(fin) ..... Dans le dernier numéro de Front Rouge, le texte "A propos de la théorie des trois mondes" avait examiné comment l'évolution et l'interaction des contradictions fondamentales du monde contemporain, à l'époque de l'impérialisme, amenait selon les étapes du développement, à délimiter politiquement des groupements de pays et à faire apparaître une contradiction principale, qui ne se confond pas pour autant avec ces contradictions fondamentales mais résulte de leur développement. ..... Il avait montré d'autre part comment,
par exemple, depuis la fin de la deuxième guerre
mondiale, les succès du mouvement de
libération nationale, la liquidation
accélérée du colonialisme, l'aspiration
persistante de ces peuples à une indépendance
complète, avaient amené une situation
nouvelle: tout un ensemble de pays d'Asie, d'Afrique et
d'Amérique Latine, pour un grand nombre d'entre eux
indépendants depuis peu, ont commencé à
se constituer en une force politique, capable, malgré
leurs disparités et leurs contradictions, de s'unir
et, dans plusieurs domaines, de porter des coups à
l'impérialisme et au
social-impérialisme. ..... L'impérialisme américain avait en effet, à la faveur de la guerre, acquis une supériorité décisive, militaire et économique sur les impérialismes européens et japonais, ou bien vaincus, ou de toute façon sortis très affaiblis de l'affrontement. Son territoire national était resté hors de portée des puissances de l'axe. L'appareil de production avait tourné à plein, drainant en particulier l'or des alliés. Sa machine de guerre, développée à un rythme très rapide, en quelques années, surpassait très nettement ce qui subsistait des armées ouest- européennes, ou de l'armée japonaise défaite, aussi bien quantitativement, que du point de vue de la technologie. Il est seul alors à disposer de la bombe atomique. A peine la guerre terminée, sous couvert d'organiser la défense du "monde libre" contre le communisme, les États-Unis ont mis à profit cette supériorité, à travers des mécanismes "d'aide" économique type plan Marshall et des pactes militaires, pour assurer leur mainmise et leur contrôle sur les pays ouest-européens et le Japon. Ce qui s'accompagne en même temps d'une pénétration en force des USA à l'intérieur de ce qui constituait jusque là les domaines coloniaux des vieilles puissances européennes. Dès août 1946, Mao Tsé-Toung indiquait: "A l'heure actuelle, le slogan d'une guerre contre l'Union Soviétique lancé par les États-Unis signifie en fait l'oppression du peuple américain et l'expansion des forces agressives des États-Unis dans le monde capitaliste". ..... Ainsi, au début des années 50, l'impérialisme américain, en dehors des pays qui forment encore le camp socialiste, dicte sa loi au reste du monde, tenant sous sa coupe les autres impérialismes. Le développement inégal de l'impérialisme, profondément accéléré et accentué par la guerre, aboutissait donc, à ce moment là, pour la première fois à placer un seul d'entre eux, les États-Unis, en position d'hégémonie. Le camp impérialiste, sa cohésion et son organisation, avaient pour fondement la suprématie et la tutelle américaines. ..... Mais cette position ne sera guère durable et bientôt remise en cause d'un côté par le développement des contradictions au sein même de ce qui formait le camp impérialiste et d'un autre côté, à la fin des années 60, par un phénomène qui bouleverse les données de la situation mondiale: le surgissement de l'Union Soviétique comme nouvel impérialisme. ..... Dans son entreprise hégémonique, Washington va être en effet amené à déployer ses forces sur la quasi-totalité du globe, et, devenu gendarme mondial, à assumer l'essentiel du dispositif et des interventions contre-révolutionnaires face au développement impétueux des mouvements de libération nationale. Avec toutes les conséquences économiques et politiques qui en découlent: l'affaiblissement chronique du dollar, patent dès le début des années 1970, la détérioration rapide de son image internationale qui de "libérateur" et "dé-colonisateur" le fait bientôt apparaître comme l'ennemi N° 1 des peuples du monde. Pendant ce temps, à l'ombre de la tutelle américaine, la plupart des puissances