CONVENTION DU PS :
L'IMPOSTURE DE
L'AUTOGESTION
La convention du PS sur
l'autogestion qui se tient ce week-end fait partie d'un
ensemble d'initiatives de la bourgeoisie qui visent à
trouver de nouvelles formes de collaboration de classes.
Mais elle a un caractère particulier car elle
illustre la volonté d'affirmer le nouveau visage de
la social-démocratie. Elle s'inscrit en outre dans la
concurrence PS-P"C" : en cela, elle traduit la
volonté du PS de profiter du déclin du
révisionnisme.
RECUPERER
LES ASPIRATIONS
REVOLUTIONNAIRES
|
Le PS cherche à
s'approprier les luttes qui, depuis 68, ont
été menées en opposition avec les
dirigeants révisionnistes : dans cette mesure, on ne
saurait sous estimer la nocivité du mot d'ordre
d'autogestion car, avec son caractère flou, il sert
à développer illusions et confusion, à
brouiller la perspective du socialisme, dans l'esprit des
masses.
L'effort du PS pour mettre la main sur la
CFDT avec la complicité de ses dirigeants s'est
heurté à une vive résistance à
l'intérieur du syndicat : c'est pourtant dans le
même projet que s'inscrit la convention sur
l'autogestion, qui veut présenter le PS comme capable
de fournir aux masses une alternative globale au
capitalisme, concurrente du projet
révisionniste.
Les thèses publiées par le PS
parlent de la lutte des Lip, des luttes des OS, qui
expriment, selon lui, " l'aspiration à l'autogestion
". Une première remarque s'impose : les Lip,
contrairement aux affabulations variées construites
autour de leur lutte, ont toujours affirmé qu'il ne
s'agissait pas pour eux " d'autogestion " ; de même,
les travailleurs de Teppaz, par exemple, ont rejeté
la " coopérative autogestionnaire " défendue
par contre par les cadres de FO.
Pourtant, sous le vocable indéfini "
autogestion ", le PS et ses acolytes prennent en compte,
à leur façon, une réalité
indéniable : les aspirations révolutionnaires
exprimées dans les luttes ouvrières et
populaires ces dernières années. C'est en cela
que le PS constitue un ennemi qu'on ne peut négliger
: il cherche à canaliser vers l'impasse de
l'autogestion ces justes aspirations ; que ce soit la
volonté de conduire démocratiquement les
luttes, de décider les revendications en dehors des
directions syndicales révisionnistes et
réformistes ; que ce soit l'aspiration à
détruire l'organisation capitaliste du travail, la
hiérarchie capitaliste ; que ce soit la remise en
cause de la dictature bourgeoise sur tous les aspects de la
vie des travailleurs. Le PS mise, en outre, sur le
dégoût justifié des travailleurs pour la
vie en pays révisionniste, pour le prétendu "
socialisme " qui n'est qu'une autre forme de capitalisme,
restauré par les nouvelles bourgeoisies des pays de
l'Est et l'URSS. Présentant ces pays comme le "
socialisme centralisé ", " autoritaire ", le PS
éclipse la tragédie de la restauration du
capitalisme et, par ailleurs, il masque qu'il existe au
monde des pays véritablement socialistes, tels la
Chine et l'Albanie.
RENOUVELER LES VIEILLES
ATTAQUES CONTRE
LE SOCIALISME
|
Sur ces bases, le PS cherche
à amener les travailleurs à cette conclusion :
il faut construire un socialisme entièrement nouveau,
avec des principes et une théorie à inventer,
dont l'axe essentiel est " l'autogestion ".
Dans ce but, il développe un discours
ésotérique, piquant ça et là des
bribes de " marxisme ", des idées bourgeoises
à la mode, des morceaux de sociologie patronale du
travail : tout cela pour prouver qu'il a, lui,
réussi, comme il dit, à " dépasser
l'alternative réforme/révolution ",
à aller " au-delà même de
l'exploitation qu'indiquait Marx " ! On trouve dans les
thèses du PS cette première idée : il y
aurait une opposition entre socialisme et démocratie,
entre socialisme et centralisme. Pour faire passer cette
idée anti-communiste, le PS ose se réclamer de
Marx, de la Commune de Paris. C'est pour opposer Marx,
présenté comme " autogestionnaire ", au
socialisme qualifié de " centralisé ", "
bureaucratique ", qui existait en URSS à
l'époque de Lénine et Staline. Le PS
écrit : " le socialisme peut de plus en plus
difficilement s'édifier sur un modèle
centralisé " : c'est qu'il veut réduire la
question du socialisme à une pure opposition
technique, au-dessus des classes entre " centralisme " et "
décentralisation ". Il s'agit là de masquer
que le centralisme, sous le capitalisme, est un outil de la
classe exploiteuse, mais qu'il est utilisé par la
classe ouvrière au pouvoir, qui lui donne un contenu
radicalement opposé : le centralisme
démocratique. Toute l'expérience historique
prouve en effet que le plan socialiste,
démocratiquement élaboré par les masses
est centralisé, et que c'est parce qu'il est à
la fois démocratique et centralisé qu'il est
l'inverse de l'anarchie capitaliste et de la dictature
bourgeoise. La politique du prolétariat au pouvoir ne
peut se passer d'un Etat centralisé, qui est
l'expression hautement démocratique de la
mobilisation des. masses, de la direction du Parti
communiste et le garant indispensable contre la restauration
du capitalisme et les menées bourgeoises.
