INTERVIEW DE JEAN FRANÇOIS
VITTE,
- secrétaire national de
l'Union Communiste de la Jeunesse
-
Révolutionnaire
-
- FR. : Camarade, tu as été élu
lors du congrès constitutif de l'Union Communiste
de la Jeunesse Révolutionnaire, Secrétaire
National de cette organisation. Peux-tu nous expliquer ce
que signifie la création de l'UCJR ?
JFV : La création de notre organisation
marque bien sûr l'avancée du Parti marxiste
léniniste qui se donne ainsi les moyens d'apporter
une réponse correcte aux questions que posent les
larges masses de la jeunesse.
Elle représente également la
possibilité à terme, pour la marche vers le
socialisme, d'une union plus étroite du mouvement
révolutionnaire de la jeunesse avec celui du
prolétariat. Jusqu'à présent en effet,
la politique de division entretenue par la bourgeoisie et
les révisionnistes, a en partie réussi
à empêcher qu'ils ne se rejoignent de
façon durable et sur des bases claires. Aujourd'hui,
les choses commencent à changer, dans la mesure
où l'expérience même des jeunes les
amène à souhaiter plus vivement ce
rapprochement avec les masses.
- FR. : Quels sont les facteurs favorables à
un tel rapprochement ?
JFV : La situation de crise politique de
l'impérialisme français se répercute
dans la jeunesse d'une façon extrêmement claire
Elle se marque notamment par la recherche spontanée,
parfois maladroite, mais chaque fois plus claire, d'une
alternative révolutionnaire face aux tentatives de la
bourgeoisie et des révisionnistes pour canaliser la
révolte des jeunes vers les impasses anarchisantes ou
purement électoralistes. De ce point de vue, la lutte
entre la voie de la coexistence avec la bourgeoisie, et
celle du combat révolutionnaire est facilitée
par les échecs répétés de toutes
les forces de confusion et de compromis, par le
dégoût qu'inspire aux jeunes la perversion
trotskiste notamment.
Ce
qui favorise dans la jeunesse une telle situation, c'est
évidemment l'évolution, dans un sens favorable
à la révolution, des contradictions entre les
masses et le révisionnisme. Les jeunes suivent avec
attention le développement des luttes
ouvrières, l'évolution de la situation dans le
monde. La ligne marxiste-léniniste apparaît
ainsi comme la seule qui soit capable de rendre compte de
l'ensemble de ces phénomènes.
- FR. : Plus précisément quels sont
les principes qui guident le travail de l'UCJR ?
JFV : Ils sont ceux qu'a approuvé notre
congrès selon l'indication du camarade Max Cluzot : "
apprendre, créer, organiser ".
Apprendre, cela veut dire à la fois
étudier le marxisme-léninisme qui est le
produit théorisé de l'expérience du
mouvement révolutionnaire de la classe
ouvrière et étudier la situation de la lutte
des classes en France et dans le monde. Mais cela veut dire
surtout apprendre à écouter les masses,
construire entre les jeunes et leur organisation communiste
des liens d'un type différent, balayer le sectarisme.
Comme nous le disons dans notre programme, " les jeunes
communistes ne sont pas des donneurs de leçon ". Ils
construisent leur point de vue à partir de
l'expérience des masses. De nombreux points de ligne
sont encore obscurs pour nous : cela nous impose de savoir
mener une enquête patiente, un débat soutenu
parmi les jeunes, pour pouvoir avancer nos idées avec
certitude. Les jeunes en ont assez de ces gens, qui, pour
avoir réponse à tout, disent n'importe quoi,
n'importe quand ".
- FR. : et créer ?
JFV : D'immenses perspectives s'ouvrent à nous
dans tous les domaines et nous avons encore peu
d'expérience. Beaucoup de choses ont
été faites avant nous. Ce qu'il faut, c'est
s'appuyer sur leurs aspects positifs,
révolutionnaires, afin de les
généraliser, de les porter à un stade
supérieur radicalement nouveau. C'est le cas de la
lutte contre l'école, l'armée etc... D'autres
domaines sont encore en friche : celui des loisirs
communistes, de la résolution des contradictions au
sein de la famille, pour ne citer que ces deux là. Il
nous faudra donc là inventer, créer des formes
nouvelles de lutte, à partir de l'énergie des
jeunes.
