FRONT ROUGE n°146 -06 mars 1975- hebdomadaire
organe central du
Parti Communiste Révolutionnaire (m.l.)

---

Liévin : En avant vers le Tribunal Populaire !
-pages 4-5-

ç

è

Mobilisation pour le Tribunal Populaire
Reportage de Jean Paul Gay

déclaration d'un mineur de la fosse 4 pour tous ses camarades, pour tous les mineurs qui lisent FRONT ROUGE

" Maintenant les Houillères ont peur. Ça faisait longtemps qu'on n'avait pas vu ça. Les Houillères ont peur : la preuve c'est qu'ils n'arrête pas de mettre des staffanels et c'est tous des neufs. Avant, sûrement ce qu'ils faisaient, ils devaient prendre des anciens et les replacer ailleurs, ou bien, ils n'en changeaient pas. 

Maintenant, en plus, ils mettent 2 gaziers là où, il n'y en avait plus qu'un. Ils n'hésitent plus à payer 2 gaziers.
Tout ça, c'est parce que nous avons publiquement dénoncé, aux réunions de la Commission Populaire d'Enquête, le manque de sécurité dans la mine.
A chaque fois qu'il y a eu une catastrophe, au bout de quelques temps, on n'en parlait plus.
Maintenant c'est plus pareil, ça fait plus de 2 mois que la Commission Populaire d'Enquête travaille.
Il y aura du monde au Tribunal Populaire, des gars du 3 de Lens, du 2, du 7, qui sont prêts à témoigner… Il n'y aura pas seulement des mineurs. Un ouvrier c'est un ouvrier. Dans le bâtiment ou ailleurs, il y a aussi beaucoup d'ouvriers tués ou blessés. Le manque de sécurité imposé par la bourgeoisie, ça concerne toute la classe ouvrière.
Beaucoup de mineurs sont écœurés, ils ne croient plus à rien. Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que l'Enquête Populaire ce n'est pas pour vendre des cartes, c'est pour nous aider, c'est pour que nous nous défendions nous mêmes tous ensemble.
Pour les Houillères, la catastrophe de Liévin, comme les autres, ce sera peut être fini. Mais pas pour nous. Car pour nous, la lutte continue contre l'absence de sécurité et contre toute l'exploitation que nous font subir les Houillères, qui est la cause des accidents et de la vie si dure que nous menons.
La lutte ne doit pas s'arrêter le jour du Tribunal. Le Tribunal Populaire ne sera pas sans lendemain. Au contraire, il doit nous aider à être plus forts, plus solidaires les uns des autres pour organiser la lutte.
II faut former des cellules avec le Parti Communiste Révolutionnaire pour nous défendre nous mêmes. Après le 22 mars, il y aura des cellules et la lutte continuera. On sera là et on répondra présent. Les Houillères vont vouloir nous briser, nous disperser. Dans mon équipe ils ont commencé, et dans pas longtemps, c'est à eux que ça va faire du tort.
On se connaissait tous; en nous dispersant, en nous mettant ailleurs, on pourra connaître d'autres camarades que nous ne connaissions pas auparavant et organiser la lutte avec eux".


comment se déroulera le Tribunal Populaire

(décisions adoptées par la 5ème réunion de la Commission Populaire)

w le Tribunal Populaire se tiendra le 22 mars.

w Le matin, un colloque sur la sécurité se déroulera avec les travailleurs des différentes branches : bâtiment, textile, sidérurgie; etc... des cars venant de Grenoble, de Lyon, de Paris, de l'Est…

w L'après-midi, le Tribunal présidé notamment par les mineurs de la Commission Populaire d'Enquête fera le procès des Houillères, sur la base des travaux de la Commission.
Face à un camarade reprenant les diverses déclarations des Houillères, les mineurs représentant l'accusation répondront point par point en partant de leur expérience. Des témoins tels que des ingénieurs progressistes donneront leur point de vue.
Les mineurs dans la salle qui voudront apporter leurs témoignages auront la parole.
Puis viendra le verdict, et une intervention d'ensemble sur la politique des Houillères.

w Enfin prendront la parole: les comités de soutien (qui auront aussi des stands dans le hall), des travailleurs présents de différentes branches.
La motion de soutien, les vignettes, seront le support matériel avec lequel les mineurs vont mobiliser d'ici le Tribunal, dans ce but.
QUE LE TRIBUNAL SOIT REELLEMENT L'AFFAIRE DES MINEURS !


