LE PROGRAMME COMMUN DE "LA GAUCHE"
=
UN PROGRAMME BOURGEOIS !

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  Les "mesures sociales" du programme commun: des illusions
pour tromper la classe ouvrière et la détourner de la voie de la
Révolution Prolétarienne

Il est clair que le programme commun se fixe pour but de maintenir et de renforcer la dictature bourgeoise et le capitalisme, de maintenir et de renforcer l'oppression de l'impérialisme français sur les peuples de ses colonies et néo-colonies. Aussi, quand il prétend supprimer pour la classe ouvrière les maux qui sont la conséquence du capitalisme, il ne vise qu'à tromper les masses.
C'est ce que montrent notamment les propositions du programme commun concernant deux aspects importants de la paupérisation de la classe ouvrière: le chômage et l'intensification du travail.

DES PROPOSITIONS POUR MIEUX ORGANISER LE
VOLANT DE CHOMAGE
.

Dans leur programme de gouvernement, P"C"F et PS parlent abondamment de "résorption du chômage", de "politique du plein-emploi", de suppression du "droit discrétionnaire" de licenciement par l'employeur, etc...
Mais il suffit d'y regarder de plus près pour voir qu'il s'agit d'un leurre :
non seulement le P"C"F et le PS n'entendent pas du tout supprimer les licenciements et attenter en quoi que ce soit aux sacro-saints droits de la bourgeoisie dans ce domaine (prétention forcément démagogique dans le cadre du système capitaliste), mais de plus, leurs propositions visent à mieux organiser le chômage, et ceci, sur une plus grande échelle.

La suppression du "droit discrétionnaire" de licenciement: une mystification pour faire passer la pilule amère des licenciements.

Dans les quelques lignes que leur programme commun consacre au chômage, PS et P"C"F promettent que, s'ils arrivent au gouvernement, et "dans l'immédiat" :
-"les indemnités de chômage seront revalorisées et leur attribution élargie"(p 56)
-"toute décision de licenciement devra être soumise au Comité d'entreprise avec possibilité de recours suspensif devant la juridiction du travail" (p. 56)
-"les Comités d'entreprise et d'établissement, les délégués du personnel... seront obligatoirement consultés avant toute mesure concernant l'embauche, le licenciement, ...".
Ainsi, nous sommes prévenus: chômage et licenciements seront maintenus dans "l'immédiat", une fois PS et P"C"F au gouvernement.
Mais diront-ils, il y aune différence de taille: il n'y aura plus de "licenciements arbitraires" décidés par le patron, puisque C.E. et délégués devront être "consultés" ! Voilà ce que P"C"F et PS appellent la suppression du "droit discrétionnaire" de licenciement par l'employeur: celui-ci aura toute liberté comme avant de mettre les travailleurs à la porte. Seulement, auparavant, il devra demander leur "avis" aux C.E. et aux délégués !
Ces propositions "révolutionnaires" n'ont rien de très nouveau: elles sont même, dès maintenant, appliquées par les capitalistes.
C'est ainsi que l'accord sur l'emploi du 10 février 69 décidait (titre 2) : "information et consultation du comité d'entreprise sur les projets de licenciements collectifs pour raison économique" , ceci, se traduisant par: prévenir 8 jours à l'avance pour le licenciement de 10 à 50 personnes, 1 mois avant le licenciement de 100 personnes ou plus (en cas de réduction brutale des commandes) ; prévenir 1 mois avant pour 10 à 200 personnes, 2 mois avant pour 201 à 300 personnes, 3 mois pour plus de 300 personnes ( en cas de fusion ou de concentration). Cet accord qui admet les licenciements massifs à condition d'être "prévenus un peu à l'avance", a été signé avec le CNPF par toutes les organisations syndicales, au 1er rang desquelles la CGT, et salué ainsi par l'Humanité du 7-2-69 : " la perspective de cet accord va placer la France au 1er rang des pays capitalistes en matière de sécurité de l'emploi".
Du 1er mars 1969 (soit quelques mois après la signature de l'accord national sur l'emploi) au 1er septembre 1972, le nombre de "demandes non satisfaites" enregistrées à l'Agence Nationale Pour l'Emploi est passé de 221 000 à 394000 et le nombre des chômeurs totaux "officiels", si l'on applique le coefficient de 1,7 donné par la bourgeoisie elle-même, est passé de 375000 à 670000 pendant la même période.
Gageons que les tentatives des révisionnistes et des réformistes d'organiser une meilleure "consultation" des C.E. et des délégués par les capitalistes permettront à ces derniers d'organiser, en douceur, les licenciements sur une plus grande échelle. 

