FRONT ROUGE n°161 -19 juin 1975- hebdomadaire
organe central du
Parti Communiste Révolutionnaire (m.l.)
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CONVENTION DU PS :
L'IMPOSTURE DE L'AUTOGESTION

    La convention du PS sur l'autogestion qui se tient ce week-end fait partie d'un ensemble d'initiatives de la bourgeoisie qui visent à trouver de nouvelles formes de collaboration de classes. Mais elle a un caractère particulier car elle illustre la volonté d'affirmer le nouveau visage de la social-démocratie. Elle s'inscrit en outre dans la concurrence PS-P"C" : en cela, elle traduit la volonté du PS de profiter du déclin du révisionnisme.

RECUPERER
LES ASPIRATIONS
REVOLUTIONNAIRES

    Le PS cherche à s'approprier les luttes qui, depuis 68, ont été menées en opposition avec les dirigeants révisionnistes : dans cette mesure, on ne saurait sous estimer la nocivité du mot d'ordre d'autogestion car, avec son caractère flou, il sert à développer illusions et confusion, à brouiller la perspective du socialisme, dans l'esprit des masses.
   
L'effort du PS pour mettre la main sur la CFDT avec la complicité de ses dirigeants s'est heurté à une vive résistance à l'intérieur du syndicat : c'est pourtant dans le même projet que s'inscrit la convention sur l'autogestion, qui veut présenter le PS comme capable de fournir aux masses une alternative globale au capitalisme, concurrente du projet révisionniste.
   
Les thèses publiées par le PS parlent de la lutte des Lip, des luttes des OS, qui expriment, selon lui, " l'aspiration à l'autogestion ". Une première remarque s'impose : les Lip, contrairement aux affabulations variées construites autour de leur lutte, ont toujours affirmé qu'il ne s'agissait pas pour eux " d'autogestion " ; de même, les travailleurs de Teppaz, par exemple, ont rejeté la " coopérative autogestionnaire " défendue par contre par les cadres de FO.
   
Pourtant, sous le vocable indéfini " autogestion ", le PS et ses acolytes prennent en compte, à leur façon, une réalité indéniable : les aspirations révolutionnaires exprimées dans les luttes ouvrières et populaires ces dernières années. C'est en cela que le PS constitue un ennemi qu'on ne peut négliger : il cherche à canaliser vers l'impasse de l'autogestion ces justes aspirations ; que ce soit la volonté de conduire démocratiquement les luttes, de décider les revendications en dehors des directions syndicales révisionnistes et réformistes ; que ce soit l'aspiration à détruire l'organisation capitaliste du travail, la hiérarchie capitaliste ; que ce soit la remise en cause de la dictature bourgeoise sur tous les aspects de la vie des travailleurs. Le PS mise, en outre, sur le dégoût justifié des travailleurs pour la vie en pays révisionniste, pour le prétendu " socialisme " qui n'est qu'une autre forme de capitalisme, restauré par les nouvelles bourgeoisies des pays de l'Est et l'URSS. Présentant ces pays comme le " socialisme centralisé ", " autoritaire ", le PS éclipse la tragédie de la restauration du capitalisme et, par ailleurs, il masque qu'il existe au monde des pays véritablement socialistes, tels la Chine et l'Albanie.

RENOUVELER LES VIEILLES
ATTAQUES CONTRE
LE SOCIALISME

    Sur ces bases, le PS cherche à amener les travailleurs à cette conclusion : il faut construire un socialisme entièrement nouveau, avec des principes et une théorie à inventer, dont l'axe essentiel est " l'autogestion ".
   
Dans ce but, il développe un discours ésotérique, piquant ça et là des bribes de " marxisme ", des idées bourgeoises à la mode, des morceaux de sociologie patronale du travail : tout cela pour prouver qu'il a, lui, réussi, comme il dit, à " dépasser l'alternative réforme/révolution ", à aller " au-delà même de l'exploitation qu'indiquait Marx " ! On trouve dans les thèses du PS cette première idée : il y aurait une opposition entre socialisme et démocratie, entre socialisme et centralisme. Pour faire passer cette idée anti-communiste, le PS ose se réclamer de Marx, de la Commune de Paris. C'est pour opposer Marx, présenté comme " autogestionnaire ", au socialisme qualifié de " centralisé ", " bureaucratique ", qui existait en URSS à l'époque de Lénine et Staline. Le PS écrit : " le socialisme peut de plus en plus difficilement s'édifier sur un modèle centralisé " : c'est qu'il veut réduire la question du socialisme à une pure opposition technique, au-dessus des classes entre " centralisme " et " décentralisation ". Il s'agit là de masquer que le centralisme, sous le capitalisme, est un outil de la classe exploiteuse, mais qu'il est utilisé par la classe ouvrière au pouvoir, qui lui donne un contenu radicalement opposé : le centralisme démocratique. Toute l'expérience historique prouve en effet que le plan socialiste, démocratiquement élaboré par les masses est centralisé, et que c'est parce qu'il est à la fois démocratique et centralisé qu'il est l'inverse de l'anarchie capitaliste et de la dictature bourgeoise. La politique du prolétariat au pouvoir ne peut se passer d'un Etat centralisé, qui est l'expression hautement démocratique de la mobilisation des. masses, de la direction du Parti communiste et le garant indispensable contre la restauration du capitalisme et les menées bourgeoises.
   
