II) INTERET DES PAYS. INTERET DES
PEUPLES. L'ÉGALITÉ DANS LE RESPECT DE LA
DIFFÉRENCE : UNE PRATIQUE DIFFICILE.
A) SIHANOUK: UNE POLITIQUE EXTÉRIEURE DE
NEUTRALITÉ, UNE POLITIQUE INTÉRIEURE
D'EXTERMINATION DES RÉVOLUTIONNAIRES.
En 1954, Sihanouk obtint de régler
lui-même leur sort aux Khmers Issaraks, afin qu'ils ne
contrôlent aucune zone du pays. Les pays socialistes
acceptent l'évacuation du pays par les troupes
Viet-Minh.
"Sur les 5000 guérilleros
Issaraks-Vietminh que comptait le Cambodge en 1950, 2500
quittent le pays dans les fourgons de l'armée de
libération Vietnamienne, 2000 combattants enterrent
leurs armes; 200 cadres politiques se réfugient
à Hanoï (ou en Chine et URSS). Les autres
disparaissent dans les villes et les campagnes
Cambodgiennes. A Phnom Penh apparaît alors un Parti
Communiste Khmer, le Pracheachon (Parti du Peuple) (NDLR:
selon les Vietnamiens il s'est créé en
1951)... Ses dirigeants arrêtés et
emprisonnés malgré l'amnistie promise par
Sihanouk à Genève, sont
éliminés... Vers 1958 le Pracheachon se
saborde et ses membres, ceux qui sont encore en vie et en
liberté, se réfugient à leur tour au
Nord-Vietnam"
"Le Cambodge"... F. Debré
ouvrage cité.
S'ouvre alors une période sombre
pour les révolutionnaires. "Durant
les années 59 et 60, les arrestations se sont
multipliées aussi bien dans les villes que dans les
campagnes. A cette date dans les campagnes, les forces
révolutionnaires ont été
détruites à 90%"
"Vive le 17ème
anniversaire de la fondation du P.C.K." 1977.
Les Cambodgiens ont à lutter contre
un gouvernement en apparence nationaliste et qui
réussit à obtenir un certain consensus autour
de lui.
B) LE VIETNAM : CONSTITUTION DU F.N.L.
La fin des années 50 est d'ailleurs
une période difficile également pour les
Vietnamiens. Après avoir préparé
réclamé et attendu en vain les
élections promises à Genève, il se
trouvent aux prises avec la détermination
américaine de les exterminer. Dès 1956, les
américains ont mis au pouvoir dans le Sud qui
n'était pas encore une entité, un
régime à leur solde dirigé par Diem.
Leur objectif et leurs méthodes:
"Nos premiers efforts visaient à
aider le gouvernement du Sud-Vietnam à maintenir des
forces de police comprenant une armée
régulière de 150 000 hommes, une garde civile
mobile de quelques 45 000 hommes et des unités
locales de lutte contre la subversion. Nous sommes en train
de fournir à ces forces de l'argent et de
l'équipement, et nous avons la mission
d'entraîner l'armée Vietnamienne"
"US State
Département Bulletin - 11 Juin 1956" Cité par
Jean Chesnaux "Le Vietnam" Maspéro.
Les Vietnamiens ont directement à
lutter contre l'impérialisme américain. C'est
là une différence de situation d'avec les
Cambodgiens.
Dès 1957, l'armée
comptait 200 000 hommes. C'est dans ces conditions que la
lutte armée reprend dans le sud en 59. Les
ratissages, emprisonnements, tueries, ont obligé de
nombreux Vietnamiens, cadres politiques et paysans à
se réfugier au Cambodge, notamment ceux qui
étaient près de la frontière.
La résistance, sous diverses
formes, occupation des terres, grèves
ouvrières, la lutte armée est d'abord
spontanée jusqu'en 1960, date de création du
Front National de Libération.
Date aussi de la fondation du Parti
Communiste du Kampuchea, "organisation véritablement
nationale".
C) HISTOIRE DU PARTI COMMUNISTE DU KAMPUCHEA (P.C.K.):
LA PREMIERE ORGANISATION DU PEUPLE CAMBODGIEN.
Nous passerons relativement vite sur
l'histoire du Vietnam qui est ou devrait être mieux
connue (nous développerons dans un ouvrage
ultérieur, car les mémoires s'usent).
Par contre, en ce qui concerne le
Cambodge, il est nécessaire de porter ici à la
connaissance de tous une histoire largement inconnue et sans
laquelle la lutte pour l'indépendance du peuple
Cambodgien ne peut être comprise et défendue de
manière vivante. Pour cela, nous citerons largement
un document récent du P.C.K., auquel nous nous sommes
permis de rajouter des intertitres.
-1) DEUX ENNEMIS:
l'impérialisme américain, les
propriétaires fonciers.
Le premier
congrès a tracé: "la ligne stratégique
fondamentale de la révolution nationale
démocratique".
-a) L'IMPÉRIALISME AMÉRICAIN ET
L'INDÉPENDANCE NATIONALE.
