Mobilisation pour le
Tribunal Populaire
Reportage de Jean Paul
Gay
déclaration d'un mineur de
la fosse 4 pour tous ses camarades, pour tous les mineurs
qui lisent FRONT ROUGE
" Maintenant les Houillères ont
peur. Ça faisait longtemps qu'on n'avait pas vu
ça. Les Houillères ont peur : la preuve c'est
qu'ils n'arrête pas de mettre des staffanels et c'est
tous des neufs. Avant, sûrement ce qu'ils faisaient,
ils devaient prendre des anciens et les replacer ailleurs,
ou bien, ils n'en changeaient pas.
Maintenant, en plus, ils mettent 2
gaziers là où, il n'y en avait plus qu'un. Ils
n'hésitent plus à payer 2
gaziers.
Tout ça, c'est
parce que nous avons publiquement dénoncé, aux
réunions de la Commission Populaire d'Enquête,
le manque de sécurité dans la
mine.
A chaque fois qu'il y a eu
une catastrophe, au bout de quelques temps, on n'en parlait
plus.
Maintenant c'est plus
pareil, ça fait plus de 2 mois que la Commission
Populaire d'Enquête travaille.
Il y aura du monde au
Tribunal Populaire, des gars du 3 de Lens, du 2, du 7, qui
sont prêts à témoigner… Il n'y aura pas
seulement des mineurs. Un ouvrier c'est un ouvrier. Dans le
bâtiment ou ailleurs, il y a aussi beaucoup d'ouvriers
tués ou blessés. Le manque de
sécurité imposé par la bourgeoisie,
ça concerne toute la classe
ouvrière.
Beaucoup de mineurs sont
écœurés, ils ne croient plus à rien. Ce
qu'il faut bien comprendre, c'est que l'Enquête
Populaire ce n'est pas pour vendre des cartes, c'est pour
nous aider, c'est pour que nous nous défendions nous
mêmes tous ensemble.
Pour les
Houillères, la catastrophe de Liévin, comme
les autres, ce sera peut être fini. Mais pas pour
nous. Car pour nous, la lutte continue contre l'absence de
sécurité et contre toute l'exploitation que
nous font subir les Houillères, qui est la cause des
accidents et de la vie si dure que nous
menons.
La lutte ne doit pas
s'arrêter le jour du Tribunal. Le Tribunal Populaire
ne sera pas sans lendemain. Au contraire, il doit nous aider
à être plus forts, plus solidaires les uns des
autres pour organiser la lutte.
II faut former des
cellules avec le Parti Communiste Révolutionnaire
pour nous défendre nous mêmes. Après le
22 mars, il y aura des cellules et la lutte continuera. On
sera là et on répondra présent. Les
Houillères vont vouloir nous briser, nous disperser.
Dans mon équipe ils ont commencé, et dans pas
longtemps, c'est à eux que ça va faire du
tort.
On se connaissait tous; en
nous dispersant, en nous mettant ailleurs, on pourra
connaître d'autres camarades que nous ne connaissions
pas auparavant et organiser la lutte avec
eux".
comment se déroulera
le Tribunal Populaire
(décisions adoptées par la
5ème réunion de la Commission Populaire)
w le Tribunal
Populaire se tiendra le 22 mars.
w Le matin, un
colloque sur la sécurité se déroulera
avec les travailleurs des différentes branches :
bâtiment, textile, sidérurgie; etc... des cars
venant de Grenoble, de Lyon, de Paris, de l'Est…
w
L'après-midi, le Tribunal présidé
notamment par les mineurs de la Commission Populaire
d'Enquête fera le procès des Houillères,
sur la base des travaux de la Commission.
Face à un camarade reprenant les
diverses déclarations des Houillères, les
mineurs représentant l'accusation répondront
point par point en partant de leur expérience. Des
témoins tels que des ingénieurs progressistes
donneront leur point de vue.
Les mineurs dans la salle qui voudront
apporter leurs témoignages auront la
parole.
Puis viendra le verdict, et une
intervention d'ensemble sur la politique des
Houillères.
w Enfin
prendront la parole: les comités de soutien (qui
auront aussi des stands dans le hall), des travailleurs
présents de différentes branches.
