FRONT ROUGE n°158 -29 mai 1975- hebdomadaire
organe central du
Parti Communiste Révolutionnaire (m.l.)
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USINOR : riposte aux provocations de la direction

(reportage Yvon Chevet)

    Lundi 26, 11 h. Aujourd'hui à Usinor Dunkerque, la production reste paralysée, la direction n'a pu couler que 1800 tonnes de fonte, alors que cela se chiffrait à 20.000 T. avant le conflit.
    Les travaux des entreprises extérieures restent au point mort, et la plupart des non grévistes sont payés à ne rien faire. Autant de milliards perdus pour la direction d'Usinor. Briser la combativité des travailleurs lui coûte cher. Des négociations ont lieu ce lundi, la direction les a annoncées " comme une réunion exploratoire pour préparer la réunion paritaire ". Mais les grévistes n'en attendent pas grand chose, si ce n'est quelques miettes.
    Certains ouvriers du piquet de grève ont proposé d'imposer la présence des 23 licenciés, à la reprise et de les faire défendre par leurs camarades d'atelier. De nombreuses discussions commencent à tirer les leçons de cette lutte, posant le problème de la ligne suivie par les directions syndicales ; ce qui en ressort, c'est qu'il faut une autre vie syndicale, que ce soit l'ensemble des travailleurs qui décide et pas une poignée, que l'intérêt des travailleurs passe avant celui de chaque " boutique " syndicale. Pourquoi les non grévistes ont débrayé en masse contre les CRS et ont repris ensuite les uns après les autres ? Est-ce qu'on doit choisir le moment où on fait grève ? Quelle est la nature de la crise actuelle ? Face à la crise de la bourgeoisie, que vaut le programme commun ? La révolution est-elle possible ? Telles sont les questions que la présence permanente du Parti dans le piquet et dans la lutte pose aux travailleurs. Malgré les difficultés, les travailleurs d'Usinor montrent que la lutte contre le chômage partiel est possible, que le prolétariat peut se battre même en situation défavorable. Et c'est ce qui a marqué.
    Tirer un bilan syndical et politique avec le maximum des ouvriers, tel est le meilleur moyen pour briser les illusions, pour poursuivre le combat.

Reportage Yvon CHEVET
25/5 11 h.

    Toute la semaine dernière, les affrontements entre la direction et les grévistes se sont poursuivis. Avec un grand courage, les travailleurs du piquet de grève conscients de la justesse de leur mouvement, ont persévéré pour maintenir les piquets tout au long de la semaine, ils ont mis en échec les provocations de la direction et poursuivi leur politique de discussion avec les non grévistes.
    Echec aux provocations de la direction.

    + mardi matin, des patrons d'entreprises extérieures attaquent le piquet de grève à la porte de la BP. C'est la direction d'Usinor qui, pendant le week-end, les avait convoqués, une trentaine ; par voie de presse, elle avait également appelé à venir les ouvriers des usines extérieures... 1er échec : les ouvriers ne sont pas venus, à part quelques petits chefs des forges de Strasbourg. Au piquet, les patrons et cadres (chefs de chantier de Trendel, ingénieurs de Sofresid...) ne purent rien contre la détermination des grévistes. L'un de ces chefs, intercepté ensuite à l'intérieur de l'usine en compagnie de RG, par une brigade volante du piquet, dû tourner son chemin après une courte discussion.

    + Attaques contre les piquets, lettres de licenciements, séquestration des grévistes isolés remis ensuite à la police, patrouilles de CRS la nuit autour de l'usine... rien n'est négligé par la bourgeoisie pour tenter de briser la lutte. Mais à chaque fois, les piquets sont rétablis, les grévistes demandent des comptes aux CRS sur leur présence (on leur répond une fois, " on s'est trompé de route " !).

    Discuter avec les non-grévistes pour isoler les jaunes.
    Depuis le début de la grève, les ouvriers mènent de larges discussions avec les non grévistes, brisant ainsi la tentative de la direction de les utiliser comme masse de manœuvre.

