Texte original du PCRml (Parti Communiste Révolutionnaire marxiste-léniniste)

Le PCF sous l'occupation 39/45

Texte original du PCRml recopié en entier par Daniel Broudic.

© Copyright Daniel Broudic 2020 - Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés.

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Le PCF sous l’occupation 39/45

Texte original du PCRml recopié en entier par Daniel Broudic

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On ne parlera pas de la politique du PCF avant 1939. Certes avant 36 on commençait à voir quelques abandons à citer pour mémoire : « il faut savoir arrêter une grève » de Maurice Thorez, la tentative de regroupement au son de la Marseillaise et du petit coin tricolore dans le drapeau rouge, le bureau politique d’alors confondait 1789 et 1936. Le peu de conviction et le peu d’ardeur à combattre la non-intervention du gouvernement Léon Blum pour le soutien à l’Espagne républicaine en lutte contre le fascisme , la signature de la loi «violette » qui permet de juguler la résistance des Algériens au colonialisme en s’appuyant sur la communauté israélite, sont autant de signes avant-coureurs de la politique de reniement du PCF. On se situera en 1939 pour être en mesure de mieux comprendre la politique à venir des révisionnistes. Nous avons tous connaissance de la signature du pacte Germano-Soviétique en août 39, pacte de nonagression, de non-agression seulement. ( Que Churchill devait lui-même justifier dans ses mémoires. ) C’était là une réponse tout à fait valable de l’URSS à la politique franco-anglaise, caractérisée entre autres par les accords de Munich, surtout lorsque l’on sait qu’au lendemain de la révolution d’octobre, depuis 1918, la bourgeoisie française et anglaise cherchait par tous les moyens, économiques, militaires, et même par des intrigues subversives à abattre ce qui était alors la patrie du socialisme. C’est dans ce but que la politique franco-anglaise soutient au début la montée du nazisme en Allemagne hitlérienne, le fer de lance de la lutte contre l’URSS était alors leur but, d’où le rejet des propositions d’alliance contre le fascisme, que bien avant Munich, Staline leur avait proposé. Ceci pour rappeler qu’à cette époque, la hantise de la bourgeoisie francoanglaise au pouvoir dans leur pays respectif, est avant tout la lutte contre le communisme. La droite française a alors pour mot d’ordre : « plutôt Hitler que le Front populaire ». Nous savons que l’unité de la bourgeoisie internationale ne peut se réaliser complètement, à cause des contradictions qui opposaient les impérialistes franco-anglais et allemande, contradictions mises en valeur par le traité de Versailles, aussi l’impérialisme allemand préféra d’abord régler ses comptes avec ses concurrents franco-anglais avant de s’attaquer à l’ URSS. Aussi en 1939, la guerre prend tout de suite un caractère de guerre impérialiste. C’est l’impérialisme allemand qui cherche à récupérer les débouchés coloniaux perdus en 1918 et à les élargir en s’assurant l’hégémonie en Europe. C’est là son but principal, comme le soulignent alors les déclarations de l’internationale communiste. ( voir le livre de Guingoin sur la libération du Limousin ) et cela contrairement aux affirmations du PCF qui tente de nous faire croire qu‘au début il s’agissait d’une guerre impérialiste antifasciste ? La thèse de la juste défense face à l’agression n’est pas non plus valable puisque ce sont les Anglo-Français qui déclarent la guerre. ( De toute façon, la question de savoir qui sera l’agressé et qui sera l’agresseur n’a pas d’importance pour le prolétariat, puisqu’il s’agit de deux camps de la bourgeoisie qui s’affrontent. ) Quelle était alors la seule politique valable pour le prolétariat ? Certes il fallait se soucier de la défense nationale, aussi importante que les autres tâches politiques, mais mettre l’accent sur ces autres tâches ne voulait pas dire, comme les révisionnistes l’affirment encore aujourd’hui qu’il fallait alors développer une politique de soutien à la politique de défense de la bourgeoisie française, cette politique ne pouvait, pour être conséquente, qu’avoir un caractère impérialiste en permettant de continuer et accentuer l’exploitation du prolétariat et des peuples colonisés. Les révisionnistes connaissaient pourtant les écrits de Marx sur la commune de Paris de 1871 prenant comme exemple la collaboration avec les Prussiens et la trahison de l’intérêt national. Il fallait pour le prolétariat développer une politique indépendante en ce domaine, il fallait exiger du peuple et affirmer la nécessité d’un véritable gouvernement antifasciste. Exiger que la France ne participe pas à une guerre contre l’URSS, mais au contraire exiger une alliance avec ce pays. Le PCF se devait de ne soutenir aucune coalition impérialiste dans une telle guerre ; le prétexte de soutenir sa propre bourgeoisie dans la lutte contre le fascisme n’est pas valable, car nul ne pouvait maintenir que les Daladiers, Raynauds, Chamberlain et consorts menaient en 1939 une guerre antifasciste, ce n’était là que la suite de Munich. Il s’agissait alors de signifier aux Allemands : cela suffit ne continuez pas à vous agrandir à nos dépens il n’y a que l’URSS que l’on vous autorise à attaquer. La défense de la Pologne, à régime fasciste, n’est qu’un prétexte alors qu’on avait abandonné à son triste sort la Tchécoslovaquie qui était pourtant un allié plus démocratique et important. C’est là tout le sens de la drôle de guerre où l’on vit la France faire semblant de s’attaquer à l’Allemagne pour lui faire comprendre qu’il ne s’agissait pas que d’une mise en garde. L’histoire montrera que le caractère de la politique de guerre de 1939 menée par la bourgeoisie n’est nullement antifasciste, mais qu’il s’agit d’une guerre impérialiste anti-populaire et anticommuniste. Au début, le PCF a bien défendu l’attitude de l’URSS lors du pacte germano-soviétique en démontrant la portée de ce pacte en faveur de la paix, même s’il a mal compris la portée limitée de cet accord, il développe parallèlement de graves erreurs de droite dans son attitude politique. La montée du fascisme en Europe ainsi qu’en France avait contraint le PCF en 1934 à s’engager dans la voie qui le mènera au Front populaire en abandonnant la politique de classe contre classe au profit d’un front uni antifasciste. C’est dans cette voie chauvine, et en même temps, que la bourgeoisie accentue ses attaques contre ce qu’elle appelle les agents de Moscou, que le PCF en arrive à soutenir sa propre bourgeoisie et sa politique de soidisant défense de la France. C’est dans ce sens que le 25 août 1939, l’humanité, reprenant les déclarations du groupe parlementaire du PCF, affirme que si Hitler malgré tout déclenche la guerre, alors, qu’il sache qu’il trouvera devant lui le peuple de France et les communistes en premier rang pour défendre la sécurité, la liberté et l’indépendance du pays, et il approuve les mesures prises par le gouvernement pour garantir nos frontières. En même temps, Gabriel Péri déclare à la commission des affaires étrangères de la chambre des députés : « les communistes français collaboreront sans aucune réticence à la défense nationale . » Le gouvernement comprend alors que si le PCF appelle à l’union sacrée, c’est qu’il cesse de s’attaquer à la bourgeoisie, il en profite pour saisir le 25 août, les journaux du parti comme « l’humanité » et « Ce soir. » Ce qui n’empêche le 25 août, à « l’humanité » de titrer : « Union de la nation française contre l’agresseur hitlérien. » C’est alors que le gouvernement Daladier élu par la chambre du FrontPopulaire publie le décret du 26 août qui autorise « la suspension de toutes publications qui est de nature à nuire à la défense nationale » ce qui aboutit à l’interdiction de la presse communiste. Dès ce jour la répression s’abat sur les militants communistes, elle mènera le 26 septembre à la dissolution du parti pour continuer par l’arrestation et l’exécution de milliers de militants par la police bourgeoise et cela jusque-là libération. À ceux qui prétendent lui demander de lutter contre le fascisme, Léon Blum, en écrivant dans « le populaire » affirme sa haine du communisme : « J’ai le sentiment que la majorité de notre parti trouvera la dissolution de PCF naturelle et légitime. Si les communistes sont personnellement convaincus de trahison, qu’on les poursuit et qu’on les exécute comme les autres. » C’est là un véritable appel au meurtre d’un bon serviteur de la bourgeoisie qui avait déjà sur la conscience l’assassinat des antifascistes espagnols ; on sait comment Léon Blum sera entendu par la bourgeoisie, et comment son appel sera suivi d’effet. Ceci n’empêche nullement le PCF de poursuivre sa politique d’union et de soutien à la bourgeoisie qui pourtant affiche clairement ses sympathies profascistes puisqu’après l’interdiction de la presse du PCF, le 2 septembre, contrairement à l’enseignement de Lénine, critiqué par tout le mouvement communiste, les députés du PCF votent les crédits de guerre de la bourgeoisie. Le 19 septembre, la direction du parti déclarait encore : « les communistes français ont manifesté leur volonté de défendre le pays en votant les crédits de la défense nationale. Vingt-deux de leurs députés ont rejoint leur poste aux armées et sur les champs de bataille, les communistes soldats ont déjà versé leur sang. » Tentant de profiter des lambeaux de légalité encore existants, le parti formait à la chambre le 29 septembre, le groupe ouvrier et paysan constitué des 51 députés resté au parti, 21 renégats avaient démissionné après le pacte germano-soviétique, on devait en retrouver certains, plus tard, comme agent de la collaboration. C‘est à cette époque, pour redresser le parti, que l’internationale communiste du intervenir avec vigueur. Dans un appel du comité exécutif de l’internationale communiste en octobre 1939 on pouvait lire : « cette guerre est le prolongement des longues années de rivalité impérialiste dans le camp du capitalisme. Les trois plus riches états : l’Angleterre, la France, les États-Unis exercent leur domination sur les plus grands marchés du monde et les plus grandes voies. Ils se sont emparés des principales sources de matières premières. Entre leurs mains se trouvent de formidables ressources économiques. Ils maintiennent dans la soumission plus de la moitié de l’espèce humaine. Ils dissimulent l’exploitation des travailleurs, l’exploitation des peuples opprimés sous le faux masque de la démocratie pour pouvoir tromper d’autant plus facilement les masses. C’est contre leur hégémonie mondiale et pour leur propre suprématie que luttent les autres états capitalistes. Ils entendent repartager le monde à leur profit, tel est le sens véritable de cette guerre injuste, réactionnaire, impérialiste. Les responsables de cette guerre sont en premier lieu les classes gouvernantes des états belligérants. La classe ouvrière ne saurait soutenir une telle guerre. La bourgeoisie a préparé cette guerre pendant des années. Elle l’a préparé par ses collusions, ses conférences et ses blocs en dissimilant sous des phrases prétendument pacifiques, sa férocité impérialiste. Préparé par son agression contre l’ Éthiopie, par son intervention en Espagne, par son invasion en Chine. Elle l’a préparé directement par l’accord de Munich. La bourgeoisie a déclenché cette guerre parce qu’elle est empêtrée dans des contradictions insolubles du système capitaliste. Mais que gagnerez-vous à cette guerre, vous, prolétaires et travailleurs ? Dès à présent la réaction passe à une furieuse offensive. Dès à présent la dictature bourgeoise jette cyniquement le masque « démocratique », établit un régime de terreur militaire. Dès à présent la bourgeoisie aggrave votre situation, elle vous retire ce qui reste de vos droits et de vos conquêtes, elle vous dépouille cyniquement en allongeant la journée de travail, en diminuant les salaires, en haussant les prix. Elle dévaste les campagnes. C’est avec votre sang et vos souffrances que s’enrichit la bande de parasites, de spéculateurs et de profiteurs de guerre. Sans pudeur elle festoie à l’arrière, vous faisant pourrir et mourir dans les tranchées du front. Ouvtriers, « Ne croyez pas ceux qui vous appellent à la guerre sous le drapeau de l’union Nationale. Que peut-il y avoir de commun entre vous et les marchands de canons et de sang humain ? Il ne saurait y avoir d’union entre exploités et exploiteurs. Ne croyez pas ceux qui vous entraînent à la guerre sous le prétexte fallacieux de défense de la démocratie. Quels droits ont-ils de parler de démocratie ceux qui oppriment les Indes, l’Indochine, les pays arabes, ceux qui maintiennent dans les chaînes de l’esclavage la moitié de l’univers ? Les banquiers de Londres et de Paris ont sauvé et continue de sauver avec leurs emprunts les pires réactionnaires de l’Europe. Les lords anglais soutiennent la réaction sur les cinq continents du globe. Les démocrates tant vantés de France jettent en prison les députés communistes, anéantissant les libertés politiques. Ce n’est pas pour la liberté des peuples qu’ils font la guerre, mais pour leur asservissement. Ce n’est pas pour sauver la démocratie du fascisme, mais pour le triomphe de la réaction. Ce n’est pas pour la paix sociale, mais pour de nouvelles conquêtes impérialistes génératrices de nouvelles guerres. » À la suite de l’intervention de l’internationale communiste, forcé de reconnaître que la bourgeoisie en France ne poursuit nullement une guerre antifasciste telle que le souhaite le parti, le PCF publie dans les « cahiers du bolchevisme » à la date de janvier 1940, une autocritique. On peut y lire : « Par la suite, de lourdes erreurs furent commises : les travailleurs ne furent pas appelés à une action vigoureuse pour la défense du parti et de la presse. Le groupe parlementaire n’utilisa pas l’unique séance de la chambre pour protester contre la politique de réaction et de la guerre de Daladier et des chefs socialistes. Il vota les crédits de guerre, l’orientation erronée persista durant le mois de septembre. Les municipalités communistes dissoutes furent dépossédées de leurs pouvoirs sans qu’on eût tenté d’organiser la résistance des masses populaires, tout cela ne pouvait semer que la confusion et le trouble, ne pouvait qu’affaiblir la lutte du parti et des travailleurs révolutionnaires contre la guerre impérialiste, contre la besogne de trahison et de provocation des chefs socialistes et de quelques renégats passés à l’ennemi. Au surplus à l’intérieur, tous les partis et groupements de la bourgeoisie, y compris la social-démocratie, réalisaient l’union sacrée. Ils se lançaient à fond dans une politique commune de réaction et de guerre. La répression appelée et organisée par les chefs socialistes s’abattait sur la classe ouvrière et sur le parti communiste. À partir de ce moment, il ne pouvait plus être question de défense de la démocratie contre le fascisme, ni de front populaire avec les chefs radicaux, ni de front unique avec les chefs socialistes passés ouvertement sur les positions de l’impérialisme. La seule politique juste pour la classe ouvrière et le parti communiste, c’est la lutte courageuse contre la guerre impérialiste, pour la paix, en portant les coups contre la réaction en France, contre ses représentants au pouvoir, contre Daladier et ses complices socialistes et réformistes.

