Prolétariat n°2 (3e trimestre 1973)

Revue théorique et politique marxiste, léniniste
et de la pensée - Maotsétoung

pages 42 à 47

LA CFDT, L’AUTOGESTION ET LA QUESTION DE L'ÉTAT

LA CFDT, L’AUTOGESTION ET LA QUESTION DE L'ÉTAT
 

(André COLÈRE)      

 
      Le 36e congrès de la C.F.D.T., qui s'est tenu du 30 mai au 3 juin, a été consacré pour une bonne part au débat sur l'autogestion.
      La résolution générale de ce congrès indique dans son article 21 : "L'expérience historique montre que Ies réformes introduites au sein du système capitaliste n'en ont pas modifié les fondements. Ceux-ci doivent être détruits et remplacés par le socialisme démocratique et autogestionnaire".
      Nous savons que nombre de militants de la C.F.D.T. se réfèrent à l'autogestion par répulsion envers les régimes révisionnistes et aussi par méconnaissance de la réalité des pays socialistes que sont la Chine et l'Albanie.
      C'est en particulier à leur intention que nous allons examiner ici un aspect essentiel de l'autogestion telle que la définit la CFDT : la question de l'Etat.
      Et d'abord, comment la C.F.D.T. définit-elle l'autogestion ?
      " Pour la CFDT, le projet d'autogestion vise à modifier radicalement les rapports sociaux dans leur aspect hiérarchique "... " l'autogestion, c'est le fait pour les travailleurs de s'administrer eux-mêmes, de se diriger eux-mêmes ", " en remplaçant le pouvoir des capitalistes par le pouvoir des travailleurs, l'autogestion doit remettre la société sur ses pieds "... " il s'agit de substituer le pouvoir des travailleurs à celui des capitalistes, puis de le renforcer et de le développer ". ( « La CFDT et l'autogestion »-, Editions du Cerf.) L'autogestion est donc définie comme le « pouvoir des travailleurs ».
      Elle s'accompagne d'un certain nombre de soucis légitimes : « La question du pouvoir n'est pas uniquement un problème de personnes : il ne s'agit pas seulement de remplacer les dirigeants capitalistes par des dirigeants élus ou nommés qui représenteraient les intérêts des travailleurs et non plus ceux du capital »... « Il ne s'agit pas de mettre des technocrates ou des dirigeants politiques à la place des patrons capitalistes, sans que rien d'autre soit changé »... « L'essentiel, c'est qu'aux différents niveaux, les hommes et les femmes concernés ne se contentent pas d'élire des représentants qui décident pour eux. Dans les cas importants, une réelle prise de décision collective doit avoir lieu, chacun disposant de l'information appropriée. De plus, les représentants élus doivent être soumis à un contrôle permanent, leurs décisions ne doivent pas être prises en secret »... « il ne suffit pas de remplacer un gouvernement par un autre ". (« La C.F.D.T. et l'autogestion », Editions du Cerf.)
      Nous sommes donc là au cœur de la question du pouvoir, or qui dit pouvoir dit Etat.
 
L'état selon la C.F.D.T.
 