Le
PS, dans ses thèses, introduit aussi une autre
idée à la mode : la misère des
travailleurs, les maux de notre société
seraient selon lui, dû à la "
société industrielle ", " moderne ", aux "
techniques ". Cette absurdité remplit les colonnes de
la presse bourgeoise, elle fait l'unité entre
Mansholt, grand bourgeois hollandais et les marginaux
écologistes de " Libération " qui servent de
rabatteurs au PS comme leurs confrères
anti-communistes forcenés du " Nouvel Observateur " :
c'est la fameuse thèse de la " croissance zéro
", qui ne peut être que l'austérité pour
les travailleurs. Mitterrand, au colloque de Suresnes
incriminait la " nature des choses " " la
société industrielle qui a créé
partout dans le monde les mêmes problèmes
". Le but recherché est clair : absoudre la dictature
bourgeoise, masquer que c'est le capitalisme, l'exploitation
des ouvriers, " la soif du vampire du capital " dont Marx a
parlé, qui sont les véritables responsables de
la misère des travailleurs et qu'il faut
abattre.
Ces quelques inepties constituent le " corps
théorique " sur lequel le PS fonde sa conviction
qu'il faut rejeter " l'ancienne vision de la
société socialiste ". assimilant le
capitalisme aujourd'hui restauré à Moscou au
socialisme qui y a été renversé ; il
fait le silence total sur le socialisme qui se construit en
Chine, sous prétexte qu'il serait " rural ", niant
qu'il correspond, au delà des différences
entre la Chine et la France, aux principes universels
fondamentaux qui sous-tendront l'instauration d'une
société socialiste dans notre pays.
AUTOGESTION, NOUVELLE FORME
DE GESTION CAPITALISTE
|
Si l'on commet l'erreur de
croire au " nouveau socialisme " que nous proposent les
bourgeois du PS à travers leur autogestion miracle,
il suffit d'en lire le contenu réel dans leurs
thèses. Que disent-elles en effet ? On a beau les
retourner dans tous les sens, on n'y trouve rien d'autre que
les thèses bourgeoises sur la " réforme de
l'entreprise ".
Les patrons " progressistes " sont d'ailleurs
de fervents partisans de l'autogestion : ainsi F. Dalle, PDG
de l'Oréal qui pense " qu'un management
participatif ne saurait s'opposer à la
création de cellules d'autogestion ", ou
Bidegain, PDG de la chaussure qui déclare qu'il faut
" organiser en systèmes autogérés
certains éléments de production ". Chirac
lui-même a d'ailleurs déclaré lundi
à la télévision que " les recherches
sur l'autogestion sont intéressantes ".
En
quoi le contenu de l'autogestion du PS diffère-t-il ?
En rien. Ce que le PS trouve " fondamental ", c'est de "
remettre en cause ", à travers l'autogestion, " la
hiérarchie actuelle des revenus et la
hiérarchie des tâches ", ce n'est qu'un
écho du rapport Méraud, commandé par
Giscard pour le Vllème Plan. Mais le morceau
clé du contenu " révolutionnaire " de
l'autogestion, c'est la thèse sur " les trois types
d'entreprises " : la première, c'est l'entreprise "
à gestion tripartite ", prévue dans le
programme commun pour les nationalisations ; la seconde,
c'est celle qui est dirigée " par un conseil de
gestion élu par les travailleurs " ; la
troisième, enfin c'est l'entreprise " à
conseil de gestion et conseil de surveillance ".
Voilà les degrés différents
d'autogestion vus par le PS : ces propositions constituent
en fait une réforme Sudreau bis. Toutes ces solutions
ont en effet été proposées par
là commission Sudreau ou par les secteurs "
progressistes " du patronat. C'est Sudreau qui a repris de
la " cogestion " allemande, la " co-surveillance " qui "
autorise " les " représentants des travailleurs dans
les conseils d'administration et de surveillance " ; c'est
lui qui a inventé " la société à
gestion participative " où travailleurs et
actionnaires se partagent le capital. C'est le Centre des
Jeunes Dirigeants du patron Debarge qui propose
l'élection du chef d'entreprise par les travailleurs.
Quoi de mieux dans les propositions du PS que tous ces
projets démagogiques ? L'autogestion n'a vraiment
rien de très neuf ; elle reprend pour l'essentiel les
mesures du programme commun, parlant de " socialisations "
au lieu de " nationalisations " mais avec le même
contenu. Les entreprises " autogérées " qui
resteraient de toutes façons une minorité
sont, aux dires mêmes du PS " comparables " aux "
coopératives ouvrières de production " ! Les
autres sont, soit les nationalisations du programme commun,
soit des entreprises privées " dont le statut ne
sera chargé que par les incitations et les
contrôles exercés par le plan ", plan "
démocratique " lui aussi prévu dans le
programme commun. Quand il s'agit d'ailleurs de
définir les " compétences " des conseils
d'autogestion, le PS cite significativement "
l'organisation du travail, la définition des postes,
les normes de production ", toutes choses que les
sociologues patronaux conseillent aujourd'hui aux patrons de
définir " en concertation " avec les travailleurs
pour éviter les grèves. Ces techniques, "
groupes autonomes " et autres " recomposition du travail ",
là où elles sont appliquées
malgré la résistance des travailleurs, c'est
à dire en bien peu d'endroits, aboutissent en fait
à une gestion plus habile des " conflits ", une
exploitation plus masquée.