ouest-européennes et le Japon avaient pu reconstruire leur potentiel économique et, animés d'un regain de dynamisme, se sentaient en mesure de contester sur plusieurs points (le commerce, la monnaie) la suprématie américaine. Les prises de position gaullistes au milieu des années 60 ne faisaient que traduire de façon plus politique et plus ostensible les modifications opérées dans le rapport de forces et la volonté, pour les impérialismes relégués à un rang secondaire, de revendiquer et d'élargir leur marge d'indépendance. Et c'est à la fin des années 60 que s'esquisse le projet d'une Europe occidentale, s'unifiant progressivement économiquement et politiquement et qui serait capable alors de jouer dans l'arène internationale, un rôle propre contrebalançant celui des USA et aussi de l'URSS. ..... La restauration du capitalisme en URSS favorise, pendant un certain temps, cette évolution: de 1956 à 1968 (l'invasion de la Tchécoslovaquie) la transformation interne de l'URSS khrouchtchevienne laisse penser qu'il n'y a plus lieu de contenir autant qu'auparavant "le danger communiste", le grand épouvantail qui justifiait la politique de Foster Dulles d'encerclement du camp socialiste et de guerre froide. Les États-Unis eux-mêmes, notamment avec Kennedy, vont donner l'exemple en infléchissant leur attitude dans le sens de la coexistence pacifique prônée par Khrouchtchev. Du coup, les impérialismes européens, la France gaulliste en tête, auront de nouvelles raisons de remettre en cause la tutelle américaine, dont la "guerre froide" était l'une des principales justifications et chercherait à tirer eux aussi profit, pour leur propre compte, de "l'ouverture" de l'URSS et des pays de l'Est, qui laisse alors escompter de vastes et fructueuses transactions économiques. C'est l'époque où de Gaulle prône "l'entente, la détente et la coopération" avec l'Est et parle d'une Europe allant "de l'Atlantique à l'Oural". Comme si l'URSS, sous la direction des Khrouchtchev et autres, allait effectivement s'absorber dans la réalisation du "communisme du goulash" et consacrer ses efforts à se transformer progressivement en un capitalisme proche par son organisation sociale, ses choix économiques, son fonctionnement et ses modes de vie des capitalismes occidentaux. ..... L'invasion de la Tchécoslovaquie, en août 68, engage le reflux de ces illusions et de ces spéculations. Elle souligne spectaculairement la réalité du phénomène qui bouleverse dès lors les rapports de forces entre impérialismes: l'avènement de l'Union Soviétique comme puissance impérialiste. ..... D'emblée elle se caractérise par des traits nouveaux et particuliers qui s'affirmeront, jusqu'à aujourd'hui, durant les dix années suivantes. ..... D'une part son potentiel militaire, économique et humain en fait une grande puissance qui, d'un point de vue d'ensemble, ne peut être comparée qu'aux USA. Mais surgie la dernière, elle est d'autant plus agressive qu'elle n'a d'autre issue que d'imposer un repartage du monde, en sa faveur et donc de conquérir et s'approprier les positions acquises et conservées par les autres impérialismes et avant tout l'impérialisme américain. ..... D'autre part, cette stratégie offensive
est d'autant plus nécessaire au
social-impérialisme que son potentiel
économique ainsi que ses bases d'exploitation au plan
mondial restent relativement faibles, par rapport à
ceux des USA. Ces dernières années ont
montré avec de plus en plus de netteté que,
dans cette situation, les dirigeants soviétiques
avaient délibérément fait le choix
d'orienter prioritairement l'effort économique et
technologique vers la production des armements et les
préparatifs de guerre. ..... Ainsi, au début des années 70, les rapports de force entre impérialismes se sont trouvés profondément bouleversés: les États Unis, qui avaient vu se distendre leur tutelle sur les autres impérialismes européens et japonais perdent d'autant plus leur position hégémonique qu'ils se trouvent confrontés à un nouveau rival, le social-impérialisme. ..... C'est une situation nouvelle : dans le passé, plusieurs impérialismes, de force à peu près comparable, entraient en lutte et, au besoin formaient des blocs, pour tenter de s'assurer l'hégémonie. Après la Seconde Guerre Mondiale, l'impérialisme US avait acquis une position d'hégémonie, mais d'hégémonie relative, face à un camp socialiste qui paraissait puissant. Aujourd'hui, aucun impérialisme, sauf deux, les USA et l'URSS ne se trouve en mesure de poursuivre leur logique, de prétendre à l'hégémonie mondiale. ..... Ainsi s'est creusé un écart