      « L'Etat, émanation d'une société de classe, est inévitablement utilisé* par les forces dominantes. Mais dans son existence propre, il est aussi, à sa manière, le reflet des rapports de forces de cette société.
      En conséquence, son rôle est ambivalent :
      - D'une part, celui-ci est de maintenir la prédominance des couches dominantes dans la société. Pour ce faire, il joue à la fois un rôle de régulation et de répression.
      Rôle de régulation quand il arbitre entre les intérêts particuliers de chaque patron et les intérêts de classe du patronat, ou quand, en vue de trouver l'assise politique nécessaire au maintien au pouvoir de ces couches, il organise une limitation des atteintes aux intérêts de certains groupes socio-économiques et une assistance aux victimes du système.
      Rôle de répression direct et indirect quand il cherche à remettre dans le rang et à éliminer ceux qui refusent la soumission et la dépendance inhérente au système et qui, de ce fait, troublent « l'ordre " produit par la société néocapitaliste ;
      - D'autre part, notamment sous la pression des organisations syndicales et du mouvement ouvrier, l'Etat se voit contraint de tenir compte d'une partie de leurs exigences en matière économique, de droits sociaux et de garanties des libertés et de les intégrer à son système juridique ». (CFDT, « Pour un socialisme démocratique », p. 41 -Editions Epi.)
      Enfin, dans la « résolution générale » du 36e congrès de la C.F.D.T., on trouve la définition suivante à l'article 16 : " L'Etat, considéré à la fois comme administration, institution politique et appareil de répression, est avant tout une forme d'organisation sociale qui cristallise à un moment donné les divers antagonismes de classes dans la société. Reflétant dans ses formes et dans son fonctionnement les conflits et les luttes de la société, il s'attache à les neutraliser pour maintenir la prédominance de la classe au pouvoir.
      L'Etat n'est pas neutre. L'appareil d'Etat qui est globalement l'émanation et l'instrument des classes dominantes, permet d'organiser et de consolider le système ".
      Ces définitions appellent plusieurs remarques car elles auront des conséquences importantes.
      L'Etat est présenté tantôt comme ayant une « existence propre » par rapport à la classe dominante, tantôt comme en étant « l'émanation .
      Il est le « reflet » des contradictions de la société. Il a pour rôle de « neutraliser » ces contradictions.
      Ainsi le rôle de l'Etat en tant que machine d'oppression d'une classe par une autre est escamoté. Et pourtant, c'est là son rôle primordial. Pour la C.F.D.T., l'Etat est dans une certaine mesure « au-dessus des classes », autrement comment peut-il jouer le rôle de « neutralisateur » ?
Le moins qu'on puisse dire est que la définition que la C.F.D.T. donne de l'Etat n'est pas claire.
      D'un côté, on écrit : « l'Etat, émanation d'une société de classe », de l'autre « l'Etat, émanation des classes dominantes ». La différence n'est pas mince. S'il est émanation d'une société de classe, il peut être utilisé par telle ou telle classe. S'il est émanation des classes dominantes, à telle classe correspond tel Etat.
      Que veut dire « l'Etat... est avant tout une forme d'organisation sociale qui cristallise à un moment donné les divers antagonismes de classes dans la société » ?
      Quant à nous, nous disons : l'Etat est AVANT TOUT la machine de domination d'une classe sur une autre.
      Les contradictions et les obscurités contenues dans la définition donnée par la C.F.D.T. de l'Etat s'éclairent dès qu'on examine le sort que la C.F.D.T. réserve à l'Etat bourgeois dans la perspective du fameux « socialisme démocratique » ! ELLE LE CONSERVE. (1)
 