Des reclassements tout à fait acceptables par le Capital. 

Pour rassurer les travailleurs inquiets de cette conception originale en matière de "sécurité de l'emploi", le programme commun précise (p. 106) :
"Tout licenciement qui ne serait pas accompagné d'une mesure de reclassement préalable dans des conditions équivalentes sera interdit". Mais là encore, les capitalistes n'ont vraiment pas de quoi être inquiets.
Car, dans le cas où une telle disposition les gêneraient, ils auraient toutes les possibilités de la tourner :
--Tout d'abord parce que, pour "réduire le personnel", c'est à dire mettre à la porte un certain nombre de travailleurs, les patrons n'ont souvent pas besoin de les "licencier". Ils peuvent mettre fin à des contrats de travail de 6 mois ou 1 an. Ils peuvent aussi obliger les ouvriers à partir -c'est ce que patrons et syndicats appellent les départs "volontaires" -en multipliant les brimades, en leur faisant faire un boulot plus dur, etc...
--Ensuite parce que les capitalistes peuvent tout à fait "offrir" des reclassements dans des conditions "équivalentes" (au point de vue salaire et qualification), mais inacceptables pour les ouvriers: par exemple en cas de changement de régions. Dans ce cas-là, c'est l'ouvrier qui n'aura pas "accepté" le reclassement.
--Enfin parce que, une fois reclassé, aucune garantie, bien évidemment, ne peut exister qui assure à l'ouvrier qu'il gardera les mêmes conditions de salaire et de qualification. On peut d'ailleurs avoir une petite idée de ce que les révisionnistes appellent des "conditions équivalentes" quand on connaît les "garanties prévues en cas de mutations et de licenciements collectifs d'ordre économique" (titre 3) dans l'Accord sur l'emploi de février 69 entre syndicats, dont la CGT, et Patronat: il y est prévu des indemnités telles que l'ouvrier qui retrouve un travail avec un salaire plus faible, ne conserve que le 1er mois le même salaire qu'auparavant, tandis que le 4ème mois il n'a plus que 20% de la différence, et ensuite plus rien du tout sur la différence; pour bénéficier de ce "résultat des longues luttes pour l'emploi" encore faut-il avoir une perte de salaire d'au moins 10%, et travailler dans la même entreprise depuis plus de 2 ans. Mais pour les révisos, les licenciements en masse, du simple fait qu'ils y apportent leur caution, cessent d'être "arbitraires"...

Un appui aux concentrations qui engendrent le chômage.

Sans doute, diront encore révisos et socialos, il ne s'agit ici que de "l'immédiat", et, en effet, leur programme trace de larges perspectives d'avenir: pour l'avenir, on ne parle pas de supprimer les licenciements, mais il est question de "résorption du chômage". Pour atteindre cet objectif, un moyen essentiel envisagé est "la nouvelle politique de restructuration et de développement de l'économie" et "les investissements nouveaux qu'elle entraînera" (p. 56). Pour préciser ce que sera cette "nouvelle politique", le programme qui présente les nationalisations comme "un instrument déterminant du programme démocratique", indique: "le secteur public et nationalisé jouera un rôle de 1er plan dans la mise en (oeuvre de la politique industrielle. Il permettra d'orienter la production, d'opérer les conversions nécessaires, de renforcer et d'adopter les structures industrielles pour ...faire face à la compétition internationale... Le gouvernement stimulera le rendement économique et social des entreprises, en cherchant partout où cela est souhaitable, à instaurer une saine compétition".
Faire face à la compétition internationale, c'est à dire mettre le capitalisme français en bonne position face à la concurrence internationale, voilà qui préoccupe au 1er chef le P"C" et le PS, voilà qui explique qu'ils se refusent dès aujourd'hui à combattre les licenciements, les fermetures d'usines. En avançant le mot d'ordre "pas de licenciements sans reclassements", partis de "gauche" et syndicats admettent tout à fait les fusions, les concentrations, les restructurations qui sont la cause des licenciements, et globalement des réductions de personnel obtenues par divers moyens.

