Contributions au débat...

Nous mettons en consultation le texte de Robert Bibeau "Impérialisme et question nationale" bien que nous ne partagions pas ses positions et nous nous réservons la possibilité de répondre à son texte.

 

IMPÉRIALISME ET QUESTION NATIONALE (Le modèle canadien) par ROBERT BIBEAU en version pdf

Premières réponses du camarade Xuan au texte de R. Bibeau (Suite du débat sur le Forum Marxiste-Léniniste)

L’étude de Robert Bibeau mérite d’être lue avec attention. Elle comprend des observations tout-à-fait pertinentes sur les métropoles impérialistes et sur les mots d’ordre chauvins dans ces régions du monde.
Concernant le Canada elle prend le contre-pied de l’opposition à la domination américaine.
Il ne nous appartient pas de juger de l’extérieur la légitimité des différents mots d’ordre des organisations qui se réclament du marxisme-léninisme, sur cette question de l’indépendance nationale du Canada.
Mais il sera extrêmement intéressant de comparer les différentes positions.
Il existe aussi en Europe des rapports inégaux entre les pays, par exemple entre la Grèce et les monopoles franco-allemands, et globalement entre l’Europe du nord et les PIGS.

Par contre, concernant l’analyse de la situation mondiale, cette étude propage une grave dérive anti léniniste sur l’extinction des luttes de libération nationale contre l’impérialisme et leur prétendue transformation en luttes inter-impérialistes. Elle aboutit à nier la lutte anti-impérialiste et son contraire l’impérialisme lui-même, pour lui substituer la seule lutte du prolétariat contre la bourgeoisie.

Je reprends ici deux thèses essentielles du résumé :

« Quatre alliances internationales majeures se disputent l’hégémonie sur les marchés, sur les sources de matières premières et les zones d’exportation des capitaux en vue de la spoliation de la plus-value ouvrière et l’accumulation de profits.
L’Alliance de coopération de Shanghai dirigée par la Chine et son allié l’Alliance de coopération Eurasiatique (Russie) sont les alliances montantes; l’ALENA, cœur de l’Alliance atlantique , dirigée par les États-Unis d’Amérique est en déclin tout comme l’Union européenne , dirigée par l’Allemagne et la France (1). »

Cette liste ne reflète pas la réalité des alliances économiques régionales.
Elle ne tient aucun compte du développement historique.
Les relations dialectiques entre ces alliances ne sont pas définies mais diluées sous la formule « se disputent l’hégémonie » .
Sous un vocabulaire apparemment marxiste, cette méthode ne pratique pas le matérialisme historique ni le matérialisme dialectique, mais l’éclectisme.

Historiquement les alliances et traités économiques ont été mis en place par les USA afin de dominer le marché mondial.
Le dollar monnaie d’échange universelle reflète cette hégémonie. Les désordres économiques et financiers que cette monnaie a créés imposent son remplacement dans un bref délai.
Mais aucune monnaie ne peut dominer le monde ni aucune économie, après la fin de l’hégémonie US.
Il en résulte que la perspective d’une hégémonie n’est pas envisageable pour aucune alliance à moins de bouleversements qu’il est actuellement impossible d’anticiper.

L’Union Européenne, fondée sur les intérêts communs des impérialistes européens et née dans l’ombre de l’impérialisme US, entretient avec lui des relations d’unité et de lutte.
Le déclin de l’empire US ouvre aujourd’hui une porte à l’avènement d’un nouvel empire européen. Mais l’Europe ne peut pas dominer le monde.

Face à l’impérialisme US plusieurs alliances régionales se sont progressivement constituées, comme L’Alliance de coopération de Shanghai, l’Alliance de coopération Eurasiatique, les alliances économiques panafricaines, l’Alba, etc.
Aucune d’elles ne peut dominer le monde non plus ni imposer sa monnaie.
A des degrés divers ces alliances entrent en conflit économique avec les intérêts US et sont en butte à des tentatives de destruction comme ce fut le cas lors de la guerre en Libye.