La seule tactique juste, c’est l’union de tous les exploités, des ouvriers, des paysans, des intellectuels, pour la lutte contre la réaction et la guerre en dénonçant impitoyablement les chefs traite du parti socialiste de la CGT et du parti radical. L’importance de cette autocritique annonce un changement radical dans la politique de PCF. Il n’est plus question de la lutte pour défendre la démocratie bourgeoise, que la suite à l’attitude de la bourgeoisie française, la guerre ne peut avoir seulement le caractère d’une guerre antifasciste, qu’il faut promouvoir une nouvelle tactique de front uni pour la paix, à la base, pour permettre de regrouper tous les antifascistes convaincus contre la réaction bourgeoise sur la base de la lutte de classe, afin d’organiser le camp de la révolution. Les faits démontreront plus tard que l’application de cette ligne ne sera pas poursuivie jusqu’au bout. Alors le PCF lance deux mots d’ordre : 1 – Lutte pour la paix. 2 – Lutte pour la défense des revendications immédiates des classes laborieuses : « les riches doivent payer » Mais pour le premier mot d’ordre, le PCF n’explique pas comment lutter pour la paix sans transformer la guerre impérialiste en guerre révolutionnaire. Pour la première fois, le mot d’ordre de paix remplacera celui de soutien à la guerre impérialiste. Le 1er octobre, le groupe ouvrier et paysan envoie à Édouard Herriot, président de la chambre, la lettre suivante où il écrit : « Chaque Français veut la paix, car il sait qu’une guerre de longue durée serait terrible pour notre pays et compromettrait son avenir et ses libertés démocratiques. »

Ainsi, le PCF, sans tenir compte de la lutte de classe, entame son action pour la paix en limitant aux revendications immédiates le mot d’ordre : « les riches doivent payer. » Ce qui apparaît valable pour l’union et la défense de la classe ouvrière pour la défense de ses intérêts, mais bien insuffisante pour obtenir la paix.

Pour « le socialisme et la guerre », Lénine avait pourtant écrit : « notre attitude à l’égard de la guerre est foncièrement différente de celle des pacifistes, bourgeois et anarchistes. Nous nous distinguons en ce sens que nous comprenons le lien inévitable qui rattache les guerres à la lutte de classe à l’intérieur du pays, dont nous comprenons qu’il est impossible de supprimer les guerres sans supprimer les classes et instaurer le socialisme ; et aussi en ce sens que nous reconnaissons parfaitement la légitimité, le caractère progressiste et la nécessité des guerres civiles » Il semble que les classiques étaient alors bien oubliés de la direction du PCF. Bien sûr la lutte pour la paix en 1939 avait un caractère nouveau par rapport à 1914. Bien sûr, la lutte pour la paix pouvait s’appuyer sur un fait nouveau : l’existence de l’URSS, et il était bien sûr nécessaire d’arrêter une guerre dont le but était la destruction du seul état socialiste. C’est dans cet esprit que la lutte pour la paix passait avant la lutte pour le socialisme, mais pour être conséquente elle devait avant tout être une lutte pour la bourgeoisie qui voulait la guerre. C’est sur la force du peuple, alors en arme, qu’elle devait s’appuyer, et non se limiter en fait à une lettre du groupe ouvrier et paysan au président de la chambre. Elle ne pouvait pas ignorer le danger que faisait peser sur la France le fascisme allemand, danger, que nous verrons plus tard, d’invasion du sol national, et c’est bien dans ce sens qu’elle se devait d’organiser dès le début de la lutte armée du peuple de France contre le fascisme et contre sa propre bourgeoisie réactionnaire et fascisante.

La lettre du député communiste au président de la chambre disait aussi : « Une paix juste et durable ...car en face des fauteurs de guerre impérialiste et de l’Allemagne hitlérienne en proie à des contradictions internes, il y a la puissance de l’Union soviétique qui peut permettre la réalisation d’une politique de sécurité collective, susceptible d’assumer la paix et de sauvegarder l’indépendance de la France ».

Une telle démarche qui ne s’appuie pas sur la mobilisation des masses ne pouvait que faire sourire la bourgeoisie française dont le but réel était l’anéantissement par la guerre de la patrie du socialisme. Ce n’était pas pacifiquement qu’il était possible alors de se faire entendre, une telle démarche, tentant de le faire croire, rejetait la seule solution qui eu été une profonde agitation dans l’armée et dans les usines. Mais justement cela était-il possible après toutes les fautes de 1936 à 1939, après avoir répandu toutes les idées patriotardes et chauvines, tout en soutenant la politique d’agression de l’impérialisme française. Était-on possible après avoir glorifié la France de Jeanne d’Arc et de Valmy ? Seule une autocritique largement diffusée et commentée dans les masses aurait pu le permettre, cela malheureusement ne devait pas se produire.

Faute de lier la politique pour la paix à la nécessité de renversement de la bourgeoisie, le PCF retombait une fois de plus dans une déviation petitebourgeoise, vers le légalisme et le pacifisme. Ce fut le prétexte de la bourgeoisie pour accentuer sa répression contre les communistes en assimilant à la trahison le fait de refuser la guerre. Un décret paru le 5 octobre suspendait l’immunité parlementaire des députés du groupe ouvriers et paysans. Il permet ainsi dans la nuit du 7 au 8 l’arrestation d’un premier groupe, 8 autres non mobilisés sont en fuite, mais 39 seront bientôt écroués à la prison de la santé. Seuls les députés mobilisés ne seront pas poursuivis immédiatement. Le 20 janvier 1939, la chambre prononce la déchéance de tous les députés communistes. Le député socialiste Barthélemy précise : « il faut frapper vite et fort, il faut en finir une fois pour toutes avec le péril bolchevique ». Rapporteur de la commission des 11 parlementaires chargés de statuer sur la loi du 20 janvier, le même Barthélemy déclare que Thorez et Catalas et tant d’autres devraient, non pas subir le feu du peloton d’exécution, ce serait leur faire trop d’honneur, mais être passé sous le couperet de la guillotine.

Chasseigne, ex-PCF passé à la SFIO et futur dignitaire de Vichy, réclame pour les communistes : « le coup de pistolet derrière la nuque que l’on donne dans les caves de Moscou ». À l’occasion du procès des communistes qui a lieu du 20 mars au 3 avril, Daladier, le signataire de Munich, déclare : « Je ne saurais faire aucune différence entre le bolchevisme et le nazisme, si ce n’est la différence entre la peste et le choléra ». Le 19 mars, montant à la chambre, le ministre de l’Intérieur Albert Sarrault dressait le bilan de la répression contre les communistes : 60 députés et sénateurs déchus, ainsi que 300 conseillers municipaux, 87 conseillers généraux, 76 conseillers d’arrondissement, 161 journaux ou revues communistes saisis, 11000 perquisitions, 620 syndicats communistes dissous et 675 groupements politiques qui se subdivisent en plus de 3000 sections et cellules. 3400 militants arrêtés, 1500 condamnés, plus de 3000 étrangers suspects internés dans des camps.

La bourgeoisie montrait ainsi son véritable ennemi, et le PCF, peu préparé à la répression, mettra quelque temps à s’en remettre.

Tout en intensifiant sa répression, la bourgeoisie profite de la guerre pour accentuer l’exploitation de la classe ouvrière, approuvée bien sûr par les syndicalistes réformistes du style Jouhaux qui signe le 7 octobre 1939 un accord avec le patronat et le gouvernement. Cet accord stipule : 1 – La durée du travail hebdomadaire est portée à 60 heures, à la suite d’un décret qui institue un prélèvement fiscal de 40 % au-delà de la 40e heure de travail, les congés payés sont remis en question, un autre décret met fin aux mandats des délégués du personnel.

Petit à petit, Jouhaux, aidé par la social-démocratie, en accord avec le gouvernement, procède à la dissolution des unions départementales et fédérations de la CGT à direction communiste et à l’exclusion des militants communistes connus.

Comme à chaque fois que la lutte de classe s’intensifie, on voit les sociaux-démocrates s’allier pour la défense des intérêts de la bourgeoisie, proclamer l’union sacrée pour réprimer la classe ouvrière et son parti communiste, ils profitent ainsi de la confiance qu’ils ont escroquée pendant les moments de calme politique, pour mieux trahir après. Cela donne aujourd’hui matière à réflexion pour les alliances autour du programme commun.

À la fin de 1939, la situation politique est claire : d’une part la bourgeoisie Franco-Anglaise c’est lancé dans une guerre contre les prétentions de l’impérialisme allemand pour la pousser contre l’URSS en même temps le danger fasciste en France est plus fort que jamais, il est de fait quasiment instauré à l’intérieur du pays.