Primo: le congrès
a analysé et déterminé la
véritable nature de la société du
Kampuchea à cette époque ? Quelles
étaient ces contradictions ? ... Le Kampuchea
à cette époque dépendait de
l'impérialisme, en particulier de
l'impérialisme américain... Cette analyse
a-t-elle pu s'effectuer sans lutte ? Certes non ! Nous avons
du lutter dans nos rangs, nous avons du lutter dans certains
milieux de la société. A cette époque,
au sein de la nation, certains soutenaient que le Kampuchea
était indépendant depuis 1949, d'autres
affirmaient que l'indépendance avait
été acquise en 1954 grâce aux accords de
Genève. En définitive, ces 2 opinions,
à part la divergence sur la date affirmaient que le
Kampuchea était indépendant. Mais la
véritable nature de la société d'alors,
la véritable nature du pays permettaient-elles de
parler d'indépendance ? Assurément non ! Ni
l'économie, ni la culture n'étaient
indépendantes. Ni même la politique: certains
secteurs en étaient indépendants, mais
d'autres ne l'étaient pas. Il en était de
même pour la vie sociale. Ne pas être
indépendant signifie être dépendant de
l'étranger, dépendant de l'impérialisme
en général dont l'impérialisme
américain est le chef de file. Sur le plan militaire,
le Kampuchea n'était pas non plus indépendant.
Les accords militaires Khmêro-américains du 16
Mai 1955 en étaient la preuve. En outre,
l'Organisation du Traité de l'Asie du Sud-EST (SEATO)
avait étendu son "parapluie" sur le Kampuchea. Par
conséquent, bien que formellement indépendant,
bien que formellement neutre, le Kampuchea, de par son
essence, sa véritable nature, ne l'était
guère.
L'économie
était par son essence, entièrement
dominée par l'impérialisme. Il en était
de même pour la culture. Quant à la nature de
la société et au mode de vie, ils
étaient sous l'empire impérialiste, notamment
au niveau des milieux dirigeants.
Nous avons
défini le Kampuchea d'alors comme étant un
pays inféodé à l'impérialisme,
un pays semi-colonial.
Cette analyse devait
permettre à chacun de se convaincre qu'il existait
des contradictions. Le Kampuchea n'était certes pas
totalement dépendant, mais il l'était à
MOITIÉ. S'il en était ainsi, existait-il des
contradictions ? Assurément ! Les contradictions
existaient. Il y avait contradiction entre la nation du
Kampuchea et l'impérialisme venu de
l'extérieur, en particulier l'impérialisme
américain. Ce n'était pas une agression
armée, mais c'était une agression
économique, culturelle, sociale et même
militaire du fait qu'il avait soumis l'armée du
Kampuchea à ses emprises multiformes.
Par
conséquent, de par sa véritable nature, la
société du Kampuchea était en proie
à des contradictions. Il ne pouvait en être
autrement. Seulement certains s'efforçaient de les
enterrer en affirmant qu'il n'en existait pas. Mais en
vérité, les contradictions existaient. Il
existait des contradictions entre la nation du Kampuchea et
l'impérialisme, en particulier l'impérialisme
américain, et il fallait les résoudre. Il
fallait les résoudre en définissant
correctement les tâches révolutionnaires,
à savoir rassembler toute la nation en une force pour
lutter contre l'impérialisme, en particulier
l'impérialisme américain, pour
l'indépendance, la souveraineté,
l'intégrité territoriale.
C'est là la
tâche de la révolution nationale. Elle signifie
qu'il fallait chasser l'impérialisme et
libérer la nation. (...)
-b) PAS DE RÉVOLUTION NATIONALE
DÉMOCRATIQUE SANS LES PAYSANS - 85% DE LA
POPULATION.
Secundo: le
congrès a analysé et défini les
contradictions au sein de la société du
Kampuchea. A l'époque où nous avons
élaboré la ligne du Parti, la
société du Kampuchea était
divisé en classes bien distinctes: la classe
ouvrière, la classe paysanne, la petite bourgeoisie,
la bourgeoisie et la classe féodale. En tout, cinq
classes.
Existait-il des
contradictions entre ces diverses classes ?
Il en existait, et
elles étaient complexes. Il existait des
contradictions entre les ouvriers et les capitalistes, entre
la petite bourgeoisie et les capitalistes, entre les paysans
et les propriétaires fonciers, entre les capitalistes
et les paysans, etc... Les contradictions étaient
très complexes et très
enchevêtrées. Cependant, quelles étaient
les contradictions qui jouaient le rôle
prépondérant dans la société de
l'époque ?
Pour trouver la
réponse à cette question, il fallait trouver
parmi les multiples contradictions au sein de la
société, celle qui concernait la population la
plus nombreuse. Quelle était la classe qui exploitait
le plus les autres? Quelle était la classe qui
était la plus exploitée et la plus nombreuse
?
L'examen de la
société du Kampuchea à cette
époque a révélé que les paysans
représentaient 85 % de la population du pays. Les
paysans constituaient donc l'écrasante
majorité de la population. Ils subissaient à
la fois l'exptoitatation des propriétaires fonciers
et l'exploitation des capitalistes. Cependant, les paysans
subissaient l'exploitation de façon plus dure, plus
multiforme et plus directe de la part des
propriétaires fonciers. Par conséquent, 85% de
la population, c'est-à-dire les paysans,
étaient en contradiction avec la classe exploiteuse
qui les exploitait directement, la classe des
propriétaires fonciers. Parmi toutes les
contradictions au sein de la société du
Kampuchea, la contradiction qui jouait le rôle
prépondérant, c'était celle qui
existait entre les paysans et les propriétaires
fonciers, parce que la classe paysanne, 85%,
représentait l'écrasante majorité de la
population. Il fallait résoudre en priorité
cette contradiction principale afin de rassembler les forces
de la paysannerie qui sont les plus importantes.
