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(suite) troisième partie -Demain le socialisme- POUR UNE ÉCONOMIE SOCIALISTE Chapitre 1
..... Au moment où mûrissent les conditions politiques de la révolution, où les aspirations au changement de société se frayent un chemin, certes difficile mais irrésistible, vers le socialisme, les conditions économiques d'une édification rapide de ce monde nouveau sont pleinement réunies. En fait elles le sont depuis longtemps, depuis que le capitalisme a atteint toute sa maturité en prenant la forme de l'impérialisme, depuis la première guerre mondiale au moins. La bourgeoisie en divisant le peuple, en le réprimant, en faisant pénétrer son idéologie dans les organisations mêmes de la classe ouvrière a réussit à retarder le moment qui lui sera fatal. Mais de chacune des crises qui jalonnent son histoire elle n'est parvenue à sortir qu'en rendant un peu plus inextricable l'écheveau des contradictions qui minent son pouvoir . .....
Rompre avec le capitalisme,
avec la logique du profit est aujourd'hui plus que jamais
une nécessité pour redonner à la
production un cours ascendant, pour vaincre tous les
blocages qui débouchent sur le gaspillage, le
parasitisme que secrète chaque jour le capitalisme,
pour permettre la véritable satisfaction des besoins
sociaux. A l'époque de la crise
générale de l'impérialisme, rompre avec
le capitalisme c'est briser tous les rapports
impérialistes qui enserrent l'économie
nationale dans le marché mondial, les rapports de
domination de l'impérialisme français sur sa
zone d'influence comme ses rapports de dépendance
vis-à-vis des autres impérialismes car tous
ces rapports constituent une unité indissociable.
L'escroquerie du PCF consiste justement à
prétendre conduire la France sur la voie du
socialisme sans remettre en cause effectivement le
caractère impérialiste de l'économie
française mais en offrant au contraire pour
perspectives aux nationalisations d'élever la
compétitivité des productions
françaises et de favoriser la spécialisation
dans les produits de "haut de gamme", ce qui s'inscrit
directement dans l'effort de la bourgeoisie au pouvoir. La
divergence entre PCF et les capitalistes actuels
réside dans la façon d'atteindre ce
résultat: par une nationalisation large de
l'économie disent les dirigeants du PCF qui se voient
déjà dans leur rôle de "nouveaux
bourgeois" alors que l'équipe en place s'accroche aux
vieux remèdes traditionnels de la politique
économique de l'entre-deux guerres. .....
Un aspect essentiel de la
rupture avec le caractère impérialiste de la
société française consiste à
mettre au poste de commande dans l'édification du
socialisme la politique de compter sur ses propres forces.
Cela signifie que le socialisme doit se construire en
s'appuyant principalement sur toutes les ressources
nationales, qu'il s'agisse des matières
premières, de l'énergie, et en
développant la production de tous les biens
nécessaires pour la consommation des masses comme
pour le fonctionnement de l'économie. Aller, à
contre-courant de la spécialisation internationale
poussée à l'extrême par
l'impérialisme est une nécessité vitale
car le maintien de la dépendance qui résulte
de cette spécialisation serait la base sur laquelle
les pays impérialistes de l'Ouest comme de l'Est
appuieraient leurs pressions pour faire obstacle au
développement du socialisme, serait une source
permanente d'ingérence impérialiste dans les
affaires de la France socialiste. Il faut que les
travailleurs, producteurs des richesses, acquièrent
la maîtrise du développement de
l'économie. Ce n'est ni à New-York, ni
à Moscou ni à Rome que le choix de ce qu'il
faut produire, de la façon de produire peut
s'élaborer mais au sein des organisations de base du
pouvoir populaire. Dans l'univers impérialiste
où règne la loi du plus fort un tel objectif
est incompatible avec le maintien de la dépendance