Ils aident déjà les capitalistes à réaliser leurs plans de restructuration.

En novembre 71, devant 10 000 travailleurs rassemblés à Hayange, en Lorraine, pour manifester contre les 12 000 licenciements en 5 ans chez Wendel Sidélor , les révisos lançaient le mot d'ordre: "pas de fermetures sans nouvelles usines", admettant ainsi la logique capitaliste, acceptant que le monopole de l'acier se restructure, guidé par la recherche du profit maximum; ils mettaient comme seule "condition" que d'autres capitalistes viennent s'installer. Dans l'accord de février 69 déjà cité, signé par la CGT, il est dit clairement (préambule du paragraphe 3) : "les fusions, les concentrations, les restructurations, visent à augmenter la compétitivité des entreprises" et (article 14) : "Si une opération de fusion, concentration, ou restructuration conduit à réduire les effectifs, cette réduction doit être atteinte dans toute la mesure du possible ( ! ) par le jeu des départs naturels ou volontaires (!)". Au fait, Séguy pourrait-il nous dire ce qu'il y a de "volontaire" dans les départs, lorsqu'il s'agit de non-renouvellement de la carte de travail pour des travailleurs étrangers, de brimades ou de changements de boulot pour un poste plus dur, de menaces de licenciement du jour au lendemain, toutes choses qui poussent l'ouvrier à prendre les devants...

Déjà lorsqu'ils étaient ministres...

Oui, mais, diront révisos et socialos, s'ils deviennent ministres, "la vie sera changée" le renforcement de la compétitivité des entreprises "servira aussi les travailleurs", leur procurera des emplois, et, pour le prouver, le P"C"F, par la plume de François Billoux rappelle ( dans "Quand nous étions ministres") l'époque de 44 à 47 où P"C" et PS se faisaient au gouvernement les gérants loyaux du capital. Billoux parle notamment du "statut du mineur" présenté par les révisos comme "un des grands acquis de la classe ouvrière", mais il oublie seulement de signaler "un détail " : selon le "statut du mineur" , "les agents titulaires peuvent être licenciés pour les motifs suivants :
-- réduction du nombre d'emplois provoquée soit par des nécessités économiques, soit par des modifications d'exploitation
-- inaptitudes physiques à t'emploi
-- insuffisance professionnelle. "
En mettant au point ce règlement, Marcel Paul, et Ambroize Croizat, ministres "communistes" de l'époque, ont ainsi reconnu le droit pour les Houillères, qui ne s'en sont pas privé, de jeter sur le pavé les travailleurs au nom de la rentabilité capitaliste.

Mieux soumettre la répartition des travailleurs aux exigences du capital avec "l'Agence pour l'Emploi".

La politique économique pas tellement "nouvelle" proposée par le PS et le P"C" ne peut qu'accroître le nombre de chômeurs et renforcer la mobilité de la main d'oeuvre au plus grand profit du capital. Lorsque le programme commun propose (p. 56) parmi les "solutions" : l'agence nationale pour l'emploi, qui "aura la responsabilité et le contrôle exclusif du placement des salariés à la recherche d'un emploi ...et prendra en charge l'activité des entreprises de travail temporaire", il s'agit de perfectionner un moyen d'organiser la mobilité de l'emploi. L'agence pour l'emploi devient pour le PS et le P"C" l'instrument privilégié, en vue de répartir la main d'oeuvre dans les différentes régions, au gré des besoins des capitalistes, de leurs implantations nouvelles, ou de leurs fermetures d'usines.

Mieux organiser le travail temporaire.