"Liévin, Bruay: réunions contre la silicose et la politique des Houillères

Samedi en fin d'après-midi, à Liévin s'est tenue une réunion à l'initiative du journal "Libération". La Commission Populaire d'Enquête appelait à y participer.
Après la projection du film sur le Tribunal Populaire de Lens en 1971, un débat s'est engagé, où les mineurs présents ont dénoncé l'absence de sécurité dans les mines à cause de la politique de profit capitaliste, un délégué mineur de la CFDT a rappelé qu'il y a 2 ans, à Liévin, un ingénieur du groupe avait fait une conférence sur le thème: "aujourd'hui nous avons les moyens de maîtriser totalement le grisou".
Les mineurs présents ont discuté de la lutte à mener contre la silicose. L'idée de constituer un cabinet de contre-expertises avec des médecins se mettant au service des mineurs pour faire reconnaître le taux réel de silicose, tout en préparant une bataille d'ensemble, a été lancée.
Les mineurs, les membres de la Commission Populaire d'Enquête, les médecins présents, ont insisté sur l'unité des mineurs à réaliser pendant la lutte. Le lendemain à Bruay, une réunion organisée par des mineurs et d'anciens mineurs, à "la maison pour tous", a commencé à concrétiser l'idée d'organisation pour la lutte contre la silicose.
Après qu'aient été dénoncés non seulement la silicose mais le traficage de ces taux, et aussi tout le système médical des Houillères qui pèse fortement sur les médecins des mines, notamment ceux qui n'admettent pas d'envoyer quotidiennement des mineurs à la mort, la décision a été prise de créer une sorte d'"association de défense des silicosés", organisant les contre-expertises, et préparant une mobilisation de masse, afin de faire reculer les Houillères sur ce problème.
La mobilisation des mineurs ne pourra qu'encourager les médecins à se mettre à leur service. La Commission Populaire d'Enquête soutient de telles initiatives.


réunion de la commission populaire d'enquête

Samedi a eu lieu la dernière réunion publique de la Commission Populaire d'Enquête sur la " catastrophe" de Liévin, avant le Tribunal Populaire. Dans le cadre de la préparation de ce Tribunal, les témoignages sur la silicose ont occupé une place importante lors de la réunion de la Commission. Dans les autres réunions qui se sont déroulées à Liévin et à Bruay, que soutenait la Commission Populaire, la dénonciation de la silicose et de la médecine des mines, a là aussi tenu une place importante.

Des préoccupations communes étaient présentes dans ces réunions: faire appel à des médecins progressistes pour avoir du matériel scientifique, servant à rétablir les vrais taux de la maladie (répondant à cette attente, des médecins du Groupe Information Santé étaient venus enquêter auprès des mineurs en participant aux différentes réunions), et préparer les luttes d'ensemble contre la silicose dépassant les seules batailles sur les cas individuels, auxquelles s'en tiennent les directions syndicales.
La silicose qui tue 3 mineurs par jour, ne fait que s'aggraver avec le renforcement de l'exploitation capitaliste dans les fosses. Comme l'illustrait à Bruay le témoignage d'un jeune parlant d'un camarade silicosé à 20 ans, la maladie frappe de plus en plus tôt: avec les nouvelles machines, la poussière est plus fine, elle pénètre davantage et plus rapidement dans les poumons. Avec la relance partielle et la difficulté pour les Houillères de trouver des jeunes pour l'embauche, la médecine des Houillères est encore plus réticente pour la reconnaissance de taux de silicose, de façon à empêcher les retraites anticipées, et user les vieux mineurs jusqu'à la dernière extrémité. Comme le montreront les témoignages au Tribunal Populaire, ce n'est donc pas la mine mais l'exploitation capitaliste qui est responsable de la silicose et de ses ravages. Nous reviendrons prochainement sur la nature, sur l'évolution et les causes exactes de cette maladie dans le cadre du système d'exploitation capitaliste.