Ainsi, dans la
société du Kampuchea de cette époque,
les contradictions étaient multiples et complexes,
mais il en était une qui jouait un rôle
prépondérant, c'était la contradiction
entre la classe paysanne et la classe des
propriétaires fonciers.
L'exploitation des
propriétaires fonciers sur les paysans revêtait
des formes variées et existait jusque dans les
endroits les plus reculés du Kampuchea. Nous avons
procédé à des enquêtes directes
pendant plusieurs années dans nos villages et
communes et nous avons réuni des documents
précis à ce sujet.
Je cite un exemple:
celui de Thmâ Kaul, dans la province de Battambang.
Durant les années 1957-1958, c'était une
région de grandes propriétés rizicoles:
90% des rizières se trouvaient entre les mains des
propriétaires fonciers. Sur les dizaines de milliers
d'habitants que comptait Thmâ Kaul, 4 à 10%
étaient des propriétaires fonciers qui
accaparaient 90% des terres. Les dizaines de milliers de
paysans se partageaient les 10% de rizières
restantes. C'est la raison pour laquelle nous avons conclu
à l'existence d'un processus de paupérisation
à la campagne. Cela veut dire que les paysans
s'appauvrissent de plus en plus. Les paysans riches qui
persévéraient à cultiver
eux-mêmes leurs terres tombaient à la condition
de paysans moyens. Les paysans moyens qui cultivaient
eux-mêmes leurs terres, exploités pendant un
certain temps, descendaient au rang de paysans
moyens-pauvres. Les paysans moyens-pauvres peu à peu
passaient au rang de paysans pauvres et les paysans pauvres,
ayant petit à petit perdu toutes leurs terres
devaient émigrer vers les villes pour se faire
ouvriers, travailleurs ou tireurs de cycles ou de
"remorques". Voilà le processus de
paupérisation dans nos campagnes. Seuls les
propriétaires fonciers s'enrichissaient.
Tel était
donc l'état des contradictions dans la
société du Kampuchea. Ces contradictions
existaient partout dans la société, partout
dans le Kampuchea.
Voici un autre
document résultant de nos enquêtes
menées dans la commune de Dontey, située dans
la partie orientale de la province de Kampong Cham, zone
Est. Nous avons examiné comment et sous quelles
formes les propriétaires fonciers exploitaient les
paysans.
Une culotte de toile
noire coûtait à l'époque 2 à 3
riels. Mais les paysans devaient l'échanger contre 10
à 15 thangs (un thang égale environ 40Kgs) de
paddy livrés au moment de la récolte. Dans
cette commune, pour ses besoins annuels, une famille de
paysans moyens de cinq personnes: le mari, la femme et trois
enfants, ne disposait que de 30 thangs de paddy, y compris
pour les semences. Ainsi, avec 15 thangs de paddy, pour une
culotte, pour deux culottes il fallait 30 thangs de paddy,
c'est-à-dire toutes les ressources d'une famille de
paysans moyens pendant un an.
Telle était
donc la grave exploitation qui sévissait dans nos
campagnes. Ceux qui ne voyaient pas ces problêmes ne
se rendaient pas compte de la gravité de
l'exploitation dans les campagnes. Cette contradiction
était par conséquent antagoniste,
irréconciliable. Telle était la profonde
contradiction dans la société du Kampuchea et
qui concernait 85 % de la population. C'est pour cette
raison que le 1er congrès de notre Parti a
défini cette contradiction comme étant une
contradiction antagoniste.
S'il en était
ainsi, comment résoudre cette contradiction ? Il
fallait mobiliser les paysans pour lutter contre la classe
exploiteuse qui est celle des propriétaires fonciers.
C'était la seule solution. Cependant, pour vaincre,
les paysans devaient avoir à leurs côtés
d'autres forces sociales. Notre expérience
concrète a bien montré que lorsqu'on est
parvenu à mobiliser 85% du peuple, le reste suit,
exceptée une infime minorité.
Voilà comment
nous avons défini nos tâches dans la
révolution démocratique. Par
"révolution démocratique", nous entendons la
libération du peuple. Concrètement, c'est la
libération de la majorité du peuple, les 85%,
la classe paysanne. Libérer les paysans qui
constituent 85% de la population, c'est du même coup
libérer tout un peuple. Parmi les 15% restants, la
grande majorité rejoint la masse des 85%. Cette masse
constitue une puissante force révolutionnaire.
Puissante non pas seulement du point de vue quantitatif,
mais aussi du point de vue qualitatif puisque c'est une
contradiction antagoniste. Découvrir cette force,
c'est la clé de la victoire. Considérer nos
paysans comme arriérés, sans hygiène,
misérables, incultes, incapables de faire la
révolution, c'est tomber dans une grave erreur
d'analyse. Ce n'est pas procéder à l'analyse
scientifique des contradictions au sein de la
société.
En
vérité, les 85% de la population constituent
une force immense et par son nombre et par les
contradictions qui la régissent. Les contradictions
engendrent la haine. Mais elles étaient
restées enfouies. Pourquoi ? Parce que la classe des
propriétaires fonciers, les tenants du pouvoir et les
maîtres à penser au service des classes
dominantes se sont employées à les enterrer.