actuelle. ..... Mais une telle politique est-elle possible dans un pays économiquement développé comme la France ? Sa situation actuelle de dépendance ne fait-elle pas justement obstacle à cet effort d'autonomie dans la construction du socialisme ? N'est-ce pas un retour en arrière ? On trouve là l'influence de la vieille idée selon laquelle le socialisme ne serait bon que pour les pays pauvres. ..... La nécessité de mettre en oeuvre ce principe de compter sur ses propres forces peut se présenter de façon très brutale au cas où au lendemain de la révolution socialiste une coalition de pays impérialistes organiserait le blocus économique de la jeune France socialiste. Une telle hypothèse doit être envisagée sérieusement tant il est certain que la bourgeoisie mondiale ne se résignera pas plus que la bourgeoisie française à l'établissement d'un pouvoir révolutionnaire en France et ripostera par tous les moyens dont elle disposera compte tenu de l'état des rapports de force internationaux. ..... A l'inverse des économies des pays du Tiers-Monde, celle de la France est caractérisée par de grandes faiblesses dans le développement des "productions primaires" c'est-à-dire des matières premières et de l'énergie et par contre par un développement très poussé des produits manufacturés, notamment des biens d'équipements. Cela ne résulte pas des "conditions naturelles" mais du caractère impérialiste de la division internationale du travail, de la spécialisation des productions à l'échelle internationale. ..... Substituer aux importations d'énergie et de matières premières l'exploitation des ressources nationales constitue donc un élément décisif de l'édification économique du socialisme dans les premières années et notamment dans la phase d'un éventuel blocus. Si l'on se réfère aux résultats dérisoires des efforts de la bourgeoisie pour atténuer la dépendance énergétique actuelle maintenant que les producteurs de pétrole résistent aux pressions impérialistes, il parait utopique d'espérer aboutir à une autosuffisance énergétique rapide. Mais cela ne vaut pas car, conformément à sa nature, le capitalisme ne peut mettre en oeuvre une politique énergétique que sur la base des critères de rentabilité et de profit. Or ceux-ci aboutissent à laisser inexploitées de nombreuses sources énergétiques nouvelles ou anciennes. La logique du socialisme est tout autre: la priorité est politique. Pour donner au socialisme une base économique indépendante toutes les ressources énergétiques seront sollicitées. ..... Aujourd'hui les 3/4 de l'énergie sont importés et le pétrole constitue les 2/3 de ce qui est consommé en France. Cela résulte de la politique du "tout-pétrole" développée à la fin des années 50 qui s'est traduite par l'arrêt de l'équipement hydraulique de la France, par la politique de liquidation des charbonnages et par le blocage de la mise en oeuvre des énergies nouvelles (géothermie ou énergie solaire par exemple). En fait la France peut acquérir en quelques années son autonomie énergétique complète. ..... En premier lieu la consommation globale d'énergie peut être diminuée à court terme par la suppression de nombreux gaspillages liés à l'anarchie de la production capitaliste et au développement d'activités parasitaires. Quand on sait que les transports engloutissent un cinquième de l'énergie totale et que le "tertiaire" en consomme 17 % on imagine les économies d'énergie qu'il est possible de réaliser par le réaménagement du territoire et par ses conséquences sur les transports ainsi que par l'élimination progressive des activités "tertiaires" liées au pourrissement de la société actuelle. ..... D'autre part cette autonomie peut être atteinte en développant massivement les sources d'énergies nationales. La prise en main par les masses de cette tâche, dont l'enjeu politique doit être rendu clair, par un large débat sur l'édification des bases économiques du socialisme, pour permettre de réaliser ce que la bourgeoisie, avec son point de vue borné par le profit, considère aujourd'hui comme impossible. Prenons des exemples. ..... En 1952, l'EDF estimait qu'il était possible de produire 75 milliards de kWh à partir des importantes ressources hydrauliques de la France. Actuellement, plus de 20 ans après, l'EDF n'en produit que 50 milliards. De plus des évaluations récentes prouvent qu'en exploitant toutes les ressources disponibles, c'est 100 milliards, c'est-à-dire le double de la production actuelle, qu'il est possible d'obtenir. Construire des milliers de petits