Depuis deux semaines les travailleurs du groupe Chausson sont en grève illimitée. A Asnières, Gennevilliers et Meudon ils occupent leur usine ; à Reims, malgré l'envoi des CRS, la direction a échoué dans sa tentative pour briser la lutte et la grève continue à l'extérieur de l'usine. Les travailleurs se battent pour : - 250 F. pour tous. En luttant contre la baisse du pouvoir d'achat et contre le chômage partiel (horaires réduits à 40 heures, nombreux jours chômés depuis janvier...), les travailleurs de Chausson refusent la politique de crise de la bourgeoisie, le chantage au chômage. Ils refusent de voir les cadences augmenter alors que les horaires sont réduits et que le patron ne cesse de s'apitoyer sur la " crise ". " Bien sûr la production a diminué mais l'embauche est supprimée depuis longtemps, les départs en retraite ne sont pas compensés et puis tout est fait pour faire partir les gars d'eux-mêmes ; les mutations ça n'arrête pas. C'est bien simple lorsqu'ils veulent se débarrasser d'un gars ils lui font faire le tour de l'usine en lui donnant des boulots de plus en plus durs. Alors, avec tous ces départs tu te retrouves à deux là où tu étais trois ", nous disait un travailleur marocain. En exigeant la parité des salaires avec Renault les travailleurs de Chausson luttent pour le principe " A travail égal, salaire égal " : " Nous faisons le même travail qu'à Renault, on travaille d'ailleurs pour eux puisqu'on fait les carrosseries de R.4 et cela avec des conditions de travail encore plus dures, sur des machines qui ne tiennent même plus le coup. Alors on ne veut plus être payé 2 à 300 F. de moins qu'à Renault, voilà pourquoi on se bat ". Face à la détermination des grévistes qui occupent les usines, organisent des piquets de grève, la direction envoie lettre sur lettre à chaque gréviste ; ces menaces sont accompagnées de provocations aux piquets de grève et de pressions sur les immigrés (la majorité des ouvriers à Gennevilliers}. Aussi chaque matin le Comité de grève et les sections syndicales publient un journal ronéoté pour informer l'ensemble des travailleurs et répondre aux ragots de la direction. A
Gennevilliers, là où la concentration
ouvrière est la plus forte et l'exploitation la plus
dure, nous avons interviewé de nombreux travailleurs.
Tous nous ont affirmé leur soutien actif à la
lutte et, en effet chaque matin, c'est plusieurs centaines
de travailleurs, souvent près d'un millier, qui
participent aux assemblées générales.
Quant aux piquets de grève, ils sont assurés
jour et nuit " On travaille toujours en équipe
" nous disait un gréviste, ironique. " Cette fois,
c'est bien parti, rien à voir avec les
débrayages d'une heure ou deux... là on est
tous unis dans la lutte français et immigrés
et on est prêt à se battre le temps qu'il
faudra ". Cette réflexion d'un gréviste
interviewé à un pique traduit bien le
sentiment général. " Et puis avec le
Comité de grève (voir,
article. NDLR), on est sur que c'est bien sur nos
revendications que les négociations s'engageront
"
" Pour
la première fois à Chausson depuis longtemps
les ouvriers ont éprouvé le besoin de jouer un
rôle dans la lutte, de se poser par rapport aux
syndicats. La majorité des immigrés n'est pas
syndiquée, c'est pour cela qu'on a
décidé de former un Comité de
Grève qui regroupe syndiqués et
non-syndiqués ", c'est un travailleur arabe
qui parle, un des plus actifs au sein du
Comité. Nous
demandons quel a été le rôle du
Comité depuis le début de la
lutte. " Nous ce qu'on veut c'est que tout le monde puisse dire son mot, on n'est pas contre les syndicats, moi aussi je suis syndiqué mais c'est vrai qu'à Chausson, les années passées, les syndicats ils ont plutôt démobilisé les gars avec leurs débrayages pour un oui pour un non... Aujourd'hui, il n'y a pas grand chose à redire à ce qu'ils font seulement on s'est donné les moyens pour être sur que personne ne nous lâchera en cours de route " ajoute Francis. Aujourd'hui, le Comité de Grève apparaît aux yeux de nombreux travailleurs comme étant le moyen non seulement d'associer des non-syndiqués à la direction de la lutte mais aussi comme étant une garantie pour que la lutte soit menée jusqu'au bout sur les revendications de tous les travailleurs. A quelques centaines de mètres de Chausson, les travailleurs d'Air Equipement sont en lutte depuis 4 semaines et en grève depuis deux. Un travailleur nous explique les revendications. " On
sort d'une période plutôt. " calme ", depuis 73
il n'y avait pas eu vraiment de lutte. Depuis un certain
temps on faisait de l'agitation sur le mot d'ordre de 300 F.
pour tous. Au départ il n'y avait que la CFDT... La
CGT était contre mais comme ils ont vu que ça
marchait ils ont accepté d'y participer. Seulement au
lieu de 300 F. c'est devenu 200 F. ; plus 7 % et le point
à 14 F. pour les bureaux. Il faut dire qu'ici les
ouvriers c'est qu'un tiers des effectifs. Aujourd'hui la
production est totalement arrêtée et depuis
hier une grande partie des bureaux est dans le coup.