Il existe aussi des contradictions entre les alliances des pays émergents et au sein de ces alliances, entre elles et l’Union européenne et en son sein, entre l’Union européenne et les USA etc.

Mais la contradiction principale à l’échelle mondiale oppose l’hégémonisme US et les alliances régionales avec à leur tête les pays émergents Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud.

 

« Depuis la victoire de la révolution iranienne (1979), les luttes de libération nationales ne sont plus que l’exception dans quelques pays néocoloniaux, semi-féodaux et semi-agraires d’Orient et d’Afrique. Ailleurs dans le monde, là où les rapports de production capitalistes prédominent, aucun préalable démocratique bourgeois, nationaliste ou populaire ne s’interpose dans la lutte titanesque entre le travail et le capital, entre le socialisme et le capitalisme. »

 

Cette théorie équivaut à nier la réalité de l’impérialisme aujourd’hui, bien que l’auteur s’en défende.

Les luttes de libération nationales ne sont pas « une exception » , c’est la phase militaire de ces luttes qui a pris fin pour la plupart des pays.
Les luttes de libération contre l’impérialisme occidental ont pris la forme de la lutte pour l’indépendance et le développement économique afin de rattraper un retard immense, et se déroulent sur le terrain agricole, industriel, commercial, médical et pharmaceutique, scientifique et technologique, financier, juridique, idéologique, religieux, culturel et politique, diplomatique, au sein des instances régionales et internationales, etc.
Dans l’immense majorité de ces pays l’industrialisation et à peine engagée et « les rapports de production capitalistes » et a fortiori monopolistes ne concernent qu’une frange de l’économie et de la société.
De surcroît la partie industrialisée de l’économie se trouve fréquemment sous la domination de monopoles impérialistes.
La bourgeoisie au pouvoir entretient avec les puissances impérialistes des relations faites d’opposition, d’hostilité, de soumission, d’arrangements et de compromis qui varient dans le temps et les circonstances.
L’ingérence, la corruption, la subversion, le financement d’agences humanitaires , les contras, le blocus économique, les mesures « anti-dumping » sont systématiquement pratiquées par les pays impérialistes pour entraver le développement indépendant des anciennes colonies et imposer leurs propres intérêts.
Et ces procédés qui n’excluent pas l’utilisation de la guerre civile comme les révolutions colorées ou le soutien à des groupes terroristes, peuvent aboutir à l’intervention armée directe, les bombardements et la guerre ouverte, afin de chasser le gouvernement en place, faire condamner les dirigeants ou les exécuter, et les remplacer par une équipe sélectionnée par les puissances impérialistes occidentales.  

Tant que l’impérialisme subsistera ces luttes continueront d’exister sous une forme ou une autre, y compris dans les pays où le socialisme a été instauré au terme de la lutte contre le colonialisme et le féodalisme.

 

L’auteur ne nie pas directement l’existence de l’impérialisme. Tout au contraire, sa théorie signifie que la quasi-totalité des pays « où les rapports de production capitalistes prédominent » ont atteint le stade terminal impérialiste d'évolution et que leurs rapports sont inter-impérialistes .
Cette thèse atténue et gomme la domination et l’oppression de l’impérialisme occidental envers l’immense majorité des peuples, efface la distinction entre nations opprimées et nations oppresseuses, et transforme leur lutte anti-impérialiste en « dispute hégémonique » ou en conflit inter-impérialiste, ou encore en allégeance ou sujétion à un nouvel impérialisme dont la réalité n’est pas démontrée.
Elle appelle les peuples dominés par l’oppression impérialiste à combattre exclusivement leur bourgeoisie et non la domination impérialiste, comme si celle-ci avait pris fin ou s’était atténuée. Elle les détourne de la lutte anti impérialiste.

Cette théorie a pour conséquence de nier la thèse léniniste de la lutte des nations et des peuples contre l’impérialisme comme partie intégrante de la révolution mondiale.

 

(Suite du débat sur le Forum Marxiste-Léniniste)

 

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