FRONT ROUGE n°161 -19 juin 1975- hebdomadaire
organe central du
Parti Communiste Révolutionnaire (m.l.)
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PLEIN SUCCES DES ASSISES SUR LES ACCIDENTS
DU TRAVAIL ET LES MALADIES PROFESSIONNELLES

    Ce sont plus de 300 personnes qui ont participé samedi 14 et dimanche 15 juin aux Assises sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Dès 14 heures diverses délégations se présentaient à l'accueil dans la cour ombragée du 27 avenue de Choisy, retiraient leur vignette et s'inscrivaient aux différents carrefours. Les participants venaient de toute la France : Nice, Marseille, Strasbourg, Bordeaux, Brest, etc... Travailleurs hospitaliers de Grenoble, de Paris... Ouvriers de Penarroya, de Brandt-Lyon, Hoover Dijon, travailleurs du CEA de Saclay, mineurs de Montceau, Liévin, Faulquemont, juristes du MAJ et du Syndicat de la Magistrature, anciens ingénieurs des mines, médecins du GIS, employés sécurité sociale, délégués CHS (CGT et CFDT) de diverses usines et de nombreux hôpitaux, handicapés du Comité de Lutte des Handicapés, de Paris et de province, élèves infirmiers et militants du Groupe Information Asile…

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    Tous se retrouvaient à 15 h, pour la séance d'ouverture des Assises présentées par la Commission Populaire de Liévin, qui rappelait que 2 voies s'étaient affrontées à Liévin : celle de la mobilisation des mineurs pour faire la vérité ou celle de faire confiance à la justice bourgeoise. Pour les Assises, pour les luttes c'est la même question qui se pose. Puis chacun se répartissait dans les différentes salles.
   
Dans tous les carrefours, on pouvait remarquer la richesse du contenu des interventions, fruit de l'expérience, comme lors de la dénonciation des conditions de travail, fruit d'un sérieux travail d'enquête comme ce médecin de Bordeaux, présentant une thèse sur le travail posté, démonstration scientifique des incidences du travail posté sur la santé, analyse médicale mais aussi analyse vivante basée sur des interviews d'ouvriers en poste, dans diverses entreprises bordelaises. Des travailleurs de Saclay brisant le secret professionnel remirent en cause la manière dont la bourgeoisie utilise l'énergie nucléaire... Hospitaliers, ouvriers, spécialistes échangèrent leur expérience, écoutant attentivement chaque intervention... apportant chacun leur témoignage... Si bien que le temps passait trop vite et vers 19 h 30, samedi les carrefours s'arrêtaient près d'une 1/2 heure après l'horaire prévu.

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    Après avoir pris le repas en commun et après que des liens et des discussions animées se soient noués à cette occasion entre diverses délégations commentant les carrefours précédents, les participants prirent le chemin de la salle de cinéma.

A 21 h, était présenté le film du professeur Minkowski " naître sans danger " film qui dénonce la médecine de soins intensifs quand il est trop tard, alors qu'une médecine de prévention empêcherait de nombreux prématurés.

Même si le film développait certaines illusions sur les possibilités de réforme dans le cadre de la société actuelle, il restait néanmoins comme une dénonciation nette de la médecine actuelle...

    Le film sur le trust de Penarroya et les conditions de travail, de lutte des ouvriers illustrait bien ce qu'est le cinéma militant. Enfin, le montage du PCR (ml) sur le tribunal populaire relatait d'une manière vivante la lutte des mineurs pour la vérité et la sécurité. A l'occasion de cette projection eut lieu un débat faisant le point de la lutte des travailleurs de Penarroya.

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    Le lendemain Marie Paule Lambert des " Paysans Travailleurs " venait apporter ici le soutien des paysans en lutte et le travail reprenait avec la même attention et le même sérieux. Les carrefours se terminaient à 12 h et à 14 h 30 tous se réunissaient pour l'Assemblée générale des Assises.

    A la tribune, le Comité de Lutte des Handicapés, Marie Paule Lambert, des camarades de la Commission Populaire d'Enquête, de l'Association des Silicosés, et de la Commission Santé du PCR (ml)...

    Les rapporteurs des différents carrefours interviennent :

l Celui sur les luttes, montre la nécessité pour pouvoir mener la lutte, d'échanges entre usines, et aussi de collaboration avec des spécialistes : analyse de produits toxiques, savoir scientifique pour contester les experts bourgeois qui se servent des arguments d'impossibilité technique pour maintenir l'exploitation.

