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Gabor Tamas Rittersporn, né à Budapest en Hongrie, a publié en 1988 une longue étude sur la Grande Purge*. Il y affiche clairement son opposition au communisme. Seulement, la version bourgeoise courante de cette période est si grossière et sa fausseté tellement évidente, que cela risque à terme de conduire à une mise en cause de tout le système idéologique occidental. Rittersporn définit le problème de façon admirable. "Qu'on essaye de rendre timidement publique l'analyse de matériaux presque totalement ignorés, et de replacer, à leur lumière, dans une perspective nouvelle l'histoire soviétique des années 1930 et le rôle que Staline y a joué, et l'on découvrira que l'opinion accepte la mise en question des idées reçues dans des limites beaucoup plus étroites qu'on ne l'aurait pensé.(...) L'image traditionnelle du "phénomène stalinien" est en réalité si puissante, et les jugements de valeur politiques et idéologiques qui la sous-tendent sont d'un caractère tellement émotionnel, que toute tentative pour la corriger doit presque inévitablement apparaître comme une prise de position par rapport aux normes généralement acceptées qu'elle implique.(...) S'appliquer à montrer que la représentation traditionnelle de l"époque stalinienne' est, à beaucoup d'égards, fort inexacte, équivaut ainsi à lancer un défi désespéré, aux schémas consacrés selon lesquels il convient de penser les réalités soviétiques.(...) Ce qui peut justifier une recherche de ce genre, c'est avant tout l'extrême inconsistance de la littérature consacrée à l'un des phénomènes considérés comme majeurs par la vulgate historique, la "Grande Purge" des années 1936-1938. Malgré les apparences, il y a pourtant peu de périodes de l'histoire soviétique qui aient été étudiées aussi superficiellement.(...) Tout porte à croire que si l'on a eu tendance à négliger pendant aussi longtemps les règles, au fond élémentaires, de l'analyse des sources dans ce domaine important, ce fut très vraisemblablement parce que les finalités de ces travaux étaient dans une large mesure, assez éloignées de celles des recherches historiques habituelles. En effet, après une lecture tant soit peu soigneuse de la littérature "classique", on échappe difficilement à l'idée qu'à beaucoup d'égards, celle-ci est souvent plus inspirée par les états d'esprits qui prévalent dans certains milieux occidentaux que par les réalités soviétiques des "temps staliniens". Défense des valeurs consacrées de l'Occident contre toutes sortes de menaces réelles et imaginaires d'origine soviétique, affirmations d'expériences historiques indubitables aussi bien que d'à priori idéologiques de toutes sortes." (p.I3-I5. 38) En langage clair, Rittersporn dit ceci: Je peux prouver que la plupart des idées courantes sur Staline sont absolument fausses. Mais dire cela est une entreprise presque désespérante. Si vous affirmez, même timidement, certaines vérités indéniables sur l'Union soviétique des années trente, vous vous faites agresser comme "stalinien". La propagande bourgeoise a inculqué une image fausse, mais extrêmement puissante de Staline, image qu'il est presque impossible de corriger, tellement les émotions montent, dès que l'on aborde le sujet. Les livres sur les Purges écrits par les grands spécialistes occidentaux tels Conquest, Nove, Deutscher, Schapiro et Fainsod, ne valent rien, ils sont superficiels et rédigés au mépris des règles les plus élémentaires que tout étudiant en histoire apprend en première candidature. En fait, ces ouvrages sont écrits pour donner une apparence académique et scientifique à la politique anticommuniste des milieux dirigeants occidentaux. On présente sous des apparences scientifiques la défense des intérêts et des valeurs capitalistes et les a priori idéologiques de la grande bourgeoisie. * Gabor Tamas Rittersporn,.Simplifications staliniennes et complications soviétiques, Editions des archives contemporaines, Paris, 1988. |