    Ainsi, mardi, la direction a regroupé maîtrise et non grévistes pour faire redémarrer le haut fourneau N°1. Comme l'avait proposé la veille le Parti dans un tract, une centaine de grévistes se massent près du Haut Fourneau (certains étaient venus avec leur femme) et engagent la discussion avec les hauts fournistes, soumis depuis le début à la propagande fasciste de la maîtrise et avec les fondeurs. Ils obligent ainsi la direction à arrêter la coulée de laitier en cours et à reboucher le trou de coulée.
    De nombreux travailleurs des autres secteurs purent voir les conditions pénibles dans lesquelles travaillent les hauts fournistes. En équilibre sur une plaque au-dessus de la rigole du laitier en fusion. avec une lance à oxygène, les fondeurs empêchent la croûte de se refroidir, dans un nuage de fumée et d'étincelles. Comme par hasard, les fondeurs se virent gratifier de capotes ou de manteaux ignifugés et de guêtres alors que d'habitude c'est la croix et la bannière pour en avoir.
    Le lendemain (mercredi), la direction impose à nouveau quelques coulées avec la concentration de la maîtrise du haut-fourneau mais le piquet renouvelle son intervention auprès des non grévistes. Les hésitations des aciéristes ne font que se renforcer, plusieurs équipes débrayent.

    Un large soutien des travailleurs.
    Cette détermination des ouvriers du piquet de grève, leur attitude fraternelle envers les non-grévistes ont contribué au succès de la manifestation de jeudi à Dunkerque : 4000 travailleurs étaient venus manifester leur soutien aux grévistes. Tous les dockers étaient présents, les ouvriers des chantiers navals, de l'usine des Mines, et près de 500 ouvriers grévistes d'Usinor, déterminés, qui ont manifesté aux cris de : " Usinor doit payer ! ", " Ce n'est qu'un début, le combat continue ! ", " lutte des travailleurs d'Usinor, lutte des travailleurs de France ", " Non au chômage " !


Hoymille : les grévistes font pression sur
le maire giscardien pour le
paiement d'une allocation. 

    A Hoymille, près de Bergues, petit village flamand à 20 km de Dunkerque, Usinor a fait construire des lotissements de petites maisons individuelles à loyer très élevé pour la région (près de 75.000 anciens francs), ou sont logés les travailleurs d'Usinor. La plupart viennent de la cité dortoir de Grande Synthe, saturés de la vie des HLM bruyants où on ne peut récupérer. L'ardoise est lourde pour le chauffage et le loyer, mais pour la direction, cela a l'avantage d'isoler les ouvriers les uns des autres. En fait ce calcul est mauvais, car les ouvriers de cette cité se sont spontanément regroupés pour assurer leur transport en voiture à tour de rôle quand ils ne vont pas en bus, tandis que des liens d'entraide se sont tissés pour aménager des bouts de jardin... Cela a joué dans le conflit. Invités par des travailleurs, nous avons participé à une intervention qu'ils ont faite auprès du maire de Hoymille, gros paysan giscardien, pour le contraindre à verser une allocation de soutien aux grévistes. Celui-ci nous reçoit dans la salle du conseil où les travailleurs, une quinzaine de grévistes, CGT, CFDT et non syndiqués, s'installent autour de la table du conseil. Le maire essaie de s'en tirer en disant que contrairement à Grande Synthe, il n'a pas beaucoup de patentes, n'ayant pas d'entreprises sur sa commune. Les grévistes lui rétorquent qu'ils donnent la côte mobilière et qu'étant giscardien, il doit avoir plus facilement des crédits... que finalement, tout est question de point de vue par rapport à la classe ouvrière. Le maire défend encore un peu, essayant d'orienter sur le recul du paiement des loyers. Les travailleurs refusent disant que de toute façon cela ne les intéresse pas puisqu'il faudra payer. Ce n'est pas un recul des échéances qu'ils veulent, c'est le paiement d'une allocation. Finalement il cède, promet d'en parler au Conseil municipal et de verser une allocation. En sortant, les travailleurs se donnent rendez vous pour ce lundi afin d'aller chercher tous ensemble la réponse du maire.

