1945-1947: Les Etats-Unis prennent la relève de l'Allemagne nazie

Solidaire -hebdo du Parti du Travail de Belgique- n°8 (1027) 23 février 1994 p.22

International

 

1945-1947: Les Etats-Unis prennent
la relève de l'Allemagne nazie

Vous l'avez souvent entendu à l'école, vous l'avez souvent lu dans les journaux: "Le fascisme et le communisme sont deux dictatures comparables". Sur ce thème, Ludo Martens rapporte quelques informations intéressantes dans son livre "Un autre regard sur Staline". En voici un extrait.

 1945: Patton veut attaquer Moscou !

La guerre antifasciste n'était pas encore terminée que des généraux américains rêvaient d'un renversement des alliances pour lancer des opérations militaires contre l'Union soviétique. Dans cette aventure, ils pensaient utiliser... l'armée nazie, épurée d'Hitler et de son entourage. L'ancien agent secret Cookridge rapporte certains propos tenus en été 1945: "Le général Patton rêvait de réarmer deux divisions de Waffen-SS pour les incorporer à la IIIe armée (américaine) et pour les 'diriger contre les Rouges'. Patton avait très sérieusement présenté ce projet au général McNarney, gouverneur militaire US en Allemagne... Ce que pensent ces bougres de bolcheviks, qu'est-ce que cela peut bien vous foutre ? disait Patton. Tôt ou tard, il faudra se battre contre eux. Pourquoi pas maintenant pendant que notre armée est intacte et que nous pouvons repousser l'Armée rouge en Russie ? Avec mes Allemands, nous sommes capables de le faire. Ils détestent ces bâtards rouges". Patton fut convoqué par Robert Murphy, le conseiller politique de McNarney. "Patton demanda, écrit Murphy, s'il y avait une chance d'aller jusqu'à Moscou et ajouta qu'il se faisait fort d'y arriver en trente jours, au lieu d'attendre que les Russes attaquent les Etats-Unis." (1)

 Un général nazi à la CIA !

Le général Gehlen avait été le chef de l'espionnage nazi en Union soviétique. En mai 1945, il décida de se rendre, avec ses archives, aux Américains. Il fut présenté au major général Luther Sibert, chef du Renseignement du groupe d'armées du général Bradley. A la demande de Sibert, le nazi Gehlen rédigea un rapport de 129 pages: "le projet d'une organisation secrète basée sur les travaux du Renseignement, dirigé contre l'Union soviétique sous l'égide américaine" (2). Gehlen fut introduit auprès des plus hautes autorités militaires américaines. Selon les accords, Gehlen, un criminel de guerre notoire, devait être remis aux Soviétiques. Mais le 22 août 1945, Gehlen a été transporté, clandestinement, aux Etats-Unis (3). Le nazi Gehlen y "négocia" avec les as du renseignement américain, Allen Dulles y compris, et ils arrivèrent à un accord: l'organisation d'espionnage (nazie! ) de Gehlen continuerait à fonctionner et "des officiers américains assureraient la liaison avec les Services américains "L'organisation Gehlen serait utilisée uniquement pour fournir des renseignements sur l'Union soviétique et les pays satellites "(4) Le 9 juillet 1946, Gehlen était de retour en Allemagne pour réactiver son service d'espionnage nazi, sous le contrôle des Américains. Il engagea des dizaines d'officiers supérieurs de la Gestapo et des SS (5)


Le général nazi Richard Gehlen, chef du service d'espionnage allemand en URSS, devant ses hommes, quelques jours avant qu'il passe... à l'armée américaine ! Plus tard, Gehlen engagea des dizaines d'officiers de la Wehrmacht, de la Gestapo et des SS dans un service secret dépendant de la CIA. Dès les années 1945-1948, l'impérialisme américain a repris à son compte la politique mise en oeuvre par l'impérialisme nazi.

10.000 criminels de guerre nazis aux Etats-Unis !

John Loftus, un responsable des services secrets américains, responsable du dépistage d'anciens nazis après la guerre, constata que des milliers de fascistes ukrainiens, croates et hongrois furent introduits aux Etats-Unis par un service "rival". Loftus écrit: "Le nombre des criminels de guerre nazis qui se sont établis aux Etats- Unis après la Seconde Guerre mondiale est estimé à quelque dix mille" (6)
Dès 1947, lorsque les Américains ouvrirent la guerre froide, ces nazis jouèrent un rôle considérable dans la propagande anticommuniste.
Ainsi, on peut affirmer que l'impérialisme américain fut réellement le continuateur direct de l'expansionnisme nazi.