"Mon beau-père est mineur, au 7 d'Avion, il est silicosé, mon grand-père a fait 8 ans de bowette. La réunion, c'était bien. Quand j'ai entendu réagir les mineurs, quand je les ai entendu parler aussi franchement aujourd'hui, j'ai été étonné. Je croyais que les mineurs faisaient leur boulot et c'est tout, j'en avais connu qui avaient cette mentalité".
Il a un peu plus de 20 ans, il est fondeur, à Usinor Dunkerque, il fait exactement le même travail que Jean-Claude Delaleau, tué en 1974 à cause du manque de sécurité en changeant les tuyères d'un haut-fourneau. Il est venu avec des camarades participer à la 5ème réunion de la Commission Populaire d'Enquête de Liévin. Ce samedi à Liévin, dans la salle pleine du café où se tenait la réunion, il a vu comment, face aux Houillères qui veulent les empêcher de réagir aujourd'hui, les mineurs osent prendre la parole avec la Commission Populaire, il a vu comment les mineurs veulent s'unir avec les autres travailleurs, rejetant l'isolement dans lequel la bourgeoisie voudrait les maintenir. Au début de la réunion, vivant témoignage des liens qui se nouent à travers la France avec les mineurs, on lit d'abord le courrier reçu par la Commission Populaire d'Enquête depuis la dernière réunion : messages de soutien de mineurs et d'anciens mineurs du bassin Lorrain, de la section CFDT de l'Hôpital Raymond Poincarré, de Garches (région Parisienne), de la section CFDT de la Nouvelle Société d'imprimerie CHAIX (ex néo-gravure) qui envoie un dossier sur la santé dans l'imprimerie notamment sur les maladies du plomb. Messages de cheminots de l'Ain, de délégués du bâtiment et d'ouvriers du textile rassemblés dans le Comité de Soutien de Roanne, des mineurs de May sur Orne (Calvados).
Un rapport est présenté sur l'enquête menée par la commission. II remarque d'abord qu'au sujet de la "catastrophe" du 27 décembre, la presse ne parle plus guère que de la récente découverte faite au cours d'une autopsie, à la demande du Juge Pascal : du méthane dans le sang des mineurs.
Alors un mineur (il est âgé de 50 ans, il a 45% de silicose) prend la parole : "il y a une chose qui est certaine, c'est que les Houillères ont toujours cherché à trouver un autre nom que la silicose. Maintenant c'est le méthane, demain qu'est ce que ça sera, n'importe quoi, sauf la silicose. Tous les mots sont bons pourvu qu'on s'éloigne de la silicose".
Finalement on se met d'accord pour dire : il y a la silicose que les Houillères cherchent par tous les moyens à camoufler, et il y a peut-être quelque chose en plus : du méthane qui se fixerait sur le sang. Mais ce dernier point reste à établir. Le rapporteur rappelle comment travaille la Commission : en s'appuyant sur des centaines de témoignages de mineurs. Il y a aussi des ingénieurs des mines, certains experts qui se mettent au service des mineurs, qui sont venus à la réunion.
On évoque les difficultés des mineurs qui ne veulent pas répondre parce qu'ils voudraient oublier la tuerie au fond de la mine ou parce qu'il y a les pressions des Houillères. "Déjà dit le rapport, la mobilisation des mineurs a obligé les Houillères à renforcer un peu partout la sécurité, par exemple les tournées de gaziers se font maintenant à deux, on remet des staffanels partout, on arrose".