barrages "au fil de l'eau" de quelques kWh, voilà qui est inconcevable aujourd'hui mais que les masses peuvent réaliser. ..... Autre exemple: la production charbonnière, condamnée par le capitalisme alors qu'il existe l'équivalent de 30 années de la consommation actuelle, sous terre, sur la base des gisements prospectés. Les réelles difficultés d'extraction du charbon notamment dans le Nord-Pas de Calais ne servent aux Houillères qu'à justifier la récession charbonnière tout en imposant aux mineurs l'aggravation de leur exploitation. la nouvelle politique bourgeoise du "tout électrique" fondée sur son programme nucléaire, entraîne, dans sa logique, le refus d'une véritable relance charbonnière. Ici aussi les masses, déployant leur énergie pour répondre aux besoins d'ensemble de la société tout en apportant toute leur attention aux exigences particulières des mineurs liées au travail du charbon, peuvent résoudre les problèmes posés par une large relance de la production charbonnière. La lorraine, riche en charbon à coke nécessaire à la sidérurgie, disposant de réserves évaluées à 800 millions de tonnes, peut apporter une contribution importante. Les petits gisements "en découverte" du Midi peuvent fournir à court terme un appoint substantiel à la production charbonnière. Mais la mise en exploitation de nombreuses réserves parfois importantes comme dans le Jura (200 millions de tonnes de charbon cokefiable) ou plus limitées comme dans la Creuse, la Nièvre, l'Allier... apportera non seulement des compléments utiles mais encore constituera aussi un facteur d'industrialisation locale qui favorisera le réaménagement du territoire et la réduction des différences entre ville et campagne. ..... De plus une large prospection, s'appuyant sur une large mobilisation des masses et sur l'emploi des techniques les plus modernes disponibles, permettra sans aucun doute de découvrir d'autres petits gisements. ..... Les ressources géothermiques aujourd'hui pratiquement inexploitées sont importantes puisque, sur la base d'un repérage très peu systématique, on estime que cette énergie peut fournir à court terme chaque année l'équivalent de 10 millions de tonnes de pétrole (un dixième de la consommation totale) et atteindre l'équivalent de 40 millions de tonnes de pétrole par l'exploitation des différents gisements connus. Cette énergie bien adaptée au chauffage des logements mais qui peut également servir à la production d'électricité est très économique. La mise en place des installations qui font appel à l'équipement d'exploitation pétrolière pourra être réalisée progressivement et apporter au bout de quelques années une substitution importante pour le chauffage urbain. .....
Mais qu'en sera-t-il du
pétrole ? Les ressources nationales connues sont
pratiquement nulles alors que l'on consomme plus de 100
millions de tonnes par an. L'arrêt des importations de
pétrole pourrait être compensé assez
rapidement par la substitution d'autres sources
d'énergie à un grand nombre d'emplois: la
production d'électricité thermique
(actuellement 15 millions de tonnes de pétrole), le
chauffage domestique (31 millions de tonnes). Mais il reste
un certain nombre d'usages pour lesquels une énergie
de substitution est difficile à mettre en oeuvre :
c'est d'une part le cas des carburants (20 millions de
tonnes) et du pétrole comme matière
première pour la pétrochimie (8 millions de
tonnes). En ce qui concerne l'emploi du pétrole comme
carburant, il faut souligner que d'importantes
économies résulteront d'une part d'une
meilleure organisation de l'activité sur le
territoire qui réduira les besoins de transport et
d'autre part, le remplacement dans de nombreux cas des
transports routiers par d'autres modes de transport et
notamment par le train, permettant de réduire
considérablement la consommation d'énergie.
Notons par exemple qu'une tonne de marchandise
transportée dans des trains complets consomme 4
à 5 fois moins d'énergie que par
camion. ..... Si le problème de l'énergie est le problème le plus épineux parmi tous ceux que l'impérialisme léguera en héritage à la société socialiste, il existe également des difficultés pour certaines matières premières minérales ou agricoles. .....
