- LA CFDT, L’AUTOGESTION ET
LA QUESTION DE L'ÉTAT
-
(André COLÈRE)
-
-
- Le 36e congrès de
la C.F.D.T., qui s'est tenu du 30 mai au 3 juin, a
été consacré pour une bonne part au
débat sur l'autogestion.
- La résolution
générale de ce congrès indique dans
son article 21 : "L'expérience historique
montre que Ies réformes introduites au sein du
système capitaliste n'en ont pas modifié
les fondements. Ceux-ci doivent être
détruits et remplacés par le socialisme
démocratique et autogestionnaire".
- Nous savons que nombre de
militants de la C.F.D.T. se réfèrent
à l'autogestion par répulsion envers les
régimes révisionnistes et aussi par
méconnaissance de la réalité des
pays socialistes que sont la Chine et l'Albanie.
- C'est en particulier
à leur intention que nous allons examiner ici un
aspect essentiel de l'autogestion telle que la
définit la CFDT : la question de l'Etat.
- Et d'abord, comment la
C.F.D.T. définit-elle l'autogestion ?
- " Pour la CFDT, le
projet d'autogestion vise à modifier radicalement
les rapports sociaux dans leur aspect
hiérarchique "... " l'autogestion, c'est le
fait pour les travailleurs de s'administrer
eux-mêmes, de se diriger eux-mêmes ", "
en remplaçant le pouvoir des capitalistes par
le pouvoir des travailleurs, l'autogestion doit remettre
la société sur ses pieds "... " il
s'agit de substituer le pouvoir des travailleurs à
celui des capitalistes, puis de le renforcer et de le
développer ". ( « La CFDT et
l'autogestion »-, Editions du Cerf.) L'autogestion
est donc définie comme le « pouvoir des
travailleurs ».
- Elle s'accompagne d'un
certain nombre de soucis légitimes : « La
question du pouvoir n'est pas uniquement un
problème de personnes : il ne s'agit pas seulement
de remplacer les dirigeants capitalistes par des
dirigeants élus ou nommés qui
représenteraient les intérêts des
travailleurs et non plus ceux du capital »...
« Il ne s'agit pas de mettre des technocrates ou
des dirigeants politiques à la place des patrons
capitalistes, sans que rien d'autre soit
changé »... « L'essentiel, c'est
qu'aux différents niveaux, les hommes et les
femmes concernés ne se contentent pas
d'élire des représentants qui
décident pour eux. Dans les cas importants, une
réelle prise de décision collective doit
avoir lieu, chacun disposant de l'information
appropriée. De plus, les représentants
élus doivent être soumis à un
contrôle permanent, leurs décisions ne
doivent pas être prises en secret »...
« il ne suffit pas de remplacer un gouvernement
par un autre ". (« La C.F.D.T. et l'autogestion
», Editions du Cerf.)
- Nous sommes donc
là au cœur de la question du pouvoir, or qui dit
pouvoir dit Etat.
-
- L'état selon la
C.F.D.T.
-
- « L'Etat,
émanation d'une société de classe,
est inévitablement
utilisé* par les forces
dominantes. Mais dans son existence propre, il est aussi,
à sa manière, le reflet des rapports de
forces de cette société.
- En
conséquence, son rôle est ambivalent :
- - D'une
part, celui-ci est de maintenir la prédominance
des couches dominantes dans la société.
Pour ce faire, il joue à la fois un rôle de
régulation et de répression.
-
Rôle de régulation quand il arbitre entre
les intérêts particuliers de chaque patron
et les intérêts de classe du patronat, ou
quand, en vue de trouver l'assise politique
nécessaire au maintien au pouvoir de ces couches,
il organise une limitation des atteintes aux
intérêts de certains groupes
socio-économiques et une assistance aux victimes
du système.
-
Rôle de répression direct et indirect quand
il cherche à remettre dans le rang et à
éliminer ceux qui refusent la soumission et la
dépendance inhérente au système et
qui, de ce fait, troublent « l'ordre " produit par
la société néocapitaliste ;
- -
D'autre part, notamment sous la pression des
organisations syndicales et du mouvement ouvrier, l'Etat
se voit contraint de tenir compte d'une partie de leurs
exigences en matière économique, de droits
sociaux et de garanties des libertés et de les
intégrer à son système juridique
». (CFDT, « Pour un socialisme
démocratique », p. 41 -Editions Epi.)