" Comment se fait-il qu'à cette heure, ils rentrent des camions de blanc ? " note un mineur qui n'attend pas la réponse.
" Et les camions complets de toiles d'aérage qu'on a vu défiler ? " "Mais il ne faut pas en rester là, conclut le rapport, il faut continuer à nous mobiliser pour faire la vérité au Tribunal Populaire".
Pour que la vérité soit faite à ce Tribunal, sur tous ces aspects de l'exploitation, les mineurs à la réunion de samedi ont débattu de la silicose. Une discussion où à chaque instant, les mineurs se levant ont dit leur haine contre les Houillères, contre la médecine des mines, qui les envoient à la mort. Lorsqu'en introduisant la discussion, un camarade annonce : il y a des médecins dans la salle (ce sont des médecins du Groupe Information Santé, G.I.S., qui se mettent au service des mineurs), Gérard, mineur silicosé, déclare sous les rires approbateurs de l'assistance : "bienheureux de vous voir !" C'est sur le ton : on a de sacrés comptes à régler avec la médecine. "On va pouvoir discuter parce qu'il ne faut pas mâcher ses mots", dit-il, "les médecins actuels, par ici, c'est des assassins ! ". Toute l'assistance applaudit vivement à ce réquisitoire contre la médecine bourgeoise.
Au fond une femme, veuve de mineur, se lève : "je peux parler ? ". Elle se rapproche, elle explique son cas, celui de milliers d'autres ; son mari, reconnu silicosé à 100% à l'hôpital de Lille avant sa mort, est déclaré mort d'un cancer du foie par la médecine des Houillères. "J'ai été au tribunal, comme j'avais perdu mon mari, j'avais beaucoup de peine, je suis partie chez mes enfants". On a classé son dossier tout ça pour ne pas payer de pension : "je n'ai jamais touché un sou".
Les taux de silicose sont systématiquement camouflés : "mon père, pendant 12 ans, ils l'on traîné avec un "minimum douteux)" (!), sans être reconnu. Après, on l'a reconnu à 40%, 50%, et après il est mort", déclare un ancien mineur de Bruay.
Avec les médecins du G.I.S. qui sont présents, on aborde la possibilité de réaliser des contre-expertises, qui reconnaîtraient le taux réel de silicose des mineurs, et mettraient donc en cause la médecine des Houillères. Mobilisation des mineurs pour faire reconnaître le taux, pour lutter contre la poussière qui engendre la silicose, pour des investissements dans la recherche, afin que la silicose ne soit plus une maladie inguérissable. C'est cet objectif de mobilisation que la Commission a fixé. La discussion sur la silicose était une contribution à la préparation du Tribunal Populaire. Sur la réalisation de ce Tribunal, on a longuement discuté. Une motion de "soutien aux mineurs qui témoignent au Tribunal Populaire de Liévin" est lue, Elle sera signée massivement à la porte des fosses, dans les corons. "Nous nous déclarons solidaires avec ceux de nos camarades qui parleront au Tribunal Populaire et mettront en accusation les Houillères. Nous ne tolérerons aucun geste de répression à leur égard. Nous nous tenons à leurs côtés pour les soutenir" , dit notamment la motion.
Les mineurs présents sont d'accord. Ils sont d'accord pour témoigner, pour lutter. Ils discutent de la façon de faire signer, de ce qu'il faut faire pour amener des camarades au Tribunal Populaire.

