- FRANCE, TA
JEUNESSE
- FOUT LE CAMP !
-
- « Le soleil est dans
la rue,
- le nucléaire est
foutu. »
« Energie nucléaire,
société policière ». Dans toute la
France, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont
participé à la semaine d'action
antinucléaire lancée par les Amis de la Terre,
le Mouvement Ecologique et le P.S.U.
A Paris, vingt cinq mille personnes
environ (trente mille selon les organisateurs, dix mille
selon la Préfecture de Police) ont
défilé samedi de la République à
la Place des Sorbiers dans le 20e. Manifestation joyeuse
sous le soleil, avec chars décorés, fanfares,
ballons, masques, feux de bengale... Manif « douce
» et non violente dans sa grande majorité.La
presse aux ordres, la télé et certaines radios
ont délibérément grossi quelques
incidents limités (voitures brûlées,
vitre d'une banque brisée), sans préciser
qu'ils étaient dus en partie à l'attitude
agressive des « forces de l'ordre ». Plusieurs
manifestants ont été blessés par les
grenades lacrymogènes et les coups de matraque. Mais
la soirée s'est terminée dans le calme et la
bonne humeur par une fête « pop » dans un
square
A Gravelines dans le Nord, trois mille
manifestants (quinze cents selon la Police) ont
pénétré samedi après-midi de
cinquante mètres à l'intérieur du
chantier de la centrale atomique, coupant allègrement
les fils de fer barbelés. Ils ont installé une
éolienne symbolique. Mais, devant l'arrivée de
cinq cents CRS - retardés par la visite de Chirac
dans la région -, ils ont
préféré se replier. Repli
stratégique, car peu de temps après, mille
à douze cents personnes occupaient la place de la
mairie de Gravelines, à quelques kilomètres de
la centrale.
Des permanences sont
déjà établies jusqu'au 31 mai, et les
occupants comptent y camper tout l'été, en
compagnie de l'éolienne, rapatriée du
chantier... Les Amis de la Terre de Lille ont engagé
une action en justice contre le démarrage
illégal, sans permis de construire, des travaux.
A Paluel sur la côte normande, une
marche non-violente a rassemblé six mille personnes
selon les organisateurs, trois mille selon la police. Trente
cyclistes étaient venus du Havre en vélo.
Selon les informations fragmentaires en notre possession,
les autres rassemblements ont eu moins d'ampleur : cinq
cents manifestants à Royan, cinq cents au Mans, trois
cents à Toulouse, deux cents à Narbonne,
quinze cents à Lyon. Aucun incident à
signaler. Manif aussi à Tokyo !
Sur cette journée d'actions de
masse, pas un mot dans le journal
télévisé d'Antenne 2 samedi soir
à vingt heures. Celui de la Une a surtout
insisté, images à l'appui, sur les voitures
brûlées à Paris, sans rien dire de
l'objet de la manifestation, ni parler de la province. Les
radios périphériques ont attribué la
paternité de la manif au P.S.U. et aux groupes
d'extrême-gauche. France Inter a dépeint avec
lyrisme un « Mini Woodstock » dans le
vingtième arrondissement, ignorant les motivations
écologiques et politiques des
manifestants.
Pour célébrer
dignement la semaine antinucléaire, le Nouvel Obs n'a
rien trouvé de mieux que de publier en «
document de la semaine » un révoltant plaidoyer
proatome de Francis Perrin, co-responsable avec Leprince
Ringuet et Latarjet de. la censure qui a frappé
l'émission « Les Atomes nous veulent-ils du bien
? » Emis sion toujours aux oubliettes, malgré
les promesses faites.
Perrin écrit sans vergogne :
« cette
campagne (la campagne
antinucléaire N.D.L.R.), curieusement passionnelle sans doute à
cause des souvenirs d'Hiroshima, n'est fondée que sur
des affirmations complètement fausses, même
quand elles reprennent certaines déclarations
américaines en fait dénuées de toute
valeur objective. » C'est
dit en toutes lettres, dans le grand hebdo de la «
gauche ». Alors, Bosquet, combien de temps serviras-tu
d'alibi dans cette succursale de Paris-Match ?