L'idéologie, telle celle qui consiste à
imputer tous nos malheur en ce monde aux méfaits que
nous aurions accomplis dans un monde antérieur, vise
à duper les paysans et à les empêcher de
voir les contradictions. Et pourtant, les contradictions
existent. L'analyse scientifique de la société
en révèle l'existence. Il ne reste plus
qu'à agiter la paysannerie pour qu'elle s'en rende
compte, s'enflamme de haine de classe et engage la
lutte.
Voilà le
problème-clé, le problème fondamental
qui décide de la victoire. Telle est la conclusion de
notre analyse et telle est notre conviction.
En
résumé, la révolution nationale
démocratique devait accomplir deux
tâches:
1- combattre
l'impérialisme
2- combattre les
féodaux-propriétaires fonciers. Combattre les
féodaux-propriétaires fonciers non en tant
qu'individus, mais combattre leur régime
féodal d'exploitation.
Suivant cette ligne,
nous devons mobiliser les paysans pauvres et les paysans
moyens-pauvres. Les cadres responsables du travail à
la campagne ne vivaient pas dans les agglomérations,
mais dans les endroits les plus reculés. C'est
là que nous avons pu savoir notamment combien de
thangs de paddy les paysans consommaient chaque année
et combien de thangs de paddy il fallait échanger
contre une culotte. Comment les paysans pauvres et les
paysans moyens-pauvres étaient exploités, nous
le savions parce que nous vivions avec eux et nous menions
notre travail de propagande et d'agitation parmi eux sur
l'exploitation féodale et semi-féodale,
l'exploitation des marchands et des
capitalistes.
-c) LE MOUVEMENT PAYSAN A LA CAMPAGNE:
CONSTITUTION DES FORCES RÉVOLUTIONNAIRES.
Que les camarades
examinent la situation de cette époque ! Comment se
sont développées les luttes à la
campagne à partir de 1964 ?
1964, 1965, 1966,
1967, les luttes se sont développées avec
impétuosité. Nous suivions de près le
mouvement. C'était impétueux. 1964-1965: le
mouvement était déjà puissant. 1966: il
l'était encore plus. 1967: il était d'une
impétuosité extraordinaire. Par milliers, par
dizaines de milliers les paysans manifestaient, se
soulevaient, se rendaient aux sièges administratifs
de la commune, du district, de la province, pour
réclamer les terres. Toutes les formes de luttes
étaient utilisées: pétitions,
interventions auprès des députés, mais
surtout ce qui est important, les paysans s'armaient de
couteaux, de haches et d'autres armes traditionnelles. Les
armes à la main, les paysans investissaient les
postes de police, les postes militaires, recouraient
à la violence révolutionnaire, car les classes
dirigeantes refusaient de résoudre les
problèmes des terres qu'elles avaient pillées
aux paysans pauvres de connivence avec les
propriétaires fonciers. Les classes dirigeantes
étaient des féodaux, des propriétaires
fonciers et des capitalistes. Comment pouvaient-elles
satisfaire les revendications des paysans ? Elles ne le
pouvaient pas. Leurs mensonges et leurs subterfuges ne
pouvaient leur servir que pendant un certain temps.
Après plusieurs actions, les paysans, n'ayant pu
récupérer leurs terres, le
mécontentement se transformait en colère puis
en haine de classe, haine engendrée par les
contradictions de classes. A ce stade, comment
résoudre le problème ? Il ne restait plus aux
paysans qu'à s'armer d'armes blanches et à
chasser eux-mêmes les accapareurs de terres. Ils
n'avaient pas peur désormais de la mort, n'ayant plus
rien c'était déjà pour eux la
mort.
Tel était le
mouvement impétueux de nos paysans. Le mouvement
s'étendait dans tout le pays.
D'aucuns nous
demandaient où était notre force. Faire la
révolution les mains vides, est-il possible de
vaincre ?
Ceux-là ne
voyaient pas la force de notre peuple en pleine
ébullition, avec une conscience de classe en plein
éveil. Cette conscience de classe n'était pas
due au seul travail de propagande et d'éducation de
notre parti, mais elle était acquise à travers
la lutte, à travers la haine de classe et à
travers tes contradictions de classes non résolues.
Autant de problèmes qui amenaient nos paysans
à trouver la solution dans la violence
révolutionnaire. L'utilisation de la force brutale
venait de notre peuple lui-même, instruit par les
expériences de ses propres luttes. Ainsi, nous avons
pu mobiliser 85% de paysans dans tout le pays. C'est une
force prodigieuse. C'est pourquoi nous avons osé
lutter. Notre Parti a confiance dans le peuple. Pourquoi ?
Parce que le Parti a bien vu les contradictions de classes
et que le peuple lutte de son propre mouvement pour les
résoudre. Nous nous bornons seulement à le
guider pour qu'il s'unisse en force et qu'il n'aille pas au
combat en ordre dispersé.
Telle est l'analyse
formulée par le premier congrès. Elle a ouvert
la voie à une juste orientation de notre parti. Si
nous n'avions pas trouvé cette voie, nous serions
dans une mauvaise direction.
-d) ET LES OUVRIERS ?
Certains croyaient
à l'importance de la lutte parlementaire. Le Parti
devait certes mener la lutte à l'assemblée,
(NDLR: Khieu Samphan était secrétaire d'Etat
chargé du commerce. Il le restera jusqu'en 1967),
mais c'était une forme de lutte
complémentaire. Elle ne constitue pas la principale
forme de lutte de notre révolution. La lutte par les
moyens de la presse est une forme pour mobiliser l'opinion
des larges masses, mais elle ne constitue pas non plus une
forme principale de lutte.