- Enfin, dans la «
résolution générale » du 36e
congrès de la C.F.D.T., on trouve la
définition suivante à l'article 16 : "
L'Etat, considéré à la fois comme
administration, institution politique et appareil de
répression, est avant tout une forme
d'organisation sociale qui cristallise à un moment
donné les divers antagonismes de classes dans la
société. Reflétant dans ses formes
et dans son fonctionnement les conflits et les luttes de
la société, il s'attache à les
neutraliser pour maintenir la prédominance de la
classe au pouvoir.
- L'Etat
n'est pas neutre. L'appareil d'Etat qui est globalement
l'émanation et l'instrument des classes
dominantes, permet d'organiser et de consolider le
système ".
- Ces définitions
appellent plusieurs remarques car elles auront des
conséquences importantes.
- L'Etat est
présenté tantôt comme ayant une
« existence propre » par rapport
à la classe dominante, tantôt comme en
étant « l'émanation .
- Il est le « reflet
» des contradictions de la société. Il
a pour rôle de « neutraliser » ces
contradictions.
- Ainsi le rôle de
l'Etat en tant que machine d'oppression d'une classe par
une autre est escamoté. Et pourtant, c'est
là son rôle primordial. Pour la C.F.D.T.,
l'Etat est dans une certaine mesure « au-dessus
des classes », autrement comment peut-il jouer
le rôle de « neutralisateur » ?
- Le moins qu'on puisse dire est que la
définition que la C.F.D.T. donne de l'Etat n'est
pas claire.
- D'un côté,
on écrit : « l'Etat, émanation
d'une société de classe », de
l'autre « l'Etat, émanation des classes
dominantes ». La différence n'est pas
mince. S'il est émanation d'une
société de classe, il peut être
utilisé par telle ou telle classe. S'il est
émanation des classes dominantes, à telle
classe correspond tel Etat.
- Que veut dire «
l'Etat... est avant tout une forme d'organisation
sociale qui cristallise à un moment donné
les divers antagonismes de classes dans la
société » ?
- Quant à nous, nous
disons : l'Etat est AVANT TOUT la machine de domination
d'une classe sur une autre.
- Les contradictions et les
obscurités contenues dans la définition
donnée par la C.F.D.T. de l'Etat
s'éclairent dès qu'on examine le sort que
la C.F.D.T. réserve à l'Etat bourgeois dans
la perspective du fameux « socialisme
démocratique » ! ELLE LE CONSERVE.
(1)
-
- Pas de destruction de l'Etat
bourgeois
-
- La C.F.D.T. parle de
« prise de l'appareil d'Etat », de
« conquête de l'appareil d'Etat »,
déclare « on héritera d'un appareil
d'Etat centralisé » ; en ce qui concerne
la police, elle prévoit : « dissolution de
certains corps spéciaux, refonte du recrutement et
de la formation des policiers » ; l'armée
: « contrôle des conditions
matérielles des bases et régiments par les
instances politiques locales et régionales
». (- La CFDT et l'autogestion -).
- Albert Detraz
déclare : « L'appareil d'Etat devra
fonctionner différemment » (p. 89 -
C.F.D.T. – « Pour un socialisme démocratique
").
- C'est clair : on prend
l'appareil d'Etat (comme s'il était neutre) et on
le fait fonctionner « différemment ». On
ne le détruit pas pour en construire un nouveau.
- C'est là un vieux
sujet de lutte entre le marxisme-léninisme et la
social-démocratie. Du point de vue de l'attitude
face à l'Etat, la position de la C.F.D.T. est
fondamentalement identique à celle des signataires
du « programme commun » : c'est une position
réformiste.
- Plus récemment, la
résolution du congrès de la C.F.D.T..
à son point 24, parle d'une «
transformation fondamentale de la nature et des
fonctions de l’Etat ».
