Quelles formes
prendra-t-elle en France ?
Devant les partis
de la social-démocratie de l'Europe du Sud,
Mitterrand a, dimanche dernier, félicité
Marchais pour son abandon ouvert de "la dictature du
prolétariat". Il devait ajouter qu'une des raisons de
la scission de Tours de 1920 était ainsi
annulée. Le piquant de la chose aura
échappé à beaucoup de gens: en effet
Blum, celui qui devait passer, à l'histoire comme "un
gérant loyal du capitalisme", n'osa même pas
à ce congrès désavouer ouvertement le
principe de la dictature du prolétariat et il devait
déclarer : "Nous en
sommes si bien partisans que la notion et la théorie
de la dictature du prolétariat ont été
insérées par nous dans un programme qui
était un programme électoral. Nous n'avons
donc peur ni du mot ni de la chose." (1)
On
peut donc dire en toute logique que Marchais est allé
plus loin que Blum dans la trahison des
intérêts fondamentaux de la classe
ouvrière !
Il
est vrai que Georges Marchais et la clique dirigeante du PCF
ont réussi à "enrichir" l'arsenal des fadaises
destinées à combattre le principe de la
dictature du prolétariat. En particulier leur mot
d'ordre le plus en vogue c'est: "un socialisme aux couleurs
de la France".
Qu'est que ça veut dire ? Les couleurs de la France
étant le bleu-blanc-rouge du drapeau de la
bourgeoisie, la première idée qui vient
à l'esprit c'est que Marchais ne veut pas du drapeau
rouge qui dans tous les pays du monde est celui de la classe
ouvrière. Il y a bien de ça effectivement : on
sait que le PCF brandit tant qu'il peut ce drapeau qui
flotte encore sur "nos" colonies de la Réunion, de la
Guadeloupe, de la Martinique et
d'ailleurs.
Mais
l'idée de Marchais est encore plus "profonde", si
l'on peut dire. Quand on lui demande de s'expliquer sur la
question il répond qu'en France les traditions
démocratiques et la présence (proche) d'un
"puissant camp socialiste" permettrait l'instauration d'une
"démocratie pure".
Or
l'expérience quotidienne des ouvriers, des paysans,
de tous les exploités et opprimés de notre
pays démontre qu'il ne s'agit là que de
balivernes !
"Traditions démocratiques" l'assassinat
régulier de travailleurs immigrés, "traditions
démocratiques" l'application de la "loi anticasseurs"
contre les paysans, les ouvriers, les étudiants qui
manifestent ? "Traditions démocratiques" la
liberté pour les patrons responsables de la mort
d'ouvriers ? et cette jeune ouvrière de
Fougères l'oeil arraché à 17 ans par
une grenade de garde-mobile, "traditions
démocratiques" ?
En
fait, les affirmations de Marchais sont complètement
rejetées par des millions non seulement d'ouvriers
mais aussi par d'autres catégories de la population
touchées par la crise du capital monopoliste. Et
cette prise de conscience a commencé à
s'effectuer massivement au cours du mouvement
révolutionnaire de Mai-Juin 68, et surtout depuis
lors. De tous les cahiers de revendications, des exigences
pressantes des ouvriers, des étudiants, des paysans
rien n'a pu être réalisé. Ce qui fut
lâché sous l'effet de la grande peur des
bourgeois, fut repris quelques mois plus tard. Ainsi la
classe ouvrière et tout le peuple travailleur ont
depuis réfléchi et compris cette profonde
vérité : c'est seulement par la force, par
l'action de masse, c'est seulement en osant affronter les
forces de répression du capital qu'on parviendra
à imposer de justes aspirations et au-delà
qu'il sera possible de changer radicalement l'ordre social
actuel.
" Le socialisme aux
couleurs de la France "
Quelles
meilleures preuves de cette prise de conscience que les
mouvements de masses qui ont touché tous les secteurs
de la société capitaliste sans se soucier de
la légalité bourgeoise : même dans les
prisons, même dans les casernes, même chez les
"cols blancs" d'autrefois, les employés de banques,
même chez les "petits commerçants" ! Et
à la pointe du combat, de plus en plus, les ouvriers
et les petits paysans! Voilà qui sans nul doute
indique à quel point, oui, en France, la
révolution est possible! Et si une guerre
impérialiste éclatait déclenchée
par les deux superpuissances, celle-ci ne ferait que pousser
à un point extrême toutes les contradictions de
classe et donc précipiterait la prise du pouvoir par
la classe ouvrière.