La force
fondamentale de notre révolution est celle des
paysans. Dans notre pays, la situation est différente
des pays industriels. Les ouvriers ne constituent pas la
principale force de lutte de notre révolution. Au
début, nous avons aussi mené un travail actif
dans le milieu ouvrier. Une association sur le plan national
a été créée pour impulser le
mouvement ouvrier. Le camarade secrétaire-adjoint de
notre Parti avait reçu la tâche de diriger le
mouvement. Cependant, notre classe ouvrière
était faible numériquement. Dans chaque usine,
le mouvement était actif, mais il ne pouvait
résister à la répression ennemie.
Chaque fois qu'un mouvement se déclenchait, il
était aussitôt enrayé. Le mouvement
reprenait mais l'ennemi l'anéantissait de
nouveau.
Prenons l'exemple
des chemins de fer. Le mouvement y était le plus
puissant de la classe ouvrière de notre pays, mais il
a été exterminé. Du fait des
sévices subis, certains camarades restés ont
perdu la raison.
Par
conséquent, la classe ouvrière par sa nature
de classe est la meilleure force révolutionnaire, la
force dirigeante. Cependant, elle était peu nombreuse
et se trouvait totalement entre les mains de l'ennemi dans
les usines et sur les chantiers.
Ainsi, notre analyse
de la société du Kampuchea de cette
époque est fondamentalement juste. Les paysans
étaient en contradiction avec les
propriétaires fonciers. Sur la base de cette analyse,
nous avons pleinement confiance en nos propres forces.
Quoiqu'on disent certains, quelles que soient les
difficultés, nous demeurons inébranlables, car
le peuple a lutté et il lutte sous la direction d'un
Parti éclairé par une ligne juste.
Un
événement parmi tant d'autres, un
événement de cette époque que je vais
évoquer à titre d'exemple montre la richesse
des formes de lutte de notre peuple.
Le village
Krâvar, de la commune du même nom, dans le
district de Baray, est un village perdu de la haute
région, situé à la lisière des
forêts, sur la rive du Stung Chinit. L'ennemi l'avait
soumis à toutes sortes d'exactions et à une
dures exploitation, principalement par l'exploitation des
terres. Les habitants avaient lutté. L'ennemi avait
arrêté tous les hommes. Il ne restait au
village que les femmes et les enfants. Le Parti avait alors
recommandé une forme de lutte complémentaire:
lutter à l'assemblée. Les paysannes nous
avaient aussitôt répondu: "Comment ? Nous,
lutter à l'assemblée ? Nous qui ne connaissons
ni Phnom Penh ni l'assemblée ! Avec qui lutter et
contre qui ? Nous leur avons dit de prendre le car de
Kompong Cham et une fois à Phnom Penh, de prendre des
cycles en demandant à ces derniers de les emmener
à la maison de Chau Sen Cocsal, président de
l'assemblée. Elles sont venues, tout un groupe, avec
des enfants à la main, des bébés au
bras. Les cycles les ont déposés chez Chau Sen
Cocsal. Là, elles ont refusé de partir
jusqu'à ce que Chau Sen Cocsal au bout de quelques
jours accepta en fin de compte de s'arranger pour qu'on leur
rendit leurs maris et leurs terres.
Voilà comment
nos paysannes illettrées qui n'avaient jamais connu
ni aucune ville, ni Phnom Penh, ni l'assemblée,
avaient cependant osé lutter sous la direction du
Parti. Les forces de leur lutte étaient
variées. Le peuple, c'est une force immense, capable
de tout faire. Pourquoi en est-il ainsi ? La raison en est
que notre analyse des contradictions est juste et que nous
avons mobilisé les forces nécessaires pour y
apporter une juste solution.
Telle est la ligne
que nous avons adoptée. L'analyse des contradictions
au sein de la société du Kampuchea
étant faite, comment déterminer les ennemis et
les forces de la révolution.
Nous avions deux
ennemis à combattre: le premier était
l'impérialisme, en particulier l'impérialisme
américain, le deuxième était la classe
des féodaux, des propriétaires fonciers, des
compradores réactionnaires.
Les forces de la
révolution étaient constituées par les
ouvriers, les paysans, la petite bourgeoisie, la bourgeoisie
nationale, les personnalités progressistes et
patriotes. Toutes les forces de la communauté
nationale étaient mobilisées. L'issue de la
lutte en dépendait
directement.
-e) UN LARGE FRONT UNI.
Comment mobiliser les
forces ouvrières, les forces paysannes, les forces de
la petite bourgeoisie, les forces de la bourgeoisie
nationale, les forces des personnalités patriotes
?
Nous avons
procédé suivant la ligne déjà
tracée. Il fallait avoir toujours en vue les
principales contradictions. Les contradictions principales,
c'étaient l'impérialisme et le régime
des féodaux et des propriétaires fonciers que
nous avions à combattre. Quant aux contradictions
secondaires, elles devaient être résolues par
concessions réciproques de façon à
permettre l'union de toutes les forces en vue de la lutte
contre l'impérialisme, en particulier
l'impérialisme américain et le régime
des féodaux, des propriétaires fonciers et des
compradores réactionnaires. En nous basant sur cette
ligne, nous avons rassemblé toutes les
forces.
Nous avons
réparti notre travail en fonction de ces forces.
