Le Pacte germano-soviétique: clé de la victoire sur le fascisme

Solidaire -hebdo du Parti du Travail de Belgique- n°6 (1025) 2 février 1994 p.18-19


International

Extrait du livre "Un autre regard sur Staline" de Ludo Martens

Le Pacte germano-soviétique:
clé de la victoire sur le fascisme

 


Millice ouvrière défendant Léningrad. Grâce au Pacte, l'Union soviétique a gagné 21 mois pendant lesquels la production de chars, d'avions et d'artillerie a été poussée au maximum et l'Armée rouge a doublé ses effectifs.

Hitler arrive au pouvoir le 30 janvier 1933. Seule l'Union soviétique en comprend tous les dangers pour la paix mondiale. En janvier 1934, Staline déclare au Congrès du Parti que "la 'nouvelle' politique (allemande) rappelle dans ses grandes lignes la politique de l'ex-kaiser qui fit occuper, un temps, l'Ukraine et entreprit une campagne contre Léningrad, après avoir transformé les pays Baltes en une base d'opérations pour cette campagne". Il déclare aussi: "Si les intérêts de l'URSS commandent un rapprochement avec tels ou tels pays qui n'ont pas intérêt à voir violer la paix, nous le faisons sans hésitation."(1)
Jusqu'à l'arrivée d'Hitler, l'Angleterre dirigea la croisade contre l'Union soviétique. Churchill avait été, en 1918, l'instigateur principal de l'intervention militaire qui mobilisa quatorze pays. En 1927, l'Angleterre avait rompu ses relations diplomatiques avec l'Union soviétique et décrété un embargo sur ses exportations.

Premières agressions fascistes

En 1935, l'Italie fasciste occupe l'Ethiopie. Face au danger de l'expansion fasciste, l'Union soviétique propose dès 1935 un système de sécurité collective en Europe. Dans cette perspective, elle conclut des traités d'assistance mutuelle avec la France et la Tchécoslovaquie.
En 1936, l'Italie et l'Allemagne nazie envoient leurs troupes d'élite en Espagne pour combattre le gouvernement républicain légal. La France et l'Angleterre adoptent une politique de "non-intervention", laissant les coudées franches aux fascistes. Elles essayent d'amadouer Hitler et de le pousser vers l'Est. En novembre de la même année, l'Allemagne et le Japon concluent le Pacte Anti-Komintern auquel l'Italie se joint peu après. L'URSS se trouve encerclée.
Le 11 mars 1938, Radio Berlin annonce un "soulèvement communiste en Autriche" et la Wehrmacht fonce sur ce pays qui est annexé deux jours plus tard. L'Union soviétique prend la défense de l'Autriche et appelle l'Angleterre et la France à envisager une défense collective. "Demain, il sera peut-être trop tard", souligne la déclaration soviétique.

L'Angleterre pousse Hitler vers l'Est

A la mi-mai, Hitler concentre ses troupes à la frontière tchécoslovaque. L'Union soviétique, liée par un traité au pays menacé, masse plus de 40 divisons à sa frontière occidentale et rappelle 330.000 réservistes. Mais en septembre, l'Angleterre et la France se réunissent à Munich avec les puissances fascistes, l'Allemagne et l'Italie. Ni la Tchécoslovaquie ni l'Union soviétique n'ont été invitées. Les grandes "démocraties" décident de livrer à Hitler la région des Sudètes, partie intégrante de la Tchécoslovaquie. Dans la foulée de cet acte perfide, l'Angleterre signe le 30 septembre une déclaration avec l'Allemagne où il est dit que les deux puissances expriment le désir "de ne jamais entrer de nouveau en guerre l'un contre l'autre "(2). Néanmoins, l'Union soviétique propose son aide à la Tchécoslovaquie en cas d'agression allemande, mais cette offre est déclinée. Le 15 mars l939, la Wehrmacht s'empare de Prague. En démembrant la Tchécoslovaquie, Hitler offre un morceau du gâteau au gouvernement réactionnaire polonais qui mord à l'appât avec avidité...
Une semaine plus tard, l'armée allemande occupe le territoire lituanien de Klaipeda, important port sur la Baltique. Staline sait que le monstre s'élance vers l'Est et que la Pologne sera la prochaine victime.

