HR n°88- jeudi 14 janvier 1971-


Journal communiste pour l'application en France
du marxisme-léninisme et de la pensée-maotsétoung. 

50 ANS APRÈS LE CONGRÈS DE TOURS (1920 - 1970) - (VII)

Révélations d'André Marty sur la période 1944-1947

..... L'analyse de l'attitude du Parti communiste français de 1944 à 1947 reste à préciser à la lumière du matérialisme historique. D'ores et déjà, il est sûr que cette période fut marquée par une ligne opportuniste de droite très grave, annonciatrice de la trahison définitive à partir de 1956 (avec le XXe Congrès du P.C.U.S.). Mais le Parti, né à Tours, fut de tout temps agité en son sein par des luttes de classes opposants des militants de base à la direction, et même certains dirigeants comme André Marty à d'autres comme Thorez.
..... Un de nos lecteurs de Franche-Comté nous a proposé la publication d'extraits (adaptés et commentés par ses soins) du chapitre "Pour que ça change" publié par André Marty dans son livre de 1955 "l'Affaire Marty", après son exclusion injuste du P."C."F.
..... Sur toutes les questions abordées par l'ancien mutin de la mer Noire, la discussion est loin d'être close et les marxistes-léninistes, bénéficiant du recul du temps, iront peut être plus loin que lui dans la critique de la ligne du P."C."F. pendant cette période (par exemple sur des points précis comme l'attitude des communistes dans le Conseil national de la Résistance, ou l'intégration massive des combattants dirigés par des communistes dans les unités militaires dominées par la bourgeoisie, sans omettre, bien entendu, la fameuse restitution des armes).
..... Il n'empêche que certains des avis exprimés par André Marty vont dans un sens positif et témoignent de la lutte interne intense qu'il soutint contre les représentants de l'opportunisme de droite, à une époque capitale de l'histoire de notre peuple et du monde

L'"Humanité-Rouge"

LA PARTICIPATION
COMMUNISTE
AU GOUVERNEMENT
STIMULANT OU FREIN ?

..... Pour que ça change réellement il faut un puissant mouvement de masse.

..... Le 3 avril 1944, deux ministres communistes entraient au gouvernement provisoire d'Alger (bourgeois). Cette participation fut fixée en partant des directives établies au 7e Congrès de l'Internationale Communiste de 1935 dans le rapport de Dimitrov :
..... " Un gouvernement de lutte contre le fascisme et la réaction (doit) réaliser des revendications révolutionnaires radicales, déterminées, répondant à la situation. Par exemple le contrôle de la production, le contrôle des banques, la dissolution de la police, son remplacement par la milice ouvrière armée… Mais nous disons ouvertement aux masses : ce gouvernement ne peut apporter le salut définitif. Il n'est pas en mesure de renverser la domination de classe des exploiteurs… En conséquence, il est nécessaire de se préparer pour la révolution socialiste. "
..... Mais bientôt certains des dirigeants du P.C.F. alors en Algérie, se rendaient à cette évidence :
Il n'y a pas de comparaison entre le gouvernement de Front Populaire anti-fasciste tel qu'il était préconisé par Dimitrov en 1935 et le gouvernement de Gaulle à prédominance capitaliste.
..... André Marty et d'autres dirigeants luttèrent contre la participation au gouvernement dès cette époque et ensuite en France même.

André Marty fut emprisonné pendant 4 ans pour son héroïque activité de solidarité avec la révolution bolchevique à la tête des marins en révolte contre l'intervention française, depuis lors connus sous le nom célèbre de " mutins de la Mer Noire ". Le voici, au centre, en mécanicien de la marine de guerre, à sa sortie de la prison de Clairvaux le 17 juillet 1923.