D’autre part, grâce à l’internationale communiste, le PCF, après ses erreurs de soutien à la bourgeoisie, a su rétablir une ligne politique de juste lutte contre la guerre impérialiste, mais en s’appuyant insuffisamment sur les masses pour mener cette lutte, il laissera apparaître des tendances au légalisme et au pacifisme pour ne pas avoir su analyser que la bourgeoisie, dans sa haine du peuple, est passée, comme sous la commune, du côté de la trahison.

Les « cahiers » de janvier 1940 fixaient comme tâches principales pour les communistes : 1 – La lutte contre la guerre impérialiste et la lutte pour la paix. 2 - La défense des revendications immédiates des classes laborieuses : « les riches doivent payer ».

Le PCF déclare qu’il combat l’impérialisme français en aidant dans leurs luttes libératrices les indigènes des colonies ( c’est la seule fois de son histoire où le PCF réclamera l’indépendance pour les peuples colonisés ) alliées naturelles de la classe ouvrière contre l’ennemi commun. Il avance aussi le mot d’ordre de lutte antifasciste démocratique et économique, et pour un gouvernement qui assurera la paix, le pain et la liberté. C’est la reprise de la formule du Front populaire.

Parler aussi des peuples colonisés mérite aussi qu’on s’y arrête, puisque plus tard, il défendra ouvertement le colonialisme français et se montrera fervent partisan de l’union française. En vérité le PCF ne sut jamais s’appuyer sur ses Alliés naturels que sont les peuples colonisés, et ce sont les nazis qui plus tard accaparèrent à leur seul bénéfice, les aspirations des peuples arabes à l’indépendance.

Si le programme fixé est correct par rapport aux directives de l’internationale communiste, en fixant les bases d’un front uni antifasciste, il laisse assez vagues les liens qui unissent ce programme avec la révolution socialiste, et alors que des milliers de travailleurs sont sous les drapeaux, nulle part il n’est fait mention du travail à faire dans l’armée. La direction du PCF apparaît toujours en proie aux tiraillements quant à la ligne à suivre.

Le 26 mai, l’Humanité clandestine appelle à la formation d’un gouvernement de paix. Mais, le 5 juin, quand les Allemands traversent la Somme, le bureau politique de PCF propose « d’armer le peuple et de faire de Paris une citadelle imprenable » s’agit-il de former dans Paris une nouvelle commune ou de reprendre la vieille formule comme aux beaux jours de 1939 et de participer à la guerre impérialiste ? Cela manque de clarté, surtout si l’on reprend la demande de Politzer, qui, intervenant au nom du PCF, transmet au gouvernement Paul Reynault, les propositions suivantes :

« Le parti communiste considérait comme une trahison d’abandonner Paris aux fascistes, il considère comme le premier devoir national d’organiser sa défense, mais pour y parvenir, il faut : 1- Transformer le caractère de la guerre, en faire une guerre nationale pour l’indépendance et la liberté. 2- Libérer les députés et militants communistes, ainsi que des milliers d’autres emprisonnés. 3- Arrêter immédiatement les agents de l’ennemi qui grouillent dans l’état-major et les ministères et leur appliquer un châtiment exemplaire. 4- De premières mesures créeraient l’enthousiasme populaire et permettraient la levée en masse qu’il faut décréter sans délai. 5- Il faut armer le peuple de Paris et en faire une citadelle inexpugnable.

Tout ceci paraît fort correct, mais ne dépasse pas une simple demande à un gouvernement réactionnaire. Toutes ces demandes ne seront jamais popularisées dans les masses, encore moins dans l’armée et, elles ne sont pas fixées au peuple comme mesures immédiates. Il apparaît que le PCF ne voit pas clairement le lien entre la lutte pour la paix et la lutte contre le fascisme hitlérien, tel que l’avait posé l’internationale communiste. Il était clair que la lutte contre la guerre impérialiste ne pouvait être pacifique, que la revendication pour la paix devait s’accompagner de la lutte anti fasciste et bien sûr contre les nazis, mais aussi contre notre bourgeoisie fautrice de guerre et réactionnaire. Dans les « cahiers du bolchevisme », le PCF affirme que le mot d’ordre ne peut être de transformer la guerre impérialiste en guerre révolutionnaire comme en 14/18. Cela peut paraître valable si l’on entend par là que l’objectif de la révolution socialiste passait par une phase préparatoire de lutte Ant fasciste dont le nazisme est le fer de lance. Mais la lutte antifasciste ne voulait pas dire, et cela en aucun cas, se ranger dans le camp de l’impérialisme en prenant parti pour une des deux coalitions opposées.

Du fait des penchants profascistes de la bourgeoisie française, cette guerre gardait toujours un caractère de guerre impérialiste, et reprendre alors le mot d’ordre léniniste signifiait alors transformer la guerre antifasciste, même si l’entrée dans le conflit de l’URSS n’apparaissait pas encore comme très proche, même si la victoire était encore lointaine. Il apparaît alors que même si le PCF avait à la suite de l’intervention de l’internationale communiste adoptée une ligne plus correcte, il restait encore hésitant par rapport à sa propre bourgeoisie, les objectifs de paix n’étaient pas clairement reliés à ceux de la lutte antifasciste et de nombreux cadres ont des attitudes opposées.

Le 10 juin 1940, Charles Tillon envoie une délégation porter une lettre à Édouard Herriot, président de la chambre, pour lui demander de s’opposer à la capitulation, de former un nouveau gouvernement capable de continuer la lutte, et de lancer un appel à la nation. Il s’agit là d’une nouvelle divergence contraire à la ligne du parti exprimée dans l’autocritique de janvier, ligne qui n’était en rien modifiée par l’invasion, mais qui tentait plus tôt d’apporter un nouveau soutien à notre propre bourgeoisie. C’est quelques jours après, alors que les Allemands occupent Paris, que Maurice Tréand et Jean Catalas, tous deux membres du comité central vont négocier avec les nazis l’autorisation de faire reparaître l’Humanité. Arrêté par la police française, ce sont les Allemands qui les feront remettre en liberté le jour de la signature de l’armistice. Au même moment on pouvait lire, au nom du comité central : « nous avons des possibilités d’action vu les concessions des occupants ». C’était là chercher le soutien de l’autre camp des fauteurs de guerre. Le PCF montrait alors qu’il n’avait rien compris au pacte germano-soviétique, qui n’a jamais fait état d’une alliance entre nazis et les communistes de quelques nations qu’ils soient, et n’a jamais affirmé que la nonbelligérance entre l’URSS et l’Allemagne signifiait la même attitude pour les communistes français, alors que leur situation concrète était toute différente. Le 17 juin 1940, Pétain ordonne la cessation des combats, l’armistice sera signé 7 jours plus tard. Le 17 juin, l’Humanité écrivait : « Est-ce que la cité de Londres obtiendra la continuation du massacre de nos frères et de nos fils, ou la volonté du peuple français obtiendra-t-elle gain de cause ? C’est du peuple lui-même que dépend la réponse. Par notre action nous devons assurer une paix dans la sécurité, en exigeant par tous les moyens un gouvernement s’appuyant sur les masses populaires, nous entendre avec l’URSS pour le rétablissement de la paix dans le monde ».

Nous sommes loin des affirmations d’aujourd’hui ( mars 1976 ) qui voudraient donner une fausse image de la conduite du PCF au début de la guerre. Mais malgré ses erreurs et qui seront pleines de conséquences, il n’empêche la période glorieuse du parti écrit avec le sang de ses militants qui devait suivre un moment ou le PCF su reprendre la tête de la classe ouvrière.

JUIN 1940 – JUIN 1941

L’armistice devait apporter un certain nombre de changements bien qu’elle ne modifie pas le caractère politique de la guerre qui continue entre l’Allemagne et l’Angleterre. Quant à la bourgeoisie française, c’est en bloc qu’elle passera dans l’autre camp, le camp de la collaboration avec l’Allemagne. Cela se traduira bien sûr par une clarification, et aussi par un développement de la lutte de classe. Le régime de Pétain, en faisant disparaître les derniers vestiges de démocratie qui pouvait encore exister, affirme ainsi sans équivoque le caractère fasciste de son régime. Vichy tentera d’apparaître au début autonome, vis-à-vis des Allemands, mais arrivé au pouvoir sur les bottes des nazis, très vite il se démasquera comme collaborateur et subordonné aux Allemands. L’action résistante qui se porte tout d’abord contre Vichy, surtout en ce qui concerne les communistes, se tournera de plus en plus contre les nazis. Trompés par l’apparente volonté de lutte du régime à son début, des mouvements comme « combat » chercheront un moment des compromis avec Vichy. La bourgeoisie française quant à elle, et qui entraîne avec elle les couches intermédiaires fait confiance à Hitler pour juguler l’essor du mouvement populaire, elle n’a pas oublié sans grande peur du Front-Populaire, elle pense que seuls les nazis pourront être une bonne garantie contre le retour des rouges et puis elle espère ramasser une miette de la curée en s’allient avec la bourgeoisie allemande pour accentuer et mener à bien l’exploitation de la classe ouvrière. Bien sûr une petite fraction de notre bourgeoisie ( de Gaulle, de Kerillis, Raynaud ) espère pouvoir s’appuyer sur l’impérialisme anglais et sur ce qui reste des colonies pour organiser la lutte contre l’hégémonie allemande qui pour eux est l’ennemi le plus redoutable pour la bourgeoisie française. Mais elle ne représente que peu de chose puisque la France libre ne comptait à ses débuts qu’environ 300 personnes. Devant cette situation, le PCF mènera une juste politique d’opposition à la guerre et refusera de joindre la lutte du peuple de France à l’une ou l’autre coalition « tous les coups doivent porter contre Vichy. Ni l’Angleterre, ni l’Allemagne, ni de Gaulle, ni Pétain » tel est alors le mot d’ordre.

L’objectif du PCF est donc de s’opposer à la guerre et de lutter contre le régime capitaliste en combattant le gouvernement fasciste de Vichy, le but est le renversement du régime de Pétain et son remplacement par un pouvoir populaire qui mènera véritablement la lutte contre la bourgeoisie fasciste. Ceci est parfaitement juste, mais sans doute parce que l’autocritique de 1939 n’avait apporté aucune modification de l’appareil dirigeant, certaines erreurs se réveilleront dans l’application. Nous avons vu déjà la première attitude vis-à-vis des Allemands, il apparaît alors que le parti sous-estime les besoins de la lutte. Dans la zone nord, il était indispensable d’organiser la lutte. Le parti n’a pas vu assez vivement que Vichy qui se pose en continuateur de la 3e république est complètement à la botte des Allemands, aussi bien sur le plan politique que militaire. Il était alors indispensable de démontrer que la lutte contre Vichy se confondait avec la lutte contre les nazis. En zone sud, pour ne pas avoir développé un certain nombre d’explications à ce sujet, cette erreur permit le développement du mouvement bourgeois comme combat et libération. En fait, c’est en octobre 40 et non en juin 41 comme certains le prétendent que le PCF appelle vraiment au combat contre les Allemands.

À ceux qui affirment que le PCF ne prit vraiment position qu’après 41 pour défendre l’URSS, nous rappellerons les combats autonomes du prolétariat et la grève des mineurs du nord au printemps 41, et puis l’appel du 10 juillet 40 de Maurice Thorez et Duclos annonce bien la lutte pour l’indépendance. À l’instant où l’oppression nazie s’affirme de plus en plus, le PCF définit sa ligne politique afin de préciser les liens entre le combat pour la révolution antifasciste et la lutte pour la libération nationale. De cette ligne qui amènera une lutte au sein du parti, apparaissent deux textes. Ces deux textes bien sûr affirment que le parti a toujours eu une ligne juste et passe sous silence l’autocritique de 1939. Elle sera approfondie dans un texte qui paraîtra en janvier 41, intitulée : « Pour le salut du peuple de France ». Le 1er texte, rédigé fin juillet, mais anti daté au 10 juillet afin qu’il coïncide avec le vote des pleins pouvoirs à Pétain, sera signé au non du comité central par Thorez et Duclos.