   Les déplacements n'empêcheront pas la mobilisation
"Après la "catastrophe", ils m'ont mis au 4, j'ai rassemblé des camarades, ils sont d'accord, ils vont venir" explique un mineur "J'avais une "grande gueule", ils m'ont envoyé au 5, au 5, j'ai trouvé de nouveaux camarades, ils sont d'accord avec moi, ils vont venir au Tribunal Populaire ".
   Ni l'attitude des directions syndicales et de certains délégués.
Un camarade rappelle que "les mineurs syndiqués doivent se battre pour que les syndicats soutiennent l'initiative du Tribunal Populaire".
   Il faut mobiliser tout le monde.
"Il y a les retraités. Vous avez des corons où il y a 8 retraités sur 10, il faut faire du porte à porte" "moi, je réside à Angres, je vais passer dans les maisons".
   Et les femmes: "Dans les cités, les femmes sont aussi bien concernées que les hommes", souligne un mineur, "c'est l'affaire des femmes comme des hommes" ajoute un autre.

Pour la mobilisation, de petites vignettes de soutien seront vendues dans les corons et sur le plan national, un appel des mineurs de la Commission Populaire d'Enquête lancé pour tous ceux du Nord Pas de-Calais et des autres bassins, diffusé largement.
La discussion se clôt par un vote unanime pour la réalisation du Tribunal Populaire.
Les travailleurs qui étaient venus à l'extérieur ont confiance dans le succès du Tribunal. A la fin, ils nous l'ont dit : telle cette ouvrière de la confection de Béthune, payée au SMIC, qui assiste pour la première fois à une réunion de la commission : "Dans mon entreprise, j'espère que la mobilisation va marcher" nous dit elle.
"Cela intéresse beaucoup de gars" nous dit le jeune fondeur d'Usinor. Bien qu'étant à l'armée, il va contacter des camarades de travail.
"A l'usine ou à l'armée dit-il il y a la même hiérarchie. Les accidents, c'est pareil. Dans mon unité dans le Nord, le commandant en second s'est adressé à nous, en parlant des mineurs et des ouvriers du Nord qui, a-t-il déclaré, avec le travail dur, ont eu déjà une bonne discipline ! "
Des jeunes de la région, au chômage, certains avec CAP nous disent : "on a bien parlé des mines, mais pas assez du reste: le bâtiment..."
le Tribunal Populaire leur donnera la parole.

 

Jean-Paul GAY


Pour le voyage à Liévin

Les lecteurs de Front Rouge qui désirent participer au Tribunal Populaire de Liévin peuvent nous écrire. Nous leur signalerons s'il existe au départ de leur ville des départs collectifs organisés par les Comités de Soutien locaux. Dans ce cas écrire rapidement.

Nous rappelons que le Tribunal Populaire aura lieu le 22 mars


DANS LES AUTRES VILLES

à St Florent

Le Tribunal Populaire de Liévin fait partie de la lutte des mineurs du Nord contre la politique de liquidation des Houillères. Dans toute la France, les mineurs affrontent cette même politique comme en témoigne cette interview que nous avons reçue de notre correspondant de Montpellier, sur la résistance des mineurs à la fermeture du bassin d'Alès.

FR : Est-ce que tu peux nous expliquer pourquoi on ferme le puits de St Florent ?

R : C'est dû à la volonté du patronat de liquider tout le secteur minier de la région. Par exemple le groupe Nord doit passer au privé. Pour St Florent on croit savoir que le puits sera racheté par Alsthom. Pour le carreau Molières, même chose, avec l'installation d'une usine de cartonnage. Aucune raison ne justifie cette liquidation. Par exemple à St Florent, on n'a exploité que 20% du charbon. Il reste encore 80% des réserves.
Le mineur nous explique que depuis la fermeture de St Florent, cela signifie des conditions de travail bien plus difficiles dans les autres puits. A la Grande Combe, ils travaillent encore au marteau et à Ricard, pour descendre au fond, même avec l'ascenseur, ils doivent descendre 800 marches. Quand il faut remonter, après 8 h de travail épuisant, le poids des années et la silicose en plus... Et si la journée du mineur s'arrêtait à 8 h de travail ! Mais certains sont obligés de faire 4 h de voyage par jour. Cela fait des journées de 12 h. Et tout ça pour un salaire misérable. Moi, après 30 ans de mine, je gagne 1.300 F par mois ! Bien sûr on a quelques avantages en nature mais ce n'est rien à côté de ce que gagnent cadres et ingénieurs : l'échelle des salaires va de 1 à 40.

F R : Quelles sont vos conditions de vie ?