La reconversion des hauts
fourneaux actuels permettra de réutiliser la minette
Lorraine à la place des minerais de fer
importé. Pour l'aluminium il n'existe pas de
difficultés particulières étant
donné les gisements nationaux. Par contre pour le
cuivre et la plupart des autres métaux non ferreux,
les ressources nationales sont nulles ou très
faibles. C'est pourquoi dans ce domaine, il faudra d'une
part améliorer la récupération des
déchets (actuellement un tiers de la consommation de
cuivre est couverte par cette récupération),
développer la substitution (par exemple la
substitution de l'aluminium au cuivre), enfin pousser plus
loin la prospection des ressources nationales. ..... D'autres restructurations de la production seront nécessaires pour s'adapter à la rupture des échanges de produits manufacturés. Globalement cela ne devrait pas poser de problèmes puisque les capacités de production de ces biens excèdent les besoins. C'est même un excédent qui se trouvera dégagé. Mais, compte tenu de la spécialisation qu'entraîne le développement impérialiste, pénuries pour certains produits (par exemple les machines outils) cohabiteront avec des capacités de production excédentaires (l'automobile par exemple). Bien souvent ces déséquilibres apparaîtront non seulement pour des produits mais aussi pour des pièces détachées, des éléments partiels de produits finis. Si toutes les pompes à gaz-oil sont aujourd'hui importées d'Allemagne il ne servirait à rien de vouloir construire des camions sans avoir résolu le problème de la fabrication en France de ces pompes ! ..... On voit donc que les problèmes posés par l'accession à l'indépendance dans le domaine des matières premières et de l'énergie sont importants. Leur résolution suppose en premier lieu un effort d'adaptation de l'appareil de production pour tenir compte des changements de sources d'énergie, de qualité des matières premières etc. ..... Il faut également développer considérablement la production de ressources premières nationales ce qui suppose de produire massivement certains biens d'équipement nécessaires à cette production :turbo-alternateurs pour les installations hydrauliques, équipement de forage et tubes pour la géothermie, usines de traitement pour les schistes bitumineux. ..... Mais face à ces problèmes, le pouvoir populaire ne sera pas sans arme. En premier lieu, il y a la principale force productive: l'homme, le travailleur, en train de se libérer de la soumission au capital qui lui était imposée, dont l'énergie créatrice sera libérée pour la lutte entre l'ancien et le nouveau, rapportant son action à l'enjeu politique de cette lutte: édifier le socialisme. C'est sur les travailleurs que repose cette formidable transformation de la société et notamment de l'économie. ..... Tout le savoir accumulé par les travailleurs dans la production, que la division du travail rendait stérile, pourra se libérer dans la collectivité de l'atelier ou de l'usine. Les techniciens que le prolétariat aura su gagner à sa cause au cours même de la révolution apporteront leurs connaissances à la collectivité et contribueront à former les nouvelles générations de techniciens issus des masses. ..... Car dans la société que nous léguera l'impérialisme, les masses trouveront des instruments de production modernes et puissants mais qu'il faudra domestiquer pour qu'ils servent leurs nouveaux maîtres. ..... Il faudra recomposer les équipements existants pour réaliser de nouvelles productions, les adapter à leurs nouveaux usages selon les priorités qui seront dégagées par la collectivité. ..... Dans sa rupture avec l'impérialisme, la nouvelle société modifiera radicalement le but de la production. Il ne s'agira plus de produire pour exporter. Il ne s'agira plus non plus de produire pour vendre le plus possible mais pour satisfaire le mieux possible les besoins. Cela signifie une transformation radicale du point de vue dans la conception des produits. Alors qu'aujourd'hui les capitalistes veillent à ne pas produire des objets trop solides ce qui les priverait ensuite de client, la société socialiste, économe du travail comme des matières premières, s'emploiera à élever la qualité des produits, leur longévité, portera attention à ce que les produits soient bien adaptés aux besoins des masses. ..... De même, les entreprises capitalistes produisent constamment des modèles nouveaux pour certains produits (par exemple dans l'automobile ou l'électro-ménager) non pas pour améliorer le service que rendent ces produits mais pour amener -à coup de publicité- les consommateurs à renouveler leurs achats le plus vite possible. .....
La recherche technique pour
l'amélioration de la qualité des produits sera
prise en charge à l'échelle de tout le pays,
en s'appuyant sur l'enquête auprès des
consommateurs. Les secrets de fabrication, expression de la
propriété privée, disparaîtront
et pourront se développer de larges échanges
d'expériences sur les méthodes de production
les plus économes de travail et de matières
premières. Chapitre 2 ..... Parmi les grandes tâches que les masses auront à résoudre pour l'édification de la société socialiste, celle de la résolution des contradictions entre la ville et la campagne, entre l'industrie et l'agriculture, entre la classe ouvrière et la paysannerie est une des plus urgentes. ..... Sur le plan politique, il s'agit de consolider l'alliance qu'ouvriers et paysans pauvres commencent à construire dans le combat pour la révolution socialiste. Dans la phase d'édification du socialisme, il faut donner à cette alliance une base objective qui, au lieu de creuser l'écart entre les deux forces révolutionnaires, rapproche au contraire leurs pratiques, leurs points de vue, sous l'impulsion de la classe ouvrière. ..... Sur le plan économique, la résolution progressive de cette contradiction a deux faces indissociables: supprimer le gonflement parasitaire des villes, et développer le reste du territoire. D'autre part, les transformations qu'il sera nécessaire de réaliser concernent à la fois l'industrie, l'agriculture et le secteur "tertiaire" si développé aujourd'hui dans les villes et notamment à Paris. La différence entre la ville et la campagne est le point où viennent se cristalliser un grand nombre de problèmes que la société socialiste doit résoudre. .....