Expérimentation nucléaire: 443.000 morts civils

Le 21 juillet 1945, en pleine conférence de Potsdam, un rapport sur le premier essai nucléaire américain parvint à Truman. Sa fille Margaret écrit: "Mon père avait soigneusement réfléchi à la manière selon laquelle il devait informer Staline de l'existence de la bombe atomique. Il s'approcha du "leader" soviétique et lui fit savoir que les Etats-Unis avaient réalisé une nouvelle arme d'un pouvoir de destruction extraordinaire. Staline garda le calme le plus complet" (7).
Staline était un homme décidé et calme qui ne se laissait jamais intimider par l'impérialisme, même pas par le chantage nucléaire.
Fin juillet, l'Union soviétique avait pris la décision d'entrer en guerre contre le Japon dont la défaite militaire était une question de semaines. Pourtant, sans la moindre nécessité militaire, les Américains ont décidé d'"expérimenter" leurs armes nucléaires sur des êtres humains. Ils espéraient ainsi terroriser leurs adversaires à un degré que même les nazis n'avaient jamais envisagé. Leur but principal, en tuant massivement des Japonais, était de susciter la terreur chez les Soviétiques: le message principal s'adressait à Staline. Dès que Churchill apprit l'existence de la bombe atomique, il voulut l'utiliser...contre l'URSS ! Le professeur Gabriel Kolko écrit: "Le maréchal Alan Brooke pensait que l'enthousiasme infantile du Premier ministre devenait dangereux: "Il se voyait déjà capable d'éliminer les centres industriels de la Russie" (8). Le 6 août 1945, apprenant que Hiroshima avait été détruite par la bombe, Truman déclara aux gens qui l'entouraient: "C'est la plus grande affaire de l'histoire". Truman a osé écrire une phrase pareille dans ses mémoires ! La décision de l'impérialisme américain d'exterminer sans distinction des centaines de milliers de civils japonais montre bien sa nature inhumaine et barbare: il reprenait ainsi le flambeau tenu par les puissances fascistes. Dans sa déclaration officielle, le même jour, Truman dit: "Si maintenant les Japonais n'acceptent pas nos conditions, ils peuvent s'attendre à une pluie de ruines venant du ciel, comme on n'en a jamais vue sur cette terre" (9). Le 9 août, une deuxième ville, Nagasaki, fut rayée de la carte. La pluie atomique, promise par Truman, coûta la vie à 443.000 personnes parmi les populations civiles d'Hiroshima et de Nagasaki (10).

Hitler et Truman: le même anticommunisme

Seule puissance prétendant à l'hégémonie mondiale, les Etats-Unis se posaient en adversaire irréductible de tout mouvement anti-impérialiste, luttant pour l'indépendance, la démocratie populaire et le socialisme. C'est le sens de la "doctrine Truman", une doctrine d'interventions tous azimuts sous le prétexte de défendre la liberté (du marché, de l'exploitation) contre le "danger communiste". Truman la formula ainsi le 12 mars 1947: "Je crois que la politique des Etats-Unis doit soutenir les peuples libres qui résistent aux tentatives d'assujettissement par des minorités armées ou par des pressions extérieures". Cette politique d'interventionnisme était "justifiée" principalement par "le danger du totalitarisme russe" (11). Ayant éliminé Hitler, son concurrent pour l'hégémonie mondiale, Truman reprit textuellement toutes les calomnies anticommunistes des nazis. Parlant de l'Union soviétique, Truman dit: "un groupe de fanatiques cruels mais habiles a organisé une dictature avec tous les ornements d'une religion d'Etat... L'individu devenait le sujet de l'Etat dans un esclavage perpétuel" (12). Ainsi, à peine les nazis vaincus, Truman reprit leur orientation principale, celle de l'anticommunisme et de l'antisovietisme.

(1) Cookridge E.H., L'espion du siècle Richard Gehlen, éd. Fayard, 1973, p. I69, (2) Ibidem,p.l62. (3) lbidem,p.l65. (4) Ibidem, p.178. (5) Ibidem, p.187-188. (6) Aarons Mark et Loftus John, Des nazis au Valican,éd. Olivier Orban, 1991. p.318. (7) Cité dans Beriejkov Valenlin, J'étais interprète de Staline, éd. du Sorbier, Paris, 1985, p.384. (8) Gabriel Kolko, The politics of War, Pantheon Books, New York, 1990, p.559. (9) Truman, Memoirs, volume II, p.466. ( 10) Déborine, Les secrets de la Seconde Guerre mondiale, éd. du Progrès, Moscou, 1972, p.265. (11) Truman, Memoirs, Volume II, p. 129 et 124. (12) Ibidem, p.314.

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