- La question de l'attitude
à avoir sur la question de l'Etat a
été un des sujets débattus au
congrès de la C.F.D.T. Voici la réponse
qu'Edmond Maire a faite à diverses interventions :
- « Derrière
les oppositions un peu factices qui se font jour dans le
débat sur la transition, se pose la question de
l'importance que nous accordons à la
conquête du pouvoir d'Etat dans le processus de
passage au socialisme. En tant que syndicalistes, notre
priorité consiste à agir sur la
société (ensemble des conditions de vie et
de travail, des rapports d'exploitation et de
domination). Par contre, les partis politiques ont
toujours accordé plus d'importance à
l'Etat. Ces priorités respectives nous semblent
normales et si nous voulions les oublier, mai 68 est
là pour nous rappeler que les aspirations
populaires d’aujourd'hui visent bien d'abord à
changer la société.
- » Il ne s'agit ni
de minimiser la conquête du pouvoir d'Etat, ni de
la privilégier. Mais il s'agit bien de
sensibiliser, dans la lutte immédiate et dans la
lutte pour la conquête des pouvoirs dominants, une
majorité d'accord pour mettre en œuvre des
objectifs significatifs d'une transition au socialisme
autogéré ; d'une majorité qui
réunisse à la fois la rupture
économique et la conquête politique, tout en
poursuivant une action de révolution culturelle et
de transformations sociales qui sont amorcées dans
nos luttes d'aujourd'hui.
- " Toute vision
systématique qui viserait à faire une
priorité absolue de la seule conquête
politique de l'Etat ramènerait de fait le
syndicalisme à n'être qu'un agent de
transformation subordonné aux partis politiques.
Elle tendrait à minimiser l'indispensable effort
immédiat de construction d'un rapport de
forcés pour la modification des rapports de
pouvoirs pour la mise en cause des rapports sociaux et la
bataille idéologique. "
- Il est
caractéristique qu'Edmond Maire qualifie d'«
un peu factices » des divergences qui sont en fait
fondamentales pour la question du socialisme.
- Une fois de plus se
trouve réaffirmée l'attitude
réformiste consistant à envisager la
question de l'Etat en termes de « conquête
» et non de " destruction ".
- La distinction faite
entre « la société »…et l'Etat
est assez surprenante. Remarquons la division du travail
que Maire expose entre partis et syndicat : Les partis
s'occupent en priorité de l'Etat, le syndicat de
la " société "... Remarquons la
distinction faite entre les " pouvoirs dominants
" et le " pouvoir d'Etat ". Nous y reviendrons
dans un moment.
- Toutes ces
obscurités recouvrent ce fait fondamental : la
C.F.D.T. se nourrit de l'illusion réformiste selon
laquelle il serait possible de « conquérir
» le vieil appareil d'Etat bourgeois pour le faire
fonctionner conformément aux intérêts
des travailleurs.
- Puisque la C.F.D.T. se
réfère à l'expérience
historique de la Commune de Paris (dans laquelle elle
voit une des sources de l'autogestion),
arrêtons-nous-y donc.
- Dans « La guerre
civile en France », Marx, analysant la portée
historique de la Commune, déclare : " la classe
ouvrière ne peut pas se contenter de prendre tel
quel l'appareil d'Etat et de le faire fonctionner pour
son propre compte ". La Commune (et historiquement il
ne pouvait en aller autrement) croyait en effet pouvoir
utiliser le vieil Etat. Le Comité central, le 18
mars, déclarait : " Le prolétariat a
compris qu'il était de son devoir impérieux
et de son droit absolu de prendre en main ses
destinées, et d'en assurer le triomphe en
s'emparant du pouvoir ".
- La Commune ne fit
qu'engager la destruction de l'Etat bourgeois et
l'édification d'un nouvel Etat. Les illusions
régnant sur la question de l'Etat furent une des
causes de sa défaite.
- Il reviendra à
Lénine de remettre à jour et de
développer cette leçon essentielle de la
Commune, qui fut passée sous silence,
dénaturée par les
sociaux-démocrates. Dans " L'Etat et la
Révolution ". Lénine résume ainsi le
point de vue de Marx, fondé sur
l'expérience de la Commune :
- " L'idée de
Marx est que la classe ouvrière doit briser,
démolir la « machine d'Etat toute
prête », et ne pas se borner à
en prendre possession...