qualitatif entre ces deux impérialismes d'un
côté, et les autres, dont il faut tirer toutes
les conséquences. ..... D'autre part, l'URSS et les USA sont les seules puissances à disposer de vastes "chasses gardées", c'est-à-dire de pays entiers (souvent assez développés industriellement) où ils font la loi: ce sont, pour l'URSS les pays de l'Est européens, et, pour les USA, l'Amérique Latine et la vaste sphère du Pacifique et de l'Asie du Sud-Est (Philippines, Indonésie, Thaïlande, etc.). ..... Certes, ces chasses sont plus ou moins rigoureusement gardées, d'autres impérialismes peuvent y avoir accès, mais de façon très restreinte et très subordonnée à la superpuissance dominante. Aucun impérialisme de second rang, même si, comme la France, ils peuvent entretenir avec plusieurs pays des rapports coloniaux ou néo-coloniaux, ne dispose et de loin de telles "réserves", aussi amples et aussi fermement assujetties. ..... Cette différence parmi les pays impérialistes entre d'une part deux super puissances et d'autre part des puissances de second rang constitue une donnée nouvelle, extrêmement importante de la situation internationale actuelle. Les contradictions entre pays impérialistes, quels qu'ils soient, demeurent fondamentalement de même nature mais se trouvent pourtant profondément et durablement modifiées : l'hégémonisme ne peut plus être le fait que des deux seules super- puissances. Cela signifie que pour les autres impérialismes, leurs contradictions avec les deux superpuissances ont pour enjeu à terme, non plus le partage et le repartage du monde, mais leur existence autonome elle-même en tant que tels. ..... La logique de la rivalité pour
l'hégémonie mondiale implique que chacune des
deux superpuissances cherche à s'assurer un avantage
décisif qui lui permette de supplanter l'autre et de
la réduire à sa merci. C'est cette logique qui
amène la croissance des facteurs de guerre et
contient en germe le déclenchement d'une
troisième guerre mondiale. Il est hors de question
qu'un impérialisme secondaire se hasarde à
provoquer par lui-même, un conflit mondial: il
n'aurait aucun moyen d'espérer seulement en retirer
le moindre avantage. C'est pourquoi, à l'heure
actuelle, les deux superpuissances sont les principaux
fauteurs de guerre et, en tant que tels, l'ennemi principal
des peuples. Dans cette rivalité pour
l'hégémonie, les deux protagonistes ne se
trouvent pas néanmoins dans une position semblable:
d'un côté l'URSS, pour compenser son handicap
de dernière venue et pallier la relative faiblesse de
sa base économique, s'est mise en position
d'offensive, pousse à fond ses capacités de
militarisation et exploite, autant qu'elle le peut encore,
sa possibilité de tromper les peuples et les pays
pour camoufler sa politique impérialiste. Elle
cherche, coûte que coûte à
déstabiliser en sa faveur par la subversion,
l'intervention et l'agression, les rapports de domination
hérités du passé et qui
bénéficient en premier lieu aux USA. Les
États-Unis de leur côté, se trouvent
plutôt en position de défensive: ayant subi
toute une série de revers en prétendant
écraser les mouvements de libération
nationale, largement dénoncés comme
oppresseurs et comme exploiteurs, ils cherchent avant tout
à conserver leurs positions acquises, à
trouver pour cela des moyens si possible non militaires ou
n'impliquant pas leur intervention directe, tout en veillant
à ce que le rapport de forces militaire global avec
l'URSS ne se détériore pas en leur
