..... L'analyse de
l'attitude du Parti communiste français de
1944 à 1947 reste à préciser
à la lumière du matérialisme
historique. D'ores et déjà, il est
sûr que cette période fut
marquée par une ligne opportuniste de droite
très grave, annonciatrice de la trahison
définitive à partir de 1956 (avec le
XXe Congrès du P.C.U.S.). Mais le Parti,
né à Tours, fut de tout temps
agité en son sein par des luttes de classes
opposants des militants de base à la
direction, et même certains dirigeants comme
André Marty à d'autres comme
Thorez.
..... Un de nos lecteurs
de Franche-Comté nous a proposé la
publication d'extraits (adaptés et
commentés par ses soins) du chapitre "Pour
que ça change" publié par
André Marty dans son livre de 1955
"l'Affaire Marty", après son exclusion
injuste du P."C."F.
..... Sur toutes les
questions abordées par l'ancien mutin de la
mer Noire, la discussion est loin d'être
close et les marxistes-léninistes,
bénéficiant du recul du temps, iront
peut être plus loin que lui dans la critique
de la ligne du P."C."F. pendant cette
période (par exemple sur des points
précis comme l'attitude des communistes dans
le Conseil national de la Résistance, ou
l'intégration massive des combattants
dirigés par des communistes dans les
unités militaires dominées par la
bourgeoisie, sans omettre, bien entendu, la fameuse
restitution des armes).
..... Il n'empêche
que certains des avis exprimés par
André Marty vont dans un sens positif et
témoignent de la lutte interne intense qu'il
soutint contre les représentants de
l'opportunisme de droite, à une
époque capitale de l'histoire de notre
peuple et du monde
L'"Humanité-Rouge"
|
LA PARTICIPATION
COMMUNISTE
AU GOUVERNEMENT
STIMULANT OU FREIN
?
.....
Pour que ça change
réellement il faut un puissant mouvement de
masse.
.....
Le 3 avril 1944, deux ministres
communistes entraient au gouvernement provisoire d'Alger
(bourgeois). Cette participation fut fixée en partant
des directives établies au 7e Congrès de
l'Internationale Communiste de 1935 dans le rapport de
Dimitrov :
..... "
Un gouvernement de lutte contre
le fascisme et la réaction (doit) réaliser des
revendications révolutionnaires radicales,
déterminées, répondant à la
situation. Par exemple le contrôle de la production,
le contrôle des banques, la dissolution de la police,
son remplacement par la milice ouvrière armée…
Mais nous disons ouvertement aux masses : ce gouvernement ne
peut apporter le salut définitif. Il n'est pas en
mesure de renverser la domination de classe des exploiteurs…
En conséquence, il est nécessaire de se
préparer pour la révolution socialiste.
"
..... Mais
bientôt certains des dirigeants du P.C.F. alors en
Algérie, se rendaient à cette évidence
:
Il n'y a pas de
comparaison entre le gouvernement de Front Populaire
anti-fasciste tel qu'il était préconisé
par Dimitrov en 1935 et le gouvernement de Gaulle à
prédominance capitaliste.
..... André
Marty et d'autres dirigeants luttèrent contre la
participation au gouvernement dès cette époque
et ensuite en France même.
André Marty fut emprisonné
pendant 4 ans pour son héroïque
activité de solidarité avec la
révolution bolchevique à la
tête des marins en révolte contre
l'intervention française, depuis lors connus
sous le nom célèbre de " mutins de la
Mer Noire ". Le voici, au centre, en
mécanicien de la marine de guerre, à
sa sortie de la prison de Clairvaux le 17
juillet 1923.
|
PARIS, AOÛT 1944
.....
De Gaulle voulut " se
débarrasser " des deux ministres communistes et
désarmer immédiatement les 800.000
F.F.I.(1), mais c'eût été provoquer
un conflit où il aurait été
obligé de céder, donc de transformer son
gouvernement dans un sens populaire.