Le PS, dans ses thèses, introduit aussi une autre idée à la mode : la misère des travailleurs, les maux de notre société seraient selon lui, dû à la " société industrielle ", " moderne ", aux " techniques ". Cette absurdité remplit les colonnes de la presse bourgeoise, elle fait l'unité entre Mansholt, grand bourgeois hollandais et les marginaux écologistes de " Libération " qui servent de rabatteurs au PS comme leurs confrères anti-communistes forcenés du " Nouvel Observateur " : c'est la fameuse thèse de la " croissance zéro ", qui ne peut être que l'austérité pour les travailleurs. Mitterrand, au colloque de Suresnes incriminait la " nature des choses " " la société industrielle qui a créé partout dans le monde les mêmes problèmes ". Le but recherché est clair : absoudre la dictature bourgeoise, masquer que c'est le capitalisme, l'exploitation des ouvriers, " la soif du vampire du capital " dont Marx a parlé, qui sont les véritables responsables de la misère des travailleurs et qu'il faut abattre.
   
Ces quelques inepties constituent le " corps théorique " sur lequel le PS fonde sa conviction qu'il faut rejeter " l'ancienne vision de la société socialiste ". assimilant le capitalisme aujourd'hui restauré à Moscou au socialisme qui y a été renversé ; il fait le silence total sur le socialisme qui se construit en Chine, sous prétexte qu'il serait " rural ", niant qu'il correspond, au delà des différences entre la Chine et la France, aux principes universels fondamentaux qui sous-tendront l'instauration d'une société socialiste dans notre pays.

AUTOGESTION, NOUVELLE FORME
DE GESTION CAPITALISTE

    Si l'on commet l'erreur de croire au " nouveau socialisme " que nous proposent les bourgeois du PS à travers leur autogestion miracle, il suffit d'en lire le contenu réel dans leurs thèses. Que disent-elles en effet ? On a beau les retourner dans tous les sens, on n'y trouve rien d'autre que les thèses bourgeoises sur la " réforme de l'entreprise ".
   
Les patrons " progressistes " sont d'ailleurs de fervents partisans de l'autogestion : ainsi F. Dalle, PDG de l'Oréal qui pense " qu'un management participatif ne saurait s'opposer à la création de cellules d'autogestion ", ou Bidegain, PDG de la chaussure qui déclare qu'il faut " organiser en systèmes autogérés certains éléments de production ". Chirac lui-même a d'ailleurs déclaré lundi à la télévision que " les recherches sur l'autogestion sont intéressantes ".
   
En quoi le contenu de l'autogestion du PS diffère-t-il ? En rien. Ce que le PS trouve " fondamental ", c'est de " remettre en cause ", à travers l'autogestion, " la hiérarchie actuelle des revenus et la hiérarchie des tâches ", ce n'est qu'un écho du rapport Méraud, commandé par Giscard pour le Vllème Plan. Mais le morceau clé du contenu " révolutionnaire " de l'autogestion, c'est la thèse sur " les trois types d'entreprises " : la première, c'est l'entreprise " à gestion tripartite ", prévue dans le programme commun pour les nationalisations ; la seconde, c'est celle qui est dirigée " par un conseil de gestion élu par les travailleurs " ; la troisième, enfin c'est l'entreprise " à conseil de gestion et conseil de surveillance ". Voilà les degrés différents d'autogestion vus par le PS : ces propositions constituent en fait une réforme Sudreau bis. Toutes ces solutions ont en effet été proposées par là commission Sudreau ou par les secteurs " progressistes " du patronat. C'est Sudreau qui a repris de la " cogestion " allemande, la " co-surveillance " qui " autorise " les " représentants des travailleurs dans les conseils d'administration et de surveillance " ; c'est lui qui a inventé " la société à gestion participative " où travailleurs et actionnaires se partagent le capital. C'est le Centre des Jeunes Dirigeants du patron Debarge qui propose l'élection du chef d'entreprise par les travailleurs. Quoi de mieux dans les propositions du PS que tous ces projets démagogiques ? L'autogestion n'a vraiment rien de très neuf ; elle reprend pour l'essentiel les mesures du programme commun, parlant de " socialisations " au lieu de " nationalisations " mais avec le même contenu. Les entreprises " autogérées " qui resteraient de toutes façons une minorité sont, aux dires mêmes du PS " comparables " aux " coopératives ouvrières de production " ! Les autres sont, soit les nationalisations du programme commun, soit des entreprises privées " dont le statut ne sera chargé que par les incitations et les contrôles exercés par le plan ", plan " démocratique " lui aussi prévu dans le programme commun. Quand il s'agit d'ailleurs de définir les " compétences " des conseils d'autogestion, le PS cite significativement " l'organisation du travail, la définition des postes, les normes de production ", toutes choses que les sociologues patronaux conseillent aujourd'hui aux patrons de définir " en concertation " avec les travailleurs pour éviter les grèves. Ces techniques, " groupes autonomes " et autres " recomposition du travail ", là où elles sont appliquées malgré la résistance des travailleurs, c'est à dire en bien peu d'endroits, aboutissent en fait à une gestion plus habile des " conflits ", une exploitation plus masquée.