Dans la

sidérurgie

lorraine

    A Sacilor (Gandrange), et à Sollac-Fensch, la grève de l'aciérie et des transports intérieurs se poursuit depuis 4 semaines pour l'indemnisation des Jours chômés, la création d'une 5° équipe pour les feux continus... Pour empêcher la mobilisation générale dans la sidérurgie, les directions des 2 trusts ont suspendu le chômage partiel, ce qui permet d'approvisionner Usinor-Dunkerque et ses sous traitants.
    Face à ces manœuvres de la direction, que proposent les directions syndicales ? Le 21/5, les directions syndicales organisent une journée d'action dans le trust Sacilor-Sollac, 2 jours plus tard une autre pour le trust Usinor... et 4 jours après une journée commune.
    Les ouvriers des différentes usines des 2 trusts, qui ont massivement débrayé, dénoncent vivement cette attitude qui vise uniquement à empêcher la liaison des travailleurs : sur les 3 usines Usinor-Thionville, aucune explication des organisations syndicales sur la lutte de Dunkerque, alors que les travailleurs sont prêts à se mobiliser. Au sein même du trust Sacilor-Sollac, aucune popularisation de la grève de Gandrange. Et pour la journée nationale de la sidérurgie du 27/5, c'est l'apothéose : ils proposent une manifestation à Metz (30 km de Thionville) sans aucune propagande auprès des travailleurs de Metz.
    La popularisation de Dunkerque par le Parti a un grand écho parmi les travailleurs de Usinor-Thionville, car c'est la preuve qu'on peut lutter contre le chômage partiel.
    Des collectes de soutien sont accueillies favorablement. Aux travailleurs d'Usinor, le Parti a proposé de donner une heure de travail en soutien à Dunkerque.

Corr. 26/5 

 

  NOUVELLES BREVES ... de nos correspondants

Houillères du Bassin Lorrain : la grève des boute-feu se poursuit

    Après trois semaines de grèves tournantes menées par les travailleurs de plusieurs secteurs, les boute-feu ont démarré une grève totale le 20 mai. Actuellement ce sont 670 boute-feu du Bassin Lorrain qui sont en grève, ainsi que les piqueurs instructeurs de Merlebach et de Wendel. Pour tenter de briser la lutte, la direction des Houillères a lockouté le tiers des travailleurs de Merlebach, Simon Wendel et la Houve, dans l'espoir de les dresser contre leurs camarades en grève.
    Malgré le lockout, la lutte continue pour :
    - promotion automatique au bout de 5 ans d'ancienneté sans probation.
    - application avec effet rétroactif pour tous les ouvriers.

 

Dijon : Société Bourguignonne d'Applications Plastiques

    Grève avec occupation depuis le 21/5 pour
    - 150 F d'augmentation pour tous,
    - 3 ponts payés par an et non récupérés...
    Filiale de Solvay, l'usine emploie 1000 travailleurs, presque tous en équipes, ramassés par des cars jusqu'à 25 km à la ronde.

Corr. 23/5

 

PARIS 13e : Foyer Daniel

    Au foyer Daniel dans le 13ème, les jeunes travailleurs ont engagé la grève des foyers.
    Leur plateforme :
    - Non aux augmentations
    - Arrêt des expulsions
    - Gratuité pour les chômeurs
    Carte de membre de l'association pour le contrôle de la gestion.
    - Liberté d'expression dans tous les foyers.
    - Droit de visite 24 h sur 24.
    - Suppression des forfaits alimentaires.
    Les jeunes travailleurs veulent étendre leur grève aux autres foyers du 13éme. Ils vont aussi coordonner leur lutte avec celle des travailleurs de 2 usines du 13ème en grève : Pikly et Imago.

Correspondant

 

NANCY : Rogers Color

    Depuis le 24 avril, grève contre les contrats de travail à durée limitée. Les manœuvres d'intimidation du patron, secondé par le délégué FO, continuent : photos des grévistes, intervention de la police contre les occupants, plainte déposée contre le délégué CFDT pour " atteinte à la liberté du travail ", agression contre 2 militants CFDT.

Corr. 19/5

 

REIMS : Marelli

    Les ouvriers de l'entreprise Marelli à Wittry les Reims, occupent leurs ateliers depuis le 13 mai pour s'opposer aux 263 licenciements projetés par le patron. Cette mesure signifierait à brève échéance la fermeture du secteur " moteurs et pompes ".
    La direction n'a jusqu'ici répondu que par la répression : 3 délégués poursuivis devant les tribunaux pour " occupation illégale " et menace de faire intervenir les CRS.
    Notre Parti est intervenu pour populariser la lutte et organiser le soutien financier : 1.000 F. ont déjà été collectés et remis à l'assemblée générale des travailleurs.

Corr. 24/5

 

CIP (ex Bailleul) Nœux Les-Mines

    L'occupation, commencée le 4 avril, en riposte aux licenciements annoncés, continue. Après avoir, par 2 fois, séquestré le patron qui refusait de payer les jours travaillés en avril, les ouvrières obtiennent satisfaction le 20 mai. A l'intervention policière (5 cars de CRS et 20 policiers en civil contre 25 ouvrières), ont répondu l'extension de la grève à Haismes et une manifestation avec les ouvriers de BSN, qui occupent leur usine contre 157 licenciements.
    Contre les licenciements, la lutte continue !

Corr. 23/5 

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