La notion de tertiaire est
très floue: elle désigne toutes les
activités qui ne sont ni l'industrie, ni
l'agriculture. Avec 11 millions de personnes, soit plus de
la majorité de tous les "actifs" (salariés ou
non), cette catégorie regroupe aussi bien le
commerce, l'artisanat, l'administration, les services de
santé et les PTT, les services financiers,
... .....
La décentralisation de
l'activité économique et du pouvoir politique,
les transformations de certaines institutions comme les
impôts ou la Sécurité Sociale,
conduiront à une réduction importante du poids
de l'administration qui emploie aujourd'hui près de 4
millions de personnes. La transformation du système
de santé qui débouchera notamment sur une
médecine gratuite aura pour conséquence
d'alléger considérablement la très
lourde institution de la Sécurité Sociale qui
emploie plus de 200 000 personnes -sans compter tous les
emplois administratifs dans les hôpitaux
occupés à remplir de multiples papiers. De
même la modification du système des
impôts (par exemple le remplacement de l'impôt
sur le revenu par un prélèvement sur la
production de l'entreprise pour tous les travailleurs de
l'industrie) peut permettre d'alléger
considérablement l'administration des impôts
qui emploie près de 100 000 personnes... ..... Si le pouvoir socialiste est fondé à opérer rapidement la transformation des structures administratives, faute de quoi le pouvoir des masses risquerait d'être compromis par la pesanteur rétrograde de l'administration, il faut que les conséquences de ces transformations sur la situation des employés concernés soient clairement débattues dans leurs organisations. En ce domaine comme dans tous les autres, les choses ne peuvent avancer à coups de décrets venant d'en haut, car ce qui est en jeu ici c'est la participation active, consciente de la masse des employés, aujourd'hui rouages anonymes de l'immense machine bureaucratique, à la reconstruction d'une administration servant les intérêts de l'édification du socialisme. ..... Si certains cadres devront sans doute être ménagés, dans la mesure où leur savoir technique est utile et tant que les travailleurs n'auront pas assimilé ce savoir, un très grand nombre d'entre eux seront fermement invités comme tous les parasites bourgeois à aller réanimer par leur travail les régions que le développement du capitalisme a vidées de leur substance. ..... Le poids de tous les services administratifs, publics ou privés, dans l'activité concentrée dans les grandes villes -et notamment Paris, se trouvera donc réduit d'une part en raison de l'allègement de tes services et d'autre part par la décentralisation de ces activités; cela apportera une contribution positive à la politique de désengorgement des villes et donc à la solution des écarts entre ville et campagne. ..... Le retour au pays, au village où des millions de citadins d'aujourd'hui sont nés et dont ils ont été chassés par le chômage, permettra progressivement de désengorger les grandes villes. D'autre part, le rétablissement au sein même des grands centres des activités productives qui ont été étouffées par le développement des bureaux permettra de reconstituer une véritable vie sociale dans les quartiers qui sera encore favorisée par un effort pour réaliser, sur la base de la réanimation des quartiers, le rapprochement entre domicile et travail. C'est non seulement l'élimination de tous les gaspillages de temps et de richesses que cette restructuration des villes permettra, mais aussi la possibilité de constituer de véritables collectivités qui pourront prendre en charge leurs affaires. ..... Si la résolution de la contradiction entre ville et campagne suppose de profondes modifications des villes, elle repose surtout sur la transformation des campagnes: transformation de l'agriculture et industrialisation de l'espace rural. ..... L'agriculture actuelle doit être révolutionnaire tant sur le plan de sa production que sur celui de son organisation sociale. .....