LA QUESTION DU POUVOIR
EST EVITEE

    On pourra répondre que c'est un mauvais procès fait au PS que d'assimiler son autogestion à la réforme Sudreau ; car le PS, dira-t-on, proclame sa volonté de " transformation de l'Etat ". Voyons en effet ce qu'il range sous ce terme.
   
A qui appartient le pouvoir dans la société autogestionnaire ? " Aux instances élues au suffrage universel " à travers des élections organisées sous la dictature bourgeoise, répond le PS. Donc, rien de changé là-dessus. Mais, ce qui est encore plus caractéristique de l'autogestion du PS, c'est le fait qu'elle ne nécessite pas de rupture avec le capitalisme, elle existe même

YOUGOSLAVIE :

l'autogestion en actes...

    La seule référence concrète qui existe de l'autogestion pour le PS, c'est la Yougoslavie. Tito lui-même a reconnu que c'est un pays capitaliste. Il a dit l'année dernière qu'il y a dans ce pays " un abandon des critères de classe, d'amples menées de groupes et de cliques et une large privatisation " (1).

    Cette année l'inflation yougoslave a été de 25%, le pouvoir d'achat a reculé de 3%, les chômeurs sont, comme en Fance, 4% de la population active ; des dizaines de milliers de travailleurs yougoslaves sont contraints a l'émigration vers les pays occidentaux. Quel beau " socialisme autogestionnaire " !!

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(1) discours au 10e Congrès de la Ligue des " communistes " Yougoslaves.

déjà un peu aujourd'hui : les luttes actuelles, selon le PS permettent " l'exercice provisoire d'un contrôle dans l'entreprise " qui est baptisé " contrôle ouvrier " ou " populaire " et qui " correspond à la phase actuelle du processus d'autogestion ". Ce qui veut dire qu'on peut prendre petit à petit des morceaux de pouvoir à la bourgeoisie et que la division en classes " se trouvera progressivement remise en cause avec tout ce qu'elle implique d'exploitation et d'aliénation " !
   
Le PS, qui par ailleurs, ose se réclamer de Marx, proclame :
   
" II faut à la fois occuper le gouvernement et le changer ". Quelle révolution que cette " occupation " ! Que fera l'armée bourgeoise dans l'autogestion ? Détail, répond le PS, on fera " une refonte du système militaire ". ET la justice, la police bourgeoises ? Il y aura " une nouvelle définition de leur rôle ". En outre, le PS promet de " réduire les compétences du pouvoir central " comme le proposait de Gaulle dans son référendum sur les régions en 1969. Voilà la " transformation de l'Etat " par le PS ! Pas une once du pouvoir de la classe exploiteuse, pas un morceau de son appareil d'Etat ne sont touchés !
   
Signalons enfin que, pour le PS, le rôle de la classe ouvrière pour instaurer le socialisme n'existe pas, puisque ce parti a " dépassé " le marxisme, et qu'il a inventé le " front de classe ", où OS et PDG salariés sont mêlés fraternellement. " Front de classe " qui lutte, non pour la révolution - c'est aussi dépassé pour le PS - mais pour " le passage à la prédominance du grand capitalisme à celle des couches populaires rassemblées dans le front de classe ". Et on a ainsi fait le tour de la baudruche de l'autogestion que nous présente le PS.

DEMAGOGIE ULTRA-
REVOLUTIONNAIRE ET
PLATITUDE REFORMISTE

    A l'exposé du contenu réel des thèses du PS, on voit donc bien que son autogestion n'est qu'un gadget minable pour instaurer une nouvelle collaboration de classes, pour maintenir la dictature bourgeoise. L'autogestion c'est, au fond, comme le disait un travailleur à propos des réformes patronales de l'entreprise, " une autre manière pour le patron d'attacher son chien " ! Ce n'est pas dans l'autogestion que les immenses aspirations à en finir avec le capitalisme, encensées par le PS pour mieux les dévoyer, trouveront leur satisfaction ; c'est dans la lutte pour le socialisme, pour le pouvoir des ouvriers et des paysans ! Car les principes du marxisme-léninisme, l'expérience du mouvement communiste international, constituent des bases universelles qui, précisément, donnent leur pleine expression à ces aspirations révolutionnaires que le PS cherche en vain à maquiller en " aspirations à l'autogestion ".

Paul LEFORT.

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