LE CONGRÉS DE TOURS
RENIÉ...
En 1920, à Tours,
naît le Parti communiste français qui
adhère immédiatement aux 21 conditions
d'admission à l'Internationale
communiste.
La première de ces
conditions contient notamment la recommandation suivante:
"Il ne convient pas de parler de la dictature du
prolétariat comme d'une formule apprise et courante;
la propagande doit être faite de manière
à ce que la nécessité en ressorte pour
tout travailleur, pour tout ouvrier, pour tout soldat, pour
tout paysan, des faits mêmes de la vie quotidienne,
systématiquement notés par notre
presse."
L'objectif de la dictature
du prolétariat est tellement inséparable de
l'idéal révolutionnaire du communisme que
encore aujourd'hui les statuts du PCF y font
référence. Et pourtant...
Mercredi 7
janvier, sur la deuxième chaîne, Georges
Marchais est l'invité du soir.
A la télévision
dirigée par la bourgeoisie au pouvoir comme chacun
sait, il est venu faire un numéro de charme. Il faut
sourire, sourire beaucoup, en un mot il faut rassurer :
c'est le prix des voix à gagner pour l'emporter aux
prochaines élections. Et dans ce domaine, il est
prêt à aller très loin, Marchais,
à faire toutes les promesses, à tranquilliser
tous les réactionnaires. Justement on l'interroge sur
la "dictature du prolétariat". Cette dictature du
prolétariat qui fait trembler de longue date les
nantis. Car pour tout communiste authentique, la "dictature
du prolétariat" c'est le seul contenu possible de
l'Etat de type nouveau à instaurer pour
édifier une société socialiste de
transition vers le communisme: c'est un des principes de
base du marxisme-léninisme. Marx, Engels,
Lénine et tous les authentiques communistes ont
dû lutter sans cesse contre les détracteurs de
la dictature du prolétariat.
Des milliers et des milliers de
communistes français sont morts avec cet espoir dans
le coeur, et voilà que le secrétaire du Parti
qui se dit encore communiste déclare:
"Aujourd'hui le mot dictature
ne correspond pas à ce que nous voulons. Il a une
signification insupportable"
!
La bourgeoisie, à qui
Georges Marchais a déjà donné des gages
de sa servilité, n'en croit tout de même pas
ses oreilles, la mariée est tellement belle ! Les
commentaires vont bon train; c'est ainsi que
l'éditorialiste de l'hebdomadaire de la grande
bourgeoisie, "Le Point", écrit: "Georges Marchais annonce, jovial, ce qu'il
ignore encore : qu'il n'est plus communiste
! "
La dictature du prolétariat
c'est la domination de la classe ouvrière et
des
masses populaires sur leurs
anciens exploiteurs.
La bourgeoisie française n'est
pas la seule à réagir. A Moscou, la nouvelle
bourgeoisie qui a transformé le premier pays de
dictature du prolétariat en un pays de dictature
bourgeoise fasciste, s'inquiète: la
référence au marxisme-léninisme lui est
nécessaire pour tromper les peuples d'Europe.
Marchais est rappelé publiquement à l'ordre...
par des idéologues chargés de justifier la
répression des mouvements de masse en URSS, les camps
de concentration, les internements d'opposants en
hôpitaux psychiatriques, etc...
Ainsi
une question tout à fait claire est-elle devenue
particulièrement embrouillée.
Il appartenait aux
authentiques communistes de rétablir la
vérité et la clarté, et sur la
dictature du prolétariat et sur le système en
vigueur en URSS. C'est ce que nous voulons
faire.
Il y a
une ambiguïté qui plane depuis les
dernières déclarations de G. Marchais. On
croirait, à entendre presse et radio, que c'est
aujourd'hui que les dirigeants du PCF ont abandonné
le principe de la "dictature du prolétariat". En
réalité le secrétaire
général du PCF n'a fait l'autre semaine
qu'officialiser, ou si l'on veut "normaliser", une ligne
politique bien plus ancienne. Comme l'explique sans honte
une rédactrice de l'organe théorique du PCF
"France nouvelle" : " la
vieille peau finit toujours par tomber, pour laisser la peau
neuve respirer librement " et
elle ajoute plus loin que " cette idée
( de rejeter le principe de la dictature du
prolétariat. NDLR) n'a
cessé d'être discutée et de mûrir
dans les rangs du PC depuis le Manifeste de
Champigny".
Encore
faudrait-il remonter plus loin, à 1956 et au
XXè Congrès du PC d'Union soviétique. A
partir de ce congrès, Khrouchtchev ne devait plus
parler que de l'"État du
peuple tout entier" pour
remplacer la "dictature du
prolétariat"
instaurée sous la direction de Lénine et
défendue sous celle de Staline.
Mais pourquoi est-ce
aujourd'hui seulement que le chef de file des
révisionnistes français répudie
ouvertement la "dictature du
prolétariat" dira-t-on.