La motion de soutien, les vignettes,
seront le support matériel avec lequel les mineurs
vont mobiliser d'ici le Tribunal, dans ce but.
QUE LE TRIBUNAL SOIT REELLEMENT L'AFFAIRE
DES MINEURS !
"Liévin, Bruay: réunions
contre la silicose et la politique des
Houillères
Samedi en fin d'après-midi, à
Liévin s'est tenue une réunion à
l'initiative du journal "Libération". La Commission
Populaire d'Enquête appelait à y
participer.
Après la projection du film sur le
Tribunal Populaire de Lens en 1971, un débat s'est
engagé, où les mineurs présents ont
dénoncé l'absence de sécurité
dans les mines à cause de la politique de profit
capitaliste, un délégué mineur de la
CFDT a rappelé qu'il y a 2 ans, à
Liévin, un ingénieur du groupe avait fait une
conférence sur le thème: "aujourd'hui nous
avons les moyens de maîtriser totalement le
grisou".
Les mineurs présents ont discuté de
la lutte à mener contre la silicose. L'idée de
constituer un cabinet de contre-expertises avec des
médecins se mettant au service des mineurs pour faire
reconnaître le taux réel de silicose, tout en
préparant une bataille d'ensemble, a
été lancée.
Les mineurs, les membres de la Commission
Populaire d'Enquête, les médecins
présents, ont insisté sur l'unité des
mineurs à réaliser pendant la lutte. Le
lendemain à Bruay, une réunion
organisée par des mineurs et d'anciens mineurs,
à "la maison pour tous", a commencé à
concrétiser l'idée d'organisation pour la
lutte contre la silicose.
Après qu'aient été
dénoncés non seulement la silicose mais le
traficage de ces taux, et aussi tout le système
médical des Houillères qui pèse
fortement sur les médecins des mines, notamment ceux
qui n'admettent pas d'envoyer quotidiennement des mineurs
à la mort, la décision a été
prise de créer une sorte d'"association de
défense des silicosés", organisant les
contre-expertises, et préparant une mobilisation de
masse, afin de faire reculer les Houillères sur ce
problème.
La mobilisation des mineurs ne pourra
qu'encourager les médecins à se mettre
à leur service. La Commission Populaire
d'Enquête soutient de telles
initiatives.
réunion de
la commission populaire d'enquête
Samedi a eu lieu la dernière
réunion publique de la Commission Populaire
d'Enquête sur la " catastrophe" de Liévin,
avant le Tribunal Populaire. Dans le cadre de la
préparation de ce Tribunal, les témoignages
sur la silicose ont occupé une place importante lors
de la réunion de la Commission. Dans les autres
réunions qui se sont déroulées à
Liévin et à Bruay, que soutenait la Commission
Populaire, la dénonciation de la silicose et de la
médecine des mines, a là aussi tenu une place
importante.
Des préoccupations communes
étaient présentes dans ces réunions:
faire appel à des médecins progressistes pour
avoir du matériel scientifique, servant à
rétablir les vrais taux de la maladie
(répondant à cette attente, des
médecins du Groupe Information Santé
étaient venus enquêter auprès des
mineurs en participant aux différentes
réunions), et préparer les luttes d'ensemble
contre la silicose dépassant les seules batailles sur
les cas individuels, auxquelles s'en tiennent les directions
syndicales.
La silicose qui tue 3 mineurs
par jour, ne fait que s'aggraver avec le renforcement de
l'exploitation capitaliste dans les fosses. Comme
l'illustrait à Bruay le témoignage d'un jeune
parlant d'un camarade silicosé à 20 ans, la
maladie frappe de plus en plus tôt: avec les nouvelles
machines, la poussière est plus fine, elle
pénètre davantage et plus rapidement dans les
poumons. Avec la relance partielle et la difficulté
pour les Houillères de trouver des jeunes pour
l'embauche, la médecine des Houillères est
encore plus réticente pour la reconnaissance de taux
de silicose, de façon à empêcher les
retraites anticipées, et user les vieux mineurs
jusqu'à la dernière extrémité.