Certains de nos camarades se sont chargés du travail
parmi les ouvriers, d'autres du travail parmi les paysans,
d'autres encore parmi la petite bourgeoisie, les
intellectuels, les élèves, les
étudiants, parmi les bonzes, parmi la bourgeoisie
nationale et parmi les personnalités patriotes et
progressistes. C'est pour dire que nous rassemblons toutes
les forces susceptibles d'être rassemblées: pas
seulement les ouvriers et les paysans, mais aussi la petite
bourgeoisie, les élèves, les étudiants,
les intellectuels, les bourgeois nationaux, les
personnalités patriotes et progressistes. Nous
rassemblons tout le monde.
Mais comment
parvenir à rassembler les gens ? Il fallait bien que
notre politique fut juste, c'est-à-dire que nos
raisons fussent fondées. Il fallait faire en sorte
qu'ils comprissent ces raisons. Il fallait également
que notre politique fut conforme à leurs
intérêts pour qu'ils nous apportassent leur
soutien. Nous leur parlions, nous discutions avec eux.
Parfois, ils étaient d'accord avec nous, parfois ils
ne l'étaient pas. Nous revenions plusieurs fois sur
la matière. D'abord, on ne voyait pas le vrai visage
de l'impérialisme américain. Mais au fur et
à mesure, ils finissaient par le voir plus clairement
de plus en plus et s'unissaient avec nous pour le combattre,
pour conquérir l'indépendance, la paix et la
neutralité.
Toutes les forces
ont leur rôle à jouer, mais les forces
fondamentales sont les paysans qui représentaient 85%
du peuple. Nous avons réussi à mobiliser ces
dernières et ceci nous a permis de rassembler les
autres au fur et à mesure. Nous avons pu ainsi
mobiliser des forces à plus de 95%. Des forces
représentant 95 % de notre peuple, qui consentaient
à s'unir pour combattre l'ennemi.
Il est vrai qu'elles
sont de catégories différentes: certaines sont
des forces stratégiques, d'autres des forces
tactiques. Nous considérons les forces
ouvrières et paysannes comme forces
stratégiques.
Le petite
bourgeoisie, les élèves, étudiants,
intellectuels de toutes catégories sont des
alliées des ouvriers et des paysans. Il en
était ainsi auparavant, et il en est de même
à l'heure actuelle encore, en parlant de la classe
d'origine de chacun.
La bourgeoisie
nationale constitue une force complémentaire dans le
cadre de la révolution nationale démocratique.
Elle n'est pas la force fondamentale car elle est instable.
Tantôt elle passe du côté de l'ennemi,
tantôt elle se tient du côté de la
révolution, suivant le côté où le
vent est le plus fort.
Quant aux forces
tactiques, elles sont constituées par les
personnalités appartenant à l'aristocratie
féodale, à la classe des capitalistes
compradores ou à la classe des propriétaires
fonciers qui acceptent de lutter selon leurs
possibilités contre l'ennemi. Nous nous sommes
efforcés de les rassembler tous. Samdech Penn Nouth
et Samdech Sihanouk, Samdech Chef des Bonzes de l'ordre
Mohanikay Chuon Nath et Samdech Chef des Bonzes de l'ordre
Thammayuth sont des personnalités que nous nous
sommes efforcés de rassembler. Nous avons
rassemblé tout le monde. Notre ligne est juste et
nous l'avons appliqué correctement.
Suivant notre ligne
de Front Uni, nous avons rassemblé toutes les forces
nationales en un front uni, large et solide, sur la base de
l'alliance des ouvriers et des paysans, sous la direction de
notre Parti. Nous avons enregistré successivement
d'excellents résultats dans l'organisation de ces
forces révolutionnaires stratégiques et
tactiques, ce qui a eu pour effet de gagner à la
révolution des forces de plus en plus importantes et
d'acculer l'ennemi à un isolement de plus en plus
grand.
Nous avons poursuivi
notre politique de rassemblement des forces jusqu'à
différencier même les ennemis pour ne frapper
que les plus réactionnaire. Nous différencions
nos ennemis en 3 catégories:
-1 gagner l'ennemi
susceptible d'être gagné, ne serait-ce que dans
certaines circonstances,
-2 amener certains
autres à adopter une position de
neutralité,
-3 isoler les plus
réactionnaires pour les frapper.
Nous avons ainsi
réussi à différencier nos ennemis et,
dans certaines circonstances, à utiliser leurs
contradictions internes. Citons un cas. Les traîtres
Sim Var et Sam Sary étaient l'un et l'autre des
agents de la CIA. Le traître Sim Var était du
groupe des "Khmers Serei" du traître Son Ngoc Thanh,
un agent de la CIA. Le traître Sam Sary était
lui aussi un agent de la CIA. Mais pendant un certain temps,
nous avons réussi à établir
l'unité d'action avec Sim Var pour lutter avec
succès contre Sam Sary. Sim Var a
coopéré avec nous pendant 2 ou 3 ans. Il s'est
retourné par la suite contre nous et nous avons
révisé en conséquence notre position
à son égard.
C'était
là profiter de toutes les occasions pour rassembler
les forces en vue de frapper l'ennemi. Si nous avions
été rigides et sectaires, nous aurions
manqué certaines occasions de rassembler des forces
au service du mouvement révolutionnaire. Mais il ne
s'agissait là que de forces tactiques. Les forces
stratégiques vers lesquelles tendaient tous nos
efforts, c'étaient les ouvriers et les paysans, en
particulier les paysans pauvres et les paysans
moyens-pauvres qui se trouvaient partout à travers le
pays.