Le 2e texte, qui a pour titre : « vive l’union de la nation française » est signée lui du PCF – SFIC- ( Section française de l’Internationale communiste ) il sera publié dans « les cahiers du bolchevisme » du 2e trimestre 1940. Si ces deux textes ont des points communs, ils affirment quelques nuances qui plus tard, à la libération, seront lourdes de conséquences.

En effet, dans le texte du PCF on peut lire : « ce sont les hommes et les partis de ce régime, tous, y compris le parti socialiste qui nous ont conduits à la guerre. La guerre a ouvert le procès du régime capitaliste, qui selon la noble expression de Jaurès : « porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage ».

Dans le texte de Thorez, il ne s’en prend qu’à la clique des dirigeants banqueroutiers, cite une longue liste de partis et de personnes responsables de la guerre, mais ne parle jamais de classe ou de régime particulier. On pouvait lire aussi : « seul le parti communiste a eu raison et a eu le courage de lutter ». ( Thorez ) « Le parti communiste a défendu une politique qui, si elle avait triomphé, aurait épargné à la France les malheurs qui se sont abattus sur elle ». Ceci est juste, exemple la Rhur, contre le fascisme en Espagne, contre Munich, mais passe sous silence les erreurs alors que pour en éviter le retour il serait opportun de les expliquer. - « Les responsables doivent être châtiés, il faut unir la France autour de la classe ouvrière et de son parti ». - « Il faut libérer les communistes, destituer le gouvernement de Vichy, il faut un gouvernement du peuple composé de citoyens intègres et courageux, de militants et de véritables amis du peuple (PCF) il faut un gouvernement de la renaissance nationale composé d’hommes honnêtes et courageux, de travailleurs intellectuels et manuels n’ayant trempés en rien dans les crimes, tirant sa force du peuple seul » (Thorez) Tout ceci est encore très vague. En fait, de profondes divergences se font jour sur le texte Thorez-Duclos et préparent tout un processus opportuniste.

Pour Thorez, un seul objectif : celui d’un front uni pour l’indépendance, la liberté et la reconnaissance de la France. Son but, c’est la paix, et « il n’y a de paix véritable que dans l’indépendance des peuples. Et les communistes qui revendiquent pour la France le droit à l’indépendance proclament aussi le droit à l’indépendance des peuples coloniaux asservis par les impérialistes ». Ce sera une rare fois où il est fait mention des peuples coloniaux, hélas, ce ne sera pas repris plus tard lors des guerres coloniales.

Que masque cette défense de la paix ? Il est vrai qu’il n’y a pas de paix réelle sans indépendance, mais pourquoi ne pas mentionner qu’il n’y a pas de paix réelle sous un régime capitaliste, et si, dans le texte on retrouve mention faite en une seule ligne que ces perspectives sont sous le signe de la lutte contre le régime capitaliste. Il est orienté, dans son ensemble, sur la seule perspective de l’indépendance, quel que soit le régime de cette nouvelle France indépendante. On peut avoir des doutes et déjà prévoir ce qui se passera plus tard, lorsque l’on voit plus loin dans le texte, Thorez glorifier la France bourgeoise. « La France deviendra une sorte de pays colonisé, la France au passé si glorieux ( de quel passé s’agit-il celui de Jeanne d’Arc, des conquêtes coloniales? ) ne s’agenouillera pas devant une équipe de valets prêts à toutes les besognes » contrairement aux enseignements de Lénine qui écrivait : « On ne peut au 20e siècle, en Europe, défendre la patrie autrement qu’en mettant en œuvre tous les moyens révolutionnaires contre les capitalistes de sa patrie, c’està-dire contre les pires ennemis de notre patrie » Thorez sépare la question de paix et d’indépendance de la nécessité de la révolution….Ceci est à lier au fait que pour Thorez, la condamnation des fauteurs de guerre n’est pas liée à la condamnation du régime capitaliste, mais la dénonciation de traites suffit. Il ne faut pas renverser le régime, mais seulement l’arracher de l’emprise de ceux qui l’on conduit au désastre. Pour Thorez, changer les hommes, c’est changer de régime. Dans le texte du 10 juillet, l’on voit déjà pointer la politique opportuniste et chauvine qui tente à profiter de la nécessité de la lutte pour l’indépendance qui devrait être liée de façon claire à la lutte contre le régime fasciste, pour faire oublier toute perspective révolutionnaire, déjà apparaît ce qui sera plus tard la trahison de la libération. La seule pensée de Thorez, en plein régime fasciste, en pleine guerre impérialiste, est la mise en place d’un « gouvernement populaire » qui sera supposé rendre la liberté aux Français en « remettant la France au travail » parce que « la France doit se relever, mais elle ne se relèvera que par le travail et la liberté » pas un mot sur le sabotage de l’économie de guerre, pas un mot sur la lutte contre le nazisme, à qui profiterait ce travail de la classe ouvrière ? Le programme proposé à cet effet est : nationalisation, taxation des grosses fortunes, ce qui ne pose pas vraiment la question du pouvoir de la bourgeoisie fasciste. Engager les travailleurs à rejoindre les comités populaires et d’entraide, rejoindre les syndicats, même fascistes, peut paraître juste que si seulement une perspective politique guide la lutte pour les revendications. Certes, l’appel de Thorez appelle à la lutte nationale, mais sans préciser de quelle indépendance il s’agit. Il apparaît aussi que les deux textes ne tiennent absolument pas compte de l’instauration du fascisme en France. Dans l’appel à la lutte anti-capitaliste, à la différence d’un autre texte de Charles Tillon publié fin juillet 1940 où l’on pouvait lire : 1 – L’ordre nouveau c’est le fascisme. 2 - L’armistice ne signifie pas la fin de la guerre impérialiste pour la France, mais la mise à disposition de Hitler de son potentiel en vue de l’agression de l’URSS. 3- la collusion entre ceux qui ont livré le pays et ceux qui l’occupent, explique mieux que tous les faits, pourquoi la guerre a été à l’intérieur, qu’une guerre de classe contre les travailleurs et leur guide : le parti communiste. 4 - l’objectif, c’est s’unir pour libérer le territoire de tous les oppresseurs et exploiteurs ( et donc pas seulement les occupants ) d’en chasser à la fois les capitalistes, leurs valets et traites et les envahisseurs, de nous unir pour aider à la défaite de tous les impérialistes. À bas le gouvernement de la 5e colonne ! À bas la guerre impérialiste et antisoviétique ! Hors de France Hitler et ses traites des 200 familles ! À bas le fascisme international ! Fraternisation du prolétariat de France et d’Allemagne au côté de l’URSS !

Toutes ces erreurs qui se retrouveront plus tard n’empêchent en rien la ligne générale du parti qui est de se tenir à l’avant-garde du prolétariat, cela, le parti n’y faillira pas en luttant avec efficacité contre la guerre et la bourgeoisie française. Aussi a-t-il su redonner confiance à la classe ouvrière et la réorganiser, telle la directive de juillet 40 de constituer des comités de salariés et d’entraide ainsi que de reprendre en main le travail syndical, ce qui permet d’obtenir des succès et d’unir la classe ouvrière. Le parti appelle à la lutte contre Vichy en combattant avec force le mythe de la « révolution nationale ». Il s’élève aussi contre l’oppression et les profiteurs de guerre : « ni de Gaulle ni Pétain » reste le mot d’ordre le plus important de la propagande.

La « vie du parti », le numéro 9 de septembre 40, publie un rapport du c.c. qui précise certains points de sa ligne. Il indique la faillite du gouvernement de Vichy, le refus de s’intégrer dans la guerre impérialiste qui continue, il met l’accent sur la nécessité de poursuivre la lutte contre nos propres capitalistes, il découvre aussi que l’Allemagne apparaît derrière Vichy : « nous sommes contre Pétain représentant le clan capitaliste dont les intérêts sont bien liés à l’Allemagne. Ils préfèrent faire de la France un pays lié à l’Allemagne, plutôt que de perdre leur privilège ».

Il fixe comme objectif : réaliser l’union contre le gouvernement de Vichy, prendre la tête de la lutte pour les revendications de toutes les couches laborieuses, expliquer les solutions anti-capitalistes, exalter le pouvoir des soviets. Ses deux objectifs sont présentés sans qu’il ne soit établi de lien entre l’un et l’autre. C’est aussi dans ce rapport que le légalisme est mis en avant : « agir avec audace pour reconquérir la légalité du parti, nous avons des possibilités d’action vue les concessions des occupants, nous sommes sans haine vis-à-vis des soldats allemands ». Le 24 septembre 1940, apparaît au grand jour le vrai visage du régime de Vichy, par la poignée de main symbolique de Pétain à Hitler, lors de la rencontre de Montoire. Cette date marque aussi l’accentuation de la répression, dans la chasse aux Juifs et aux communistes, de leurs maîtres nazis. Le 3 octobre 1940 est promulguée la loi sur les Juifs. Selon du Moulin de la Barthète, proche collaborateur de Pétain, « cette loi ne fut jamais imposée par les Allemands, cette législation fut spontanée et autochtone ». La loi anti-juive, la recrudescence de la chasse aux communistes amène « l’humanité » du 12 octobre 40 à publier un article où il est dit : « le gouvernement de Vichy n’est pas un gouvernement français. Au service des oppresseurs il veut réduire la France en esclavage au service des trusts, au service des capitalistes ». C’est donc en octobre 40 que le PCF associe pour la première fois la lutte antifasciste à la lutte contre les forces occupantes, elles sont vraiment à partir de ce jour désigné comme le 1er ennemi à combattre pour arriver à que ce pose la question du socialisme. Mais bien avant cet article, particulièrement en zone nord, récupérant les armes et munitions abandonnées par l’armée française en déroute, de nombreux militants communistes avaient déjà reconstruit clandestinement les cellules et jeté les premières bases de la lutte armée.

Devant cette prise de position venant directement de la base, le parti constitue en octobre 40 l’organisation spéciale. Ses premiers groupes armés qui seront la base de la création des F.T.P. en 41 ont pour cadres, dans bien des endroits, les anciens des brigades internationales. C’est à partir de ce moment que le parti devait se lancer dans la résistance où tant de ses militants se couvrirent de gloire et firent le sacrifice de leur vie.

Mais quels étaient les buts politiques de cette résistance, quel en était l’enjeu pour la direction du PCF ? Pour mieux le comprendre, revenons aux textes précédents et en particulier la formule « du gouvernement populaire ». C’est le 1er trimestre 1941, dans les « cahiers du bolchevisme » que paraît le programme que propose le c.c. après la situation créée par la signature de l’armistice. C’est là l’application des directives de Dimitrov au 7e congrès de l’internationale communiste, quant à la lutte antifasciste et les conditions à obtenir pour qu’un parti communiste soutienne éventuellement un gouvernement d’union antifasciste. Tout d’abord une remarque : les conditions établies par l’internationale communiste pour mener la lutte et installer un gouvernement populaire qui ne sera pas celui de la dictature du prolétariat, mais de la « dictature de plusieurs classes contre le fascisme ». ( Textuel dans le texte ) étaient très proches de celles qui existaient alors en France. - Appareil d’état et de la bourgeoisie complètement déconsidérée dans les masses et en partie désorganisée. - Débat, donc existant, de la lutte populaire contre le fascisme, mais sans pour cela que les masses ayant en objectif l’installation du pouvoir des soviets sous la direction du parti communiste. - Scission de plus en plus nette et regroupant de plus en plus d’éléments, de l’aile gauche des sociaux-démocrates.

