QU'EST-CE QUE LA DICTATURE DU PROLÉTARIAT ? (1)

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L'HUMANITÉ ROUGE n° 413 -22 janvier 1976
Quotidien des communistes marxistes-léninistes de france (page 8)

 

QU'EST-CE QUE LA DICTATURE DU PROLÉTARIAT ? (1)

 

LE CONGRÉS DE TOURS RENIÉ...

  En 1920, à Tours, naît le Parti communiste français qui adhère immédiatement aux 21 conditions d'admission à l'Internationale communiste.
La première de ces conditions contient notamment la recommandation suivante: "Il ne convient pas de parler de la dictature du prolétariat comme d'une formule apprise et courante; la propagande doit être faite de manière à ce que la nécessité en ressorte pour tout travailleur, pour tout ouvrier, pour tout soldat, pour tout paysan, des faits mêmes de la vie quotidienne, systématiquement notés par notre presse."
L'objectif de la dictature du prolétariat est tellement inséparable de l'idéal révolutionnaire du communisme que encore aujourd'hui les statuts du PCF y font référence. Et pourtant...

    Mercredi 7 janvier, sur la deuxième chaîne, Georges Marchais est l'invité du soir.
A la télévision dirigée par la bourgeoisie au pouvoir comme chacun sait, il est venu faire un numéro de charme. Il faut sourire, sourire beaucoup, en un mot il faut rassurer : c'est le prix des voix à gagner pour l'emporter aux prochaines élections. Et dans ce domaine, il est prêt à aller très loin, Marchais, à faire toutes les promesses, à tranquilliser tous les réactionnaires. Justement on l'interroge sur la "dictature du prolétariat". Cette dictature du prolétariat qui fait trembler de longue date les nantis. Car pour tout communiste authentique, la "dictature du prolétariat" c'est le seul contenu possible de l'Etat de type nouveau à instaurer pour édifier une société socialiste de transition vers le communisme: c'est un des principes de base du marxisme-léninisme. Marx, Engels, Lénine et tous les authentiques communistes ont dû lutter sans cesse contre les détracteurs de la dictature du prolétariat.

 Des milliers et des milliers de communistes français sont morts avec cet espoir dans le coeur, et voilà que le secrétaire du Parti qui se dit encore communiste déclare: "Aujourd'hui le mot dictature ne correspond pas à ce que nous voulons. Il a une signification insupportable" !
La bourgeoisie, à qui Georges Marchais a déjà donné des gages de sa servilité, n'en croit tout de même pas ses oreilles, la mariée est tellement belle ! Les commentaires vont bon train; c'est ainsi que l'éditorialiste de l'hebdomadaire de la grande bourgeoisie, "Le Point", écrit: "Georges Marchais annonce, jovial, ce qu'il ignore encore : qu'il n'est plus communiste ! "


La dictature du prolétariat c'est la domination de la classe ouvrière et des
masses populaires sur leurs anciens exploiteurs.

La bourgeoisie française n'est pas la seule à réagir. A Moscou, la nouvelle bourgeoisie qui a transformé le premier pays de dictature du prolétariat en un pays de dictature bourgeoise fasciste, s'inquiète: la référence au marxisme-léninisme lui est nécessaire pour tromper les peuples d'Europe. Marchais est rappelé publiquement à l'ordre... par des idéologues chargés de justifier la répression des mouvements de masse en URSS, les camps de concentration, les internements d'opposants en hôpitaux psychiatriques, etc...
    Ainsi une question tout à fait claire est-elle devenue particulièrement embrouillée.
Il appartenait aux authentiques communistes de rétablir la vérité et la clarté, et sur la dictature du prolétariat et sur le système en vigueur en URSS. C'est ce que nous voulons faire.
    Il y a une ambiguïté qui plane depuis les dernières déclarations de G. Marchais. On croirait, à entendre presse et radio, que c'est aujourd'hui que les dirigeants du PCF ont abandonné le principe de la "dictature du prolétariat". En réalité le secrétaire général du PCF n'a fait l'autre semaine qu'officialiser, ou si l'on veut "normaliser", une ligne politique bien plus ancienne. Comme l'explique sans honte une rédactrice de l'organe théorique du PCF "France nouvelle" : " la vieille peau finit toujours par tomber, pour laisser la peau neuve respirer librement " et elle ajoute plus loin que " cette idée ( de rejeter le principe de la dictature du prolétariat. NDLR) n'a cessé d'être discutée et de mûrir dans les rangs du PC depuis le Manifeste de Champigny".
    Encore faudrait-il remonter plus loin, à 1956 et au XXè Congrès du PC d'Union soviétique. A partir de ce congrès, Khrouchtchev ne devait plus parler que de l'"État du peuple tout entier" pour remplacer la "dictature du prolétariat" instaurée sous la direction de Lénine et défendue sous celle de Staline.
Mais pourquoi est-ce aujourd'hui seulement que le chef de file des révisionnistes français répudie ouvertement la "dictature du prolétariat" dira-t-on. C'est que ce reniement est une tentative pour sortir le PCF de l'impasse dans laquelle il est engagé. Ce n'est pas un hasard si c'est quelques semaines avant l'ouverture du Xxllè Congrès de son parti que Georges Marchais déclare: " la notion de dictature du prolétariat ne recouvre pas la réalité de notre politique... ". Il faut se souvenir des conditions dans lesquelles fut convoqué ce XXIIè Congrès et suivre les controverses sur la "dictature du prolétariat" dans la tribune de discussion de l'"Humanité" pour comprendre.
    Lorsque le 18 septembre dernier le Comité central du PCF s'est réuni, les deux tactiques successivement employées pour faire avancer son influence avaient échoué. L'"Union de la gauche" a profité aux socialistes. Le PCF n'a pas gagné de voix. Marchais à l'automne 1974 proposait d'aller plus loin et d'étendre l'union aux gaullistes.