Ce qui est en cause ici, c'est la
construction d'une force large, capable, par l'image qu'elle
offre de son propre fonctionnement et par les propositions
qu'elle fait, de susciter l'adhésion massive de la
jeunesse.
Notre but n'est
pas de faire rentrer les jeunes dans une organisation
figée, immuable : pour nous, développer nos
forces et élever la qualité de notre travail
ne peuvent être envisagés
séparément.
- Enfin, il faut organiser :
Nous voulons
organiser les jeunes, parce que leur mouvement
spontané lui-même a exprimé l'exigence
d'une force qui sache tracer la voie, au-delà des
situations particulières et des jugements partiels,
qui puisse tirer d'une année sur l'autre les
leçons de l'expérience et de la pratique, qui
soit capable de hâter la jonction avec les masses.
Nous voulons
organiser les jeunes pour qu'ils fassent dans la pratique
l'expérience de la nécessité de la voie
révolutionnaire, de l'idéologie
révolutionnaire, pour que leur apprentissage de la
lutte politique s'effectue dans les meilleures conditions.
Sans une force
d'avant-garde, consciente, disciplinée,
structurée dans la jeunesse, aucun succès
n'est possible, les mêmes erreurs se
répéteront, les mêmes échecs
seront subis.
- FR. : Quel sera le travail de l'UCJR dans les
prochains mois ?
JFV : Nous avons 3 objectifs importants, correspondant
à 3 campagnes.
+ Les comités de lutte contre le chômage
: Au sein desquels il s'agit d'organiser massivement les
jeunes, et notamment les élèves de CET qui
vont sortir de l'école, à la fois parce que
cela correspond à leurs intérêts et
leurs besoins, et parce que cela leur permet dans le cadre
de l'unité populaire, de participer aux
côtés des ouvriers à la bataille contre
le capitalisme.
+ Le stage de loisirs communistes en
août : Nous voulons à l'occasion
réunir des centaines de participants pour affirmer
notre volonté réaliser l'unité
révolutionnaire de la jeunesse, pour procéder
à des échanges d'expérience, et
développer le contact avec les masses et les peuples
en lutte.
Dans ce cadre là, nous verrons comment
intensifier la lutte contre le chômage, et l'articuler
à la lutte de septembre contre l'école de
Haby.
+ Le quotidien communiste : Pour nous,
le quotidien sera une arme irremplaçable. Elle
fournira aux jeunes de régions différentes les
informations sur le combat que nous menons. Elle sera un
moyen de faire connaître concrètement la lutte
des masses à la jeunesse et de briser par là
même les ghettos dans lesquels la bourgeoisie
prétend l'enfermer.
Ce quotidien communiste sera le
complément indispensable pour répondre
à l'actualité, de notre magazine mensuel " Au
service du peuple " dont le N°1 est en
préparation.
- LA PREPARATION DES ASSISES SUR LES
ACCIDENTS DU TRAVAIL ET LES MALADIES PROFESSIONNELLES :
deux médecins témoignent...
Nous publions
l'interview de jeunes médecins du travail soutenant
l'initiative des Assises.
- Martine : J'ai préparé le
certificat de médecin du travail pour mieux
comprendre les causes des accidents et des maladies
professionnelles. Au cours de mes études en
faculté on ne m'a pas appris à
considérer le malade comme un être humain au
milieu de ses conditions de vie et de travail. Au contraire,
on l'isole de sa vie active pour mieux le décortiquer
: à l'hôpital plus qu 'un numéro. On
nous apprend à voir, soigner un organe, un foie, un "
bel ulcère de l'estomac ", une " belle tuberculose
pulmonaire ".
On nous
apprend certes à soulager, " calmer ",
réparer, jamais à remettre en cause
l'organisation capitaliste du travail et de la vie qui use
prématurément l'ouvrier, le fatigue et
provoque infarctus, ulcères, dépressions...
l'ouvrier est une ficelle que l'on brûle par
les 2 bouts, par ses conditions de vie et de travail.
- Yves : Toute la formation médicale que
nous avons reçue est curative et non
préventive, et le médecin du travail, qui n'a
pas le droit, à l'usine, de prescrire et traiter
comme les médecins de ville, ceci pour ne pas leur
faire de concurrence, est le médecin de "
l'impuissance ".