Il ne faut pas oublier que Dimitrov, citant Lénine, définissait la lutte comme une préparation indispensable du prolétariat à la lutte pour le socialisme. Dans son discours de clôture du 7e congrès de l’ I.C. Dimitrov précise que : « rien ne peut détourner le prolétariat de sa lutte pour instaurer sa dictature », et citant Lénine, il continue : « ce serait une erreur radicale de croire que la lutte pour la démocratie est susceptible de détourner le prolétariat de la révolution socialiste ou de la masquer, de la voiler….Au contraire de même que le socialisme victorieux est impossible sans réaliser la démocratie complète, de même le prolétariat de peut se préparer à vaincre la bourgeoisie sans mener une lutte détaillée, conséquente et révolutionnaire pour la démocratie ». Ceci ne sera jamais précisé dans aucune publication du parti non plus dans les cahiers, bulletins de formation des militants.

On remarque aussi dans le programme du parti qu’il ne précise pas que la lutte contre le fascisme passe aussi par la lutte contre les nazis. Il est bien de citer : « le gouvernement capitaliste de Vichy ne se maintient que grâce aux baïonnettes étrangères », mais aucun mot d’ordre ne précise comment lutter contre ces baïonnettes, car rien ne dit qu’il ne faut pas laisser à la résistance bourgeoise le monopole de la lutte nationale. Bien sûr le parti a commencé la lutte, mais vis-à-vis de l’autre résistance, celle de la bourgeoisie, ayant de Gaulle à sa tête, aucune directive n’est donnée.

Le programme fixe aussi toute une série de réalisations sociales à effectuer, mesures économiques et démocratiques, qui jetterait en France les bases d’un régime nouveau, réduirait considérablement le pouvoir capitaliste, permettrait de chasser le fascisme et créerait les conditions pour l’instauration d’un véritable régime socialiste. Dans toutes ces propositions, on relève entre autres la création de milices ouvrières, la nationalisation des sociétés aryennes et juives ( tel quel dans le texte, le parti avait bien assimilé le jargon de la collaboration ) et la suppression du profit et de l’exploitation capitaliste. Jamais dans le texte il n’est dit que la dictature du prolétariat en est le seul garant. Aucune précision quand à savoir comment sera instauré ce fameux gouvernement populaire. Il est dit simplement « qu’il le voit maître des seules luttes revendicatives qui, de même que les petits ruisseaux forment les grandes rivières, préparent les batailles sociales d’où sortira la république, la France socialiste. On est proche de la théorie de Bernstein sur l’accumulation des réformes. Aucune précision non plus pour savoir qui dirigera la police, l’armée, qui les remplacera, si elles doivent être remplacées, si ce n’est que le gouvernement devra se fonder sur des comités populaires locaux et des comités populaires d’entreprises.

Dans son rapport au 7e congrès de l’I.C. Dimitrov avait pourtant précisé que « le gouvernement du front unique est un gouvernement de lutte contre le fascisme et la réaction, il ne limite en aucune manière l’activité du P.C. Ce serait une position fausse de penser qu’un tel gouvernement ne peut être créé qu’après l’insurrection armée, après le renversement de la bourgeoisie. C’est un gouvernement de transition conduisant à la révolution prolétarienne. Le salut ne viendra que du pouvoir soviétique… Dans une telle perspective, nous devons dire aux masses : « ce gouvernement ne peut pas apporter le salut définitif ». En conséquence, il est nécessaire de se préparer pour la révolution socialiste. Le salut ne viendra que du pouvoir soviétique, de lui seul ».

De tout cela, le PCF n’en parlera pas. Pour lui, le gouvernement sera simplement un gouvernement antifasciste. Le texte : « Pour le salut du peuple de France » est bien sûr positif et juste puisque ses principaux mots d’ordre sont : « Le peuple veut la paix. Le capitalisme, voilà l’ennemi ». Et : « Pour le gouvernement du peuple ». Mais quels sont les rapports entre la lutte pour la liberté et la lutte pour le socialisme ? Il n’en est fait mention nulle part. Les citations anticapitalistes ne signifient pas grand-chose, s’il n’est pas précisé quel est le pouvoir qui en fera sa doctrine. Cela n’apparaît en fait qu’une suite de vieux pieux, la confusion de l’appel de Thorez demeure, cela prépare déjà l’abandon par le PCF de la lutte contre le pouvoir de la bourgeoisie. Il faut noter aussi que dans son apport au 7e congrès de l’I.C. Dimitrov indiquait : « le prolétariat des pays impérialistes a des alliés possibles, non seulement chez les travailleurs de son propre pays, mais aussi dans les nations opprimées des colonies et des semi-colonies ». C’est seulement en quelques mots que dans son rapport du 10 juillet, Thorez tranchait la question. Il est vrai qu’il ne pouvait aller trop loin sans se dédire puisque c’est lui, qui, au 9e congrès du parti en décembre 1937, déclarait : « les revendications fondamentales de notre parti concernant les peuples coloniaux restent la libre disposition, le droit à l’indépendance ». Mais rappelant une formule de Lénine, il précisait : « Nous avons déjà dit aux camarades tunisiens qui nous ont approuvés que le droit au divorce ne signifiait pas l’obligation de divorcer. Si la question décisive du moment, c’est la lutte victorieuse contre le fascisme, l’intérêt des peuples coloniaux est dans leur union avec le peuple de France, et non dans une attitude qui pourrait favoriser les entreprises du fascisme, et placer par exemple, l’Algérie, la Tunisie, et le Maroc, sous le joug de Mussolini ou de Hitler, ou faire de l’Indochine une base d’opérations pour le Japon militariste.

Créer les conditions de cette union libre, confiante et fraternelle de peuples coloniaux avec notre peuple n’est pas là encore travailler à remplir la mission de la France à travers le monde ».

On ne peut expliquer plus clairement que la lutte antifasciste était le bon prétexte pour soutenir l’impérialisme français sous le faux prétexte que l’autre a un colonialisme plus redoutable, on justifie en fait son propre colonialisme. Le PCA, alors aux ordres du PCF, se rallie aussi à cette politique. À son 2e congrès de 1937, il prétexte la montée du fascisme pour s’opposer à la lutte pour l’indépendance. Puisque les nazis cherchent à utiliser le nationalisme arabe contre les rivaux franco-anglais, pour le PCA, lutter pour l’indépendance, c’est lutter avec le nazisme, et en septembre 44, il déclarait : « Ceux qui, dans le moment présent, mettent en avant le mot d’ordre d’une impossible indépendance font le jeu des seigneurs de la colonisation et d’autres impérialismes étrangers ». Traitant de cette question, Lénine avait pourtant signifié : « la démocratie moderne ne sera fidèle à elle-même que si elle ne s’allie à aucune bourgeoisie impérialiste, que si elle déclare que l’une et l’autre sont les pires ».

Bien sûr le programme « Pour le salut du peuple de France » est plein d’erreurs, et les tendances opportunistes chez des gens comme Maurice Thorez y sont largement exprimées. Mais il restera, malgré tout ces défauts, un élément moteur du combat qui se mène à l’époque contre le fascisme. Il stimule les masses et dénonce le piège du Gaullisme, tout en ralliant autour de lui tous ceux qui aspirent à construire un régime socialiste. C’est alors que le PCF procède au regroupement de toutes les forces, de toutes les classes antifascistes, dans un front national.

Dans un appel au comité central, le 15 mai 1941, et rapporté dans les « cahiers du bolchevisme » du 2e trimestre 41, le PCF précise ce que devra être le front national dès son préambule, il refuse la direction que voudrait imposer de Gaulle : « certains Français et Française qui souffrent de voir notre pays opprimé par l’envahisseur placent à tort leurs espérances dans le mouvement de Gaulle. À ces compatriotes nous disons que ce n’est pas derrière un tel mouvement d’inspiration réactionnaire et colonialiste, à l’image de l’impérialisme britannique, que peut se réaliser l’unité de la nation française pour l’indépendance nationale.

Le programme du front national, reprend en gros les propositions du programme : « pour le salut du peuple de France », mais ce qui prime, c’est la lutte pour l’indépendance et non la lutte antifasciste. Le mot fascisme n’y sera même pas mentionné. Il reprend l’idée d’un gouvernement populaire et se déclare prêt : « À soutenir tout gouvernement dont les efforts seront orientés dans le sens d’une lutte véritable contre l’oppression nationale et contre les traîtres au service de l’envahisseur ». Il n’était pas besoin dès le début de dénoncer de Gaulle pour à la fin se déclarer prêt à soutenir un programme de gouvernement qui pourrait être justement celui d’un gouvernement gaulliste.

La mise en place du front national est malgré tout une heureuse initiative du PCF, cela permettra de remporter de nombreux succès. En mai/juin la glorieuse grève des mineurs du nord, qui peut sembler n’être qu’une simple lutte sociale, marque un pas en avant et une grande réussite pour le front national et le parti, cela montre que la mobilisation de la classe ouvrière dans la lutte contre le fascisme est une réalité. En France, le voyage de Darlan pour rendre visite à Hitler montre le resserrement de la soumission à l’Allemagne.

Hitler, dès le printemps 41, envahit la Yougoslavie et la Grèce. Le 22 juin 41, c’est l’attaque de l’URSS qui changera le caractère de la guerre. Une édition spéciale de « l’Humanité » appelle pour la 1re fois à la lutte, les armes à la main : « Tous les peuples voient dans les ennemis de l’URSS leur propre ennemi que par tous les moyens ils abattent ».

Cet appel sera entendu de par tous ceux qui aspirent à la lutte antifasciste et s’armeront. Le 22 août 41, le matin, sur un quai de métro parisien, Fabien exécutera son 1er soldat nazi.

JUIN 1941 – DÉCEMBRE 1944

L’entrée de l’URSS dans le conflit devait donner une toute autre dimension à la guerre, d’une part toutes les bourgeoisies, à commencer par la bourgeoisie française, voient dans l’ouverture de ce nouvel affrontement la possibilité de la réalisation de son rêve que l’URSS soit vaincue et s’en est fait pour longtemps de la menace du socialisme dans le monde. L’URSS anéantie, et la bourgeoisie sera débarrassé pour longtemps des revendications qui, quelques fois, on fait chanceler son pouvoir. C’était là le but du soutien à Hitler. Le rôle que la bourgeoisie lui avait dévolu bien avant son avènement au pouvoir, les nazis allaient le tenir. Toute la bourgeoisie derrière son gouvernement de Vichy comptait bien que Hitler remplirait son contrat.

En Angleterre comme aux États-Unis, la bourgeoisie que des rivalités impérialistes opposent à l’autre bloc se retrouve d’un seul coup du côté de l’URSS, force leur est de faire, contre mauvaise fortune, bon coeur à l’URSS, qui très justement signe avec cette bourgeoisie des traités aussi bien avec les Anglo-Américains qu’avec la fraction gaulliste de la France libre ? Ce n’est pour l’URSS qu’une alliance tactique ainsi d’ailleurs que pour la bourgeoisie des Anglo-Américains. Truman déclarait alors : « Si nous voyons que les Russes gagnent, nous devons aider les Allemands, pourvu qu’il en meure de cette façon le plus possible ».

Le PCF se doit de tout entreprendre pour empêcher la défaite de l’URSS, il devra expliquer la nouvelle situation, les données ne seront plus les mêmes, en nouant des liens d’alliance avec l’URSS, les Anglo-Américains ainsi que les gaullistes deviennent bien involontairement pour eux, bien sûr, des défenseurs des intérêts du prolétariat mondial.