Pas de destruction de l'Etat bourgeois
 
      La C.F.D.T. parle de « prise de l'appareil d'Etat », de « conquête de l'appareil d'Etat », déclare « on héritera d'un appareil d'Etat centralisé » ; en ce qui concerne la police, elle prévoit : « dissolution de certains corps spéciaux, refonte du recrutement et de la formation des policiers » ; l'armée : « contrôle des conditions matérielles des bases et régiments par les instances politiques locales et régionales ». (- La CFDT et l'autogestion -).
      Albert Detraz déclare : « L'appareil d'Etat devra fonctionner différemment » (p. 89 - C.F.D.T. – « Pour un socialisme démocratique ").
      C'est clair : on prend l'appareil d'Etat (comme s'il était neutre) et on le fait fonctionner « différemment ». On ne le détruit pas pour en construire un nouveau.
      C'est là un vieux sujet de lutte entre le marxisme-léninisme et la social-démocratie. Du point de vue de l'attitude face à l'Etat, la position de la C.F.D.T. est fondamentalement identique à celle des signataires du « programme commun » : c'est une position réformiste.
      Plus récemment, la résolution du congrès de la C.F.D.T.. à son point 24, parle d'une « transformation fondamentale de la nature et des fonctions de l’Etat ».
      La question de l'attitude à avoir sur la question de l'Etat a été un des sujets débattus au congrès de la C.F.D.T. Voici la réponse qu'Edmond Maire a faite à diverses interventions :
      « Derrière les oppositions un peu factices qui se font jour dans le débat sur la transition, se pose la question de l'importance que nous accordons à la conquête du pouvoir d'Etat dans le processus de passage au socialisme. En tant que syndicalistes, notre priorité consiste à agir sur la société (ensemble des conditions de vie et de travail, des rapports d'exploitation et de domination). Par contre, les partis politiques ont toujours accordé plus d'importance à l'Etat. Ces priorités respectives nous semblent normales et si nous voulions les oublier, mai 68 est là pour nous rappeler que les aspirations populaires d’aujourd'hui visent bien d'abord à changer la société.
      » Il ne s'agit ni de minimiser la conquête du pouvoir d'Etat, ni de la privilégier. Mais il s'agit bien de sensibiliser, dans la lutte immédiate et dans la lutte pour la conquête des pouvoirs dominants, une majorité d'accord pour mettre en œuvre des objectifs significatifs d'une transition au socialisme autogéré ; d'une majorité qui réunisse à la fois la rupture économique et la conquête politique, tout en poursuivant une action de révolution culturelle et de transformations sociales qui sont amorcées dans nos luttes d'aujourd'hui.
      " Toute vision systématique qui viserait à faire une priorité absolue de la seule conquête politique de l'Etat ramènerait de fait le syndicalisme à n'être qu'un agent de transformation subordonné aux partis politiques. Elle tendrait à minimiser l'indispensable effort immédiat de construction d'un rapport de forcés pour la modification des rapports de pouvoirs pour la mise en cause des rapports sociaux et la bataille idéologique. "
      Il est caractéristique qu'Edmond Maire qualifie d'« un peu factices » des divergences qui sont en fait fondamentales pour la question du socialisme.
      Une fois de plus se trouve réaffirmée l'attitude réformiste consistant à envisager la question de l'Etat en termes de « conquête » et non de " destruction ".
      La distinction faite entre « la société »…et l'Etat est assez surprenante. Remarquons la division du travail que Maire expose entre partis et syndicat : Les partis s'occupent en priorité de l'Etat, le syndicat de la " société "... Remarquons la distinction faite entre les " pouvoirs dominants " et le " pouvoir d'Etat ". Nous y reviendrons dans un moment.
      Toutes ces obscurités recouvrent ce fait fondamental : la C.F.D.T. se nourrit de l'illusion réformiste selon laquelle il serait possible de « conquérir » le vieil appareil d'Etat bourgeois pour le faire fonctionner conformément aux intérêts des travailleurs.
      Puisque la C.F.D.T. se réfère à l'expérience historique de la Commune de Paris (dans laquelle elle voit une des sources de l'autogestion), arrêtons-nous-y donc.
      Dans « La guerre civile en France », Marx, analysant la portée historique de la Commune, déclare : " la classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre tel quel l'appareil d'Etat et de le faire fonctionner pour son propre compte ". La Commune (et historiquement il ne pouvait en aller autrement) croyait en effet pouvoir utiliser le vieil Etat. Le Comité central, le 18 mars, déclarait : " Le prolétariat a compris qu'il était de son devoir impérieux et de son droit absolu de prendre en main ses destinées, et d'en assurer le triomphe en s'emparant du pouvoir ".
      La Commune ne fit qu'engager la destruction de l'Etat bourgeois et l'édification d'un nouvel Etat. Les illusions régnant sur la question de l'Etat furent une des causes de sa défaite.
      Il reviendra à Lénine de remettre à jour et de développer cette leçon essentielle de la Commune, qui fut passée sous silence, dénaturée par les sociaux-démocrates. Dans " L'Etat et la Révolution ". Lénine résume ainsi le point de vue de Marx, fondé sur l'expérience de la Commune :
      " L'idée de Marx est que la classe ouvrière doit briser, démolir la « machine d'Etat toute prête », et ne pas se borner à en prendre possession...
« Briser la machine bureaucratique et militaire », en ces quelques mots se trouve brièvement exprimée la principale leçon du marxisme sur les tâches du prolétariat à l’égard de l'Etat au cours de la révolution ".
      Dans le processus de la révolution prolétarienne, du passage au socialisme, la question de l'Etat est primordiale, essentielle. Conserver le vieil appareil d'Etat, c'est en fait maintenir la bourgeoisie au pouvoir, maintenir l'appareil de sa domination. On ne peut sérieusement prétendre vouloir le socialisme et se refuser à détruire l'Etat capitaliste. C'est là un fait vérifié par plus d'un siècle d’expérience révolutionnaire.
      L'attitude vis-à-vis de l'Etat est une ligne de démarcation. D'un côté, ceux qui prônent le « socialisme » tout en se refusant à détruire l'Etat capitaliste. C'est là le propre du réformisme et du révisionnisme.
      De l'autre, ceux qui déclarent qu'il ne peut y avoir de socialisme sans destruction préalable de l'appareil d'Etat bourgeois. C'est là ce qui caractérise le marxisme-léninisme.
 