Jusqu'à présent le problème de
l'occupation ne s'est pas vraiment posé vu que c'est
toute la production qui est arrêtée mais si la
direction ne cède pas, il y en a beaucoup qui sont
prêts à franchir le pas ". Le matin les travailleurs d'Air Equipement étaient passés en manifestation devant Chausson. C'est un tonnerre d'applaudissements qui salua leur passage. A Gennevilliers la lutte contre les bas salaires et contre le chômage est décidément bien engagée. Nous apprenons, en mettant sous presse, que les travailleurs d'Air Equipement ont obtenu : - 115 F. de prime ;
Le 14 mai se tenait à la préfecture de l'Ardèche une nouvelle réunion concernant les Tanneries. Il n'a été fait que de vagues promesses de création d'emploi sur Annonay. Les tanneurs constatent aujourd'hui.: " On n'a pas encore vu construire les fameuses usines qu'ils nous proposaient il y a un an ". Et ils ajoutent ; " S'il y avait des créations d'emploi sur Annonay, tant mieux. Mais nous ne les demandons pas pour nous. Car nous voulons la réouverture des Tanneries et le réemploi de tous les tanneurs ". C'est pour cela qu'ils occupent 24 h sur 24 depuis le12 juillet. Depuis cette date, ils tiennent 3 assemblées générales par semaine avec régulièrement les 2/3 des tanneurs et tout le monde pour les Assemblées extraordinaires. Cette mobilisation a permis de déjouer diverses manœuvres : l Dans les premiers temps de la lutte, on leur avait proposé de redémarrer sous forme de coopérative : " On a carrément refusé, parce que les patrons auraient fait un blocus, pour mieux nous accuser ensuite de la faillite. Dans la société actuelle, on ne peut pas gérer une entreprise ". l II a été créé par le Conseil municipal une " Association pour la Renaissance des Tanneries d'Annonay ". Les tanneurs n'y assistent que comme observateurs et ils précisent nettement : " Ce n'est pas à nous de chercher des capitaux ". C'est ce qui est demandé au cabinet Bressy. En janvier 75, celui-ci proposait un plan reprenant la totalité des tanneurs restant (310), selon un calendrier échelonné. C'était sur le point d'être discuté ; et il y a eu retournement de situation, sur pression du gouvernement. l C'est alors que le liquidateur judiciaire fait couper l'eau (indispensable pour la sauvegarde du " matériel de rivière ") et l'électricité (nécessaire pour faire tourner les machines tous les 2 jours afin de les garder en état de marche). Ces mesures visaient précisément à rendre impossible la réalisation du plan Bressy, le redémarrage de la Tannerie. La riposte immédiate et massive des tanneurs, avec l'appui des travailleurs d'Annonay obtient le rétablissement de l'eau, de l'électricité et du téléphone ainsi que le paiement de ces dépenses par la municipalité (majorité UDR-RI). Actuellement, il y aurait, paraît-il, un plan même pas sûr : " Ils essayent de diviser les tanneurs pour qu'il ne reste que l'effectif de 120, déclare la CFDT ; une fois que les gars auront accepté de faire des stages ou autre chose, ils ne seront plus considérés comme tanneurs, même s'ils ne retrouvent pas de travail après, ailleurs. La lutte aura diminué d'importance et les 300 tanneurs ne seront pas réembauchés ". Quant à la CGT elle déclare aujourd'hui : " S'il y avait eu des emplois sur Annonay, il y a un an, la lutte ne se serait pas déroulée de la même manière. On se serait peut-être orienté vers le reclassement " et elle ajoute " Nous ne sommes pas pour l'idée aberrante de dire : nous empêcherons l'ouverture des Tanneries plutôt que d'accepter 100 emplois... Cependant le minimum acceptable c'est du travail pour tous ". Or précisément ce minimum acceptable ne peut guère avoir changé en un an. Il n'y a pas d'autre solution que la réouverture des Tanneries avec les 300 tanneurs. En effet, Baccou vient d'ouvrir une usine fabricant des chaussures de sécurité avec 70 personnes ; elle propose 7 emplois pour les tanneurs !! " Il a sûrement été fixé, nous dit la CFDT, comme condition pour avoir des subventions, qu'elle reprenne des tanneurs, c'est fait exprès pour diviser les tanneurs entre eux, parce que c'est une lutte qui gène patrons et gouvernement. C'est la plus longue lutte dans toute la France. Et puis reprendre 7 tanneurs sur 300 !! Alors qu'il y a officiellement 1100 demandeurs d'emploi sur Annonay, 3500 dans l'Ardèche ". " Et il ne faut pas oublier que la moyenne d'âge des tanneurs aujourd'hui est de près de 50 ans, poursuit un délégué CFDT. Ailleurs, ils ne reprennent pas au-dessus de 40 ans et c'est un maximum. Alors on est trop vieux pour être repris ailleurs (si encore il y avait quelque chose !!) et trop jeunes pour être retraités. Qu'est-ce qu'il faut faire ? Il n'y a que la Tannerie " Un jeune délégué poursuit " On ne s'est pas battu pendant plusieurs mois pour accepter n'importe quoi maintenant. Et puis actuellement c'est le silence sur notre lutte, mais si on échouait, ça en parlerait dans les journaux. Et à travers nous il y a d'autres luttes qui échoueraient " C'est pour toutes ces raisons que les tanneurs, avec l'appui de tous les travailleurs d'Annonay, poursuivent activement leur lutte pour l'ouverture des Tanneries et le réemploi de tous. |