Les grands domaines des
paysans capitalistes et des propriétaires fonciers
seront immédiatement collectivisés devenant
propriété d'Etat et exploités par les
anciens ouvriers agricoles, par des paysans pauvres n'ayant
pas assez de terre pour vivre. Les anciens exploitants,
s'ils acceptent le rôle dirigeant des ouvriers
agricoles et des paysans pauvres, pourront être
associés à l'exploitation de ces terres. La
gestion de ces fermes d'État devra sur un grand
nombre de questions être prise en charge par les
organisations de base locales du pouvoir
socialiste. ..... Car si la collectivisation du petit nombre de grandes exploitations accaparant une partie importante de la superficie agricole totale ne soulève pas de grandes difficultés, la transformation de l'agriculture doit résoudre surtout le problème des paysans pauvres qui n'emploient aucun salarié, qui ont tout juste aujourd'hui de quoi subsister et qui sont constamment acculés à la misère, à l'exode. Un décret de collectivisation des exploitations de ces paysans serait doublement erroné. En premier lieu parce qu'ils restent attachés à leur petite propriété qui leur semble, à tort, une garantie d'indépendance. A tort parce qu'aujourd'hui le capital parvient à se soumettre le travail des paysans par les contrats, par les prix, par le crédit, sans toucher à la propriété formelle du petit paysan. Mais, c'est dans la pratique, par l'expérience qu'il faut convaincre ces paysans que la socialisation de l'agriculture constitue bien la véritable issue pour eux. ..... La collectivisation forcée, que la bourgeoisie s'emploie à présenter comme le projet des communistes pour détourner les paysans pauvres de l'alliance avec la classe ouvrière, serait aussi une erreur économique. En effet des rapports de production socialistes fondés sur la propriété sociale n'ont de sens que si les forces productives ont elles mêmes acquis un caractère social. Ce qui n'est pas le cas de la petite production parcellaire. ..... Pour ces deux raisons la socialisation de la petite production agricole doit se réaliser par étapes, par le développement de la coopération entre paysans: mise en commun de certains instruments de production, exploitation en commun des terres. Dans les organisations de base du pouvoir le débat sur les transformations socialistes de la campagne sera impulsé par les ouvriers pour que les idées fausses léguées par la société capitaliste soient combattues en profondeur en s'appuyant sur les expériences les plus avancées de socialisation, sur les avantages qu'elles apportent aux paysans qui y participent. ..... Sur le plan de la production de grands efforts devront être faits pour que la production de la campagne et notamment celle de l'élevage fournisse des produits de qualité. Alors que dans la société capitaliste la bataille des rendements imposée par la concurrence débouche sur la baisse de qualité des produits, l'agriculture socialiste devra progressivement reconstruire toutes les chaînes alimentaires. ..... La recherche agronomique sera développée sur de nouvelles bases, prenant pour axe de produire dans les meilleures conditions des produits de qualité. ..... La baisse des rendements qui pourra en résulter sera largement compensée, au fur et à mesure du développement de la coopération socialiste, par une meilleure efficacité des équipements agricoles et de l'emploi des hommes. ..... Cette lutte pour produire des biens agricoles satisfaisant mieux les besoins alimentaires ne pourra être menée par les paysans qu'en rapport étroit avec les masses, notamment des ouvriers, par des enquêtes auprès des consommateurs. C'est surtout dans le domaine de l'élevage, de la production viticole et fruitière, des produits maraîchers que les plus grands progrès sont à faire. .....
L'autre aspect de la
transformation socialiste des campagnes est
l'industrialisation de l'espace rural. Le
dépeuplement des campagnes et l'hypertrophie des
villes ne peuvent être combattus que par une profonde
redistribution de l'industrie dans le territoire
national. Chapitre 3
..... Apprécier le rapport entre le juste effort que les travailleurs doivent déployer dans une tâche pour contribuer à l'édification du socialisme et la juste satisfaction de leurs besoins, revient en somme à évaluer sur chaque cas le rapport entre l'intérêt général et chaque intérêt particulier. Il ne saurait évidemment y avoir de règles édictées une fois pour toute, sinon que les intérêts particuliers ne peuvent être durablement satisfaits que si l'intérêt général est pleinement pris en compte. ..... C'est le débat qui sera à la base de toutes les décisions que les travailleurs prendront sous le socialisme pour améliorer la situation matérielle des travailleurs, leur place dans la production. ..... Comme nous l'avons plusieurs fois souligné le socialisme fera un bon usage des forces productives, aujourd'hui gaspillées par l'impérialisme. Cela est vrai en premier lieu en ce qui concerne l'emploi. Car sous le socialisme, le chômage, cette tare indélébile du capitalisme est inconcevable. Laisser chômer un travailleur cela signifierait non seulement lui faire supporter une situation personnelle précaire et misérable mais aussi priver la société des richesses qu'il est en état de produire. .....