Notons au passage qu'il n'est pas question de fermer la porte des entreprises de travail temporaire du type BIS, MANPOWER etc... Il s'agit seulement que l'État aussi "prenne en charge" cette activité, mais là n'est pas le fond du problème, car l'intérêt fondamental pour la bourgeoisie dans le travail temporaire {qui ne se limite d'ailleurs pas à l'activité des officines privées) n'est pas le profit réalisé par celles-ci (une part de plus-value concédée par les patrons de l'industrie).


Signature des accords sur l'emploi : les compères Ceyrac et Krasucki

L'intérêt pour la bourgeoisie c'est avant tout de disposer d'une main d'oeuvre qui peut être employée ou rejetée à volonté, selon les plans de restructuration et les à-coups de la production capitaliste, que le "fournisseur" s'appelle BIS ou AGENCE NATIONALE POUR L'EMPLOI ne change rien pour les travailleurs.
Sur l'utilisation du travail temporaire par le capital, les révisionnistes sont d'accord quant au fond, eux qui au nom de la CGT signaient en octobre 69 un accord avec MANPOWER qui a inspiré pour l'essentiel la loi du gouvernement Chaban-Delmas en janvier 72, légalisant le développement du travail temporaire, eux qui déclaraient aux représentants du "Fonds National de l'emploi" :
" Le travail temporaire correspond à un besoin de l'économie moderne (pour ne pas dire capitaliste ! NDLR) : concentration, rationalisation, productivité, nécessité d'assurer la rotation d'un certain nombre de services..."
Quant à l'autre forme de travail temporaire, dont sont victimes surtout les ouvriers immigrés: les contrats de courte durée (6 mois, 1 an) pas un mot dans le programme commun.

Même démagogie que les autres partis bourgeois.

Mieux organiser le chômage, tel est le fin mot de ces mesures préconisées par le programme commun du PS et du P"C" et déjà mises en oeuvre avec leur participation. Depuis l'accord sur l'emploi de 69, la CGT et les autres syndicats participent à des commissions paritaires avec le patronat, par branches industrielles au niveau national, inter professionnelles au niveau régional. L'accord proclame (paragraphe 3 du préambule) que ces commissions permettront " à toutes les parties intéressées de progresser dans la connaissance des problèmes de l'emploi et partant de faciliter la solution des difficultés que peuvent rencontrer les travailleurs" Ici, le capitalisme n'est nullement mis en cause, il n'y aurait qu'un problème d'organisation à améliorer, ainsi en va-t-il de la formation professionnelle qui est une des attributions des "commissions paritaires" et dont le développement est présenté par le programme commun comme un des moyens privilégiés pour "résorber le chômage" , car "les relations entre l'école et l'entreprise permettront d'améliorer les conditions d'entrée des jeunes dans la vie active". Le P"C" et le PS qui ne remettent pas en cause l'Etat bourgeois, support essentiel de l'économie capitaliste, reprennent ici l'argument démagogique de la bourgeoisie selon lequel le chômage serait dû à un décalage entre la nature des emplois (qualifiés) et celle des demandes (sans qualification), et qu'il peut être éliminé en envoyant des dizaines de milliers d'ouvriers en stage de formation, alors même que les jeunes qualifiés qui sortent de FPA ou de centres d'apprentissage, se retrouvent très souvent O.S. sur une chaîne ou plus simplement sans travail.

DES PROPOSITIONS POUR MASQUER L'INTENSIFICATION
DU TRAVAIL.

Dans le programme commun, le P"C"F et le PS alignent un certain nombre de mesures concernant l'"amélioration des conditions de travail". En effet, le problème de l'intensification du travail, des cadences, est particulièrement ressenti par la classe ouvrière, et notamment par ses catégories les plus exploitées: les O.S..
Pour comprendre l'intérêt subite du P"C"F et du PS, comme d'ailleurs de l'ensemble des autres partis bourgeois (U.D.R., R.I., etc...) pour les O.S., un peu d'histoire est nécessaire.

La bourgeoisie et le P"C"F découvrent qu'il y a des O.S.