Comme le montreront les témoignages au Tribunal
Populaire, ce n'est donc pas la mine mais l'exploitation
capitaliste qui est responsable de la silicose et de ses
ravages. Nous reviendrons prochainement sur la nature, sur
l'évolution et les causes exactes de cette maladie
dans le cadre du système d'exploitation
capitaliste.
"Mon beau-père est mineur, au 7 d'Avion, il est
silicosé, mon grand-père a fait 8 ans de
bowette. La réunion, c'était bien. Quand j'ai
entendu réagir les mineurs, quand je les ai entendu
parler aussi franchement aujourd'hui, j'ai été
étonné. Je croyais que les mineurs faisaient
leur boulot et c'est tout, j'en avais connu qui avaient
cette mentalité".
Il a un peu plus de 20 ans, il est fondeur,
à Usinor Dunkerque, il fait exactement le même
travail que Jean-Claude Delaleau, tué en 1974
à cause du manque de sécurité en
changeant les tuyères d'un haut-fourneau. Il est venu
avec des camarades participer à la 5ème
réunion de la Commission Populaire d'Enquête de
Liévin. Ce samedi à Liévin, dans la
salle pleine du café où se tenait la
réunion, il a vu comment, face aux Houillères
qui veulent les empêcher de réagir aujourd'hui,
les mineurs osent prendre la parole avec la Commission
Populaire, il a vu comment les mineurs veulent s'unir avec
les autres travailleurs, rejetant l'isolement dans lequel la
bourgeoisie voudrait les maintenir. Au début de la
réunion, vivant témoignage des liens qui se
nouent à travers la France avec les mineurs, on lit
d'abord le courrier reçu par la Commission Populaire
d'Enquête depuis la dernière réunion :
messages de soutien de mineurs et d'anciens mineurs du
bassin Lorrain, de la section CFDT de l'Hôpital
Raymond Poincarré, de Garches (région
Parisienne), de la section CFDT de la Nouvelle
Société d'imprimerie CHAIX (ex
néo-gravure) qui envoie un dossier sur la
santé dans l'imprimerie notamment sur les maladies du
plomb. Messages de cheminots de l'Ain, de
délégués du bâtiment et
d'ouvriers du textile rassemblés dans le
Comité de Soutien de Roanne, des mineurs de May sur
Orne (Calvados).
Un rapport est présenté sur
l'enquête menée par la commission. II remarque
d'abord qu'au sujet de la "catastrophe" du 27
décembre, la presse ne parle plus guère que de
la récente découverte faite au cours d'une
autopsie, à la demande du Juge Pascal : du
méthane dans le sang des mineurs.
Alors un mineur (il est âgé de
50 ans, il a 45% de silicose) prend la parole : "il y a
une chose qui est certaine, c'est que les Houillères
ont toujours cherché à trouver un autre nom
que la silicose. Maintenant c'est le méthane, demain
qu'est ce que ça sera, n'importe quoi, sauf la
silicose. Tous les mots sont bons pourvu qu'on
s'éloigne de la silicose".
Finalement on se met d'accord pour dire : il
y a la silicose que les Houillères cherchent par tous
les moyens à camoufler, et il y a peut-être
quelque chose en plus : du méthane qui se fixerait
sur le sang. Mais ce dernier point reste à
établir. Le rapporteur rappelle comment travaille la
Commission : en s'appuyant sur des centaines de
témoignages de mineurs. Il y a aussi des
ingénieurs des mines, certains experts qui se mettent
au service des mineurs, qui sont venus à la
réunion.
On évoque les difficultés des
mineurs qui ne veulent pas répondre parce qu'ils
voudraient oublier la tuerie au fond de la mine ou parce
qu'il y a les pressions des Houillères.
"Déjà dit le rapport, la
mobilisation des mineurs a obligé les
Houillères à renforcer un peu partout la
sécurité, par exemple les tournées de
gaziers se font maintenant à deux, on remet des
staffanels partout, on arrose".
" Comment se fait-il qu'à cette
heure, ils rentrent des camions de blanc ? " note un
mineur qui n'attend pas la réponse.