R : Très dures. On est obligé tous les 15 jours, de descendre à Alès pour faire un grand marché, et avec ce qu'on gagne, comment veux-tu qu'on vive décemment ? Même avec un petit jardin, quelques poules et quelques lapins, qui permettent de se nourrir un peu mieux. Avec ma femme, nous ne sommes jamais allés au cinéma, ni même au restaurant. Pour les vacances c'est la même chose. Les 3/4 des mineurs restent ici pendant leurs vacances. Je peux te parler aussi de la silicose, parce que je suis moi-même silicosé : la silicose, presque tous les mineurs du fond en sont atteints. La médecine du travail. Le collège de médecins de Montpellier est réputé dans la région : 31% des mineurs atteints de silicose ne sont pas reconnus comme silicosés, et ne sont donc pas indemnisés. Les médecins ont fait paraître un texte où ils traitaient pratiquement ces 31% de mineurs "de plaisantins".

F R : Comment vois-tu l'avenir ?

R : II va falloir se battre durement pour la réouverture du puits de St Florent et pour le maintien en activité des autres puits. En effet, si la production minière disparaît, c'est toute la région qui sera touchée. Depuis quelques années, la fermeture des puits, la réduction de la production, le départ des milliers de mineurs ont accentué l'agonie de notre région. Le CEG des Martinets est condamné. On a déjà supprimé des classes l'an dernier. Les villages de mineurs deviennent des villages de vieillards. Si nous ne voulons pas voir mourir notre vallée, il faudra lutter : mais je pense qu'il faudra lutter différemment. L'exemple de Lip a été révélateur. Pourquoi n'envisagerions-nous pas pendant une grève de prendre connaissances des livres de compte et des projets patronaux ? Et on peut très bien imaginer les mineurs vendant eux-mêmes leur production. Je crois que la forme des luttes peut évoluer et doit évoluer.

(recueilli par notre correspondant de Montpellier)

 

à Roanne

Le Comité de Soutien aux mineurs de Liévin a tenu une réunion publique le 21 Février. Cette réunion a rassemblé une quarantaine de personnes, dont de nombreux ouvriers, des lycéens... Les membres du Comité ont fait plusieurs interventions. Sur les conditions de vie et de travail à Liévin et sur " l'accident", sur la politique énergétique de l'impérialisme français. Sur les accidents de travail, à Usinor, à Fos. pour montrer que Liévin n'est pas un fait isolé. Sur les accidents à Roanne, dénonçant les conditions de travail dans le bâtiment. Les travailleurs présents ont apporté leurs témoignages: sur l'usine Béker (usine de siège), sur la Bonneterie, où l'on emploie des produits de nettoyage dangereux, comme l'éther et le trichloréthylène, où les cadences et le rendement sont élevés. Dénonciation de la santé en système capitaliste, solidarité des travailleurs de la Santé., Une douzaine de lycéens ont apporté leur soutien au cours du débat sur le Tribunal Populaire, et sur les tâches immédiates du Comité de Soutien, nous avons décidé de créer une commission sur les problèmes des femmes et la santé (Bonneterie, Hôpitaux).
Une motion de soutien à fa Commission Populaire d'Enquête de Liévin et au Tribunal Populaire, dans laquelle nous nous engageons à dénoncer sur Roanne et sa région les accidents du travail, les manquements à la sécurité..., a été adoptée à l'unanimité. Elle sera proposée à diverses organisations (Joc, CFDT, Paysans Travailleurs...). Près de 100 signatures ont à ce jour été collectées pour la pétition.

Corres. Roanne.