L'URSS menacée par l'Allemagne et le Japon

En mai 1939, l'armée japonaise agresse la Mongolie, liée à l'Union soviétique par un traité d'assistance militaire. Le mois suivant, les troupes soviétiques, dirigées par un officier inconnu, Joukov, engagent la bataille avec l'année japonaise. C'est un affrontement militaire d'envergure: le Japon perd plus de 200 avions et plus de 50.000 de ses soldats sont tués ou blessés. Le 30 août 1939, les dernières troupes japonaises quittent la Mongolie. Le lendemain, une autre frontière de l'Union soviétique s'embrase: l'Allemagne envahit la Pologne. Tout le monde savait cette agression imminente: pour se ménager une position optimale et déclencher la guerre soit contre l'Angleterre et la France, soit contre l'Union soviétique, Hitler devait "régler le sort" de la Pologne. Revenons un peu en arrière. En mars 1939, l'Union soviétique entame des négociations pour former une alliance antifasciste. L'Angleterre et la France manoeuvrent et laissent traîner les choses. Par cette altitude, les deux grandes "démocraties" font comprendre à Hitler qu'il peut marcher contre Staline sans être inquiété à l'Ouest. De juin à août 1939, se tiennent des pourparlers secrets anglo-allemands: en échange du respect de l'intégrité de l'Empire britannique, les Anglais promettent à Hitler la liberté d'action à l'Est. Le 29 juillet, Charles Roden Buxton, du Labour Party, remplit une mission secrète pour le premier ministre Chamberlain auprès de l'ambassade allemande. Il développe le plan suivant: "La Grande-Bretagne se déclare prête à conclure avec l'Allemagne un accord délimitant les sphères d influence. (...)
1) L'Allemagne s'engage à ne point s'immiscer dans les affaires de l'Empire britannique.
2) La Grande-Bretagne s'engage à respecter entièrement les sphères d'intérêts allemandes à l'Est et au Sud-Est de l'Europe. Cela aurait comme conséquence que la Grande-Bretagne renoncerait aux garanties qu'elle a accordées à certains Etats situés dans la sphère des intérêts allemands. La Grande-Bretagne s'engage ensuite à travailler pour que la France répudie son alliance avec l'Union soviétique. 3) La Grande-Bretagne s'engage à mettre fin aux conversations actuellement menées avec l'Union soviétique en vue de la conclusion d'un pacte". (3)
Les services de renseignement soviétiques mettent Staline au courant de toutes ces manoeuvres.

L'Angleterre ne veut pas d'un front anti-fasciste

En août 1939, les négociations entre l'Angleterre, la France et l'Union soviétique entrent dans leur phase finale. Mais les deux puissances occidentales envoient à Moscou des délégations de second rang, sans mandat pour conclure une convention. Vorochilov exige des engagements contraignants et précis pour qu'en cas de nouvelle agression allemande, les alliés entrent en guerre ensemble. Il veut savoir combien de divisions les Anglais et Français opposeront à Hitler en cas d'agression contre l'URSS. Il ne reçoit pas de réponse. Il veut aussi conclure un accord avec la Pologne pour que les troupes soviétiques puissent rencontrer les nazis sur le territoire polonais en cas d'agression allemande. La Pologne refuse rendant ainsi impossible tout accord militaire effectif. Staline comprend parfaitement que la France et l'Angleterre préparent un nouveau Munich, qu'elles sont prêtes à sacrifier la Pologne dans l'espoir de faire marcher Hitler contre l'Union soviétique. Ace moment, Hitler était déjà arrivé à la conclusion que la France et l'Angleterre avaient moins de capacité et de volonté de résister. Il décide de s'emparer de l'Europe occidentale avant de s'attaquer à l'URSS. Le 20 août, Hitler propose à 1'Union soviétique un pacte de non-agression. Staline réagit promptement et, le 23 août, le pacte est signé. 

La "drôle de guerre"

Le 1er septembre, Hitler attaque la Pologne. L'Angleterre et la France sont prises à leur propre piège. Ces deux pays ont facilité toutes les aventures d'Hitler dans l'espoir de l'utiliser contre l'Union soviétique. Depuis 1933, ils n'ont cessé de vanter les mérites d'Hitler dans le combat contre le communisme. Maintenant, ils se voient obligés de déclarer la guerre à l'Allemagne nazie... sans avoir la moindre intention de la faire effectivement. Sur le front de l'Ouest, aucune bombe ne vient perturber la tranquillité des nazis... En revanche, une véritable guerre politique interne est déclenchée contre les communistes et, le 26septembre, le PCF est interdit et des milliers de ses membres sont jetés en prison. Henri de Kerillis écrit: "Une tempête indescriptible souleva les consciences bourgeoises. L'esprit de croisade souffla en furie. Il n'y eut qu'un cri: guerre à la Russie. C'est à ce moment que le délire anticommuniste atteignit son paroxysme." (4) A ce moment, Staline dit avec une grande perspicacité à Joukov: "Le gouvernement français, qui a Daladier à sa tête, et le gouvernement anglais de Chamberlain ne veulent pas s'engager sérieusement dans la guerre contre Hitler. Ils espèrent toujours pousser Hitler à une guerre contre l'Union soviétique. S'ils ont refusé en 1939 de réaliser avec nous un bloc antihitlérien, c'est qu'ils ne voulaient pas lier les mains d'Hitler, ils ne voulaient pas l'amener à renoncer à son agression contre l'Union soviétique. Mais rien ne sortira de tout cela. Il leur faudra payer eux-mêmes pour leur politique à courte vue". (5)

Hitler et Staline ont-ils "partagé la Pologne" ?