" Et les camions complets de toiles
d'aérage qu'on a vu défiler ? " "Mais
il ne faut pas en rester là, conclut le rapport, il
faut continuer à nous mobiliser pour faire la
vérité au Tribunal Populaire".
Pour que la vérité soit faite
à ce Tribunal, sur tous ces aspects de
l'exploitation, les mineurs à la réunion de
samedi ont débattu de la silicose. Une discussion
où à chaque instant, les mineurs se levant ont
dit leur haine contre les Houillères, contre la
médecine des mines, qui les envoient à la
mort. Lorsqu'en introduisant la discussion, un camarade
annonce : il y a des médecins dans la salle (ce sont
des médecins du Groupe Information Santé,
G.I.S., qui se mettent au service des mineurs),
Gérard, mineur silicosé, déclare sous
les rires approbateurs de l'assistance : "bienheureux de
vous voir !" C'est sur le ton : on a de sacrés
comptes à régler avec la médecine.
"On va pouvoir discuter parce qu'il ne faut pas
mâcher ses mots", dit-il, "les médecins
actuels, par ici, c'est des assassins ! ". Toute
l'assistance applaudit vivement à ce
réquisitoire contre la médecine
bourgeoise.
Au fond une femme, veuve de mineur, se
lève : "je peux parler ? ". Elle se rapproche,
elle explique son cas, celui de milliers d'autres ; son
mari, reconnu silicosé à 100% à
l'hôpital de Lille avant sa mort, est
déclaré mort d'un cancer du foie par la
médecine des Houillères. "J'ai
été au tribunal, comme j'avais perdu mon mari,
j'avais beaucoup de peine, je suis partie chez mes
enfants". On a classé son dossier tout ça
pour ne pas payer de pension : "je n'ai jamais
touché un sou".
Les taux de silicose sont
systématiquement camouflés : "mon
père, pendant 12 ans, ils l'on traîné
avec un "minimum douteux)" (!), sans être reconnu.
Après, on l'a reconnu à 40%, 50%, et
après il est mort", déclare un ancien
mineur de Bruay.
Avec les médecins du G.I.S. qui sont
présents, on aborde la possibilité de
réaliser des contre-expertises, qui
reconnaîtraient le taux réel de silicose des
mineurs, et mettraient donc en cause la médecine des
Houillères. Mobilisation des mineurs pour faire
reconnaître le taux, pour lutter contre la
poussière qui engendre la silicose, pour des
investissements dans la recherche, afin que la silicose ne
soit plus une maladie inguérissable. C'est cet
objectif de mobilisation que la Commission a fixé. La
discussion sur la silicose était une contribution
à la préparation du Tribunal Populaire. Sur la
réalisation de ce Tribunal, on a longuement
discuté. Une motion de "soutien aux mineurs qui
témoignent au Tribunal Populaire de
Liévin" est lue, Elle sera signée
massivement à la porte des fosses, dans les corons.
"Nous nous déclarons solidaires avec ceux de nos
camarades qui parleront au Tribunal Populaire et mettront en
accusation les Houillères. Nous ne tolérerons
aucun geste de répression à leur égard.
Nous nous tenons à leurs côtés pour les
soutenir" , dit notamment la motion.
Les mineurs présents sont d'accord.
Ils sont d'accord pour témoigner, pour lutter. Ils
discutent de la façon de faire signer, de ce qu'il
faut faire pour amener des camarades au Tribunal Populaire.
Les
déplacements n'empêcheront pas la
mobilisation
"Après la "catastrophe", ils m'ont
mis au 4, j'ai rassemblé des camarades, ils sont
d'accord, ils vont venir" explique un mineur "J'avais une
"grande gueule", ils m'ont envoyé au 5, au 5, j'ai
trouvé de nouveaux camarades, ils sont d'accord avec
moi, ils vont venir au Tribunal Populaire ".
Ni l'attitude des directions syndicales et de certains
délégués.
Un camarade rappelle que "les mineurs
syndiqués doivent se battre pour que les syndicats
soutiennent l'initiative du Tribunal Populaire".
Il faut mobiliser tout le monde.
"Il y a les retraités. Vous avez
des corons où il y a 8 retraités sur 10, il
faut faire du porte à porte" "moi, je
réside à Angres, je vais passer dans les
maisons".