Pouvoir des travailleurs
et pouvoir d'Etat,
deux choses différentes ?
 
      La destruction de l'Etat bourgeois et l'édification d'un Etat prolétarien sont deux processus dialectiquement liés, ils sont en pratique indissociés et indissociables : C'est pour la clarté de l'exposé que nous sommes amenés à distinguer les deux questions.
      Une des choses les plus étonnantes est la distinction que la C.F.D.T. fait entre " pouvoir des travailleurs ", " pouvoir politique " et pouvoir d'Etat.
      D'un côté, comme on l'a vu, la C.F.D.T. conserve le vieil Etat, de l'autre elle déclare : "Dans l'autogestion : Ce sont les travailleurs qui éliraient les responsables de l'entreprise aux différents niveaux (de l'atelier à l'ensemble de l'entreprise) :
      - Ce sont les travailleurs qui décideront collectivement de l'organisation du travail et des conditions de travail ;
      - Ce sont les travailleurs qui détermineront, dans te cèdre du plan démocratique, la politique de l'entreprise en matière de fabrication, de répartition des investissements, de rémunérations. Ils deviendront ainsi collectivement maîtres de leur travail, ils décideront de la répartition du travail collectif " ;
      - L'autogestion, c'est un mode d'exercice du pouvoir dans l'entreprise, mais aussi dans le quartier ou dans la commune, dans une maison de la culture comme dans une association sportive " ;
      " Le socialisme autogéré permet de multiplier les centres d'exercice réel du pouvoir " ; "Il faut que le pouvoir des travailleurs et de la majorité de la population s'exerce sur tout le fonctionnement de la société et de l'Etat " ;
       « Comment établir ce pouvoir des travailleurs sur les fonctions traditionnelles de l'Etat ? » (« La C.F.D.T. et l'autogestion »).
      Ainsi donc, d'un coté on aurait « le pouvoir des travailleurs » exercé dans l'entreprise et, à différents niveaux de la société, un pouvoir morcelé en différents « centres », et de l'autre, l'Etat. Le « pouvoir des travailleurs » extérieur à l'Etat s'exercerait sur son fonctionnement. D'une part, les organes du « pouvoir des travailleurs », de l'autre l’appareil d'Etat.
      Là encore, nous rejoignons un vieux débat que Lénine expose dans « La révolution prolétarienne et le renégat Kautsky », au chapitre « Défense aux soviets de se transformer en organisations d'Etat » ; c'était là le cheval de bataille de Kautsky. A ce sujet, Lénine déclare :
      « ...il s'agit de savoir si les soviets doivent s'efforcer de devenir des organisations d'Etat... OU BIEN les soviets ne doivent pas s'y efforcer, ne doivent pas prendre le pouvoir, ne doivent pas devenir des organisations d'Etat... »
      « ... c'est, en fait, passer du côté de la bourgeoisie, disposée à admettre tout ce que l'on veut, sauf la transformation des classes qu'elle opprime en organisations d'Etat... » « Dire aux soviets : luttez mais ne prenez pas en main tout le pouvoir d'Etat, ne devenez pas des organisations d'Etat, c'est prêcher la collaboration des classes et la « paix sociale » entre le prolétariat et la bourgeoisie ».
      Les soviets, organisations d'Etat, reprenaient et enrichissaient l'expérience de la Commune. Dans sa tentative d'édification d'un nouvel Etat. la Commune fit des assemblées des organes d'Etat.
      La C.F.D.T., en refusant la destruction de l'Etat capitaliste, se trouve ainsi devant cette situation : Elle proclame que l'autogestion, c'est le pouvoir des travailleurs, mais maintient un Etat étranger et antagonique à ce « pouvoir ». Dans de telles conditions, il est clair que l'autogestion n'est pas et ne peut pas être « le pouvoir des travailleurs », n'est pas le socialisme.
 