En France, depuis l’entrée des Allemands en zone sud, sur tout le territoire national la résistance s’organise. Il devient nécessaire d’établir des contacts avec tous ceux qui se battent contre les soldats de Hitler, y compris avec les gaullistes, pourtant alliés et défenseurs d’un autre groupe impérialiste ?

Mais ce n’est pas parce que les intérêts stratégiques sont les mêmes et que pour cela il est nécessaire d’essayer d’unir les efforts que l’on doit abandonner la lutte à leur égard, s’en remettre à eux quant au type de régime qui devra s’installer après la guerre, les compromis militaires n’engagent pas le peuple de France et encore moins le parti qui devait tout faire pour garder les postes de direction et ne jamais abandonner leur indépendance et le but initial.

En France, la bourgeoisie avait rejoint le camp des nazis, de nombreux barons de la politique, y compris de nombreux sociaux-démocrates collaboraient à tout va. La bourgeoisie gaulliste ne représentait que peu de choses, en Angleterre environ 300 personnes et encore moins sur le territoire national. Des mouvements bourgeois comme « libération » ou « combat » acceptaient mal la tutelle des gaullistes, certains comptaient dans leurs rangs des militants communistes ou sympathisants.

Pour De Gaulle il devenait indispensable d’exercer des contrôles sur la résistance sans cela, comment apparaître comme le véritable porte-parole de la France libre auprès des Anglais ? Et comment défendre et préparer le retour de la bourgeoisie au pouvoir lorsque les Allemands seront chassés du territoire ?

C’est sans garantie valable que le PCF offrit l’appui de la résistance intérieure à De Gaulle, sous prétexte que le but principal est de chasser les nazis, d’aider à tout prix l’URSS dans le but d’un maximum d’efficacité. Le parti oublia que la lutte pour l’indépendance n’était qu’un moyen de préparer l’avènement du socialisme, la seule raison n’était plus que la libération, et cela, sans contenu de classe. Bien sûr, l’unité dans la lutte apportait un maximum de facteurs de réussite, mais cela voulait-il dire qu’il devenait l’objectif numéro un, et cela au détriment du camp antifasciste. Se soumettre à De Gaulle était alors s’en remettre à la bourgeoisie.

Le PCF était alors passé de la recherche d’une alliance à la soumission la plus complète. Dans « les cahiers du bolchevisme » du 2e et 3e trimestre 41, paraît alors un article intitulé « notre politique », l’article développe que « les économistes n’ont pas d’autre ambition que de remplir fièrement leur devoir de Français », le mot d’ordre est de « s’unir sous le drapeau de la liberté et de l’indépendance ». Certes, nous savons que Lénine dans sa réponse à Kievaki indiquait que les communistes n’étaient pas par principe contre l’idée de défense de la patrie, mais il précisait : « la défense de la patrie est un mensonge dans une guerre impérialiste, mais nullement dans une guerre démocratique et révolutionnaire ». En juin 1941 la guerre était bien devenue une guerre démocratique et révolutionnaire et Marx nous enseigne : « la solution de la question de la démocratie consiste dans l’utilisation par le prolétariat qui mène la lutte de classe, de toutes les aspirations et institutions démocratiques contre la bourgeoisie en vue de préparer la victoire du prolétariat sur la bourgeoisie et de la renverser ». C’est dans ce même numéro des « cahiers » que paraît l’appel du front national qui cite l’inspiration réactionnaire et coloniale de De Gaulle, mais le parti ne sait pas marquer la différence entre lui et le Gaullisme sur la question de l’indépendance puisqu’il indique simplement « qu’il est prêt à soutenir tout gouvernement français qui luttera pour l’indépendance et uniquement pour cela ». De Gaulle a bien compris alors quelles étaient ses possibilités, il cherche en se servant du prestige et du poste de dirigeant que le PCF lui reconnaît à freiner au maximum l’action de la résistance antifasciste : refus de distribuer les armes sans considération d’obédience politique, ses tentatives d’isoler les communistes et le front national en organisant des scissions au sein de la résistance. Plus tard les critiques apportées à Giraud pour ses recours au front national en vue de libérer la Corse, l’abandon des maquis, comme le Vercors, ce qui devait aboutir à son massacre, la tentative de freiner la libération de Paris par le peuple, sont autant de preuves de la duplicité de De Gaulle dont le seul objectif est d’assurer la survie de la bourgeoisie et de lui permettre de reprendre les rênes du pouvoir à la libération. L’exemple de plusieurs provinces françaises qui se sont libérées sans l’aide des alliés démontre que sous la direction d’un parti communiste conscient et efficace, le peuple en arme se sent beaucoup plus motivé pour prendre en main sa propre libération. Il en est de même pour les pays étrangers qui ne comptèrent que sur leurs propres forces, cela leur permit surtout de lier beaucoup mieux la lutte de libération à la lutte de classe et la prise de pouvoir. Le numéro du 3 juin 75 de « L’Abanie aujourd'hui » nous en apporte la confirmation : « le grand mérite historique du parti communiste albanais réside précisément en ce qu’il ne sépara jamais, dès sa fondation la question de la libération nationale de la conquête du pouvoir par les masses laborieuses, mais qu’il considère comme deux tâches d’un seul et même objectif stratégique. Le parti a mené une ferme lutte en vue de faire passer le pouvoir totalement entre les mains des masses laborieuses pour que le pouvoir ne fût partagé en aucune façon avec les anciennes classes exploiteuses et que le pays ne soit soumis à la réaction intérieure et aux impérialistes anglo-américains ». Le mot d’ordre pour les Albanais était : « combattre en même temps pour l’indépendance nationale et pour un gouvernement populaire démocratique. Critiquant les partis occidentaux qui ne surent pas prendre la même voie, les Albanais ajoutent : « cette tâche stratégique était formulée en termes généraux, sans que fussent précisées les manières dont devait se développer la lutte, ni surtout la composition de ce gouvernement populaire. On ne définissait plus le caractère de classe de ce gouvernement pas plus que la position du parti communiste à son égard ». Cette critique s’applique fort bien au PCF et à ses dirigeants qui ne surent que profiter du « caractère général » pour développer leur ligne opportuniste. Il reste positif dans la politique du PCF qu’il veut mobiliser les masses contrairement à De Gaulle qui n’attend de salut que du débarquement allié.

Le rôle du parti est prépondérant quand il affirme : « attendre la délivrance de la victoire de l’URSS et de l’Angleterre serait une erreur. La lutte doit être menée en France même contre l’oppresseur ». C’est dans ce but qu’en octobre 41, regroupant les groupes armés de l’O.S. ( Organisation spéciale ) les jeunesses communistes et le M.O.I. ( mouvement de la main-d’oeuvre immigrée ), Charles Tillon est chargé de coordonner l’action militaire, l’aboutissement en sera la naissance en décembre 1941 de l’organisation des Francs Tireurs et Partisans.

Mais examinons de plus près le rôle de De Gaulle. Il a été l’un des rares politiciens de la bourgeoisie à avoir su saisir dès le début où était l’intérêt de l’empire. Si sa politique visait à réinstaller la bourgeoisie française aux postes de commande après la libération, cela voulait dire qu’il lui était indispensable de ne pas se lier trop profondément aux impérialistes angloaméricains qui avaient le projet de profiter de la défaite de la France pour se partager ses colonies. Il lui fallait aussi agir de telle façon que le peuple ne prenne pas le pouvoir à la libération. La seule force sur laquelle il s’appuyait dans ses tractations avec les alliés était la résistance. Nous allons voir comment le PCF l’aidait dans cette tâche. Pour s’approprier la résistance, de Gaulle confie la mission à Jean Moulin, ancien préfet de Chartres, de regrouper premièrement tous les mouvements de résistance non communistes. Il les charge aussi de prendre contact avec quelques dignitaires attentistes de la 3e république afin de faire resurgir les anciennes forces politiques de la bourgeoisie et de les incorporer à la résistance. Jean Moulin crée alors en en mai 1943 le C.N.R. ( Conseil National de la Résistance ) qui regroupe, avec 14 organisations dont la plupart n’existaient que sur le papier, les SFIO et les radicaux qui réapparaissent pour la circonstance, ainsi que des partis fantômes tels : la fédération républicaine, le parti démocrate populaire et l’alliance démocratique, quant au parti communiste, alors que les FTP qu’il contrôle rassemblent plus de 50 % des résistants, ne sera partie prenante du CNR qu’avec seulement 2 voix. En janvier 1943, le PCF décidera d’affirmer son soutien à De Gaulle, envoyant à Londres Fernand Grenier, membre du c.c., ce qui permit à De Gaulle de se poser auprès des Anglais comme le seul chef de la résistance. Ainsi, grâce au PCF, son autorité sort renforcée auprès des alliés, puisque cette politique le rendait bénéficiaire d’un vaste mouvement populaire dont il était étranger. La bourgeoisie pouvait bien augurer de l’avenir : elle était sûre de retrouver sa place à la libération. En ralliant de Gaulle, les dirigeants du PCF n’ont plus la même possibilité de combattre la bourgeoisie, de développer la lutte antifasciste et la lutte de classe parallèlement à la lutte pour la libération. En arrivant à Londres, Fernand Grenier, l’envoyé du c.c. du PCF, devait déclarer : « Je fais confiance à De Gaulle » . C’était on ne peut mieux apporter sa contribution pleine et entière à la politique bourgeoise du général. Et qu’obtint-il ? De parler à la radio aux plus mauvaises heures, à condition de ne jamais parler des FTP. Les fonds promis ne seront jamais envoyés et sur plusieurs centaines de parachutages d’armes et de matériel le B.C.R.A. n’en expédiait que 6 aux FTP. Aujoud’hui le PCF affirme que rallier de Gaulle était indispensable : cela renforçait la lutte antifasciste et c’était une solution juste puisque de Gaulle devait accepter le programme du CNR. Renforcer la lutte ? On a vu par la mauvaise volonté apportée pour la répartition de l’armement et les tentatives de division de la résistance qu’il n’en sera rien.

Quand au programme du CNR, signé par les communistes, mais jamais par De Gaulle, qui fut adopté le 15 mars 1944, il s’élève contre l’attentisme, prévoit la création de comités de libération sous la direction de comités départementaux et, nationalement du CNR. L’attente que l’on fait à ces comités est très importante, puisqu’ils doivent bien sûr soutenir la lutte armée, mais aussi intensifier l’esprit de lutte contre la répression des nazis français, développer le niveau de vie en menant la lutte économique, organiser des milices patriotiques destinées à défendre l’ordre public, la vie et le bien des Français contre la terreur et la provocation, préparer une armée intérieure en vue de l’insurrection nationale.

À la libération on verra ce qui reste de ces mesures. Il était clair que la bourgeoisie ne pouvait se saborder en appliquant un tel programme. À ce sujet Lénine nous enseigne : « la bourgeoisie redoute la liberté complète, la démocratie totale, car elle sait que le prolétariat conscient, c’est-à-dire socialiste, utilisera cette liberté pour lutter contre la domination du capital. C’est pourquoi la bourgeoisie veut, au fond, non pas la liberté complète, le pouvoir absolu du peuple, mais un arrangement avec la réaction, un accommodement avec l’autocratie. La bourgeoisie veut le système parlementaire pour assurer la domination du capital, en même temps elle veut la monarchie, une armée permanente, le maintien de certains privilèges de la bureaucratie pour empêcher la révolution d’aller jusqu’au bout et le prolétariat de s’armer, s’armer signifiant ici à la fois se donner des armes au sens propre et s’assumer une liberté complète ». Un programme tel celui du CNR n’a de valeur que s’il signifie le pouvoir qui le mettra en application. Il laisse à penser que le pouvoir s’appuiera sur ces fameux comités populaires pour remplir sa mission, car c’est en s’appuyant sur le peuple en armes que ces comités pourraient se transformer en organe du pouvoir, afin de jeter les bases d’un nouvel état démocratique et populaire, afin de mener jusqu’à sa conclusion la lutte antifasciste et instaurer un véritable pouvoir socialiste. Mais sur ce point le CNR, dans son programme, prévoit de s’en remettre au comité français de libération nationale, organe bureaucratique de De Gaulle, pour « rétablir la souveraineté française dans sa grandeur et dans sa mission universelle ». Quelle perspective pour un pays impérialiste !