PARIS, AOÛT 1944

..... De Gaulle voulut " se débarrasser " des deux ministres communistes et désarmer immédiatement les 800.000 F.F.I.(1), mais c'eût été provoquer un conflit où il aurait été obligé de céder, donc de transformer son gouvernement dans un sens populaire.
..... De Gaulle reculait… mais pour mieux sauter. Il tira les conclusions de la participation du P.C.F. au gouvernement d'Alger : il allait s'attacher à faire des ministres communistes un paravent pour couvrir sa politique réactionnaire aux yeux du peuple. Il mit tout en œuvre pour reprendre en main l'armée, même en diminuant sa capacité de combat, par la réduction au maximum des effectifs F.F.I., envoyant d'importants détachements F.F.I. mal armés et mal équipés bloquer les " poches de l'Atlantique ". Il replaça aux postes de commandement de nombreux officiers défaitistes en 1940, pétainistes. Il opéra de même avec la police et créa de toutes pièces sa super-police secrète dite " D.G.E.R. " (2).
..... Malheureusement, jamais du coté du P.C.F. ne furent prises en considération les appréciations critiques dégagées par la délégation du Comité Central en Afrique du Nord sur la participation ministérielle au gouvernement d'Alger.
..... Si en août-septembre-octobre 1944, la prise du pouvoir par le prolétariat n'était pas possible, les conditions étant encore loin d'être réalisées ; les circonstances étaient favorables à l'action de la classe ouvrière. En développant l'action des masses populaires et en s'appuyant sur elles, on pouvait faire appliquer le programme du C.N.R.
..... Par exemple, la saisie des biens des traîtres était la première mesure à prendre. Elle aurait soulevé l'enthousiasme des masses populaires, ouvert la voie à la création d'une " France nouvelle ", populaire et d'un coup rétabli les finances de la France libérée, en prenant l'argent " où il est ". Le levier qui aurait pu entraîner le peuple à l'action pour appliquer ces mesures existait : c'était les comités de Libération.
..... Avec un tel mouvement, toute l'orientation du gouvernement changeait.
..... Grâce à cet énorme mouvement, lorsque le P.C.F. et le Parti Socialiste eurent la majorité à la première assemblée constituante (élue en octobre 1945), la S.F.I.O. eût été obligée d'accepter un gouvernement de " front unique anti-fasciste ". En l'absence de ce mouvement des masses, il lui fut aisé de le refuser pour sauver la bourgeoisie.

LE COUP DE FREIN

..... Le freinage systématique du mouvement de masse aboutit à une situation exactement contraire. De Gaulle manœuvra pour maintenir le P.C.F. sur le terrain d'une collaboration ministérielle strictement parlementaire.
..... On vit en février 1946 le statut des mineurs élaboré par les ministres communistes dispenser du service militaire les jeunes mineurs qui furent retirés de l'armée où ils apportaient l'esprit révolutionnaire. C'était exactement ce que voulait de Gaulle. Le 27 octobre 1944 Duclos déclarait :
..... " La milice patriotique doit demeurer la gardienne vigilante de l'ordre républicain, en même temps qu'elle doit s'occuper activement de l'éducation militaire des masses populaires. "
..... Subitement, début novembre, cette directive fut enterrée et Thorez, peu après son arrivée (le 2 décembre 1944) lança un mot d'ordre exactement contraire : " Un seul Etat, une seule police, une seule armée ". Cela voulait dire suppression des comités de Libération, transformation des comités d'usines (en comités de gestion) en comité d'entreprise (de collaboration de classe).
..... Seul restait le mot d'ordre " Produire ! Produire ! " Il remplissait les poches des exploiteurs. Tout mouvement revendicatif était freiné.
..... Ce n'était pas le programme de la Résistance, ce n'était même pas l'égalité des sacrifices (car, en fait, rationnement par l'argent donc le plus injuste), et encore moins le châtiment des traîtres.
..... De grands immeubles étaient presque vide (les collabos avaient filé). Mais on se gardait bien d'installer à leur place les familles des travailleurs entassés dans les taudis ou les déportés et prisonniers sans logis.
..... Même en 1947, alors qu'il ne pouvait plus y avoir le moindre doute sur l'enterrement du programme de la Résistance, la France était présentée comme " en marche vers le socialisme ", la démocratie, création continue en régime capitaliste !