L'Union soviétique a conclu le Pacte avec la claire conscience que, tôt ou tard, la guerre avec l'Allemagne nazie serait inévitable. Une fois que l'Allemagne eût décidé de conclure un accord avec l'URSS, Staline extorqua à Hitler le maximum de concessions afin de se ménager les meilleures positions pour la guerre à venir. La Pravda du 23 septembre 1939 écrit: "La seule chose qui était encore possible, c'était de préserver de l'invasion allemande l'Ukraine occidentale, la Biélorussie occidentale (deux provinces qui avaient été arrachées à l'Union soviétique en 1920) et les pays baltes. Le gouvernement soviétique a fait prendre à l'Allemagne l'engagement de ne pas franchir la ligne formée par la Thasse, le Narew, le Boug et la Vistule". (6)
En Occident, ceux qui ont toujours sympathisé avec la politique anticommuniste d'Hitler, s'écrient maintenant: "Le fascisme et le bolchevisme, ces deux totalitarismes, se sont partagé la Pologne". Mais l'avance des troupes soviétiques correspond aux intérêts des masses populaires des territoires concernés, puisqu'elle leur permet de se débarrasser des fascistes, des grands propriétaires fonciers et des capitalistes. Cette avance correspond aussi aux intérêts de l'ensemble du mouvement anti-hitlérien mondial. Les bourgeois les plus réalistes voient clairement qu'en faisant avancer ses troupes, l'Union soviétique se donne une meilleure position de départ pour la guerre à venir. Ainsi, Churchill déclare, le 1er octobre 1939: "Le fait pour les armées russes de se tenir sur cette ligne est clairement nécessité par la sécurité de la Russie face à la menace nazie. En tout cas, la ligne est là et un front de l'est a été créé que l'Allemagne nazie n'ose pas attaquer. " (7) 

Le Pacte: clé de la victoire sur le fascisme

La droite prétend que le Pacte a prouvé la "collusion" entre Hitler et Staline. Or, l'histoire a montré que le Pacte germano-soviétique a constitué la clé de la victoire dans la guerre antifasciste. Cela semble un paradoxe, mais le Pacte a été un tournant qui a permis la préparation des conditions de la défaite allemande.

En août 1939, l'Union soviétique s'est trouvé devant le danger mortel de voir se constituer un front unique antisoviétique de toutes les puissances impérialistes. Avec le soutien tacite de l'Angleterre et de la France, l'Allemagne pourrait, après avoir occupé la Pologne, continuer sur sa lancée et entamer la "guerre-éclair " contre l'URSS, tandis que le Japon attaquerait la Sibérie. L'Union soviétique n'aurait pas pu survivre, la principale force antifasciste aurait été détruite, le fascisme aurait dominé le monde.
La France et l'Angleterre, qui avaient refusé tout au long des années trente un système de sécurité collective, ont été obligées d'entrer dans une alliance militaire effective avec l'Union soviétique au moment où l'Allemagne rompit le pacte germano-soviétique. L'Union soviétique a pu avancer ses défenses de 150 à 300 kilomètres. Ce facteur a eu une grande influence sur la défense de Léningrad et de Moscou, fin 1941. L'Union soviétique agagné 21 mois de paix qui lui ont permis de renforcer d'une façon décisive son industrie de défense et ses forces armées. 

LUDO MARTENS

( l ) Rapport au XVIIe Congrès, Ed. en langues étrangères, Moscou, I952, p.22-23. (2) Documents et matériaux se rapportant à la veille de la Deuxième Guerre mondiale. Ed. en langues étrangères, Moscou, 1948, tome, 1. p. 282. (3) Documents et matériaux...; Archives Dirksen, tome II, Ed. en langues étrangères, Moscou, 1948, II, p. 112- 113. (4) Cité dans: La Grande Guerre Nationale de l'Union soviétique. Ed. du Progrès, Moscou, 1974, p.20. (5) Joukov, I. p.250-251. (6) Déborine Grigori, Les secrets de la Seconde Guerre mondiale. Ed. du Progrès, Moscou. I972,p.35.(7) Churchill, tome 2. p. 51-52 

RETOUR - LISTE ARTICLES SUR STALINE-