    La rédaction d'un répertoire des produits toxiques et des maladies professionnelles était entre autre proposée.

l La même préoccupation se dégageait du carrefour sur les mesures hypocrites que la bourgeoisie prétend prendre pour la sécurité et les accidents du travail. Juristes, médecins, chercheurs d'instituts de sécurité dénoncèrent et expliquèrent sur la base des études qu'ils avaient faites, le caractère de classe de la loi: " on nous apprend comment défendre les PDG, le droit sur les sociétés mais sur le droit du travail, on ne nous apprend rien " dira un assistant de droit de la fac de Lille…

    Les divers rouages de l'appareil de la bourgeoisie furent mis à nu sur la base d'étude dans ces secteurs remettant en cause ce que la bourgeoisie y impose. Juristes du MAJ, médecins du GIS, chercheurs de l'INRS furent confrontés à la pratique des ouvriers d'entreprise présents à ces carrefours.

l Le carrefour sur la santé des femmes dénonçait le caractère particulier de l'exploitation des femmes sur divers exemples : il affirmait entre autre la nécessité de lutter non pour adapter l'homme aux conditions de travail, mais les conditions de travail à l'homme, thème qui reviendra souvent dans les Assises. Ainsi à Bourgogne Electronique (Dijon) plutôt que d'exiger des lunettes pour les ouvrières qui attrapent mal aux yeux, il faut lutter pour supprimer la cause de ce qui leur abîme les yeux, c'est à dire s'attaquer aux conditions de travail.

l Ce thème sera repris et développé dans le carrefour sur les luttes et les CHS. La politique de la bourgeoisie qui veut se servir des CHS pour adapter l'homme aux conditions de travail, c'est à dire limiter, avec la collaboration syndicale, les effets trop criants de l'organisation capitaliste du travail, fut dénoncée. Si les travailleurs entrent en contradiction avec les délégués CHS, c'est souvent parce que ceux-ci au lieu de s'attaquer aux causes d'insécurité (rendement, organisation de la production) s'attaquent seulement à en limiter les effets. Alors " sécurité " est synonyme d'augmentation de la charge de travail des ouvriers. Dans ce carrefour : c'est toute la conception des CHS qui est remise en cause... Les CHS avec le Comité d'Entreprise et la section syndicale, sont un moyen de lutte contre l'organisation capitaliste du travail.

    A ce carrefour, le point sera fait sur l'Association des Silicosés, la décision de l'extension au plan national sera annoncée.

    Les travailleurs handicapés, les infirmiers et psychiatrisés du GIA, expliqueront également dans ce carrefour comment ils luttent :

1°) Pour briser les ghettos où on les enferme, à l'écart de la société, dans des hôpitaux, dans des ateliers protégés.

2°) Pour contrer l'exploitation qu'ils subissent dans les ateliers protégés ou par l'ergothérapie. Divers témoignages seront apportés en particulier sur une étude faite par les ciments Lafarge, selon laquelle l'ouvrier idéal, est l'handicapé physique et mental car il ne se révolte pas comme le détenu des prisons et parce qu'il est moins sensible au travail répétitif.

l Cette remise en cause par des handicapés et des infirmiers psychiatriques fut largement débattue, dans le carrefour de l'appareil médical hospitalier, le sens de la médecine socialiste, le problème de la médecine de classe, de l'alliance des hospitaliers et de la classe ouvrière furent aussi discutés, témoignant de la profonde remise en cause de la politique et du système médical bourgeois par les travailleurs hospitaliers. Des idées et des exemples sur les luttes communes d'hospitaliers, d'ouvriers hospitalisés et de famille d'hospitaliers contre la médecine de classe, le mépris du malade furent échangés.

    A l'issue de ce carrefour des groupes de travailleurs, restaient pour discuter, échangeant des réflexions telles que " On a vraiment bien avancé sur la question de la lutte avec les hospitalisés " ou " cela m'a fourni des armes pour revenir sur la boîte avec des arguments et des idées ".

    Bien que trop courte, l'Assemblée générale a surtout centré sa discussion sur la définition des revendications sur le front de la santé, ainsi que sur le rôle que peuvent jouer les intellectuels au service des luttes.

    C'est unanimement que l'assemblée générale affirmait sa volonté de remise en cause fondamentale des conditions de travail et le rejet des solutions d'adaptation de l'ouvrier à la machine économique capitaliste. Les Assises dans leur signification politique, témoignaient de l'aspiration à une société au service du peuple et non une société où l'homme est une source de profit.
   
Un débat fort animé eut lieu sur le rôle des intellectuels... Ceux-ci fort justement remirent en cause la fonction qu'on leur faisait jouer. L'aspiration et le besoin des travailleurs des usines à avoir un complément d'information pour aider les mobilisations, surtout sur les conditions de travail, là où la bourgeoisie se sert du savoir pour justifier son exploitation, furent plusieurs fois affirmés.
   