- « Briser la machine bureaucratique et militaire
», en ces quelques mots se trouve
brièvement exprimée la principale
leçon du marxisme sur les tâches du
prolétariat à l’égard de l'Etat au
cours de la révolution ".
- Dans le processus de la
révolution prolétarienne, du passage au
socialisme, la question de l'Etat est primordiale,
essentielle. Conserver le vieil appareil d'Etat, c'est en
fait maintenir la bourgeoisie au pouvoir, maintenir
l'appareil de sa domination. On ne peut
sérieusement prétendre vouloir le
socialisme et se refuser à détruire l'Etat
capitaliste. C'est là un fait
vérifié par plus d'un siècle
d’expérience révolutionnaire.
- L'attitude
vis-à-vis de l'Etat est une ligne de
démarcation. D'un côté, ceux qui
prônent le « socialisme » tout en se
refusant à détruire l'Etat capitaliste.
C'est là le propre du réformisme et du
révisionnisme.
- De l'autre, ceux qui
déclarent qu'il ne peut y avoir de socialisme sans
destruction préalable de l'appareil d'Etat
bourgeois. C'est là ce qui caractérise le
marxisme-léninisme.
-
- Pouvoir des
travailleurs
- et pouvoir d'Etat,
- deux choses différentes
?
-
- La destruction de l'Etat
bourgeois et l'édification d'un Etat
prolétarien sont deux processus dialectiquement
liés, ils sont en pratique indissociés et
indissociables : C'est pour la clarté de
l'exposé que nous sommes amenés à
distinguer les deux questions.
- Une des choses les plus
étonnantes est la distinction que la C.F.D.T. fait
entre " pouvoir des travailleurs ", " pouvoir
politique " et pouvoir d'Etat.
- D'un côté,
comme on l'a vu, la C.F.D.T. conserve le vieil Etat, de
l'autre elle déclare : "Dans l'autogestion : Ce
sont les travailleurs qui éliraient les
responsables de l'entreprise aux différents
niveaux (de l'atelier à l'ensemble de
l'entreprise) :
- - Ce sont les
travailleurs qui décideront collectivement de
l'organisation du travail et des conditions de travail
;
- - Ce sont les
travailleurs qui détermineront, dans te
cèdre du plan démocratique, la politique de
l'entreprise en matière de fabrication, de
répartition des investissements, de
rémunérations. Ils deviendront ainsi
collectivement maîtres de leur travail, ils
décideront de la répartition du travail
collectif " ;
- - L'autogestion, c'est
un mode d'exercice du pouvoir dans l'entreprise, mais
aussi dans le quartier ou dans la commune, dans une
maison de la culture comme dans une association sportive
" ;
- " Le socialisme
autogéré permet de multiplier les centres
d'exercice réel du pouvoir " ; "Il faut que le
pouvoir des travailleurs et de la majorité de la
population s'exerce sur tout le fonctionnement de la
société et de l'Etat " ;
- « Comment
établir ce pouvoir des travailleurs sur les
fonctions traditionnelles de l'Etat ? » («
La C.F.D.T. et l'autogestion »).
- Ainsi donc, d'un
coté on aurait « le pouvoir des travailleurs
» exercé dans l'entreprise et, à
différents niveaux de la société, un
pouvoir morcelé en différents «
centres », et de l'autre, l'Etat. Le « pouvoir
des travailleurs » extérieur à l'Etat
s'exercerait sur son fonctionnement. D'une part, les
organes du « pouvoir des travailleurs », de
l'autre l’appareil d'Etat.
- Là encore, nous
rejoignons un vieux débat que Lénine expose
dans « La révolution prolétarienne et
le renégat Kautsky », au chapitre «
Défense aux soviets de se transformer en
organisations d'Etat » ; c'était là le
cheval de bataille de Kautsky. A ce sujet, Lénine
déclare :
- « ...il s'agit de
savoir si les soviets doivent s'efforcer de devenir des
organisations d'Etat... OU BIEN les soviets ne doivent
pas s'y efforcer, ne doivent pas prendre le pouvoir, ne
doivent pas devenir des organisations d'Etat...