Nature de classe du pouvoir
 
      La question du pouvoir se pose en terme de classe. Quelle est la classe qui détient le pouvoir ? c'est là une question essentielle pour déterminer la nature d'un régime.
      Dans une société de classes, il y a toujours une classe dominante. En régime capitaliste, c'est la bourgeoisie ; en régime socialiste, c'est le prolétariat.
      Voyons comment la C.F.D.T. pose le problème.
      « Dans la société féodale, le sommet de la pyramide était occupé par un seul homme : le roi ou l'empereur, détenteur du pouvoir politique et garant du pouvoir religieux. Sur son territoire, le seigneur avait tous les droits. Dans la société capitaliste, ce n'est plus une caste, mais une classe qui a le pouvoir, pouvoir d'abord fondé sur une domination économique. La classe dominée, exploitée et aliénée acquiert cependant un minimum d'autonomie . Elle pèse politiquement et socialement sur le développement de la société. La lutte des classes est un fait permanent qui s'est substitué aux jacqueries sans débouchés. C'EST MAINTENANT A L'ENSEMBLE DES INDIVIDUS, A LA MASSE QUE DOIT S'ETENDRE L'EXERCICE DU POUVOIR.* L’humanité est en train de passer, d'un pouvoir limité à une classe minoritaire, à un pouvoir exercé par la masse, après avoir fait le pas il y a deux siècles d'un pouvoir exercé par une caste à un pouvoir exercé par une classe. L'autogestion s'inscrit en quelque sorte dans ce vaste processus de diffusion du pouvoir ». ( « La C.F.D.T. et l'autogestion » « Le socialisme à l'ordre du jour ».)
      On aurait ainsi un processus historique faisant passer le pouvoir d'une caste (le féodalisme) à une classe (le capitalisme), puis à « l'ensemble des individus » (le socialisme). Le socialisme ne serait plus ainsi le pouvoir d'une classe mais de « la masse ". Il y aurait « diffusion du pouvoir »
      Cette même idée se trouve reprise dans la résolution générale du 36e congrès de la C.F.D.T au point 24. On y lit : « la société socialiste autogestionnaire... tend à une égale diffusion du pouvoir entre tous les êtres humains afin de permettre à chacun de construire librement sa personnalité, de maîtriser la construction et le développement de la société ».
      A croire que les classes auront disparu sous le coup de la magie autogestionnaire ! Est-ce que la bourgeoisie se sera volatilisée ? Est-ce que le prolétariat aura cessé d'exister ? Bien sûr que non. Le socialisme est une société de classes où règne la lutte de classes sur tous les plans. La C.F.D.T. fait comme si les classes n'existaient plus ; renouant ainsi avec les vieilles utopies d'un anarchisme inconséquent.
      Dans une société de classes, de deux choses l'une : ou bien le pouvoir est entre les mains de la bourgeoisie ; ou bien il est entre les mains du prolétariat et de ses alliés. Mais en tout cas, il ne saurait être entre les mains de « l'ensemble des individus » ou être « également diffusé entre tous les êtres humains ». Cela ne peut que recouvrir le maintien au pouvoir de la bourgeoisie. Le socialisme c'est le pouvoir de la classe ouvrière, c'est le prolétariat organisé en classe dominante ; ou bien il n'est pas. Tant qu'existeront les classes, le problème ne se posera pas autrement.
La C.F.D.T. est pour « l'égalité » des droits entre exploités et exploiteurs, réunis pour la circonstance sous le terme d' "êtres humains". Albert Detraz précise dans « la C.F.D.T : Pour un socialisme démocratique » : « Nous sommes contre la suppression des droits politiques de la bourgeoisie. La démocratie est valable pour tous les citoyens ».
      Peut-il y avoir égalité entre exploités et exploiteurs ? A cette question. Lénine répondait : « L'exploiteur ne peut être l’égal de l'exploité. Cette vérité fait le fond même du socialisme ». La C.F.D.T. déclare dans le rapport général au 36e congrès : « Il est illusoire de penser que les capitalistes laisseront les travailleurs prendre le pouvoir sans réagir. Ils chercheront à imposer leur maintien, au besoin par la force » ; et pourtant elle prétend leur faire partager la " démocratie ".
      Prétendre assurer cette « égalité », c'est en fait assurer à la bourgeoisie toutes les possibilités lut permettant de maintenir sa domination, c'est créer les conditions pour que se perpétue « l'inégalité » au profit de la bourgeoisie.
      " Il ne saurait y avoir d'égalité entre les exploiteurs qui, durant de longues générations, s'étaient distingués par leur instruction, par leur train de vie et par les habitudes acquises, et les exploités dont la masse, même dans les républiques bourgeoises les plus avancées et les plus démocratiques, reste accablée, inculte, ignorante, craintive, divisée. Longtemps après la révolution, les exploiteurs conservent nécessairement une série de réels et notables avantages... Jamais, les exploiteurs ne se soumettront à la volonté de la majorité des exploités, sans avoir fait jouer - dans une bataille suprême, désespérée, dans une série de batailles - leur avantage ". (Lénine : " La Révolution prolétarienne et le renégat Kautsky ".)
 