..... De Gaulle
reculait… mais pour mieux sauter. Il tira les conclusions de
la participation du P.C.F. au gouvernement d'Alger : il
allait s'attacher à faire des ministres communistes
un paravent pour couvrir sa politique réactionnaire
aux yeux du peuple. Il mit tout en œuvre pour reprendre en
main l'armée, même en diminuant sa
capacité de combat, par la réduction au
maximum des effectifs F.F.I., envoyant d'importants
détachements F.F.I. mal armés et mal
équipés bloquer les " poches de l'Atlantique
". Il replaça aux postes de commandement de nombreux
officiers défaitistes en 1940, pétainistes. Il
opéra de même avec la police et créa de
toutes pièces sa super-police secrète dite "
D.G.E.R. "
(2).
..... Malheureusement, jamais du coté du
P.C.F. ne furent prises en considération les
appréciations critiques dégagées par la
délégation du Comité Central en Afrique
du Nord sur la participation ministérielle au
gouvernement d'Alger.
..... Si en
août-septembre-octobre 1944, la prise du pouvoir par
le prolétariat n'était pas possible, les
conditions étant encore loin d'être
réalisées ; les circonstances étaient
favorables à l'action de la classe ouvrière.
En développant l'action des masses populaires et en
s'appuyant sur elles, on pouvait faire appliquer le
programme du C.N.R.
..... Par exemple,
la saisie des biens des traîtres était la
première mesure à prendre. Elle aurait
soulevé l'enthousiasme des masses populaires, ouvert
la voie à la création d'une " France nouvelle
", populaire et d'un coup rétabli les finances de la
France libérée, en prenant l'argent "
où il est ". Le levier qui aurait pu entraîner
le peuple à l'action pour appliquer ces mesures
existait : c'était les comités de
Libération.
..... Avec un tel
mouvement, toute l'orientation du gouvernement
changeait.
..... Grâce
à cet énorme mouvement, lorsque le P.C.F. et
le Parti Socialiste eurent la majorité à la
première assemblée constituante (élue
en octobre 1945), la S.F.I.O. eût été
obligée d'accepter un gouvernement de " front unique
anti-fasciste ". En l'absence de ce mouvement des masses, il
lui fut aisé de le refuser pour sauver la
bourgeoisie.
LE COUP DE FREIN
.....
Le freinage systématique du
mouvement de masse aboutit à une situation exactement
contraire. De Gaulle manœuvra pour maintenir le P.C.F. sur
le terrain d'une collaboration ministérielle
strictement parlementaire.
..... On vit en
février 1946 le statut des mineurs
élaboré par les ministres communistes
dispenser du service militaire les jeunes mineurs qui furent
retirés de l'armée où ils apportaient
l'esprit révolutionnaire. C'était exactement
ce que voulait de Gaulle. Le 27 octobre 1944 Duclos
déclarait :
..... "
La milice patriotique doit
demeurer la gardienne vigilante de l'ordre
républicain, en même temps qu'elle doit
s'occuper activement de l'éducation militaire des
masses populaires.
"
..... Subitement,
début novembre, cette directive fut enterrée
et Thorez, peu après son arrivée (le 2
décembre 1944) lança un mot d'ordre exactement
contraire : " Un seul Etat, une
seule police, une seule armée ". Cela voulait dire suppression des
comités de Libération, transformation des
comités d'usines (en comités de gestion) en
comité d'entreprise (de collaboration de
classe).
..... Seul restait
le mot d'ordre " Produire !
Produire ! " Il remplissait
les poches des exploiteurs. Tout mouvement revendicatif
était freiné.
..... Ce
n'était pas le programme de la Résistance, ce
n'était même pas l'égalité des
sacrifices (car, en fait, rationnement par l'argent donc le
plus injuste), et encore moins le châtiment des
traîtres.
..... De grands
immeubles étaient presque vide (les collabos avaient
filé). Mais on se gardait bien d'installer à
leur place les familles des travailleurs entassés
dans les taudis ou les déportés et prisonniers
sans logis.