Et les femmes: "Dans les cités, les femmes
sont aussi bien concernées que les hommes",
souligne un mineur, "c'est l'affaire des femmes comme des
hommes" ajoute un autre.
Pour la mobilisation, de petites vignettes de soutien
seront vendues dans les corons et sur le plan national, un
appel des mineurs de la Commission Populaire d'Enquête
lancé pour tous ceux du Nord Pas de-Calais et des
autres bassins, diffusé largement.
La discussion se clôt par un vote
unanime pour la réalisation du Tribunal
Populaire.
Les travailleurs qui étaient venus
à l'extérieur ont confiance dans le
succès du Tribunal. A la fin, ils nous l'ont dit :
telle cette ouvrière de la confection de
Béthune, payée au SMIC, qui assiste pour la
première fois à une réunion de la
commission : "Dans mon entreprise, j'espère que la
mobilisation va marcher" nous dit elle.
"Cela intéresse beaucoup de
gars" nous dit le jeune fondeur d'Usinor. Bien
qu'étant à l'armée, il va contacter des
camarades de travail.
"A l'usine ou à l'armée
dit-il il y a la même hiérarchie. Les
accidents, c'est pareil. Dans mon unité dans le Nord,
le commandant en second s'est adressé à nous,
en parlant des mineurs et des ouvriers du Nord qui, a-t-il
déclaré, avec le travail dur, ont eu
déjà une bonne discipline ! "
Des jeunes de la région, au
chômage, certains avec CAP nous disent : "on a bien
parlé des mines, mais pas assez du reste: le
bâtiment..."
le Tribunal Populaire leur donnera la parole.
Jean-Paul GAY
Pour le voyage à
Liévin
Les lecteurs de Front Rouge qui désirent
participer au Tribunal Populaire de Liévin peuvent
nous écrire. Nous leur signalerons s'il existe au
départ de leur ville des départs collectifs
organisés par les Comités de Soutien locaux.
Dans ce cas écrire rapidement.
Nous rappelons que le Tribunal Populaire aura lieu le 22
mars
DANS LES AUTRES VILLES
à St Florent
Le Tribunal Populaire de Liévin fait partie de
la lutte des mineurs du Nord contre la politique de
liquidation des Houillères. Dans toute la France, les
mineurs affrontent cette même politique comme en
témoigne cette interview que nous avons reçue
de notre correspondant de Montpellier, sur la
résistance des mineurs à la fermeture du
bassin d'Alès.
FR : Est-ce que tu peux nous
expliquer pourquoi on ferme le puits de St Florent
?
R : C'est dû à la volonté du patronat
de liquider tout le secteur minier de la région. Par
exemple le groupe Nord doit passer au privé. Pour St
Florent on croit savoir que le puits sera racheté par
Alsthom. Pour le carreau Molières, même chose,
avec l'installation d'une usine de cartonnage. Aucune raison
ne justifie cette liquidation. Par exemple à St
Florent, on n'a exploité que 20% du charbon. Il reste
encore 80% des réserves.
Le mineur nous explique que depuis la
fermeture de St Florent, cela signifie des conditions de
travail bien plus difficiles dans les autres puits. A la
Grande Combe, ils travaillent encore au marteau et à
Ricard, pour descendre au fond, même avec l'ascenseur,
ils doivent descendre 800 marches. Quand il faut remonter,
après 8 h de travail épuisant, le poids des
années et la silicose en plus... Et si la
journée du mineur s'arrêtait à 8 h de
travail ! Mais certains sont obligés de faire 4 h de
voyage par jour. Cela fait des journées de 12 h. Et
tout ça pour un salaire misérable. Moi,
après 30 ans de mine, je gagne 1.300 F par mois !
Bien sûr on a quelques avantages en nature mais ce
n'est rien à côté de ce que gagnent
cadres et ingénieurs : l'échelle des salaires
va de 1 à 40.
F R : Quelles sont vos conditions
de vie ?