En réalité, la
question qui vient à l'esprit n'est plus: "y
aura-t-il du chômage dans une société
socialiste ?" Mais au contraire "ne manquera-t-on pas de
bras ?". .....
Alors que le capital prend
plus de soin de ses machines que de la santé des
travailleurs qu'il emploie, que chaque modernisation des
procédés de production est l'occasion d'un
renforcement de l'exploitation, la logique du socialisme
sera tout autre. Le "capital" le plus précieux c'est
l'homme. De nombreuses transformations du processus de
production et des machines employées devront
être mises au point par les travailleurs pour
alléger leur peine pour améliorer la
sécurité et l'hygiène du travail. Cela
est particulièrement important pour les travaux
dangereux comme ceux des mines, du bâtiment ou de la
sidérurgie. Un grand effort devra également
être fait pour réduire au maximum les besoins
du travail "en feux continus" qui mine la santé des
travailleurs. L'institution de 5 équipes est une
mesure minimale en ce domaine. .....
Condition non suffisante comme
en atteste. aujourd'hui la restauration du capitalisme en
URSS, alors que formellement les moyens de production
restent propriété collective, comme en
attestent aussi les projets de nationalisations larges du
PCF, qui visent à créer un très large
secteur de propriété d'État alors
même que la finalité de l'économie
actuelle, le profit, la concurrence, l'exploitation, ne sont
pas remis en cause. Dans ces conditions la "planification
démocratique" prônée par le PCF ne sera
qu'une forme d'organisation supérieure de la
reproduction du capitalisme. .....
Si la propriété
sociale des moyens de production de l'agriculture ne peut
être établie immédiatement sur
l'ensemble de ces moyens en raison de l'état encore
très parcellaire de beaucoup des exploitations
agricoles, il en est tout autrement pour l'industrie et ses
dépendances financières (banques, services
financiers...). L'ensemble des moyens de production des
entreprises industrielles capitalistes, y compris les PME,
seront nationalisés immédiatement par le
pouvoir socialiste. Le grand nombre de PME (plusieurs
centaines de mille) et leur petite taille ne font pas
obstacle à leur nationalisation car aujourd'hui elles
sont pour leur plus grand nombre directement
dépendantes des grandes entreprises. D'autre part
l'exploitation féroce des travailleurs dans une PME
rend nécessaire cette nationalisation. .....
Ces nationalisations seront
faites bien sûr sans indemnisation des actionnaires.
Cela est une mesure de simple justice et une mesure de
précaution. De simple justice car d'où vient
le capital que possèdent les exploiteurs sinon du
travail qui a été approprié par les
capitalistes ? De précaution car l'indemnisation
donnerait aux capitalistes expropriés des moyens
financiers qu'ils ne manqueraient pas d'utiliser pour
saboter l'édification du socialisme, pour se
dispenser de travailler en vivant sur leur
fortune. .....
Pour tous les secteurs
d'activités qui ne seront pas immédiatement
nationalisés une extrême vigilance devra
être apportée à leur socialisation
progressive, à l'élimination complète
de tout rapport d'exploitation. l En premier lieu le déséquilibre entre les ressources insuffisantes, en matières premières et en énergie et l'abondance des moyens de production modernes. Cela exige qu'en utilisant efficacement tous les moyens de production existant, toutes les ressources nationales soient exploitées intégralement. l La seconde contradiction à résoudre est celle entre le développement exagéré des secteurs tertiaires et la faiblesse relative des secteurs industriels. La résolution de cette contradiction par l'allègement des tâches administratives et la suppression des activités parasitaires, conditionne pour partie la résolution de la précédente en libérant des forces productives aujourd'hui socialement inutiles. ..... Le processus d'élaboration du plan doit être en tous ses moments sous le contrôle des masses. Dans la première phase les travailleurs de chaque unité de production, usine, coopérative de production agricole, élaborent un projet de plan pour l'usine. .....