LA DICTATURE DU
PROLÉTARIAT EST NÉCESSAIRE
Mais la
révolution prolétarienne ayant
éclaté, et s'appuyant nécessairement
sur les armes, pourrait-on se passer de la "dictature du
prolétariat" ? et quelle forme celle-ci pourrait-elle
prendre ?
Il faut
poser la question nettement aux individus du type Marchais
qui se prétendent communistes.
Est-ce
que la classe ouvrière et la paysannerie laborieuse
pourraient maintenir leur pouvoir bien longtemps sans
dissoudre immédiatement la police, la gendarmerie,
les CRS, l'armée permanente où dominent les
éléments rétrogrades, sans conscience
de classe, dont la bourgeoisie se sert pour réprimer
le peuple dont ils sont issus ? Est-ce que la classe
ouvrière et la paysannerie laborieuse pourrait faire
confiance à ces magistrats issus de la bourgeoisie et
imbus de leurs privilèges pour rendre la justice ?
Est-ce que la classe ouvrière et la paysannerie
laborieuse pourrait confier aux technocrates et autres
"grands commis de l'État" payés aujourd'hui
dix fois plus que des ouvriers l'organisation de la
production et la gestion conforme aux intérêts
ouvriers de la société ? Nous disons nous que
non.
Il
faudra enlever tout pouvoir à ces hommes liés
par l'argent et mille autres liens à la grande
bourgeoisie, et cela ne saurait être fait que par la
force.
C'est
en s'appuyant sur la force des masses elles-mêmes que
devra être supprimé le monopole de
l'information de la bourgeoisie, que seront chassés
les patrons des usines, qu'ils seront mis au travail, que
seront supprimées immédiatement toutes les
dettes fiscales ou sociales (loyer, remboursement de
crédits, etc.) qui pèsent sur le peuple, que
seront réquisitionnés en cas de guerre civile
provoquée par la réaction ou en cas de guerre
impérialiste les stocks alimentaires que font les
riches, etc.
Tout
cela c'est la dictature du prolétariat sur les
exploiteurs: elle nécessite la plus grande
fermeté car la bourgeoisie de son côté
ne fait jamais de cadeaux !
"En fin de
compte, le régime socialiste se substituera
au régime capitaliste; c'est là une
loi objective indépendante de la
volonté humaine. Quels que soient les
efforts des réactionnaires pour freiner la
roue de l'histoire dans son mouvement en avant, la
révolution éclatera tôt ou tard
et sera nécessairement victorieuse."
Mao Tsé-toung.
|
LES FORMES DU NOUVEAU POUVOIR
Mais quelles
formes pourrait prendre la dictature du prolétariat
dans notre pays ? Ce sont les masses populaires
elles-mêmes qui en décident.
Cependant d'ores et déjà ne
peut-on voir dans le mouvement révolutionnaire de
Mai-Juin 68 des prémices de ce nouveau pouvoir ? Ces
assemblées générales dans les
entreprises, les quartiers, les établissements
d'enseignements, ces assemblées populaires et
ouvrières désignant leurs représentants
révocables à tout moment à des
assemblées régionales ou de secteurs
désignant également leurs "comités
d'action" pour appliquer leurs décisions, rappelaient
par bien des points la "Commune de Paris". Que de telles
assemblées armées désignent demain
leurs représentants et cela jusqu'au niveau d'une
assemblée populaire nationale, chargée de
décréter immédiatement toutes les
mesures désirées par les ouvriers et les
paysans, ainsi que d'organiser la destruction des bandes
armées réactionnaires et l'organisation de la
défense nationale, voilà la révolution
prolétarienne et la dictature du prolétariat.
Elles balaieront les agents de la bourgeoisie dans les rangs
ouvriers ainsi que les agents du social-impérialisme
russe et de tout impérialisme, c'est certain, c'est
inévitable.
Répondant à Giscard d'Estaing qui
lui demandait: "Croyez-vous
qu'il y aura la révolution en France d'ici 20 ans
?" le camarade Teng Siao-ping,
vice-premier ministre chinois en visite officielle,
n'hésita pas à répondre:
"C'est inévitable
puisque vous êtes une société de classes
!"
- 1) Blum
n'était pas pour la "dictature du
prolétariat", mais il était obligé
de cacher derrière une phraséologie son
opposition à la conception bolchevique,
c'est-à-dire léniniste de la dictature du
prolétariat.
FIN
Henri JOUR
|