LA NATIONALISATION

..... Le battage autour des " nationalisations, progrès vers le socialisme " servait à faire avaler aux travailleurs cette collaboration de classe effrénée sans principe.
..... En régime capitaliste, nous disent Pierre Semard et l'Internationale Communiste, les nationalisations peuvent apporter des améliorations appréciables à la situation des travailleurs, mais elles n'ont rien d'une mesure socialiste, au contraire elles s'effectuent non pas contre les monopoles, mais à leur profit.
..... Pour la nationalisation des mines de charbon, une indemnité avec intérêt jusqu'à remboursement total fut versée aux capitalistes.
..... La nationalisation n'a pas touché aux usines de traitement des produits de la distillation de la houille : c'est ce qui rapporte surtout dans l'industrie charbonnière….
..... Ainsi l'Etat bourgeois, donc les contribuables, paient le rééquipement des mines épuisées par l'exploitation intense sous l'occupation (les profits qu'elles ont procurés aux capitalistes miniers leur restent). Même chose pour la nationalisation de l'électricité.
..... Présenter les nationalisations, ce capitalisme d'Etat, comme " un progrès dans la voie du socialisme " est une duperie. Les grands capitalistes ne s'y sont pas trompés : il y a eu unanimité à l'Assemblée Nationale pour voter ces nationalisations.
..... Il fallait patienter, disait le P.C.F., et cela alors que la réaction se développait dans tous les domaines. Lorsqu'une grève éclatait, on s'efforçait de l'arrêter parce que " gênant les ministres communistes au gouvernement ". il aurait fallu s'appuyer sur elles pour faire céder le gouvernement dont l'orientation devenait de plus en plus réactionnaire.
..... L'aboutissement de la politique de collaboration de classe du P.C.F. fut une démoralisation partielle des travailleurs.

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..... (1)..... En fait André Marty en s'exprimant ainsi englobait les F.T.P. dans les F.F.I. ce qui ne clarifie pas le problème.

..... (2)..... D.G.E.R. : Direction Générale des Enquêtes et Renseignements qui existait d'ailleurs auparavant sous l'appellation de " B.C.R.A. ".

Mise au point

..... Nous avons précisé dans notre n°83, dans la chronique " 50 ans après le congrès de Tours " que l' " Humanité-Rouge " n'est pas une " organisation " en soi. Mais nous avons ajouté qu'elle " vise " à l'élaboration d'une juste ligne idéologique et politique pour l'application en France du marxisme-léninisme et de la pensée maotsétoung. Cette formulation est erronée. Il faut remplacer " vise " par " contribue ". pourquoi ? Parce que seul un Parti révolutionnaire prolétarien et non un journal a qualité pour jouer un rôle dirigeant dans l'élaboration de la ligne. Or justement l'" Humanité-Rouge " n'est pas un tel Parti et ne peut en aucun cas se substituer à lui. Dissipons donc toute équivoque à ce sujet. La presse française et différents organes de d'information sur le plan international évoquent assez souvent l'activité du " Parti Communiste Marxiste-Léniniste de France ", dissout par le pouvoir bourgeois le 12 juin 1968, et donc contraint à la clandestinité, pour que nous discernions en lui justement ce rôle dirigeant. Nous pensons que la majorité de nos lecteurs ne s'étaient pas laissée abuser par notre formulation erronée. Il n'en était pas moins utile de préciser notre position de principe sur ce point, le comité de Rédaction de notre journal n'ayant jamais eu la moindre intention de se substituer à l'organisme dirigeant actuel du mouvement révolutionnaire prolétarien en France.

 

 

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