Avant mai 68, les O.S. existaient. Pourtant, P"C"F et CGT affirmaient avec insistance que les progrès scientifiques et techniques élevaient sans cesse le niveau de qualification des ouvriers, qu'il s'agissait seulement de mettre les salaires en accord avec le niveau élevé de qualification. En fait, P"C"F et CGT tout en poussant les hauts cris contre elles, tendaient à s'aligner sur les thèses bourgeoises du moment: dans les pays hautement industrialisés, se formerait une "nouvelle classe ouvrière" composée indistinctement d'ingénieurs, de techniciens et d'ouvriers qualifiés. Quant aux O.S., dans cette perspective, ils passaient au second plan: simple survivance d'un capitalisme dépassé, laissés pour compte du progrès technologique, ils semblaient disparaître peu à peu avec le progrès. A présent, c'est un tout autre son de cloche. La bourgeoisie fait semblant de découvrir qu'il existe des O.S., de se pencher, avec charité chrétienne, sur leur sort. Le CNPF inquiet a envoyé quelques mois en usine un trio de sociologues pour étudier "le mal des OS".

L'appareil du P"C"F et de la CGT a aussitôt emboîté le pas. Lui aussi, tout en prétendant réfuter les thèses de la bourgeoisie, prétend se préoccuper de la "condition des O.S.".
C'est qu'entre temps la montée de la révolte des O.S. avant 68, le rôle important des O.S. en 68 (qui sifflent Séguy après Grenelle à Billancourt), la multiplication des luttes chez les O.S. après 68 (pistoleurs de Peugeot, monteurs de Berliet-Vénissieux, O.S. de Renault Le Mans en 71) ont suscité l'inquiétude de la bourgeoisie et des révisionnistes. Ils se sont donc mis à chercher les moyens d'endiguer la révolte des O.S..

Le P"C"F dissimule la réalité.

Le P"C"F et la CGT ont donc été contraints pour tenter de maintenir leur emprise sur la classe ouvrière d'adopter une attitude nouvelle, vis à vis des O.S., mais sans rien changer de fondamental. Certes ils décrivent davantage à présent les conditions de travail exténuantes des O.S. (l'Humanité du 2-2-72 sur les O.S. de Michelin), et l'accélération des cadences. Une des principales raisons pour lesquelles le P"C"F a exclu à grand renfort de publicité Garaudy, c'est qu'il s'était fait trop ouvertement avant mai 68, l'apôtre de la "nouvelle classe ouvrière" et était devenu trop encombrant.
Mais le P"C"F conserve en fait ses positions en les déguisant plus habilement, c'est tout.
D'une part, dans toute la littérature "théorique" à destination des intellectuels et autres cadres ou petit bourgeois -qui ne risque pas d'être lue par les OS -il développe toujours les mêmes thèses bourgeoises sur l'élévation du niveau de qualification. Par exemple: "au total, dans le cadre actuel du capitalisme monopoliste d'État, l'automation entraîne un certain développement du travail qualifié". "Le capitalisme monopoliste d'État", tome 1, page 136).
De plus quand le P"C"F s'apitoie sur le sort des O.S., il prend bien soin de les amalgamer avec d'autres couches extérieures à la classe ouvrière: pour un récent document de la CGT l'augmentation des cadences et la parcellarisation des tâches frappe autant les employés et les techniciens que les O.S..
D'autre part, et c'est le plus important, le P"C"F et la CGT, quand ils sont contraints de parler des O.S., esquivent, dissimulent l'essentiel :
1. Ils présentent, ainsi que la bourgeoisie, les O.S. comme une catégorie à part de la classe ouvrière. En fait, les statistiques officielles montrent que les O.S. constituent près de la majorité de la classe ouvrière (40%) et la masse des ouvriers non qualifiés (O.S. plus manoeuvres) plus de la moitié (60%) de la classe ouvrière en France.
2. Ils dissimulent le fait que le nombre et la proportion des O.S. dans la classe ouvrière ne cesse d'augmenter: en 1954, 30% seulement des ouvriers étaient O.S.. En 1968, 40%. En 1954, 52% des ouvriers n'avaient pas de qualification (O.S. plus manoeuvres). En 1968, 63%. Ils dissimulent que cette évolution est étroitement liée au développement même du capitalisme: plus le capital est concentré et centralisé, plus la taille des entreprises est grande, plus il y a d'O.S. Ils dissimulent que cette évolution irréversible vers la déqualification concerne non seulement les O.S., mais aussi une partie importante des O.P.