- Martine : En effet, le médecin du
travail est au nœud de la contradiction
productivité/sécurité ; il est
engagé sous contrat résiliable tous les 3
mois, payé par le patron et, selon la loi, doit
passer 1/3 du temps à parcourir les lieux de travail,
déterminer les risques et prévenir les
accidents et maladies professionnelles.
Or,
prévenir, c'est remettre en cause le salaire au
rendement, les cadences, le profit, c'est toucher à
la productivité. S'il prévient trop souvent
les ouvriers des risques encourus par les conditions de
travail, il risque d'être rapidement remplacé
par un médecin plus compréhensif du point de
vue du patron.
- Yves : Selon la loi le médecin ne peut
être licencié qu'avec l'accord du comité
d'entreprise (qui comprend le patron et une
délégation du personnel élue au scrutin
secret). Mais l'exemple du médecin du travail chez
Simca l'a montré, il est très facile au patron
de licencier un " subordonné " gênant qui devra
pour se défendre engager une longue et chère
procédure. En somme la loi est bien faite : le
médecin du travail est au service du patron et non
pas des ouvriers.
- FR. : Qu'avez-vous appris en un an d'études
de " médecin du travail ? ".
- Martine : Des masses de cours
théoriques décrivant les maladies
professionnelles et leurs conséquences, des textes de
lois... Des contacts sur le terrain avec les ouvriers, une
fois et il faut voir de quelle manière : il y avait
une visite d'usine par étudiant dans le programme de
l'année. J'ai pour ma part visité la
manufacture de Sèvres avec 20 étudiants. Le
médecin du travail de l'usine était absent, le
sous-directeur nous a présenté l'usine et le
mode de fabrication des pièces de porcelaine en
signalant fièrement " Nous avons même des cas
de silicose parmi les ouvriers ".
" Bien
organisée " la visite de l'usine a commencé
par les ateliers les moins pénibles et en fin
d'après midi il était trop tard pour voir les
ouvriers travailler devant les fours, dans les ateliers de
triage et de concassage des pierres, nous avons tout de
même visité les ateliers vides d'ouvriers, dont
le sol avait été abondamment arrosé, ce
qui n'empêchait pas l'atmosphère d'être
saturée de poussière et de piquer la gorge des
visiteurs. C'était, avec une promenade dans un centre
" modèle " de formation professionnelle pour adultes,
les seuls contacts avec les conditions réelles de
travail des ouvriers en une année de
préparation à la médecine du
travail.
- FR. : Quelle est la position des
révisionnistes en ce qui concerne la médecine
du travail ? ".
- Martine : C'est Ambroise Croizat qui a
fixé à la Libération le rôle du
médecin du travail en même temps qu'il se
faisait tristement connaître des mineurs en instaurant
dans les Houillères le salaire au rendement. De
là vient l'orientation de la médecine du
travail basée sur " retroussez vos manches et
augmentez la productivité ".
- Yves : Il est intéressant de rappeler
les conseils du Pr. Desoille, révisionniste, fervent
admirateur de Croizat, nommé par lui, et directeur
depuis 1949 de la chaire de médecine du travail au
niveau national : il insiste sur l'importance d'adapter le
travail à l'homme, améliorer les conditions de
travail en étudiant les gestes les moins fatigant et
les plus automatiques pour reposer le cerveau de l'ouvrier,
" améliorer les conditions de travail est profitable
à tous car il s'en suit une amélioration du
rendement et une économie ". C'est lui qui conseille
des améliorations faciles et peu coûteuses : "
Dans un atelier quelques ouvriers utilisent un produit
toxique à évaporation rapide, ne peut-on pas
par une cloison préserver du moins leurs voisins ?
".
- Martine : La logique de leur position c'est
d'augmenter la rentabilité sans remettre un seul
instant en cause la société capitaliste et
l'exploitation des travailleurs.
Nous viendrons témoigner aux Assises sur
les accidents du travail et les maladies professionnelles,
apporter nos connaissances, mais surtout nous viendrons nous
instruire auprès des travailleurs, des syndicalistes,
des mineurs, pour apprendre à défendre leurs
véritables intérêts.
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