»
- « ... c'est, en
fait, passer du côté de la bourgeoisie,
disposée à admettre tout ce que l'on veut,
sauf la transformation des classes qu'elle opprime en
organisations d'Etat... » « Dire aux
soviets : luttez mais ne prenez pas en main tout le
pouvoir d'Etat, ne devenez pas des organisations d'Etat,
c'est prêcher la collaboration des classes et la
« paix sociale » entre le prolétariat et
la bourgeoisie ».
- Les soviets,
organisations d'Etat, reprenaient et enrichissaient
l'expérience de la Commune. Dans sa tentative
d'édification d'un nouvel Etat. la Commune fit des
assemblées des organes d'Etat.
- La C.F.D.T., en refusant
la destruction de l'Etat capitaliste, se trouve ainsi
devant cette situation : Elle proclame que l'autogestion,
c'est le pouvoir des travailleurs, mais maintient un Etat
étranger et antagonique à ce « pouvoir
». Dans de telles conditions, il est clair que
l'autogestion n'est pas et ne peut pas être «
le pouvoir des travailleurs », n'est pas le
socialisme.
-
- Nature de classe du
pouvoir
-
- La question du pouvoir se
pose en terme de classe. Quelle est la classe qui
détient le pouvoir ? c'est là une question
essentielle pour déterminer la nature d'un
régime.
- Dans une
société de classes, il y a toujours une
classe dominante. En régime capitaliste, c'est la
bourgeoisie ; en régime socialiste, c'est le
prolétariat.
- Voyons comment la
C.F.D.T. pose le problème.
- « Dans la
société féodale, le sommet de la
pyramide était occupé par un seul homme :
le roi ou l'empereur, détenteur du pouvoir
politique et garant du pouvoir religieux. Sur son
territoire, le seigneur avait tous les droits. Dans la
société capitaliste, ce n'est plus une
caste, mais une classe qui a le pouvoir, pouvoir d'abord
fondé sur une domination économique. La
classe dominée, exploitée et
aliénée acquiert cependant un minimum
d'autonomie . Elle pèse politiquement et
socialement sur le développement de la
société. La lutte des classes est un fait
permanent qui s'est substitué aux jacqueries sans
débouchés. C'EST MAINTENANT A L'ENSEMBLE
DES INDIVIDUS, A LA MASSE QUE DOIT S'ETENDRE L'EXERCICE
DU POUVOIR.*
L’humanité est en train de passer, d'un pouvoir
limité à une classe minoritaire, à
un pouvoir exercé par la masse, après avoir
fait le pas il y a deux siècles d'un pouvoir
exercé par une caste à un pouvoir
exercé par une classe. L'autogestion s'inscrit en
quelque sorte dans ce vaste processus de diffusion du
pouvoir ». ( « La C.F.D.T. et l'autogestion
» « Le socialisme à l'ordre du jour
».)
- On aurait ainsi un
processus historique faisant passer le pouvoir d'une
caste (le féodalisme) à une
classe (le capitalisme), puis à «
l'ensemble des individus » (le socialisme).
Le socialisme ne serait plus ainsi le pouvoir d'une
classe mais de « la masse ". Il y aurait «
diffusion du pouvoir »
- Cette même
idée se trouve reprise dans la résolution
générale du 36e congrès de la
C.F.D.T au point 24. On y lit : « la
société socialiste autogestionnaire... tend
à une égale diffusion du pouvoir entre tous
les êtres humains afin de permettre à chacun
de construire librement sa personnalité, de
maîtriser la construction et le
développement de la société
».
- A croire que les classes
auront disparu sous le coup de la magie autogestionnaire
! Est-ce que la bourgeoisie se sera volatilisée ?
Est-ce que le prolétariat aura cessé
d'exister ? Bien sûr que non. Le socialisme est une
société de classes où règne
la lutte de classes sur tous les plans. La C.F.D.T. fait
comme si les classes n'existaient plus ; renouant ainsi
avec les vieilles utopies d'un anarchisme
inconséquent.
- Dans une
société de classes, de deux choses l'une :
ou bien le pouvoir est entre les mains de la bourgeoisie
; ou bien il est entre les mains du prolétariat et
de ses alliés. Mais en tout cas, il ne saurait
être entre les mains de « l'ensemble des
individus » ou être «
également diffusé entre tous les
êtres humains ». Cela ne peut que
recouvrir le maintien au pouvoir de la bourgeoisie. Le
socialisme c'est le pouvoir de la classe ouvrière,
c'est le prolétariat organisé en classe
dominante ; ou bien il n'est pas. Tant qu'existeront les
classes, le problème ne se posera pas autrement.