La nouvelle démagogie du P"C"F vis-à-vis des O.S.

Si le P"C"F et la CGT dissimulent ainsi la réalité, c'est pour faire passer auprès de la classe ouvrière leurs propositions démagogiques.
Celles-ci sont de deux sortes: les unes visent directement la question des cadences, des postes, etc..., les autres la formation professionnelle. Examinons-les à partir du programme commun.
" La nouvelle législation comportera des dispositions visant à améliorer les conditions de travail: limitation des cadences et de la charge de travail"...
Cela est clair: pour le P"C"F et son allié "socialiste", il n'est pas question d'abaisser, de réduire, de diminuer les cadences. Ce que proposent le P"C"F et le PS, c'est de trouver en fait un certain nombre de "solutions", tout comme les partis bourgeois au pouvoir, pour faire accepter les cadences et leur augmentation continue.
-- C'est ainsi, par exemple, que le programme commun préconise l'"aménagement des horaires et des pauses". Cela va dans le sens des mesures avancées par les "experts" bourgeois: l'augmentation des temps de pause individuelle. Chez Fiat, la pause individuelle serait passée de 20 minutes à 40 minutes par journée. Évidemment la chaîne ne s'arrête pas. Et la pause est calculée de façon à ce que l'ouvrier récupère juste assez pour pouvoir mieux tenir la cadence ou une cadence supérieure.
-- C'est ainsi que le programme commun avance: "la rotation dans les postes de travail permettra l'acquisition de nouvelles qualifications entraînant le reclassement professionnel des travailleurs". Là aussi cela va dans le sens des mesures préconisées par les capitalistes. Avec la "rotation des tâches", il s'agit, dans une même journée, de faire changer l'O.S. de poste. Ainsi, à la Télémécanique, une ouvrière est le matin à un poste de contrôle d'une machine rapide, et le soir à la soudure. En fait, cela revient, pour le patron, à limiter la fatigue due à la répétition pour tirer le maximum de l'ensemble des capacités physiques et nerveuses de l'ouvrière. A l'user par les deux bouts en quelque sorte.
-- C'est ainsi que le programme commun déclare: "un des critères de la politique industrielle devra être la production d'équipements et la mise au point de processus technologiques visant à améliorer la nature et l'intérêt du travail". Là aussi cela recoupe entièrement les tentatives de duperie de la bourgeoisie sur l' "élargissement des tâches" : l'O.S. sur la chaîne, n'exécute plus une ou deux opérations en un même temps court (1 minute) mais plusieurs, liées entre elles, sur un temps plus long. Le procédé est en cours d'expérimentation à Renault Le Mans. Là encore, il s'agit d'intensifier le travail: certains "agents de méthodes" se sont aperçus que leur découpage du travail en gestes et postes séparés, était souvent stupide, que les ouvriers trouvaient toujours des "trucs" pour abréger les opérations. Donc dans certains cas, en confiant au même ouvrier une suite de tâches jusque là séparées en plusieurs postes, il est très possible de raccourcir le temps de fabrication, donc d'accroître le rythme de travail.
Comme on le voit, beaucoup de propositions avancées par le P"C"F et le PS concernant les cadences ne font que reprendre celles agitées par les partis bourgeois au pouvoir: c'est à dire qu'elles visent, sans rien toucher aux cadences elles-mêmes, à les faire accepter par la classe ouvrière.

Le deuxième volet de la démagogie du P"C" F vis à vis des travailleurs, c'est de leur faire croire qu'il est possible de s'en sortir, d'en finir avec le travail abrutissant de l'O.S. par la formation professionnelle.
La grande nouveauté de la plate-forme O.S. de la CGT métallurgie, ce sont les revendications pour le "devenir professionnel" : "promotion en fonction de l'expérience acquise", "programme de formation permanente pour les O.S.", "le jeune de moins de 25 ans effectuera obligatoirement un stage de F.P.A." , etc...
Le programme commun n'est pas en reste: après avoir parlé de la "rotation des postes" qui permettra "l'acquisition de nouvelles qualifications et le reclassement professionnel des travailleurs", il précise: "le droit à la formation et à l'amélioration de la qualification, permettant une progression professionnelle continue, sera véritablement reconnu ".