LA QUESTION DU POUVOIR
EST EVITEE
|
On pourra répondre que
c'est un mauvais procès fait au PS que d'assimiler
son autogestion à la réforme Sudreau ; car le
PS, dira-t-on, proclame sa volonté de "
transformation de l'Etat ". Voyons en effet ce qu'il range
sous ce terme.
A
qui appartient le pouvoir dans la société
autogestionnaire ? " Aux instances élues au suffrage
universel " à travers des élections
organisées sous la dictature bourgeoise,
répond le PS. Donc, rien de changé
là-dessus. Mais, ce qui est encore plus
caractéristique de l'autogestion du PS, c'est le fait
qu'elle ne nécessite pas de rupture avec le
capitalisme, elle existe même
YOUGOSLAVIE :
l'autogestion en actes...
La seule référence
concrète qui existe de l'autogestion pour le
PS, c'est la Yougoslavie. Tito lui-même a
reconnu que c'est un pays capitaliste. Il a dit
l'année dernière qu'il y a dans ce
pays " un abandon des critères de classe,
d'amples menées de groupes et de cliques et
une large privatisation " (1).
Cette année l'inflation
yougoslave a été de 25%, le pouvoir
d'achat a reculé de 3%, les chômeurs
sont, comme en Fance, 4% de la population active ;
des dizaines de milliers de travailleurs
yougoslaves sont contraints a l'émigration
vers les pays occidentaux. Quel beau " socialisme
autogestionnaire " !!
-------------
(1) discours au 10e Congrès de la
Ligue des " communistes " Yougoslaves.
|
déjà un peu aujourd'hui : les luttes
actuelles, selon le PS permettent " l'exercice provisoire
d'un contrôle dans l'entreprise " qui est
baptisé " contrôle ouvrier " ou " populaire "
et qui " correspond à la phase actuelle du processus
d'autogestion ". Ce qui veut dire qu'on peut prendre petit
à petit des morceaux de pouvoir à la
bourgeoisie et que la division en classes " se trouvera
progressivement remise en cause avec tout ce qu'elle
implique d'exploitation et d'aliénation "
!
Le
PS, qui par ailleurs, ose se réclamer de Marx,
proclame :
"
II faut à la fois occuper le gouvernement et le
changer ". Quelle révolution que cette "
occupation " ! Que fera l'armée bourgeoise dans
l'autogestion ? Détail, répond le PS, on fera
" une refonte du système militaire ". ET la justice,
la police bourgeoises ? Il y aura " une nouvelle
définition de leur rôle ". En outre, le PS
promet de " réduire les compétences du pouvoir
central " comme le proposait de Gaulle dans son
référendum sur les régions en 1969.
Voilà la " transformation de l'Etat " par le PS ! Pas
une once du pouvoir de la classe exploiteuse, pas un morceau
de son appareil d'Etat ne sont touchés !
Signalons enfin que, pour le PS, le
rôle de la classe ouvrière pour instaurer le
socialisme n'existe pas, puisque ce parti a "
dépassé " le marxisme, et qu'il a
inventé le " front de classe ", où OS et PDG
salariés sont mêlés fraternellement. "
Front de classe " qui lutte, non pour la révolution -
c'est aussi dépassé pour le PS - mais pour "
le passage à la prédominance du grand
capitalisme à celle des couches populaires
rassemblées dans le front de classe ". Et on a
ainsi fait le tour de la baudruche de l'autogestion que nous
présente le PS.
DEMAGOGIE ULTRA-
REVOLUTIONNAIRE ET
PLATITUDE REFORMISTE
|
A l'exposé du contenu
réel des thèses du PS, on voit donc bien que
son autogestion n'est qu'un gadget minable pour instaurer
une nouvelle collaboration de classes, pour maintenir la
dictature bourgeoise. L'autogestion c'est, au fond, comme le
disait un travailleur à propos des réformes
patronales de l'entreprise, " une autre manière
pour le patron d'attacher son chien " ! Ce n'est pas
dans l'autogestion que les immenses aspirations à en
finir avec le capitalisme, encensées par le PS pour
mieux les dévoyer, trouveront leur satisfaction ;
c'est dans la lutte pour le socialisme, pour le pouvoir des
ouvriers et des paysans ! Car les principes du
marxisme-léninisme, l'expérience du mouvement
communiste international, constituent des bases universelles
qui, précisément, donnent leur pleine
expression à ces aspirations révolutionnaires
que le PS cherche en vain à maquiller en "
aspirations à l'autogestion ".
Paul LEFORT.
|