défaveur. ..... Ces dix dernières années, cependant que Washington et Moscou poursuivaient la course aux armements, leur rivalité acharnée s'est manifestée de façon ouverte, le plus souvent dans les pays du Tiers Monde, pour le repartage des zones d'influence: mainmise soviétique sur Cuba, guerre du Biafra, intervention indienne au Pakistan oriental, renversements d'alliance au Proche Orient, offensives soviétiques en Angola et dans la Corne de l'Afrique, coup d'État en Afghanistan -pour ne citer que quelques- uns des épisodes les plus visibles. Toutefois, il n'apparaît pas que, stratégiquement, aucune des deux superpuissances puisse envisager d'obtenir sur ce terrain d'affrontement une supériorité décisive sur sa rivale. Les conditions sont ainsi bien différentes de celles de 1914, où effectivement la guerre impérialiste avait, comme l'un de ses enjeux principaux, le repartage entre plusieurs impérialismes, d'empires coloniaux et de zones d'influence qui couvraient toute la planète. D'une part, parce que à la suite de la dislocation des empires coloniaux sous la poussée des mouvements de libération nationale, la capacité d'autonomie des peuples et des pays nouvellement indépendants a tendu à s'affirmer et rend de plus en plus précaires, en général, les tentatives de main-mise durables sur l'un ou l'autre d'entre eux. Nombre de revirements spectaculaires d'alliances l'ont montré depuis quelques années. Ensuite, parce qu'aucun pays, aucune zone même du Tiers Monde, à supposer qu'une superpuissance puisse se l'assujettir durablement au détriment de l'autre ne semblent en mesure de faire basculer de façon décisive le rapport de forces entre les USA et l'URSS. La rivalité incessante pour le contrôle de ces vastes régions du monde a davantage pour but d'affaiblir l'autre, de le priver de réserves importantes et de points d'appui militaires. ..... Stratégiquement, c'est le contrôle de l'Europe occidentale qui constitue l'enjeu décisif. L'ensemble des pays ouest-européens représente en effet un potentiel économique, technologique et humain qui peut se comparer sous plusieurs aspects à celui des États-Unis. Or les USA, même s'ils n'y exercent plus une tutelle comparable à celle de l'immédiat après-guerre, continuent à y être rattachés par mille liens, à y disposer d'énormes intérêts. En tant que marché et que zone d'investissements l'Europe occidentale occupe pour eux une place privilégiée, et s'imbrique étroitement dans leur système économique. D'autre part, de par sa position géographique l'Europe est une sorte d'avant-poste, de l'autre côté de l'Atlantique, articulé sur l'Afrique et le Proche Orient, en contact direct -avec l'empire soviétique. ..... Assurément, pour l'URSS, la mainmise sur l'Europe Occidentale représenterait un atout décisif par rapport aux États-Unis qui ferait basculer sans conteste en sa faveur le rapport de forces. ..... C'est pourquoi nulle part ailleurs dans le
monde il n'y a une telle concentration des forces, un tel
face à face des dispositifs militaires des deux
superpuissances. Leurs affrontements dans le reste du monde,
au Moyen Orient et en Afrique par exemple entrent souvent
dans la perspective de préparer à terme les
conditions de la bataille décisive à engager
en Europe. Depuis plusieurs années, l'offensive
systématique du social-impérialisme en Afrique
utilise sans doute tous les facteurs d'instabilité
propres à ce continent, mais s'inscrit en même
temps dans une logique: de la Mer Rouge à la Corne de
l' Afrique en passant par le Zaïre, l'Angola et
d'autres pays de la côte Ouest, il s'agit bien,
délibérément, de menacer des voies et
des sources d'approvisionnement en pétrole et autres
matières premières dont les économies
impérialistes ouest-européennes se sont
rendues dépendantes pour une bonne
part. ..... Ainsi les impérialismes de second rang essentiellement les pays ouest-européens, le Japon et aussi quelques autres comme l'Australie ou le Canada se trouvent dans une situation particulière: d'une part, en tant qu'impérialismes ils maintiennent des rapports d'oppression et d'exploitation avec des pays du Tiers Monde, mais d'autre part, ils sont en butte aux vexations et pressions des deux puissances hégémonistes qui menacent, à terme, leur existence autonome elle-même. ..... Les contradictions qui se sont
révélées entre impérialismes
ouest-européens et États-Unis sur la
conception de la défense de l'Europe sont
significatives à cet égard : la RFA, par
exemple, s'inquiète des scénarios de guerre
US, selon lesquels toute une partie de son territoire serait
"sacrifiée" en cas d'attaque soviétique.
