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ROUGE n°296 -19 avril 1975-
pages 18-19
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centrales
nucléaires
les choses deviennent
sérieuses
La réalisation du " programme
nucléaire français " (1) représente un
enjeu fondamental : a raison de 200 réacteurs
nucléaires coûtant chacun environ 1,7 milliards
- de nouveaux francs bien sûr - il s'agit d'un
marché d'importance pour de nombreuses branches
industrielles, débouchés très
intéressants dans cette période de
récession.
On comprend dès lors pourquoi les
services spécialisés se consacrent à
une nouvelle race d'ennemis intérieurs : les
militants anti-nucléaire.
Au début de mars se
seraient réunis au Fort de Vanves (2), siège
de la sécurité militaire, les
différents services policiers concernés par la
surveillance et la répression de ce genre de
militants : division protection industrielle de la
Sécurité militaire, DST, Services de
surveillance du Commissariat à l'Energie atomique
(liés à la DST, ils sont installés dans
tous les établissements du CEA, sont chargé de
filtrer les embauches et d'établir les fichiers
politiques et syndicaux. Ils ont déjà à
leur actif plusieurs licenciements de militants depuis les
débuts du CEA).
LES CHOSES DEVIENNENT
SERIEUSES
Le nouveau plan " ORSEC-RAD "
établi par la protection civile (3) (la gendarmerie,
donc l'armée) pour l'intervention en cas d'accident
survenant dans une centrale nucléaire ou pendant un
transport de matières radioactives demeurera
secret.
Enfin Giraud,
l'administrateur général du CEA vient de
publier une note imposant l' " obligation de réserve
" aux agents du CEA... comme dans l'armée.
NOUS SOMMES TOUS CONCERNES
Si cet appareil répressif se met
en place, c'est que la propagande officielle ne fait plus
illusion, que la manne appelée patente ne permet
même plus de gagner un référendum de
village à coup sûr et que les mobilisations
touchent désormais population et
travailleurs.
Les manifestations se sont
succédées ces dernières semaines :
Flamanville près de Cherbourg, Port la Nouvelle dans
l'Aude, Kaiserangst près de Bâle en Suisse et
surtout Wyhl sur la rive allemande du Rhin : l'occupation du
site prévue pour la construction de la centrale
regroupe également des habitants du lieu et c'est un
rassemblement de 15.000 personnes qui a mis fin le 23 mars
à un siège policier contre les occupants. Un
système d'alarme a été ensuite mis en
place pour appeler la population en cas de retour de la
police.
PC ET PS : UNE ATTITUDE
NOUVELLE
Signe des temps : PC et PS se sont
déclarés opposés au programme
nucléaire. On ne doit pas négliger la relative
nouveauté d'une telle prise de
position.
Le PCF a longtemps
hésité avant de prendre position. Ne
fallait-il pas prendre ses distances par rapport à
tous les " obscurantistes ", les " adversaires de la science
et du progrès " et autres " partisans de la
croissance limitée ? " Aujourd'hui, il dénonce
les profits que vont réaliser les firmes
concernées par le programme nucléaire, la
précipitation dans la réalisation de ce
programme, l'abandon des autres formes d'énergie, le
sacrifice de " l'intérêt national " (les
licences sont américaines) et enfin, le
caractère anti-démocratique des
décisions.
Et composé de
démocrates conséquents, le groupe communiste
de l'assemblée nationale demande la création
d'une commission parlementaire
d'enquête. Les communistes
membres des conseils régionaux votent contre
l'implantation des centrales.
Image d'une démocratie
rénovée, la parole est donnée dans "
France Nouvelle " dans le cadre d'un ensemble de points de
vue où s'expriment également deux
scientifiques opposés au programme nucléaire,
à deux de ses prestigieux défenseurs :
Leprince-Ringuet qui s'est tout dernièrement
distingué par sa demande de saisie de " La gueule
ouverte " et André Giraud, l'administrateur
général du CEA (ce patron malin a ensuite fait
afficher son texte dans tout le CEA en citant le journal qui
l'a publié).
C'est Robert Chapuis qui a
été chargé de présenter la
position du PS (5). " Avec les forces populaires, les
socialistes empêcheront la réalisation du
programme nucléaire " (Cela signifie-t-il la
participation aux mobilisations ?). Pour eux il est
nécessaire d'instaurer " le contrôle populaire
" par la " création d'une
agence ou d'un office de
sécurité " qui
puisse lever le secret des dossiers, examiner les projets de
construction, servir de recours à des populations...
cette agence doit être indépendante des
pouvoirs publics et des intérêts capitalistes,
et il y a en France suffisamment de personnes
qualifiées (sic) pour en constituer rapidement les
premières bases ".
Ce " contrôle populaire
" là se distingue peu de a commission parlementaire
du PCF. Mais nos réformistes restent bien
égaux à eux-mêmes: et les mobilisations des travailleurs ? Et le
contrôle autonome par les
travailleurs ?
LA RESPONSABILITE DES
ORGANISATIONS SYNDICALES
Les mobilisations écologiques
touchaient essentiellement ces dernières
années les milieux universitaires, les travailleurs
de la recherche scientifique. Les organisations syndicales
de travailleurs prennent aujourd'hui, la relève des
groupes écologiques et cela est fondamental (CFDT-EDF
de la région parisienne, CGT-EDF des Etudes et
Recherches, CFDT, CGT du CEA).
En effet, la
dénonciation des projets capitalistes, la
mobilisation contre ces projets ne pourront être
effectuées de façon efficace que par les
travailleurs eux-mêmes - du CEA, de l'EDF, de
Schneider, Creusôt-Loire - seuls capables d'instaurer
un contrôle dans les entreprises
même, sur les activités patronales.
Ces travailleurs, par ailleurs les premiers concernés par les
nuisances de cette industrie,
peuvent connaître l'importance des rejets
effectués par les centrales, l'importance de la
pollution... et c'est leur mobilisation qui peut,
essentiellement, imposer l'arrêt d'une
centrale.
C'est aux organisations
syndicales du CEA de l'EDF d'assurer la formation et
l'information des militants sur les problèmes de
nuisances radioactives dans les autres entreprises et les UL
concernées.
Les organisations syndicales
sont concernées et doivent soutenir les mobilisations
pour le moratoire en y incluant des mots d'ordre
précis concernant les
travailleurs dans les entreprises.
Nous exigeons
:
Le libre accès aux
études et résultats techniques concernant le
programme nucléaire du CEA et EDF. Le refus de tout
secret scientifique ou technique, libre expression pour les
travailleurs scientifiques.
Le libre accès aux
moyens de contrôle des nuisances à
l'intérieur et à l'extérieur des
entreprises nucléaires, la libre publication des
résultats.
Libre accès aux aires
de stockage des déchets radioactifs (les
délégués en hygiène et
sécurité sont interdits sur les sites de
stockage de la Hague).
... Exigence de contrôle par les travailleurs
eux-mêmes et, dans
l'immédiat par les délégués
syndicaux. Conditions nécessaire à la
préparation des mobilisations dans l'entreprise pour
s'opposer aux conséquences sur les travailleurs et
l'environnement des choix économiques
capitalistes.
Correspondant C.E.A.
- (1) Voir le dossier dans " Rouge "
- (2) " Le Canard Enchainé " 26 mars
- (3) " Le Monde " 9 mars
- (4) " France Nouvelle " N° 1531, 17 mars
- (5) " Le Monde " du 5 avril
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- HALTE
- AU
PROGRAMME
- NUCLEAIRE
!
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- Départ
15 heures
- le samedi 26
avril
- Place de la
République
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