieur et extérieur, de 75 à 78, vont sanctionner la consolidation des positions révisionnistes au sein de ce parti, la victoire d'une ligne révisionniste. Durant la guerre de libération et ensuite, la lutte de lignes au sein du parti communiste vietnamien s'est reflétée dans les positions adoptées à l'égard de l'URSS et de la politique du parti révisionniste soviétique. Lorsque le rapport politique adopté par le 4e Congrès du parti vietnamien, en décembre 1976, rendant hommage à part égale à l'URSS et à la Chine, les mettant sur le même plan, appelle à restaurer la cohésion du "mouvement communiste", c'est-à-dire à réconcilier le PCUS et le P.C.C, il adopte formellement le même point de vue que Ho Chi Minh, dans son testament de mai 1969. "Ayant consacré toute ma vie au service de la révolution, disait celui-ci, plus j'éprouve de fierté à voir grandir le mouvement communiste et ouvrier international, plus je souffre de la mésentente actuelle entre les partis frères ! Je souhaite que notre Parti oeuvre de toutes ses forces et contribue de façon efficace au rétablissement de l'union entre les partis frères sur la base du marxisme-léninisme et de l'internationalisme prolétarien, selon les exigences de la raisons et du coeur. Je suis fermement convaincu que les partis frères et les pays frères s'uniront nécessairement à nouveau". La continuité dans les propos, entre le testament d'Ho Chi Minh et le congrès de 1976, ne doit pas cacher les différences considérables qui prévalent dans la situation internationale entre ces deux moments. Ho Chi Minh disparaît à la fin des années 60, c'est à dire à la fin d'une période où, sans conteste, l'impérialisme américain était l'ennemi numéro un des peuples, et où le social-impérialisme soviétique ne faisait qu'apparaître en tant que tel sur la scène mondiale. Dans cette période, la position du parti communiste vietnamien consistant à oeuvrer énergiquement à la constitution et la consolidation d'un front uni mondial, le plus large possible, contre l'impérialisme américain, était donc conforme à l'intérêt des peuples et des forces révolutionnaires dans le monde. Dans ce contexte, et en relation directe avec les nécessités de la guerre de libération vietnamienne, l'unité avec l'URSS, dans les années 60, n'avait évidemment pas du tout le même sens qu'aujourd'hui. A ce moment-là c'est notamment sur l'attitude de plus ou moins grande fermeté à l'égard de l'impérialisme américain, c'est-à-dire l'acceptation ou non des conceptions de Krouchtchev concernant la "coexistence pacifique", que se mène la lutte au sein du parti communiste vietnamien*. C'est ainsi qu'en 1963, année où s'affirmait publiquement la scission du mouvement communiste international, opérée par le parti de l'Union soviétique, s'exprimait nettement au sein du parti vietnamien la défense sur de nombreux points de positions révolutionnaires, marxistes-léninistes. C'était le cas, par exemple. dans l'allocution de clôture du 9e plénum du Comité central du parti vietnamien, prononcée en décembre 1963 par le premier secrétaire de ce parti, Le Duan, aujourd'hui un des principaux artisans de l'alignement du Vietnam sur le social-impérialisme de l'URSS. Dans cette allocution qui condamnait avec vigueur le révisionnisme moderne comme " un terrible fléau pour le mouvement révolutionnaire" (qui menaçait aussi le parti vietnamien, était-il dit), les positions de la direction soviétique étaient systématiquement condamnées. -Ainsi, la position de Khrouchtchev comme quoi les luttes de la classe ouvrière et des peuples devaient être subordonnées à la coexistence pacifique entre le camp socialiste et le camp impérialiste, était stigmatisée. Il en allait de même de la position de Khrouchtchev selon laquelle la résolution mondiale dépendait non du développement des luttes des peuples mais seulement de la suprématie économique et militaire que le camp socialiste devait acquérir vis-à-vis du camp impérialiste. Selon cette conception, il fallait "geler" les contradictions de classe au sein des pays impérialistes et les contradictions entre ceux-ci et les peuples opprimés. C'est d'ailleurs au nom de ces conceptions révisionnistes que le PCF, en France, jusqu'à la veille de la libération de Saïgon, s'en tenait au mot d'ordre de "Paix au Vietnam !", et agressait physiquement les militants progressistes qui manifestaient aux cris de " FNL vaincra ! ". C'est au contraire, en se dressant contre ces conceptions, malgré les pressions de l'URSS dans les années 60, que le parti communiste vietnamien impulsa la guerre populaire, faisant du peuple vietnamien le facteur décisif de sa propre libération. Mais en se référant explicitement au 9e plénum du comité central de décembre 1963, et aux analyses qui avaient été formulées, pour les reprendre telles quelles, le 4e congrès du parti communiste vietnamien, en décembre 1976, montrait que ce parti s'en tenait d'une façon rigide, à une vision tout à fait dépassée de la situation internationale. Il concluait à la nécessité de diriger toujours le fer de lance de la lutte des peuples exclusivement contre l'impérialisme américain, comme si la situation internationale n'avait pas évolué depuis 63, comme si l'impérialisme US n'avait pas depuis battu en retraite, en Indochine et ailleurs, été contraint à la défensive, tandis que le nouvel impérialisme soviétique tentait de le supplanter. Cette vision figée de la part du parti vietnamien, constituait nécessairement un point d'appui d'une évolution allant dans le sens d'un alignement sur les positions soviétiques. Cette vision des choses pouvait elle-même se nourrir de positions antérieures présentes au sein du parti vietnamien, dans les années 60, - non pas simplement l'alignement de certains sur les positions soviétiques d'alors, stigmatisées en 63 par Le Duan -, mais des positions d'appui aux initiatives "dures" de l'URSS. C'est ainsi, rappelons-le, que l'occupation le la Tchécoslovaquie par les tanks soviétiques, en août 68, qui sanctionnait la mutation de l'URSS -pays ayant restauré le capitalisme -, en une nouvelle superpuissance, fut saluée par le parti vietnamien, comme une juste mesure de "fermeté à l'égard de l'impérialisme", de "sauvegarde du socialisme". Cette prise de position, alors circonscrite, secondaire par rapport à l'effort héroïque du peuple vietnamien pour sa libération, s'est révélée finalement annonciatrice des approbations futures, en 75-76, de l'intervention soviéto-cubaine en Angola et dans la Corne de l'Afrique, annonciatrice de l'appui accordé ultérieurement à toutes les initiatives de l'URSS, notamment ses pressions et attaques contre le mouvement des non-alignés. On assistera ainsi, depuis 75, à un glissement très rapide de la position du Vietnam qui coïncide avec une militarisation du régime à l'intérieur et une attitude agressive et expansionniste à l'extérieur, dont l'occupation du Cambodge par les chars vietnamiens a marqué un développement décisif . Jean-Paul Gay. * Dénommé alors PTV : Parti des travailleurs du Vietnam. |
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