R : Très dures. On est obligé tous les 15
jours, de descendre à Alès pour faire un grand
marché, et avec ce qu'on gagne, comment veux-tu qu'on
vive décemment ? Même avec un petit jardin,
quelques poules et quelques lapins, qui permettent de se
nourrir un peu mieux. Avec ma femme, nous ne sommes jamais
allés au cinéma, ni même au restaurant.
Pour les vacances c'est la même chose. Les 3/4 des
mineurs restent ici pendant leurs vacances. Je peux te
parler aussi de la silicose, parce que je suis
moi-même silicosé : la silicose, presque tous
les mineurs du fond en sont atteints. La médecine du
travail. Le collège de médecins de Montpellier
est réputé dans la région : 31% des
mineurs atteints de silicose ne sont pas reconnus comme
silicosés, et ne sont donc pas indemnisés. Les
médecins ont fait paraître un texte où
ils traitaient pratiquement ces 31% de mineurs "de
plaisantins".
F R : Comment vois-tu l'avenir
?
R : II va falloir se battre durement pour la
réouverture du puits de St Florent et pour le
maintien en activité des autres puits. En effet, si
la production minière disparaît, c'est toute la
région qui sera touchée. Depuis quelques
années, la fermeture des puits, la réduction
de la production, le départ des milliers de mineurs
ont accentué l'agonie de notre région. Le CEG
des Martinets est condamné. On a déjà
supprimé des classes l'an dernier. Les villages de
mineurs deviennent des villages de vieillards. Si nous ne
voulons pas voir mourir notre vallée, il faudra
lutter : mais je pense qu'il faudra lutter
différemment. L'exemple de Lip a été
révélateur. Pourquoi n'envisagerions-nous pas
pendant une grève de prendre connaissances des livres
de compte et des projets patronaux ? Et on peut très
bien imaginer les mineurs vendant eux-mêmes leur
production. Je crois que la forme des luttes peut
évoluer et doit évoluer.
(recueilli par notre correspondant de
Montpellier)
à Roanne
Le Comité de Soutien aux mineurs de
Liévin a tenu une réunion publique le 21
Février. Cette réunion a rassemblé une
quarantaine de personnes, dont de nombreux ouvriers, des
lycéens... Les membres du Comité ont fait
plusieurs interventions. Sur les conditions de vie et de
travail à Liévin et sur " l'accident", sur la
politique énergétique de l'impérialisme
français. Sur les accidents de travail, à
Usinor, à Fos. pour montrer que Liévin n'est
pas un fait isolé. Sur les accidents à Roanne,
dénonçant les conditions de travail dans le
bâtiment. Les travailleurs présents ont
apporté leurs témoignages: sur l'usine
Béker (usine de siège), sur la Bonneterie,
où l'on emploie des produits de nettoyage dangereux,
comme l'éther et le trichloréthylène,
où les cadences et le rendement sont
élevés. Dénonciation de la santé
en système capitaliste, solidarité des
travailleurs de la Santé., Une douzaine de
lycéens ont apporté leur soutien au cours du
débat sur le Tribunal Populaire, et sur les
tâches immédiates du Comité de Soutien,
nous avons décidé de créer une
commission sur les problèmes des femmes et la
santé (Bonneterie, Hôpitaux).
Une motion de soutien à fa Commission
Populaire d'Enquête de Liévin et au Tribunal
Populaire, dans laquelle nous nous engageons à
dénoncer sur Roanne et sa région les accidents
du travail, les manquements à la
sécurité..., a été
adoptée à l'unanimité. Elle sera
proposée à diverses organisations (Joc, CFDT,
Paysans Travailleurs...). Près de 100 signatures ont
à ce jour été collectées pour la
pétition.
Corres.
Roanne.