Les opposants au nucléaire ne se
sont pas contentés de mener tambour battant leur
semaine d'action. Ils ont agrémenté de leur
grain de sel la très officielle Conférence
Nucléaire Européenne qui se tenait au CIP
Porte Maillot. Jeudi matin, des Amis de la Terre, des
scientifiques du groupe d'Orsay ( 1 ) et des
rédacteurs d'Impascience (2) ont discuté
à bâtons rompus avec les congressistes. Il y
avait autant d'atomocrates à débattre par
petits paquets dans le hall avec les contestataires que de
crânes dégarnis à roupiller dans le
grand amphi ! Etonnement chez beaucoup : les
antinucléaires sont bien informés, et ils ne
racontent pas que des bourricades. Le doute a
pénétré quelques
esprits.
En attendant, le
paramètre de la contestation est désormais
omniprésent dans les raisonnements des technocrates.
Conclusion finale de Boiteux : « l'énergie nucléaire verra son
développement irrémédiablement
entravé, si après une phase inévitable
d'interrogations si ce n'est d'inquiétudes devant une
novation aussi fondamentale, elle n'est pas pleinement
acceptée par les populations ».
Les antinucléaires ont donc
semé la zizanie dans le colloque pronucléaire.
On se demande bien pourquoi les pronucléaires n'ont
pas fait la réponse du berger à la
bergère lors du colloque antinucléaire qui
s'est tenu samedi soir et dimanche salle Lancry à
Paris ! Axé sur le thème «
nucléaire et politique », ce colloque a permis
des prises de contact - et souvent des prises de bec, sans
parler des dialogues de sourds - entre deux univers qui
s'ignorent trop souvent : celui des militants politiques et
syndicaux d'un côté, celui des militants
écologiques de l'autre.
Les discussions ont permis de faire
éclater au grand jour les divergences qui se cachent
derrière le front uni contre le programme
nucléaire du gouvernement. Trois attitudes
étaient en présence :
- ceux
pour qui il n'y a pas et il ne peut pas y avoir d'atome
pacifique. A cause des dangers écologiques et de
l'inévitable centralisation et de la militarisation
impliquées par le choix nucléaire. Ce point de
vue radical est notamment celui de la Gueule Ouverte.
- ceux
qui refusent le programme nucléaire actuel, mais
n'excluent pas un recours au nucléaire dans une
société socialiste. Ce point de vue est entre
autres celui de l'hebdo trotkiste Révolution,
fraîchement rallié à la cause
antinucléaire : « Pour
ou contre l'énergie nucléaire, pour ou contre
le progrès ? : c'est le faux débat que la
bourgeoisie a lancé sur cette question. Mais les
travailleurs refusent l'énergie nucléaire pour
les conséquences de son utilisation par le
capitalisme : la révolution socialiste créera
les conditions de son éventuelle utilisation sans
danger. »
-
Troisième catégorie : ceux qui se contentent
de demander un moratoire partiel ou total, sans remettre en
question l'énergie nucléaire en
général. C'est notamment l'attitude de
certains syndicalistes du CEA .
Malgré ces divergences, une motion
a été adoptée à une large
majorité. Elle affirme notamment : «
le colloque a conclu à la
nécessité de poursuivre la lutte pour le
moratoire, en développant l'action autour des
objectifs suivants :
1) le contrôle populaire sur
l'information et l'application des connaissances
scientifiques.
2) le blocage par l'action
directe sur chaque site de la construction des centrales
dès l'engagement de la procédure par
l'EDF...
3) le développement d'un
mouvement de désobéissance
civile...
Les participants souhaitent la
création d'un comité national d'initiative
pour le développement de ces actions qui permettent
la réalisation de la plus large unité
populaire. »
Laurent Samuel
(1) Ce groupe de physiciens et
biologistes vient de publier une brochure de haute
qualité sur : « risques et dangers du programme
électronucléaire ». Elle coûte 3 F.
et peut être obtenue en écrivant A G. Cosme.
Laboratoire de l'Accélérateur linéaire.
Bâtiment 200. 91405 Orsay.
(2) le numéro 2
d'Impascience vient de sortir Détails dans « Sur
le terrain ».
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