Il est évident, et l’histoire le démontrera, que le désir de mener à bien l’épuration, les nationalisations de tous les grands moyens de production ne sont plus que des souhaits sans effet réel. La milice ouvrière, les conseils d’usine, une information rarement démocratique, pourtant inclus dans le programme du front national, et en partie repris par le CNR, ne seront que de vœux pieux. Le PCF allait même encore plus loin dans son renoncement : il renonce à la lutte de classe en précisant que : « les mouvements, les groupements, partis en tendances politiques regroupés au sein du CNR, proclament qu’ils sont décidés à rester unis après la libération ». À son arrivée à Londres, Fernand Grenier devait d’ailleurs déclarer : « quant à ce qui se passera après la libération, ce n’est pas la question du moment. La république du moment devra donc à notre avis apporter de profondes réformes politiques et sociales, mais notre opinion est que les patriotes qui se seront unis pour libérer le pays devront le demeurer pour le reconstruire sur de nouvelles bases. Cependant, à vrai dire, nous pensons davantage, en ce moment, à la lutte présente qu’aux problèmes de l’avenir ». On ne saurait mieux s’en remettre à la bourgeoisie pour régler l’avenir de la France. On sait quelles seront ces nouvelles bases qui, à la libération, ne gêneront en rien la bourgeoisie. En fait quel a été le rôle du PCF en participant au CNR sinon en le ralliant, il lui apporterait une caution marxiste, mais son rôle fut d’extraire du marxisme tout ce qui était acceptable pour la bourgeoisie y compris la reconnaissance générale des idéaux socialistes ainsi que le remplacement du capitalisme par un régime nouveau. Il s’appliquait seulement à rejeter ce que l’on pourrait appeler l’âme vivante du marxisme, son esprit révolutionnaire.

1944 : LA LIBÉRATION

Les combats pour l’indépendance menés en commun avec les rapports de force que l’on connaît puisque les FTP représentaient alors plus de 50 % de la résistance et que le reste se partageait entre différents mouvements divisés entre eux. ( Quelquefois même implantés dans des régions où il ne se passait rien ) menait à la victoire ? L’heure de la libération remettait à l’ordre du jour toutes les contradictions entre le prolétariat et la bourgeoisie. Le PCF se devait alors d’adopter entre toutes, les mesures économiques et démocratiques du CNR. Il se devait choisir soit de se battre pour imposer les mesures pour lesquelles les travailleurs luttaient, soit apporter son soutien à un gouvernement venu au pouvoir pour assurer les intérêts de la bourgeoisie. Mais le PCF, par ses écrits et ses déclarations antérieurs avait déjà opté pour la république bourgeoise, le choix n’était plus possible, à moins d’un revirement total de sa politique et de préparer l’ensemble de ses militants à un virage complet sur la question du régime au pouvoir.

Cet effet, dans « les cahiers du bolchevisme » de 1944, dans un article intitulé « problème de demain », Georges Cogniot entreprend de justifier l’attitude du parti. Des thèses du PCF de 1940 sont entièrement rejetées. La défaite a pour cause « une défaillance de la constitution en général, des institutions et des principes de notre pays ». Voici donc que la bourgeoisie, l’impérialisme, ne sont plus responsable de la guerre, c’est tout simplement parce que leur système a connu une défaillance que tout est arrivé. Pour Georges Cogniot, tout consiste à trouver une bonne bourgeoisie qui ne défaillira pas. Parlant des divergences, qui règnent dans le camp de la résistance, pour faire passer le retour de la bourgeoisie au pouvoir, Cogniot qualifie ces divergences de « divergences amicales qui ne portent sur rien d’essentiel ». Une seule hantise pour le parti, à savoir s’il y aura des élections libres tout de suite après la libération. On peut se demander alors pourquoi s’est battu le parti, car au lieu de s’appuyer sur le peuple en armes, qui avait vu sa conscience politique s’élever et s’affirmer par la lutte antifasciste et l’écroulement de secteurs entiers de la bourgeoisie collaboratrice, au lieu de vouloir établir un régime nouveau et démocratique, qui s’appuierait sur la dictature du prolétariat pour éliminer définitivement la bourgeoisie fasciste. Le PCF mène le combat afin d’obtenir une constituante dans le cadre d’un état bourgeois. Il donne même la recette à la bourgeoisie pour reprendre son pouvoir, il faut dit-il, « faire appel à l’enthousiasme des masses que la régénération ( c’est par ce terme que Cogniot parle de reconstruction ) nécessite leur adhésion et ceci ne serait possible grâce aux seules méthodes autoritaires. Non, vous devez leur donner l’impression qu’elles participent ». En vérité le PCF reprend là les vieilles recettes et escroqueries des politicards bourgeois, une démocratie formelle pour bien masquer la réalité du pouvoir. Quant à la question des colonies, le PCF propose « l’accession des indigènes à la citoyenneté afin que, puisqu’ils seront représentés à l’assemblée, la France donne ainsi à tous ses fils des raisons puissantes de l’aimer ». C’est là la continuation du colonialisme avec la complicité de collaborateur autochtone pour mieux exploiter les peuples coloniaux. Ce ne saurait mieux annoncer la couleur, il ne peut plus être question de régime nouveau, mais de régénérer la bourgeoisie, de retrousser ses manches pour son compte, de l’aider à continuer l’exploitation des peuples coloniaux, c’est tout ce programme que Thorez mettra en œuvre de 45 à 47. Contrairement au programme pourtant bien timide du CNR, la politique du PCF ne défend plus aucune mesure anti-bourgeoise, antimonopoliste. Le PCF est déjà devenu un parti révisionniste. En avril 45, dans « les cahiers du bolchevisme », Étienne Fajon écrit : « le problème du moment n’est pas la démocratie bourgeoise ou démocratie socialiste, mais démocratie bourgeoise face au fascisme. Et dans le numéro 7 des « cahiers du bolchevisme », il rejette les propositions de Dimitrov. Le parti précise : « la classe ouvrière souhaite réaliser les tâches de la révolution démocratique bourgeoise qui la mettra plus près de son émancipation sociale ». Ce qui est vrai en 1945, ce n’est pas de savoir si le fascisme sera vaincu, il l’est, mais s’il sera totalement éliminé dans toutes ses manifestations, non seulement au niveau de quelques-unes de ses doctrines les plus gênantes pour la bourgeoisie, seule une démocratie populaire et non une démocratie bourgeoise aurait pu balayer définitivement le fascisme. Reprenant les théories de Cogniot sur les colonies, le numéro 6 des « cahiers du communisme » précise : « la séparation irait à l’encontre de l’intérêt de ces populations et ceci pour deux raisons : 1 – Parce que la nation française en lutte contre les trusts qui la trahisse en même temps qu’ils pillent les colonies vont instaurer une démocratie véritable qui ne pourra qu’apporter la démocratie à ces populations coloniales. 2- Parce que les terres habitées par ces populations sont l’objet de convoitises redoutables et elles ne sont pas en état de se garantir une existence vraiment indépendante ».

C’est la reprise exacte des théories de Thorez en 1937. Le PCF ayant oeuvré pour le retour au pouvoir de la démocratie bourgeoise, il en arrive à préférer l’impérialisme français à un autre impérialisme.

C’est plus tard, afin de se justifier, que le PCF avance que la France avait à la libération, été menacée par une administration étrangère prévue par les alliés, sous le nom de NICOT. Ce n’est pas la vraie raison de la trahison du parti, cette ligne politique n’est pas nouvelle à la libération, mais bien la continuité d’une ligne qui, nous l’avons vu, existait dans le parti depuis 1939. Et puis jamais le prolétariat n’a préféré être gouverné par une bourgeoisie plutôt que par une autre. En vérité, quelle est la situation à la libération ?

Les forces populaires ont libéré elles-mêmes de grandes étendues de territoire, elles sont en mesure de s’opposer à toute administration de la réaction bourgeoise, y compris De Gaulle qui malgré l’aide apporté par le PCF, a du mal à s’imposer. Dans le livre : « les bataillons de la jeunesse », on peut lire sous la plume de Uosenlias, « aucune troupe alliée ne fut nécessaire en zone sud et à l’ouest des lignes Nantes-Bourges, DijonMarseille, c’est la résistance qui y réglera tous les problèmes, libérant elle-même les trois cinquième de la France, et jusqu’à la capitale Paris. Les FFI comptaient 500 000 hommes armés, dont 250 000 FTP, ceci sans compter les milices patriotiques, soit plus de 800 000 antifascistes en armes, le plus souvent avec des militants du parti à leur tête : ainsi les FFI étaient commandés par le général Joinville ( Malesret ) et ils étaient coiffés par le COMAC organe de contrôle du CNR dont 2 chefs sur 3 étaient alors membre du parti. De Gaulle avait bien tenté de subordonner le tout au général Koenig, mais il ne pouvait avoir que l’autorité qu’on voulait bien lui accorder. À Paris, en Corse, dans le Sud-Ouest, etc..Les chefs locaux de l’insurrection libératrice étaient aussi des communistes. Tous les combattants de la classe ouvrière, de nombreux paysans et de petits-bourgeois, aspirent avec force à éliminer le fascisme et sa base de classe : la bourgeoisie monopoliste. Ils se battaient non seulement contre les nazis et les collabos, mais pour un monde nouveau des « lendemains qui chantent ». La bourgeoisie ayant perdu son principal soutien, l’armée allemande, elle en ressortait, complètement déconsidérée dans l’opinion publique par 4 années de collaboration avec les nazis. L’appareil d’état bourgeois était en pleine déconfiture, la police, les collabos, la magistrature cherchaient à faire octroyer des certificats de bons démocrates ou à se faire oublier ou encore à prendre la fuite. l’appareil ecclésiastique était lui-même chancelant, Pie XII n’avait-il pas béni les armées de Mussolini avant leur départ pour leur croisade anticommuniste. L’église en ressortait fort diminuée. C’était la situation que Lénine avait définie comme révolutionnaire. Dans la faillite de la 2e internationale : « impossibilité pour les classes dominantes de maintenir leur domination sous une forme inchangée, crise au sommet, crise de la politique de la classe dominante, et qui crée une fissure par laquelle le mécontentement et l’indignation des classes opprimées se fraient un chemin. Pour que la révolution éclate, il ne suffit pas habituellement que la base ne veille plus vivre comme auparavant, mais il importe encore que le sommet ne le puisse plus. Aggravation plus qu’à l’ordinaire de la misère et de la détresse des classes opprimées. Accentuation marquée de l’activité des masses qui sont poussées vers une action historique indépendante ».