 

à St Etienne

Cette semaine, les élèves du CET Etienne Mimard se sont mis en grève après un grave accident à l'atelier. Ils ont crée un comité pour la sécurité dans les ateliers. Un élève de 2° année de BEP a reçu une décharge électrique, alors qu'il travaillait sur une rectifieuse surfaceuse, II n'a eu la vie sauve que grâce au réflexe d'un de ses camarades qui s'est précipité sur lui pour lui retirer les mains qui restaient crochetées à la machine. Cause de l'accident : aucune machine du CET ne bénéficie de mise à la terre qui est pourtant obligatoire. Le but de cette lutte est d'obtenir des conditions de sécurité à l'atelier dans les plus brefs délais. Les élèves ont organisé une journée portes ouvertes dans les ateliers, qui a permis de constater que dans tous les domaines, notamment celui de la sécurité, le CET est bien la préparation à l'exploitation de l'usine: installations électriques vétustes sans mise à la terre, pas d'espace entre les machines (75 cm entre chaque tour), machines non fixées au sol, très vieilles machines, dont certaines ont plus de 100 ans. Le comité pour la sécurité du CET Etienne Mimard a déjà obtenu une première victoire: la réfection de l'installation électrique commencera cette semaine. Et à travers cette lutte ils commencent à remettre en cause, à partir de la question de la sécurité, ce que sera l'exploitation capitaliste pour eux, la manière dont les patrons les traiteront. La perspective du Tribunal Populaire a reçu un accueil favorable auprès des élèves, qui voient ainsi comment leur lutte au CET s'intègre dans la lutte d'ensemble de la classe ouvrière contre le capitalisme.

Corr St Etienne.


contre les accidents du travail, un livre militant à lire

 "LE SANG OUVRIER" de Gilbert MURY (éditions du CERF)

 "Les accidents du travail écrivent en lettres de sang ce qu'est véritablement le système capitaliste"; Au moment où le Tribunal Populaire de Liévin se propose de faire le procès de notre société capitaliste qui assassine et mutile chaque année des millions de travailleurs, le livre du camarade Gilbert Mury est partie prenante du réquisitoire. "Un ouvrier a en moyenne une chance sur cinq d'être blessé chaque année". Contrairement à la propagande bourgeoise sur l'amélioration du sort des ouvriers, le nombre d'accidents augmente, et parmi eux la proportion d'accidents graves: entre 60 et 70 il y a eu 10% d'accidents en plus. Dans les trois années 69-70-71, la moyenne des accidents mortels est supérieure de 20% à celle des années 58-59-60. Mais Gilbert Mury ne se contente pas d'aligner les chiffres révélateurs, l'intérêt essentiel de son ouvrage tient dans la démonstration rigoureuse qu'il fait des causes des accidents du travail. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce n'est pas sur les machines qu'il y a le plus d'accidents. La machine n'agit le plus souvent qu'indirectement, la cause essentielle des accidents du travail réside dans la fatigue industrielle: 60,7% des accidents ont lieu sans machine, au cours de déplacements dans l'usine, de manutentions,... "La machine ne blesse et ne tue que dans un nombre limité de cas. Mais elle engendre la "fatigue industrielle" qui abolit tous les moyens de défense contre les agressions du monde extérieur".
Abruti par les cadences, par la répétition des heures durant des mêmes gestes, l'ouvrier devient incapable de "s'adapter à une situation nouvelle, de se régler sur la réalité du monde extérieur plutôt que sur les sensations du corps lui-même ou sur les habitudes qu'il a acquises ".
C'est la "fatigue industrielle" qui est cause de tous ces accidents apparemment stupides, qu'un ouvrier reposé, en possession de toutes ses facultés éviterait aisément. C'est parce qu'il est fatigué, que l'ouvrier ne verra pas la poutrelle ou la caisse sur son chemin.
En démontrant que les accidents du travail sont liés à la fatigue industrielle et à ces autres fatigues que sont les transports interminables, Ia vie dans des cités bruyantes... Gilbert Mury démontre en même temps la totale responsabilité du capitalisme dans sa course au profit maximum. La conclusion qui s'impose, c'est que la suppression des accidents du travail ne peut passer que par la suppression de sa cause: l'exploitation capitaliste. Riche en témoignages vivants aussi bien qu'en données chiffrées, ce livre court et précis, fournira aux travailleurs et aux militants les données dont ils ont besoin dans leur combat quotidien contre le capitalisme particulièrement dans cette période de préparation du Tribunal Populaire. 

ç

è

RETOUR