Quoique liés (sauf la France) aux USA par un pacte
militaire, les pays européens ne forment pas un
véritable bloc avec les USA: pour eux, le
déclenchement d'une guerre mondiale aurait toutes
chances de les transformer en champ de bataille. C'est leur
existence même qui serait mise en jeu et leur
assujettissement à l'une ou l'autre superpuissance
qui serait posé. Pour les USA et l'URSS au contraire,
ils auraient sans doute les moyens de protéger leurs
territoires nationaux respectifs: l'Europe ne constituerait
pour eux qu'un champ de bataille et, éventuellement,
un objet de tractations, dans le cadre d'un "arrangement"
global, selon les résultats de la
guerre. ..... Ce partage du monde en trois est la résultante actuelle du développement des contradictions fondamentales, de la lutte des classes au plan international. ..... La constitution du tiers monde en force politique, les progrès qui ont pu être accomplis dans son unité face à l'impérialisme et au social-impérialisme proviennent avant tout de plus de trente années de lutte menée par les peuples de ces pays contre le colonialisme, la domination impérialiste, pour leur indépendance nationale. Et c'est la volonté de ces peuples d'être véritablement maîtres de leur propre destin qui continue à constituer le moteur du mouvement historique du tiers monde et à entraîner leur pays dans leur opposition à l'impérialisme et à l'hégémonisme. La victoire de la révolution chinoise, et l'édification de la Chine socialiste ont joué et jouent un rôle important pour favoriser et consolider l'unité politique des pays du tiers monde, dont elle fait partie. ..... En revanche, la transformation de l'Union Soviétique, premier État socialiste, en un capitalisme d'État -ce qui représente une défaite pour le prolétariat -a eu pour conséquence, comme on l'a vu, de bouleverser les données de la situation internationale et de faire surgir un nouvel impérialisme, seul capable de rivaliser avec les USA pour l'hégémonie mondiale. ..... D'un autre côté, la relative stagnation du mouvement ouvrier, après la seconde guerre et sous l'influence notamment du révisionnisme moderne, a permis aux impérialismes européens de subsister et, pendant un temps, d'accroître sensiblement leur potentiel économique. ..... Or si l'on examine les rapports de force au niveau mondial qui se sont ainsi constitués, il apparaît nettement, du point de vue du prolétariat révolutionnaire, que le premier monde, les deux superpuissances constituent l'ennemi principal des peuples, les plus grands oppresseurs et exploiteurs et les principaux fauteurs de guerre. Elles forment l'obstacle et la menace la plus lourde pour le prolétariat et les peuples en lutte pour leur émancipation, l'URSS étant la superpuissance la plus dangereuse et la plus agressive des deux. ..... En menant la lutte, dans chaque pays, contre ses ennemis de classe, pour la transformation révolutionnaire de la société, la classe ouvrière de chaque pays inscrit nécessairement son combat particulier dans l'affrontement de l'ensemble du prolétariat, dans le monde, à l'époque de l'impérialisme et de la révolution prolétarienne, pour l'émancipation de l'humanité et selon les données de l'évolution des contradictions fondamentales, fait converger, au plan international, ses coups contre ses ennemis principaux, pour les isoler et pour les abattre. Il en a été ainsi notamment durant la Seconde Guerre Mondiale où le prolétariat révolutionnaire et l'URSS socialiste ont eu pour tâche de se porter à l'avant-garde de la lutte contre les puissances fascistes et d'unir tout ce qui pouvait être uni pour les vaincre. ..... Aujourd'hui, pour isoler et combattre l'ennemi principal des peuples, les deux superpuissances, les pays socialistes et le prolétariat international doivent donc se placer à la pointe du combat. Ils constituent la force la plus clairvoyante et la plus conséquente. Mais il est extrêmement important qu'ils unissent dans ce combat tout ce qui peut être uni et que se constitue ainsi un front uni mondial de toutes les forces qui peuvent s'opposer, à des degrés divers, à l'hégémonisme des deux superpuissances. ..... Les peuples et les pays du tiers monde représentent la grande majorité de la population du globe. Les peuples de ces pays ont pour la plupart déjà mené (et pour certains mènent encore) de grandes luttes contre le colonialisme et y ont acquis une expérience et une détermination considérablement renforcées à combattre l'impérialisme et en particulier l'hégémonisme. Ils se sont dotés de moyens nouveaux : de nombreux pays, ayant conquis leur indépendance et éliminé, à des degrés divers, les séquelles du colonialisme, ont créé leur propre armée. ..... Aujourd'hui, la plupart de ces pays dont l'impérialisme a dû reconnaître l'indépendance, ne peuvent en rester là, ils sont confrontés à la nécessité