Ce projet repose d'une part
sur la connaissance des capacités de production
existantes et de leurs développements possibles. Il
prend d'autre part en compte des éléments
partiels de connaissance des besoins tels qu'ils
résultent des enquêtes que les ouvriers de
l'usine mènent sur les besoins auprès de leurs
clients (autres usines pour des biens servant à la
production, centrales d'achat distribuant les biens de
consommation), nouveaux produits, amélioration de la
qualité, accroissement des besoins. Enfin ce plan est
élaboré compte tenu de la connaissance de la
situation d'ensemble fournie par les services d'information
et de statistiques. Des commissions de travailleurs sont
constituées par élection dans l'usine pour
prendre en mains ces différentes
tâches. ..... Faisant confiance aux masses, la planification socialiste n'est pas tatillonne, ne porte que sur les grandes orientations nationales et leurs répercussions locales laissant aux organes locaux et intermédiaires du pouvoir une large initiative. C'est ainsi que pour un grand nombre de produits d'usage courant, l'équilibre entre la production et les besoins est réalisé au plan local, par exemple à l'échelon de l'arrondissement ou du département, grâce à la décentralisation industrielle. La planification nationale veille uniquement, pour ces produits, à ce qu'un inégal développement n'apparaisse pas et corrige les déséquilibres qui sont dus à des différences objectives des ressources locales. ..... Il n'est évidemment ni possible, ni utile de définir aujourd'hui avec précision les modalités concrètes de l'exécution du plan. Mais il est une chose certaine. Ce n'est pas une avalanche de normes, de coefficients, d'indices, qui conduira l'exécution du plan dans la bonne voie. Si le plan a été élaboré par un large débat dans les masses sur les objectifs qu'il était possible et nécessaire d'atteindre, des bases solides pour sa bonne exécution sont réunies. Les indices et autres "coefficients", ne servent alors qu'à fournir aux travailleurs l'information nécessaire pour suivre et ajuster le plan. ..... Dans la société socialiste les produits continuent d'être vendus et non pas encore, comme ce sera le cas dans le communisme, répartis directement, sans vente. Les produits auront donc encore un prix. La monnaie continuera d'exister. Mais bien que le rôle fondamental des prix subsistera, le fonctionnement du système des prix sera profondément modifié par rapport à ce qui existe dans le capitalisme. D'une part la maîtrise sociale de développement de la production fera disparaître totalement l'inflation. Au contraire les prix auront tendance à baisser au fur et à mesure du développement des forces productives, reflétant ainsi l'évolution de la valeur des produits. Mais le système des prix sera entre les mains du pouvoir socialiste, un instrument d'une politique consciente de réduction des écarts, d'élimination des inégalités, permettant la satisfaction rapide des besoins prioritaires par la réduction des prix. ..... Quant à la monnaie, détachée pour l'essentiel du système monétaire international qui est dans une crise durable, son cours sera étroitement ajusté aux besoins des échanges. Les grands investissements des entreprises seront financés par la répartition des ressources collectées par l'État sur la base d'un prélèvement effectué sur la production des entreprises. L'impôt sur les salaires pourra certainement disparaître dès qu'il ne servira plus à corriger les inégalités de fortune issues de la vieille société. ..... En définitive, c'est la capacité de la classe ouvrière à exercer son pouvoir, à le renforcer qui garantira, dans la France socialiste, un développement de l'économie correspondant aux besoins de l'immense majorité. Il n'existe pas d'économie socialiste dont les lois seraient fixées, une fois accomplie la révolution: tous les choix économiques concernant la production et la répartition des biens seront, à chaque moment, des choix essentiellement politiques. ..... Voie socialiste ou voie capitaliste ? C'est la grande lutte du prolétariat au pouvoir pour mener la société vers le communisme qui éclairera et entraînera l'effort conscient d'édification du socialisme, l'effort pour éliminer progressivement de la société, au plan même de sa base économique, les tares et les distorsions léguées par le capitalisme et l'acheminer jusqu'au point où pour chacun le travail sera devenu un besoin, et où la satisfaction de ses besoins, sans restriction, la norme même de la vie quotidienne. |
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