Le 3e point qui se dégagea de cette assemblée générale, c'est la volonté que ce soient les masses qui prennent en main la lutte à l'hôpital, à l'usine, et l'opposition à la politique réformiste et révisionniste qui, sur ces questions, fait tout pour déposséder les travailleurs de l'initiative, pour la remettre aux spécialistes.
   
Cette volonté se concrétisa par l'adoption à l'unanimité de la constitution d'un Centre de liaison et d'information sur la santé et la sécurité du travail, basé sur 3 principes :
- Remise en cause fondamentale de l'organisation capitaliste de la production, du système médical et de la société.
- Tout faire pour que les masses jouent leur rôle et prennent en main la lutte sur la santé et sur la sécurité du travail.
- Etre le lieu de rencontre et de lutte commune des ouvriers, des délégués CHS, des syndicats, des spécialistes, des travailleurs hospitaliers, des médecins, juristes qui veulent lutter ensemble. La résolution a été prise, partout où ce serait possible, d'impulser la création de Comités de lutte pour la Santé unissant ouvriers, hospitaliers, paysans.

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    Après ce débat : Le Comité de Lutte des Handicapés affirma la volonté des travailleurs handicapés " partie la plus exploitée du prolétariat " d'être aux côtés du reste de la classe ouvrière dans la lutte pour la transformation révolutionnaire du monde capitaliste pourrissant. Un camarade du Groupe Information Asile intervint pour faire le point des travaux et des projets de son groupe. Un responsable de la Commission Santé du PCR (ml), réaffirma la portée politique de ces Assises, posa la question de l'élargissement, de l'approfondissement du travail effectué, de son rattachement au combat d'ensemble contre la politique de crise, pour la révolution. Il montra la nécessité de forger l'arme de ce combat : le Parti de type nouveau à édifier dans un nouveau type de rapport avec les masses, s'unifiant avec elles, débattant avec elles pour synthétiser l'expérience et la porter à un degré supérieur. On peut estimer que ces Assises en ont été une illustration.

Yvon CHEVET.

Pour tout contact avec le Centre de Liaison
et d'Information sur ta santé et les conditions
de travail (demande de documents, animation
de débats, soutien aux luttes) s'adresser à :

Dr. Mireille BECCHIO
56 rue des Guipons
94800 VILLEJUIF


Chausson - Asnières :
débat sur la santé et le travail

    Suite concrète aux travaux des Assises, lundi dernier, à l'invitation du Comité de grève, plusieurs membres de la Commission de Préparation aux Assises ont animé un débat en présence de plusieurs dizaines d'ouvriers (CGT, CFDT). Après un chaleureux accueil, un débat de très haute qualité s'engagea sur le rôle de la médecine du travail, comment se battre dans les CHS, le rôle des spécialistes dans la lutte.
   
L'ergonomie (science bourgeoise du travail) et les tests psychotechniques ont été dénoncés : " C'est un moyen d'améliorer au maximum la rentabilité des ouvriers ! " ; " cela permet de cacher derrière le paravent d'une fausse science, la recherche du profit maximum ! " ou sur les médecins du travail : " Ils sont à la solde du patron, payés par lui, contractuels, et d'accord avec lui. Ils s'appuient sur des lois inexistantes pour refuser le changement de poste aux ouvriers dont la santé est fragile ". Sur le CHS, tout le monde est unanime : " II est aux mains du patron et des gens à sa solde. Mais même minoritaires, nous faisons le poids, car nous représentons les ouvriers. Nous nous appuyons sur eux, et si on n'est pas d'accord, c'est par la lutte, pas par la légalité qu'on l'emporte ! II faut se battre dans le CHS, s'en servir comme d'une tribune ". Sur la question de la place des spécialistes au service des travailleurs : " C'est nous seuls qui pouvons lutter et battre le patron. Ils ont un rôle secondaire mais avec leurs documents, leurs connaissances, ils peuvent alimenter l'action " " Ce qu'il faudrait, c'est aller voir les gars en leur disant, toi, à ton poste, tu vas être malade de telle maladie ou tu vas crever de ça, si ça continue ".

    Sur les intentions de la bourgeoisie, les paroles ne laissaient percer aucune illusion : " Le système , il est complètement pourri, à fond, il faut le mettre d'abord en l'air pour qu'on puisse repenser les conditions de travail ! " déclarait un travailleur de la cinquantaine, militant CGT. Un autre ajoutait : " II faudra la révolution ! ".
   
Après un rapide compte rendu des Assises, nous nous sommes séparés sur la décision de garder le contact dans le cadre du Centre de Liaison sur la Santé et les conditions de travail et de refaire un débat plus large à l'usine.
- A noter que le P"C"F avait en hâte avancé la date de son débat sur les libertés pour le mettre à la même heure et le même jour que celui sur la santé. Malgré cela, un tiers des ouvriers vinrent discuter avec nous, dont plusieurs membres du P"C"F. 

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