Précisons que
sans une telle ligne et sans une telle application de la
ligne de rassemblement des forces, il n'aurait pas
été question de remporter la victoire. Aucun
mouvement révolutionnaire ne peut remporter la
victoire s'il n'a pas su rassembler toutes ses
forces.
Dans la
révolution nationale démocratique, nous avons
remporté la victoire parce que nous avons
organisé nos forces suivant cette ligne, nous avons
correctement rassemblé les forces suivant celle
ligne.
Quelles sont les
forces stratégiques, quelles sont les forces
tactiques, sur quelle question de principe il faut savoir
être intransigeant, sur quelle question il faut savoir
s'unir, sur quelle question de détail il faut savoir
faire des concessions pour favoriser l'union contres
l'ennemi principal, telle est la ligne de notre Parti. C'est
cette ligne qui nous a guidés.
(...)
-f) LES FORMES DE LUTTE.
Dans la
préparation et l'édification des forces
révolutionnaires pour combattre victorieusement
l'ennemi, les forces étant ainsi
préparées, quelles formes de lutte fallait-il
utiliser ?
Le premier
congrès de notre Parti a déterminé les
formes de lutte révolutionnaires
suivantes:
- primo: le recours
à la violence révolutionnaire politique et
à la violence révolutionnaire armée.
Nous avons recouru à la fois à la lutte
politique et à la lutte armée en employant la
violence révolutionnaire. Cette violence, c'est la
force brutale pour résister à l'ennemi et
attaquer l'ennemi.
- secundo: les
formes de lutte légale, semi-légale et
illégale, en prenant les formes de lutte
illégale comme base. Nous avions pris les formes de
lutte illégales comme base parce que normalement,
faire la révolution, c'est "illégal", parce
qu'il n'existe aucune législation des classes
exploiteuses qui autorise de faire la révolution.
Mobiliser le peuple pour lutter, c'est "illégal",
mais osons-nous lutter pour autant ? Si on fait la
révolution, il faut oser lutter parce que la
révolution est "illégale". La
révolution renverse l'ancien pouvoir et instaure un
nouveau pouvoir. C'est pour cette raison que notre ligne a
déterminé les formes illégales comme
base.
Nous avons
soulevé ce problème pour mieux clarifier les
conceptions et les positions. Si ce sujet n'avait pas
été bien clair, on n'aurait lutté que
sur le plan légal. Si les lois ne l'avaient pas
autorisé, nous n'aurions pas osé lutter ce qui
signifie que nous n'aurions pas fait la
révolution.
Ainsi, les formes de
lutte constituent un principe révolutionnaire dans
notre marche vers la victoire.
- tertio: les formes
de lutte ouverte, semi-ouverte et clandestine, en prenant
les formes de lutte clandestine comme base. Nous avons
utilisé aussi bien les formes de lutte ouverte que
semi-ouverte, mais nous avons pris comme base les formes de
lutte clandestine, car l'ennemi ne nous laisse pas faire la
révolution. Par conséquent, pour pouvoir faire
la révolution, pour pouvoir faire de l'agitation
auprès du peuple, il fallait aller auprès du
peuple, faire de la propagande auprès du peuple,
vivre avec le peuple, soulever le peuple en prenant la forme
clandestine comme forme principale.
Les formes de lutte
ouverte ne suffisent pas. Elles n'opèrent que sur le
plan de l'étendue et ne pénètrent pas
profondément dans le peuple. Prenons le cas de la
presse. En admettant que nous ayons pu éditer 100
quotidiens, nous n'aurions pu écrire que dans le
cadre des lois de l'Etat des classes féodales et
capitalistes. Ainsi, le contenu révolutionnaire
n'aurait pas atteint le peuple. Le contenu de classe, le
contenu de la lutte renversant les classes exploiteuses ne
peuvent parvenir jusqu'au peuple à la base. C'est
seulement quand nous allons travailler clandestinement dans
le peuple que le contenu révolutionnaire
pénètre jusqu'au peuple de la base. Il faut
que les lignes d'action et les formes de lutte soient
correctes pour obtenir des succès dans notre travail
pour pouvoir mobiliser les forces.
Aussi le parti
s'est-il attaché à bien répartir le
travail entre les cadres. A tels camarades a
été confié le travail ouvert, à
tels autres le travail en tant que député de
l'Assemblée, en tant que membre du gouvernement sous
l'ancien régime, en tant que fonctionnaire de
l'administration, le travail ouvert dans les diverses
organisations de masse, le travail de presse. Ce sont
là, différentes formes à utiliser pour
le travail d'agitation des masses. C'est ainsi que nous
avons réparti le travail entre nous. Cependant, il
existait des sections de travail clandestin, pour faire de
l'agitation parmi la population clandestinement.
A Phnom Penh, il y
avait des sections de travail ouvert et des sections de
travail clandestin. De même à la campagne, il
existait des sections de travail ouvert et des sections de
travail clandestin. Le travail clandestin était
fondamental: il permettait de défendre les forces
révolutionnaires et permettait également de
soulever le peuple. Si un trop grand nombre de nous ou si
nous tous avions travaillé à découvert,
l'ennemi aurait pu nuire à beaucoup d'entre nous ou
nous nuire à tous.