Marx et Engels, premiers théoriciens de la dictature du prolétariat

Mais il fut battu au XXIè Congrès extraordinaire et le mot d'ordre d'"Union du peuple de France" fut rejeté. Au lieu de cela une tactique de harcèlement des socialistes fut déclenchée. En même temps le langage du PCF se "gauchisait" .A l'automne 1975, les résultats n'étaient guère meilleurs qu'en 1974. Marchais est donc revenu à la charge, d'autant plus facilement que le PC portugais a enregistré des échecs avec sa ligne putschiste et le PC italien quelques succès avec son "compromis historique", une alliance avec tous les partis bourgeois. Car pour arriver au niveau du pouvoir central par les élections, en système capitaliste il n'y a pas de secret : il faut plaire à la bourgeoisie, travailler pour elle, lui donner des garanties, encore des garanties, toujours plus de garanties.
    Mais si Marchais et les autres dirigeants du PCF sont prêts à tout de ce côté-là, il n'en va pas de même pour les militants, surtout quand ils sont ouvriers travaillant effectivement à la production. C'est ainsi que le premier membre de la cellule Pierre Sémard des cheminots de Villeneuve-Saint-Georges indigné par le texte préparatoire au XXIIè Congrès écrivait à l'"Humanité" le 5 janvier: "Je n'ai vu inscrit dans ce texte aucune référence soit-elle à la dictature du prolétariat. J'ose espérer qu'il ne s'agit bien que d'une lacune... ". Un autre militant également de la région parisienne écrivait: " Pouvoir de la grande majorité du peuple, la dictature du prolétariat est donc infiniment plus démocratique que la dictature bourgeoise sous ses formes les plus libérales".
    Pour lever ces obstacles, Marchais a fait un petit coup de force: avant même les décisions du congrès il a jeté son poids dans la balance tout en déclarant hypocritement à la télévision: " Le Congrès décidera ".
Bien entendu, la bourgeoisie s'est immédiatement chargée de faire une large publicité aux positions de Marchais. Mieux, les vieux anticommunistes acharnés, les Defferre et les Mauroy ont récompensé tant de "bonne volonté" : ils ont parlé de chasser leurs alliés membres de partis de la coalition gouvernementale et de constituer des listes d'"Union de la gauche" à Lille et à Marseille. De son côté, Mitterrand à la réunion des partis socialistes d'Europe vient de présenter un vigoureux plaidoyer pour l'alliance avec les partis révisionnistes: à l'appui de sa thèse, il a cité des sondages selon lesquels le parti socialiste représenterait actuellement 30 % du corps électoral et le parti communiste 18 % seulement, il s'est vanté d'être à l'origine des abandons de Marchais.

    On voit aisément d'ores et déjà l'importance politique du reniement ouvert de la "dictature du prolétariat" par le PCF.
    C'est le rapport des forces au sein de la bourgeoisie qui pourrait s'en trouver modifié d'autant plus que certains gaullistes hostiles à l'unité européenne s'éloignent de la fraction gouvernementale.
    Reflet de la crise profonde du capitalisme et de la débandade des révisionnistes modernes, le nouveau cours du PCF pourrait bien agir à son tour sur les deux facteurs qui se conjuguent dans les actuels bouleversements en Europe: les facteurs de révolution et les facteurs de guerre.

    En effet, le PCF de Marchais demeure la principale force prosoviétique en France puisqu'il cache au peuple les préparatifs de guerre agressifs du social-impérialisme russe et qu'il propage la "détente" : en renforçant ses positions auprès de représentants éprouvés de la bourgeoisie, il contribue à affaiblir la vigilance du pays face à la superpuissance la plus dangereuse en Europe. Cela a pour effet d'accroître le danger de guerre.
    Mais en même temps, en abandonnant ouvertement la dictature du prolétariat, Marchais désigne lui-même les communistes marxistes-léninistes et leur parti jeté, lui, dans la clandestinité par la bourgeoisie, comme le seul héritier du parti fondé voici plus de cinquante ans à Tours pour conduire le peuple à la révolution prolétarienne et au communisme.

 

Demain: "Pourquoi Marx a dit que la dictature du prolétariat est nécessaire"

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