..... Même
en 1947, alors qu'il ne pouvait plus y avoir le moindre
doute sur l'enterrement du programme de la
Résistance, la France était
présentée comme " en marche vers le socialisme ", la démocratie, création
continue en régime capitaliste !
LA NATIONALISATION
.....
Le battage autour des "
nationalisations, progrès vers le socialisme "
servait à faire avaler aux travailleurs cette
collaboration de classe effrénée sans
principe.
..... En
régime capitaliste, nous disent Pierre Semard et
l'Internationale Communiste, les nationalisations peuvent
apporter des améliorations appréciables
à la situation des travailleurs, mais elles n'ont
rien d'une mesure socialiste, au contraire elles
s'effectuent non pas contre les monopoles, mais à
leur profit.
..... Pour la
nationalisation des mines de charbon, une indemnité
avec intérêt jusqu'à remboursement total
fut versée aux capitalistes.
..... La
nationalisation n'a pas touché aux usines de
traitement des produits de la distillation de la houille :
c'est ce qui rapporte surtout dans l'industrie
charbonnière….
..... Ainsi l'Etat
bourgeois, donc les contribuables, paient le
rééquipement des mines épuisées
par l'exploitation intense sous l'occupation (les profits
qu'elles ont procurés aux capitalistes miniers leur
restent). Même chose pour la nationalisation de
l'électricité.
..... Présenter les nationalisations, ce
capitalisme d'Etat, comme " un progrès dans la voie
du socialisme " est une duperie. Les grands capitalistes ne
s'y sont pas trompés : il y a eu unanimité
à l'Assemblée Nationale pour voter ces
nationalisations.
..... Il fallait
patienter, disait le P.C.F., et cela alors que la
réaction se développait dans tous les
domaines. Lorsqu'une grève éclatait, on
s'efforçait de l'arrêter parce que "
gênant les ministres communistes au gouvernement ". il
aurait fallu s'appuyer sur elles pour faire céder le
gouvernement dont l'orientation devenait de plus en plus
réactionnaire.
..... L'aboutissement de la politique de
collaboration de classe du P.C.F. fut une
démoralisation partielle des travailleurs.
-------
.....
(1).....
En fait
André Marty en s'exprimant ainsi englobait les F.T.P.
dans les F.F.I. ce qui ne clarifie pas le
problème.
.....
(2).....
D.G.E.R. :
Direction Générale des Enquêtes et
Renseignements qui existait d'ailleurs auparavant sous
l'appellation de " B.C.R.A. ".
Mise au
point
..... Nous avons
précisé dans notre n°83, dans la
chronique " 50 ans après le
congrès de Tours " que l' "
Humanité-Rouge " n'est pas une "
organisation " en soi. Mais nous avons
ajouté qu'elle " vise " à
l'élaboration d'une juste ligne
idéologique et politique pour l'application
en France du marxisme-léninisme et de la
pensée maotsétoung. Cette formulation
est erronée. Il faut remplacer " vise
" par " contribue ". pourquoi ? Parce que
seul un Parti révolutionnaire
prolétarien et non un journal a
qualité pour jouer un rôle dirigeant
dans l'élaboration de la ligne. Or justement
l'" Humanité-Rouge " n'est pas un tel
Parti et ne peut en aucun cas se substituer
à lui. Dissipons donc toute équivoque
à ce sujet. La presse française et
différents organes de d'information sur le
plan international évoquent assez souvent
l'activité du " Parti Communiste
Marxiste-Léniniste de France ", dissout
par le pouvoir bourgeois le 12 juin 1968, et donc
contraint à la clandestinité, pour
que nous discernions en lui justement ce rôle
dirigeant. Nous pensons que la majorité de
nos lecteurs ne s'étaient pas laissée
abuser par notre formulation erronée. Il
n'en était pas moins utile de
préciser notre position de principe sur ce
point, le comité de Rédaction de
notre journal n'ayant jamais eu la moindre
intention de se substituer à l'organisme
dirigeant actuel du mouvement
révolutionnaire prolétarien en
France.
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