Telles sont les
formes de lutte destinées à utiliser avec
efficacité toutes les forces qui résident dans
le peuple. Nous n'avons pas utilisé
inconsidérément ces forces pour ne pas les
exposer à des destructions. En empruntant toutes ces
formes, notre lutte s'est étendue à tout le
pays. Nous avons pu mener la lutte aussi bien à la
campagne que dans les villes, aussi bien clandestinement
qu'ouvertement à l'assemblée, dans le
gouvernement, dans les associations, les organisations de
masse, dans la presse, les associations pour le
développement de l'enseignement, même dans les
associations pour l'incinération des morts, les
associations de défense des pagodes, de
défense du bouddhisme. Nous avons pu y mener la
lutte, y mobiliser au maximum les masses suivant diverses
formes et suivant divers mots d'ordre.
Bien qu'à
l'époque nous menions une lutte politique, nous
empruntions des formes variées et multiples, à
la manière de la guerre populaire. Ainsi, nous
pouvions attaquer l'ennemi n'importe où. Nous
pouvions mener aussi bien des attaques de grande envergure
que des attaques de petite envergure.
Voilà notre
travail de mobilisation et d'entraînement successif du
peuple. C'est grâce à l'utilisation de toutes
ces formes de lutte que nous avons pu constituer nos forces.
Si nous avions mené la lutte seulement à la
campagne, les forces nous auraient manqué dans les
villes. Si au contraire nous n'avions lutté que dans
les villes, nous n'aurions pas eu de force à la
campagne. Aussi, nous avons lutté aussi bien à
la campagne que dans les villes, aussi bien ouvertement que
clandestinement, aussi bien légalement
qu'illégalement.
Il en est de
même pour le rôle des villes et le rôle de
la campagne. Nous n'avons pas versé ni dans le
gauchisme ni dans le droitisme. Si nous n'avions
porté nos efforts qu'à la campagne sous
prétexte que le rôle des villes est
négligeable, nous aurions versé dans le
gauchisme. Si par contre nous avions considéré
que la campagne ne joue qu'un rôle mineur et que seule
importe la lutte dans les villes sous prétexte que
seule celle-ci est susceptible de provoquer des échos
retentissants dans le monde, nous aurions versé dans
le droitisme, car nous aurions négligé les
forces stratégiques des paysans. Notre Parti n'a
versé ni dans la gauchisme ni dans le droitisme parce
que nous avons lutté des deux côtés
à la fois. Nous avions une ligne d'action bien
définie: nous luttions à la fois dans les
villes et dans la campagne en prenant la campagne comme
appui.
Telle est notre
ligne d'action. Pourquoi avons-nous pris la campagne comme
appui et pourquoi n'avons-nous pas pris les villes comme
appui.
Les villes ne
peuvent être un appui. Certes, la population y est
nombreuse, mais la ville est petite, l'ennemi y est
présent partout. L'assemblée, la justice, les
prisons, la police, l'armée, tout est là. Les
réseaux de l'appareil répressif de l'ennemi y
sont serrés et la composition sociale des villes est
très complexe. En revanche, la campagne est vaste,
l'ennemi y est dispersé. Dans certains villages, il
n'y a même pas l'ombre d'un ennemi, militaire ou autre
. Dans certaines communes, on compte seulement un à
deux militaires ou policiers. Cela signifie que les forces
de l'ennemi à la campagne sont faibles et
présentent des failles. Les paysans y sont
très nombreux, la composition sociale du point de vue
classe, par ailleurs, est bonne.
Voilà
pourquoi nous avons pris la campagne comme appui de la
révolution. Premièrement, comme appui
politique avec les masses paysannes comme forces.
Deuxièmement comme appui économique, nous
pouvions y vivre, produire et assurer nos moyens de
subsistance en travaillant avec le peuple.
Troisièmement, comme appui militaire.
Quatrièmement, comme appui en tant que siège
des divers organes de direction du Parti. Tel est le
rôle d'appui de la campagne. C'est ce que nous avons
réalisé dans la pratique. A partir de 1960,
les membres du Comité Central ont
transféré progressivement leurs
activités à la campagne, et à partir de
1963, 90% des membres du Comité Central s'y sont
établis. Il fallait s'installer à la campagne
pour mobiliser directement les masses paysannes. En
même temps, nous poursuivions notre travail dans les
villes. De la sorte, nous avons obligé l'ennemi
à disperser ses forces. Il ne pouvait les concentrer
ni à la campagne, ni dans les villes. Nous
l'attaquions simultanément sur ces deux fronts pour
l'affaiblir.
***
NOTE: La tâche que le P.C.K. se propose dès
lors est celle de passer de l'indépendance formelle
à l'indépendance réelle. C'est en
quelque sorte le problème auquel se heurte
aujourd'hui la plupart des pays du Tiers-Monde. Le P.C.K.
est le premier Parti Communiste, nous sommes en 1960, qui
dans des conditions toutes particulières,
encerclement par l'impérialisme en guerre ouverte,
décide de conduire jusqu'à sa
réalisation la libération du pays.
Pour cela, nous dit le P.C.K., et c'est une leçon
intéressante, reconnaître l'existence de deux
ennemis. L'ennemi Externe, l'impérialisme
américain, qui malgré les apparences reste
bien l'ennemi principal, l'ennemi interne, les
féodaux.
Deux points de divergence avec les Vietnamiens, comme on
le verra plus loin. Mais reprenons le cours du texte.
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