à St Etienne
Cette semaine, les élèves du CET Etienne
Mimard se sont mis en grève après un grave
accident à l'atelier. Ils ont crée un
comité pour la sécurité dans les
ateliers. Un élève de 2° année de
BEP a reçu une décharge électrique,
alors qu'il travaillait sur une rectifieuse surfaceuse, II
n'a eu la vie sauve que grâce au réflexe d'un
de ses camarades qui s'est précipité sur lui
pour lui retirer les mains qui restaient crochetées
à la machine. Cause de l'accident : aucune machine du
CET ne bénéficie de mise à la terre qui
est pourtant obligatoire. Le but de cette lutte est
d'obtenir des conditions de sécurité à
l'atelier dans les plus brefs délais. Les
élèves ont organisé une journée
portes ouvertes dans les ateliers, qui a permis de constater
que dans tous les domaines, notamment celui de la
sécurité, le CET est bien la
préparation à l'exploitation de l'usine:
installations électriques vétustes sans mise
à la terre, pas d'espace entre les machines (75 cm
entre chaque tour), machines non fixées au sol,
très vieilles machines, dont certaines ont plus de
100 ans. Le comité pour la sécurité du
CET Etienne Mimard a déjà obtenu une
première victoire: la réfection de
l'installation électrique commencera cette semaine.
Et à travers cette lutte ils commencent à
remettre en cause, à partir de la question de la
sécurité, ce que sera l'exploitation
capitaliste pour eux, la manière dont les patrons les
traiteront. La perspective du Tribunal Populaire a
reçu un accueil favorable auprès des
élèves, qui voient ainsi comment leur lutte au
CET s'intègre dans la lutte d'ensemble de la classe
ouvrière contre le capitalisme.
Corr St Etienne.
contre les accidents du
travail, un livre militant à lire
"LE SANG OUVRIER" de Gilbert MURY (éditions
du CERF)
"Les accidents du travail
écrivent en lettres de sang ce qu'est
véritablement le système capitaliste"; Au
moment où le Tribunal Populaire de Liévin se
propose de faire le procès de notre
société capitaliste qui assassine et mutile
chaque année des millions de travailleurs, le livre
du camarade Gilbert Mury est partie prenante du
réquisitoire. "Un ouvrier a en moyenne une chance sur
cinq d'être blessé chaque année".
Contrairement à la propagande bourgeoise sur
l'amélioration du sort des ouvriers, le nombre
d'accidents augmente, et parmi eux la proportion d'accidents
graves: entre 60 et 70 il y a eu 10% d'accidents en plus.
Dans les trois années 69-70-71, la moyenne des
accidents mortels est supérieure de 20% à
celle des années 58-59-60. Mais Gilbert Mury ne se
contente pas d'aligner les chiffres
révélateurs, l'intérêt essentiel
de son ouvrage tient dans la démonstration rigoureuse
qu'il fait des causes des accidents du travail.
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce n'est
pas sur les machines qu'il y a le plus d'accidents. La
machine n'agit le plus souvent qu'indirectement, la cause
essentielle des accidents du travail réside dans la
fatigue industrielle: 60,7% des accidents ont lieu sans
machine, au cours de déplacements dans l'usine, de
manutentions,... "La machine ne blesse et ne tue que dans un
nombre limité de cas. Mais elle engendre la "fatigue
industrielle" qui abolit tous les moyens de défense
contre les agressions du monde
extérieur".
Abruti par les cadences,
par la répétition des heures durant des
mêmes gestes, l'ouvrier devient incapable de
"s'adapter à une situation nouvelle, de se
régler sur la réalité du monde
extérieur plutôt que sur les sensations du
corps lui-même ou sur les habitudes qu'il a acquises
".
C'est la "fatigue
industrielle" qui est cause de tous ces accidents
apparemment stupides, qu'un ouvrier reposé, en
possession de toutes ses facultés éviterait
aisément. C'est parce qu'il est fatigué, que
l'ouvrier ne verra pas la poutrelle ou la caisse sur son
chemin.
En démontrant que
les accidents du travail sont liés à la
fatigue industrielle et à ces autres fatigues que
sont les transports interminables, Ia vie dans des
cités bruyantes... Gilbert Mury démontre en
même temps la totale responsabilité du
capitalisme dans sa course au profit maximum. La conclusion
qui s'impose, c'est que la suppression des accidents du
travail ne peut passer que par la suppression de sa cause:
l'exploitation capitaliste. Riche en témoignages
vivants aussi bien qu'en données chiffrées, ce
livre court et précis, fournira aux travailleurs et
aux militants les données dont ils ont besoin dans
leur combat quotidien contre le capitalisme
particulièrement dans cette période de
préparation du Tribunal Populaire.
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