L'autogestion
ce n'est pas le socialisme
 
      Les théories de la C.F.D.T. sur le « socialisme démocratique autogestionnaire » se rattachent au vieux courant réformiste.
      Prétendant amener le « pouvoir des travailleurs », elles conservent l'Etat capitaliste : c'est-à-dire le pouvoir de la bourgeoisie.
      Nous ne doutons pas que l'immense majorité des militants de la C.F.D.T. se réclamant de l'autogestion aspire au socialisme : mais la voie que s'est tracée la C.F.D.T. est incapable d'y aboutir. La C.F.D.T. s'est engagée dans une impasse.
      Sous le terme d'« autogestion », il est certain que nombre de militants de la C.F.D.T. cherchent à exprimer en fait leur volonté de voir se réaliser ce que nous appelons la dictature du prolétariat et le contrôle ouvrier, un pouvoir qui soit réellement celui de la classe ouvrière. Il est certain qu'ils se convaincront par eux-mêmes, sur la base de leurs propres expériences et grâce aux discussions fraternelles que nous désirons poursuivre avec eux, que ces aspirations ne pourront être réalisées tant que subsistera l'Etat de la bourgeoisie.
 
André Colére
 
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* Souligné par nous
 
 
(1) La CFDT. n'innove pas an recourant à une telle définition de l'Etat. C'est en fait la définition classique qu'en donne la social démocratie. On peut trouver par exemple dans l'organe de l’ex-SFIO ; « Revue Socialiste » (n°88, 1955). Une définitions qui est presque mot pour mot celle de la CFDT « L’Etat est une institution et, en tant que telle, ne fait qu’exprimer la rapport des forces existant dans la société. Or, dans la mesure où ce rapport de forces penche du côté des élément capitaliste, l'Etat tend à abandonner son rôle dirigeant au profit de ces derniers. "
 
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Notes des EP :

Sur le site de la revue « Dissidences », Christian Beuvain publie le 1er avril 2014, un billet intitulé : « Jean-Luc Einaudi, parcours d'un homme de colère. ». Christian Beuvain, revient sur l’origine du pseudonyme (André Colère) prit par Jean-Luc Einaudi :

« En 1971, Jean-Luc Einaudi rencontre Jacques Jurquet, dirigeant du PCMLF, et il semble que celui-ci l'incite à s'investir dans la presse du parti. Ainsi, à 19 ans, en avril 1971, il rejoint la rédaction de L'Humanité rouge, la couverture légale du parti, pour un numéro spécial consacré au centenaire de la Commune de Paris. Il décide de signer ses articles sous le nom de plume d'André Colère, un double signe de fidélité à une époque jugée glorieuse du PCF. En effet « André » fait référence à André Marty, connu alors comme le mutin de la Mer noire de 1919 et « Colère » rappelle François la Colère, pseudonyme du poète et intellectuel Louis Aragon qui en 1943 et 1944 signa deux recueils de ce nom aux éditions clandestines du Parti, la Bibliothèque française. » Sources : http://dissidences.hypotheses.org/4535

Editions Prolétariennes –2015-

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