Bien sûr il n’apparaît pas certain que la victoire de la révolution socialiste était acquise, mais pour cela il eu fallu que le PCF révèle aux masses la réalité de la situation propice à la révolution, qu’il explique l’ampleur et la profondeur, qu’il éveille la conscience du prolétariat afin de l’aider à passer à l’action révolutionnaire, qu’il soit l’organisation conforme pour travailler dans le sens de la révolution, que le parti accepte de se mettre à la tête d’un tel mouvement et beaucoup pouvait être obtenu. Déjà dès le mois d’avril 44, trompant le peuple sur le véritable caractère du mouvement provisoire à Alger, le PCF en y envoyant deux ministres lui donne une caution démocratique. C’est en application d’un programme en cinq points, que les deux ministres figurent au gouvernement d’Alger, mais, quels sont ces cinq points : 1 – Mise en œuvre de tous les moyens dont disposent la France et l’empire pour faire la guerre ; développer au maximum la puissance de l’armée française, nationale, anti-hitlérienne et l’armement des patriotes français, des soldats sans uniforme dans la métropole. 2 – politique de châtiments des traites qui sont déjà entre les mains des autorités françaises pour donner au peuple de France l’assurance que la justice ne sera pas étouffée. 3 - Politique démocratique et sociale hardie qui permettra de galvaniser les énergies populaires pour la guerre. 4 - Politique d’union de tous les Français et de toute la population de l’empire pour la compréhension et en donnant satisfaction aux légitimes revendications des masses indigènes. 5- Renforcement du rôle de la France dans le bloc des Nations unies sur la base du respect à l’indépendance de la France et de la restauration de la grandeur française.

Examinons ce que devint ce programme pour voir ce qu’il vaut : Pour le premier point : il ne pouvait être fait confiance au gouvernement de Gaulle qui, nous l’avons vu, avait refusé d’armer la résistance. Ensuite, le 28 octobre 44, le conseil des ministres annonça sa volonté de dissoudre les milices, ceci fut admis à l’unanimité du gouvernement, y compris les ministres représentant le PCF, ce qui était normal puisque le 21 et 23 janvier, le c.c. devait approuver cette décision et en permettre la mise à l’exécution.

Le point 2 n’a pas été réalisé, des milliers de collaborateurs sont morts dans leur lit, le point 3 est en désaccord complet avec les indications de Dimitrov sur la participation des communistes à un gouvernement bourgeois antifasciste. En effet le 7e congrès de l’I.C. n’indiquait-il pas qu’il fallait exiger avant tout d’un gouvernement qu’il réalise des revendications révolutionnaires radicales, par exemple le contrôle de la production, le contrôle des banques, la dissolution de la police, son remplacement par la milice ouvrière armée. De tout ceci il ne fallait pas compter sur De Gaulle pour le réaliser. Le point 4 prépare le néocolonialisme et annonce déjà la politique d’union française chère à De Gaulle.

Le point 5 qui parle de la restauration de la grandeur de la France ne dit pas de la grandeur de quel régime il s’agit, mais il est facile de le supposer, nous l’avons vu par ailleurs : on faisait confiance à la bourgeoisie pour rénover la France.

Participant au gouvernement, les dirigeants du PCF ont collaboré activement à rétablir le pouvoir de la bourgeoisie. N’ont-ils pas participé à l’intégration des FFI dans l’armée bourgeoise ? C’est-à-dire à les dissoudre en janvier 45. N’ont-ils pas participé au désarmement des ouvriers en soutenant la dissolution des milices patriotiques ? Thorez dira : « elles ont eu leur raison d’être avant et pendant l’insurrection contre l’occupant et ses complices vichystes. Mais la situation est maintenant différente, la sécurité publique doit être assurée par les forces régulières de la police, constituée à cet effet. Les gardes civiques (CRS) et d’une façon générale tous les groupes armés irréguliers ne doivent plus être maintenus plus longtemps ».

Cela à pour effet de désarmer complètement les comités de libération qui n’exécuteront les tâches que le CNR leur avait fixées. Ils devront s’effacer devant les commissaires de la république envoyée par De Gaulle. Cela ne se passera pas sans que quelques protestations s’élèvent dans les rangs du parti. Tillon, responsable du front national en apportera le témoignage lorsqu’il déclarera plus tard que le PCF du s’opposer à de nombreuses tentatives de conquête du pouvoir d’état par certains résistants, il précisera : « c’est nous qui les avons amené à abandonner leurs orientations ».

Aujourd’hui, les révisionnistes tentent de mettre en avant de profondes réformes obtenues pour tenter de masquer leur trahison. Certes à l’époque furent obtenues des nationalisations, les comités d’entreprises ( qui n’ont rien à voir avec les comités d’usines prévus dans le programme du front national ) droit de vote des femmes, sécurité sociale, etc.

C’est la part du feu faite par la bourgeoisie pour monnayer son retour au pouvoir. L’historien Ellenstein, membre du PCF reconnaît que toutes ces réformes n’eurent pas de suite, elles furent pour la plupart vidées de leur véritable contenu, la bourgeoisie ayant retourné des réformes dirigées contre elle en des instruments de sa politique économique, en vérité le PCF se servant de son passé pour tromper la confiance populaire sera le principal artisan du retour de la bourgeoisie au pouvoir. À la conférence des partis communistes, courant septembre 1947, en Pologne, Djanov élèvera de sévères critiques à l’encontre du PCF. On sait qu’ils ne permirent en fait aucun redressement de la ligne du parti.

POLITIQUE COLONIALE DU P.C.F.

Nous avons vu le soutien apporté en 1937 à la loi Blum-Violette par le groupe communiste à la chambre, rappelons pour mémoire que cette loi promulguée à la suite de révolte en Algérie assurait le droit à la communauté juive la nationalité française, elle favorisait aussi son entrée dans l’administration coloniale désignant des israélites les complices et les collaborateurs du colonialisme français, mais n’apportait absolument rien à la majorité arabe de la population algérienne. Nous avons vu aussi qu’au 9e congrès du PCF, Maurice Thorez déclarait qu’il fallait créer une union entre les peuples coloniaux et le peuple de France, que leur intérêt soit dans l’union du peuple de France et non dans une attitude ( c’est dire réclamer l’indépendance ) qui pourrait placer l’Algérie, la Tunisie et le Maroc sous le joug de Hitler ou de Mussolini. C’est en vérité leur offrir l’empire colonialiste de l’impérialisme français pour échapper aux impérialistes allemands ou italiens. Nous avons vu le parti communiste algérien alors aux ordres du PCF, déclarer en plein conflit : « ceux qui dans le moment présent mettent en avant le mot d’ordre d’une impossible indépendance font le jeu des seigneurs de la colonisation et d’autres impérialistes étrangers ».

 

Nous connaissons les textes des « cahiers du bolchevisme » n° 6 citant « la séparation irait à l’encontre de l’intérêt de ces populations et ceci pour deux raisons :

1 - Parce que la nation française en lutte contre les trusts qu’ils trahissent en même temps qu’ils pillent les colonies, veut instaurer une démocratie véritable qu’il pourra apporter la démocratie à ces populations coloniales.

2- Parce que les terres habitées par ces populations sont l’objet de convoitises redoutables et elles ne sont pas en état de se garantir une existence vraiment indépendante.

C’était laisser à penser qu’il existe de bons et mauvais impérialistes. Ils affichaient qu’ils furent impérialistes français pour trouver auprès de PCF une grande indulgence, quant à parler de véritable indépendance, c’était vraiment se fiche du monde de la part d’un parti qui n’avait jamais mené campagne contre le pillage des produits qui de droit appartenaient aux peuples coloniaux et qui n’avait jamais protesté contre la suppression de la langue et de la culture de ces peuples asservis. Nous savons encore que l’article du programme du parti, adopté par le c.c. au mois d’avril 44, jette les bases de ce qui sera plus tard la politique d’union française du général de Gaulle. Mais, c’est le parti de 1945 que la véritable politique coloniale du PCF devait apparaître clairement aux yeux de tous.

Fort des promesses qui leur fut fait par le gouvernement provisoire d’Alger, les Algériens, las d’attendre la réalisation de ces promesses qui devait faire d’eux des citoyens à part entière, décident de manifester à Sétif et à Guelma. De Gaulle donne alors l’ordre à Charle Tillon, ministre de l’air, de réprimer cette manifestation. Sans élever aucune protestation, sans même penser à l’idée de démissionner, le ministre « communiste », membre du comité central, obtempère sans sourciller. Le bilan sera de 47 OOO morts. Les Algériens n’oublieront jamais. Pendant les pour-parlés de Fontainebleau avec Ho Chi Min, l’amiral gaulliste Thierry d’Argenlieu, chef du corps d’armée en Indochine sabote les pour-parlés en bombardant le port de Haiphong. C’est le début de la longue guerre d’Indochine, les Vietnamiens rejetant la duplicité française entament la lutte pour leur indépendance. Le PCF entame bien une campagne, mais, il n’y sera jamais fait mention de l’indépendance, toute la campagne sera menée pour la paix en Indochine, le premier corps expéditionnaire est en fait l’armée constituée pour la guerre du Japon. Ces soldats, tous volontaires pour combattre le fascisme japonais se trouvent malgré eux entraînés dans cette guerre. Jamais le PCF ne protestera, bien mieux, quelques anciens FTP de ce corps d’armée passent au Viet, ils seront critiqués par le parti qui plus tard rejettera de ses rangs les quelques militants qui se trouvaient dans ce cas.

La guerre d’Indochine avait montré aux peuples colonisés qu’il est possible de lutter contre le joug colonial de l’impérialisme français. Ce fut le cas des Malgaches élu dans le cadre de l’Assemblée nationale, sont jetés en prison. Le parti entame aussitôt une campagne réclamant leur libération, correctement il s’élève contre leur procès et leur condamnation, mais, parallèlement, il condamne les prétentions à l’indépendance du peuple malgache, les traitants d’aventurismes. Au lendemain du déclenchement de sa lutte pour la libération du peuple algérien, le 1er novembre 1954, l’Humanité cite l’information dans ses colonnes en traitant les révolutionnaires algériens de « dangereux aventuriers et de surplus criminels ». Les membres du PCA aux ordres du PCF qui passent au FLN seront immédiatement exclus. Le parti n’élèvera aucune protestation pour l’assassinat de Bourmentjal, frère de l’avocat de l’aspirant Maillot et du mathématicien Maurice Audm, pourtant tous trois communistes convaincus. C’est au lendemain de l’exécution à Alger du communiste Fernand Yveton que le groupe communiste à l’Assemblée nationale vote à Guy Mollet les pouvoirs spéciaux qui lui permettront d’accentuer la répression contre les révolutionnaires algériens. Un an avant l’indépendance, le PCF en était encore à réclamer l’autodétermination pour le peuple algérien avec le maintien des liens avec la France.

En 1967, le peuple Guadeloupéen, las de subir l’exploitation coloniale française, se révolte. Les Guadeloupéens regroupés au sein du Gong sont immédiatement dénoncés comme aventuriers, la feuille révisionniste locale dénonce nommément Mums responsable du gong comme dangereux aventurier et provocateur, c’était le dénoncer nommément aux coups de la répression, deux jours plus tard, Mums était assassiné.

Une fois de plus, le PCF aura montré son vrai visage au pays d’outre-mer, comme en France il n’a cessé de s’opposer au développement historique des mouvements populaires, son chauvinisme quasi constant à l’égard des peuples colonisés le mène à rejoindre le camp de l’impérialisme. Il est, lors de la longue période de la lutte des peuples colonisés pour leur indépendance, le garant auprès de la bourgeoisie, que le peuple de France ne se joindra pas dans la lutte au côté de ses frères d’outre-mer. Lénine disait : « la défense de la collaboration de classe, la répudiation de l’idée de la révolution socialiste et des méthodes révolutionnaires de lutte, l’adaptation au nationalisme bourgeois, l’oubli du caractère historiquement transitoire des frontières de nationalités et de patrie, la valeur de fétiche attribuée à la légalité bourgeoise, la renonciation au point de vue de classe et à la lutte de classe par crainte de s’aliéner la petite bourgeoisie, tels sont incontestablement les fondements idéologiques de l’opportunisme ». Si cela s’applique bien à la politique du PCF à la libération, comme cela campe bien la politique du révisionnisme vis-à-vis du colonialisme.

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