C'est que ce reniement est une tentative pour sortir le PCF
de l'impasse dans laquelle il est engagé. Ce n'est
pas un hasard si c'est quelques semaines avant l'ouverture
du Xxllè Congrès de son parti que Georges
Marchais déclare: " la
notion de dictature du prolétariat ne recouvre pas la
réalité de notre politique... ". Il faut se souvenir des conditions dans
lesquelles fut convoqué ce XXIIè
Congrès et suivre les controverses sur la "dictature
du prolétariat" dans la tribune de discussion de
l'"Humanité" pour comprendre.
Lorsque
le 18 septembre dernier le Comité central du PCF
s'est réuni, les deux tactiques successivement
employées pour faire avancer son influence avaient
échoué. L'"Union de la gauche" a
profité aux socialistes. Le PCF n'a pas gagné
de voix. Marchais à l'automne 1974 proposait d'aller
plus loin et d'étendre l'union aux gaullistes.
Marx et Engels, premiers
théoriciens de la dictature du
prolétariat
Mais il fut battu au XXIè
Congrès extraordinaire et le mot d'ordre d'"Union du
peuple de France" fut rejeté. Au lieu de cela une
tactique de harcèlement des socialistes fut
déclenchée. En même temps le langage du
PCF se "gauchisait" .A l'automne 1975, les résultats
n'étaient guère meilleurs qu'en 1974. Marchais
est donc revenu à la charge, d'autant plus facilement
que le PC portugais a enregistré des échecs
avec sa ligne putschiste et le PC italien quelques
succès avec son "compromis historique", une alliance
avec tous les partis bourgeois. Car pour arriver au niveau
du pouvoir central par les élections, en
système capitaliste il n'y a pas de secret : il faut
plaire à la bourgeoisie, travailler pour elle, lui
donner des garanties, encore des garanties, toujours plus de
garanties.
Mais si
Marchais et les autres dirigeants du PCF sont prêts
à tout de ce côté-là, il n'en va
pas de même pour les militants, surtout quand ils sont
ouvriers travaillant effectivement à la production.
C'est ainsi que le premier membre de la cellule Pierre
Sémard des cheminots de Villeneuve-Saint-Georges
indigné par le texte préparatoire au
XXIIè Congrès écrivait à
l'"Humanité" le 5 janvier: "Je n'ai vu inscrit dans ce texte aucune
référence soit-elle à la dictature du
prolétariat. J'ose espérer qu'il ne s'agit
bien que d'une lacune... ". Un
autre militant également de la région
parisienne écrivait: " Pouvoir de la grande majorité du peuple,
la dictature du prolétariat est donc infiniment plus
démocratique que la dictature bourgeoise sous ses
formes les plus libérales".
Pour
lever ces obstacles, Marchais a fait un petit coup de force:
avant même les décisions du congrès il a
jeté son poids dans la balance tout en
déclarant hypocritement à la
télévision: " Le
Congrès décidera
".
Bien entendu, la bourgeoisie
s'est immédiatement chargée de faire une large
publicité aux positions de Marchais. Mieux, les vieux
anticommunistes acharnés, les Defferre et les Mauroy
ont récompensé tant de "bonne volonté"
: ils ont parlé de chasser leurs alliés
membres de partis de la coalition gouvernementale et de
constituer des listes d'"Union de la gauche" à Lille
et à Marseille. De son côté, Mitterrand
à la réunion des partis socialistes d'Europe
vient de présenter un vigoureux plaidoyer pour
l'alliance avec les partis révisionnistes: à
l'appui de sa thèse, il a cité des sondages
selon lesquels le parti socialiste représenterait
actuellement 30 % du corps électoral et le parti
communiste 18 % seulement, il s'est vanté
d'être à l'origine des abandons de Marchais.
On voit
aisément d'ores et déjà l'importance
politique du reniement ouvert de la "dictature du
prolétariat" par le PCF.
C'est
le rapport des forces au sein de la bourgeoisie qui pourrait
s'en trouver modifié d'autant plus que certains
gaullistes hostiles à l'unité
européenne s'éloignent de la fraction
gouvernementale.
Reflet
de la crise profonde du capitalisme et de la
débandade des révisionnistes modernes, le
nouveau cours du PCF pourrait bien agir à son tour
sur les deux facteurs qui se conjuguent dans les actuels
bouleversements en Europe: les facteurs de révolution
et les facteurs de guerre.
En effet, le PCF
de Marchais demeure la principale force prosoviétique
en France puisqu'il cache au peuple les préparatifs
de guerre agressifs du social-impérialisme russe et
qu'il propage la "détente" : en renforçant ses
positions auprès de représentants
éprouvés de la bourgeoisie, il contribue
à affaiblir la vigilance du pays face à la
superpuissance la plus dangereuse en Europe. Cela a pour
effet d'accroître le danger de guerre.
Mais en
même temps, en abandonnant ouvertement la dictature du
prolétariat, Marchais désigne lui-même
les communistes marxistes-léninistes et leur parti
jeté, lui, dans la clandestinité par la
bourgeoisie, comme le seul héritier du parti
fondé voici plus de cinquante ans à Tours pour
conduire le peuple à la révolution
prolétarienne et au communisme.
Demain: "Pourquoi Marx a
dit que la dictature du prolétariat est
nécessaire"
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