- La C.F.D.T. est pour « l'égalité
» des droits entre exploités et exploiteurs,
réunis pour la circonstance sous le terme d'
"êtres humains". Albert Detraz précise dans
« la C.F.D.T : Pour un socialisme
démocratique » : « Nous sommes contre
la suppression des droits politiques de la bourgeoisie.
La démocratie est valable pour tous les
citoyens ».
- Peut-il y avoir
égalité entre exploités et
exploiteurs ? A cette question. Lénine
répondait : « L'exploiteur ne peut
être l’égal de l'exploité. Cette
vérité fait le fond même du
socialisme ». La C.F.D.T. déclare dans le
rapport général au 36e congrès :
« Il est illusoire de penser que les capitalistes
laisseront les travailleurs prendre le pouvoir sans
réagir. Ils chercheront à imposer leur
maintien, au besoin par la force » ; et pourtant
elle prétend leur faire partager la "
démocratie ".
- Prétendre assurer
cette « égalité », c'est en fait
assurer à la bourgeoisie toutes les
possibilités lut permettant de maintenir sa
domination, c'est créer les conditions pour que se
perpétue « l'inégalité »
au profit de la bourgeoisie.
- " Il ne saurait y
avoir d'égalité entre les exploiteurs qui,
durant de longues générations,
s'étaient distingués par leur instruction,
par leur train de vie et par les habitudes acquises, et
les exploités dont la masse, même dans les
républiques bourgeoises les plus avancées
et les plus démocratiques, reste accablée,
inculte, ignorante, craintive, divisée. Longtemps
après la révolution, les exploiteurs
conservent nécessairement une série de
réels et notables avantages... Jamais, les
exploiteurs ne se soumettront à la volonté
de la majorité des exploités, sans avoir
fait jouer - dans une bataille suprême,
désespérée, dans une série de
batailles - leur avantage ". (Lénine : " La
Révolution prolétarienne et le
renégat Kautsky ".)
-
- L'autogestion
- ce n'est pas le socialisme
-
- Les théories de la
C.F.D.T. sur le « socialisme démocratique
autogestionnaire » se rattachent au vieux courant
réformiste.
- Prétendant amener
le « pouvoir des travailleurs », elles
conservent l'Etat capitaliste : c'est-à-dire le
pouvoir de la bourgeoisie.
- Nous ne doutons pas que
l'immense majorité des militants de la C.F.D.T. se
réclamant de l'autogestion aspire au socialisme :
mais la voie que s'est tracée la C.F.D.T. est
incapable d'y aboutir. La C.F.D.T. s'est engagée
dans une impasse.
- Sous le terme d'«
autogestion », il est certain que nombre de
militants de la C.F.D.T. cherchent à exprimer en
fait leur volonté de voir se réaliser ce
que nous appelons la dictature du prolétariat et
le contrôle ouvrier, un pouvoir qui soit
réellement celui de la classe ouvrière. Il
est certain qu'ils se convaincront par eux-mêmes,
sur la base de leurs propres expériences et
grâce aux discussions fraternelles que nous
désirons poursuivre avec eux, que ces aspirations
ne pourront être réalisées tant que
subsistera l'Etat de la bourgeoisie.
-
- André Colére
-
-
--------------
-
-
- * Souligné par nous
-
-
-
- (1) La CFDT. n'innove pas an recourant
à une telle définition de l'Etat. C'est en
fait la définition classique qu'en donne la social
démocratie. On peut trouver par exemple dans
l'organe de l’ex-SFIO ; « Revue Socialiste »
(n°88, 1955). Une définitions qui est presque
mot pour mot celle de la CFDT « L’Etat est une
institution et, en tant que telle, ne fait qu’exprimer la
rapport des forces existant dans la
société. Or, dans la mesure où ce
rapport de forces penche du côté des
élément capitaliste, l'Etat tend à
abandonner son rôle dirigeant au profit de ces
derniers. "
-
- ------
|