de conquérir pleinement leur indépendance, au plan politique et économique. C'est une tâche de longue haleine, où ils se heurteront durant toute une période aux positions de monopole économique, aux moyens multiformes d'intervention, de subversion, d'agression et de chantage militaire qu'utilisent contre eux l'impérialisme et, en premier lieu, les deux super- puissances. ..... Déjà cet affrontement au plan mondial est engagé et alors que les peuples ont montré qu'ils osaient se dresser contre un pays plus fort et vaincre, les pays du tiers monde ont commencé à remporter d'incontestables succès pour s'unir, dans différents domaines, face à l'impérialisme et à l'hégémonisme et se constituer en une force politique au plan mondial qui joue un rôle grandissant. ..... L'impérialisme et, d'abord les deux superpuissances ne peuvent renoncer d'eux-mêmes aux rapports d'oppression et de pillage qu'ils continuent à imposer aux peuples et pays du tiers monde: pendant une longue période, ces peuples et pays devront poursuivre une lutte acharnée et mener des guerres pour assurer leur indépendance, leur existence et leur développement. Cette lutte portera inévitablement des coups d'autant plus durs aux puissances impérialistes et notamment aux superpuissances qu'elles ne sont pas capables d'assurer un contrôle rigoureux sur d'aussi vastes régions du globe et y rivalisent constamment. ..... Si on les rapporte au degré de
développement du mouvement révolutionnaire du
prolétariat dans la plupart des pays
développés et dans son ensemble, tous ces
facteurs font que les peuples et les pays du tiers monde
constituent, pour des années, la principale des
forces opposées à l'impérialisme et
à l'hégémonisme. ..... Les peuples du second monde et du premier monde
participent également, sous des formes variées
et à des degrés divers à la lutte
contre les deux superpuissances. ..... Ainsi les forces qui s'opposent ou qui sont susceptibles de s'opposer à l'hégémonisme ont un poids inégal et des caractères de classe différents, voire antagonistes. Est-ce pour autant qu'il faudrait renoncer à encourager, faire converger et unir leurs efforts pour isoler l'ennemi principal ? S'y refuser serait méconnaître complètement la nécessité pour le prolétariat international dans sa lutte révolutionnaire, de nouer les alliances les plus larges pour concentrer, à chaque étape, les coups contre l'ennemi principal, Il s'agit au plan mondial de rapprocher ces forces en un front contre l'hégémonisme, non pas sur la base d'une nature commune qui n'existe pas, mais sur la base de leur intérêt commun, à combattre les deux superpuissances. ..... Ces forces sont traversées de contradictions évidentes: entre les peuples du tiers monde et la plupart de leurs régimes, le plus souvent dictatoriaux, entre les peuples et pays du Tiers Monde et les pays du second monde, entre les peuples du second monde et leurs bourgeoisies. Ces contradictions subsistent et se développent. La nécessité de rassembler le front uni mondial anti-hégémonique n'implique pas du tout qu'on s'efforcerait de les atténuer. Au contraire tout succès remporté par le prolétariat et le peuple dans chaque pays du tiers monde ou du second monde renforce d'autant la possibilité de consolider le front uni. Inversement, tout progrès dans la constitution de ce front uni au plan mondial en éloignant notamment les dangers de guerre, crée des conditions plus favorables au développement de la lutte révolutionnaire des peuples. ..... Les forces qui peuvent constituer ce front uni, pèsent d'autre part, d'un poids inégal: alors que le prolétariat et les peuples sont portés, de par leurs intérêts de classe, à s'opposer résolument à l'impérialisme et aux superpuissances, il n'en va pas de même des bourgeoisies dirigeantes des pays du Tiers monde pour autant qu'elles exploitent et oppriment leurs propres peuples et continuent à être plus ou moins dépendantes de puissances impérialistes. Il n'en va surtout pas de même des pays du second monde : parce qu'ils exploitent eux-mêmes leur propre peuple, et qu'ils étendent leur domination sur des pays et peuples du tiers monde, ils sont particulièrement hésitants, velléitaires et inconséquents dans leurs oppositions aux deux superpuissances qui semblent, malgré tout, garantir la perpétuation du système d'exploitation impérialiste. ..... Le front uni mondial anti-hégémonique n'est pas constitué comme réalité organique: son rassemblement résulte des bouleversements qui se sont opérés dans la situation mondiale, des grands courants qui s'y manifestent. Pour les communistes et le prolétariat, elle implique une claire conscience du rapport des forces: ils ont à déterminer, dans chaque pays, le chemin de la révolution, mais ils ne sauraient le faire indépendamment de la situation mondiale. |
çvoir article précédent du FR n°2 |
|