Telle est la nouvelle duperie du P"C"F en direction des O.S. : leur faire croire qu' " il y a espoir de s'en sortir" par la formation professionnelle ! La bourgeoisie répète aux O.S. : "c'est normal que vous soyez O.S., puisque vous n'avez aucune qualification". P"C"F et CGT reprennent exactement le même raisonnement que la bourgeoisie et déclarent en conséquence aux O.S. : " La seule solution pour vous, c'est d'acquérir une qualification". C'est là une tromperie grossière: l'histoire montre que le capitalisme emploie une masse de plus en plus grande d'ouvriers non qualifiés, qu'il a tendance à déqualifier les ouvriers. Et le P" C" F veut faire croire à la masse des O.S. qu'il existe pour eux une issue, en régime capitaliste: la qualification !
Dans les usines, cela se traduit par une mobilisation des ouvriers sur le thème de la qualification, ce qui laisse de côté le problème des conditions de travail et de la lutte contre les cadences. Chez Renault, en mars dernier, la CGT a lancé le débat suivant: "Qui va devenir P1, qui va rester O.S. ? "
"Sera classé O.S. l'ouvrier n'ayant aucune responsabilité" (tract CGT du 6-3) et la CGT avance quelques exemples d'ouvriers qui sont O.S. et qui devraient être P1: pontonniers, routiers, contrôleurs, etc... Mais la liste n'est pas close, d'autres O.S. peuvent espérer y accéder. Par ce type de revendications les révisionnistes vont accentuer les contradictions à l'intérieur de la classe ouvrière, et reléguer au second plan les luttes contre les cadences, pour de meilleures conditions de travail.
Le fondeur, aujourd'hui O.S., demain O.P., respirera toujours autant de fumée, le cariste même s'il devient O.P ., sera toujours exposé aux accidents, à cause de la vitesse imposée par la régie Renault. La seule différence pour l'ouvrier devenu professionnel sera quelques centimes éphémères de plus de l'heure, ce qui revient à monnayer la santé des travailleurs et leur usure rapide.

Démagogie et répression: une même tactique face à la montée des luttes des O.S.

Face à la montée des luttes des O.S., les révisionnistes utilisent donc deux moyens: d'une part la tromperie. Masquer aux O.S. qu'ils constituent la masse la plus exploitée du prolétariat, leur inculquer des idées bourgeoises (partagées par l'aristocratie ouvrière) : qu'ils sont certes une "catégorie" défavorisée, mais qu'ils n'ont qu'à acquérir une formation professionnelle pour s'en sortir, monter dans la hiérarchie, etc...
L'autre aspect c'est la répression de fait des luttes des O.S. En mai 1971, la CGT a tout fait pour maintenir et restreindre la lutte des O.S. du Mans au cadre d'abord d'un atelier (le F.F.), puis à une seule usine, donc à une "catégorie" particulière d'O.S., ceux du Mans. Pour la CGT, et elle insistait, les O.S. de Billancourt faisaient grève principalement contre le lock-out et non pour poser les revendications sur leur condition d'O.S., pour former avec les O.S. du Mans, de Flins et des autres usines un seul front de lutte.
Démagogie et répression: pour les révisionnistes, représentants politiques de l'aristocratie ouvrière et de couches petites bourgeoises, il est vital, s'ils veulent garder leur place bien rémunérée d'agents de la bourgeoisie au sein du mouvement ouvrier, de maintenir leur emprise sur la masse de la classe ouvrière, donc de freiner, de diviser, de dévoyer au maximum les luttes des O.S. -et aussi, bien sûr, d'empêcher la pénétration parmi eux, de la propagande révolutionnaire. Au Mans, en mai 1971, la CGT avait mis en place un système policier pour interdire, par la violence, l'accès de l'usine aux propagandistes suspectés d'être révolutionnaires. 

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