L'HUMANITÉ ROUGE n° 491 -samedi 15 et dimanche 16 mai 1976
Quotidien des communistes marxistes-léninistes de france (page 8)

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Les nationalisations
Une solution miracle ?

        Les nationalisations d'entreprises privées sont de plus en plus la tarte à la crème autour de laquelle se battent les différentes cliques bourgeoises en lutte pour le pouvoir. Au travers de la discussion parlementaire sur la réforme de l'entreprise, comme dans les instances syndicales (par exemple lors de la préparation du 37è congrès CFDT) le PCF et ses alliés ne manquent pas une occasion de mettre en avant le mot d'ordre de "nationalisations". 
        De même que dans les luttes revendicatives ce mot d'ordre, est un levier pour entraîner les travailleurs à la défense du Programme commun.
        Pour répondre à tous ceux qui s'interrogent et combattre ce mot d'ordre mystificateur des bourgeois que sont Marchais et Mitterrand, nous publions ici des extraits d'un article de Raoul Quentin, déjà paru dans la revue Prolétariat No 9.

    Nationalisations, défense des nationalisations, extension des nationalisations, service public, intérêt général..., autant de mots-clè, de formules réponse-à-tout des dirigeants révisionnistes du PCF et de la CGT:
    -- Citroën a des difficultés: "Il faut nationaliser Citroën" ;
    -- Les compagnies pétrolières font des profits énormes: "Nationalisation" ;
    -- EDF a du mal à assurer le financement du programme nucléaire :
        "Défendre et consolider les nationalisations", "sauver EDF et GDF, patrimoine national" ;
    -- "Il faut nationaliser Rhône-Poulenc pour sortir de la crise" .
    Dans "La politique du PCF", après les présidentielles, Marchais écrit comme la première des "réformes indispensables" pour faire face à la crise: "Nous préconisons, avec le Programme commun, la nationalisation de neuf monopoles qui dominent des secteurs-clés de notre économie, ainsi que la nationalisation du secteur bancaire et financier. Alors il sera possible de réduire les gaspillages, de maîtriser les prix, de lutter contre l'inflation. Il sera possible de préserver l'appareil productif national des spéculations du grand capital français ou étranger. Il sera possible de coordonner judicieusement de puissantes forces productives en un plan élaboré, non dans le secret des cabinets des technocrates, mais démocratiquement, avec la participation des travailleurs, des citoyens. Il sera possible de maîtriser les investissements et d'assumer le développement équilibré de nos régions, consolidant ainsi l'unité nationale."
    Bref, les nationalisations sont la solution-miracle et elles font l'objet depuis plusieurs années, d'une propagande continuelle et systématique de la part des révisionnistes. Lors des luttes engagées par la classe ouvrière, à l'automne 1974, pour refuser de faire les frais de la crise du capitalisme, les révisionnistes ont tout fait pour dévoyer la combativité vers ces mots d'ordre.

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LES NATIONALISATIONS DANS
L'HISTOIRE DU MOUVEMENT
OUVRIER
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     La question des "nationalisations" et plus généralement des "réformes de structure" à opérer dans le cadre du système capitaliste n'est pas nouvelle. Une lutte de lignes a toujours existé sur cette question dans le mouvement ouvrier, entre la voie bourgeoise, de défense et de perpétuation du capitalisme, et la voie révolutionnaire prolétarienne. Nous aborderons ici quelques exemples de cette lutte.
    Dans "Socialisme utopique et socialisme scientifique" , Engels écrivait :
    "Mais ni la transformation en sociétés par actions, ni la transformation en propriété d'État ne suppriment la qualité de capital des forces productives. Pour les sociétés par actions, cela est évident. Et l'État moderne n'est à son tour que l'organisation que la société bourgeoise se donne pour maintenir les conditions extérieures générales du mode de production capitaliste contre les empiètements venant des ouvriers comme des capitalistes isolés. L'État moderne, quelle qu'en soit la forme, est une MACHINE ESSENTIELLEMENT CAPITALISTE: L'ÉTAT DES CAPITALISTES, LE CAPITALISME COLLECTIF EN IDÉE. Plus il fait passer de forces productives dans sa propriété, et plus il devient CAPITALISTE COLLECTIF: EN FAIT, PLUS IL EXPLOITE DE CITOYENS. Les ouvriers restent des salariés, des prolétaires. Le rapport capitaliste n'est pas supprimé, il est au contraire poussé à son comble. "
    Dans ce texte, écrit à l'époque où le capital monopoliste commence à apparaître, Engels fait quatre remarques fondamentales :
    1. Le passage à la propriété d'État constitue une nécessité objective du développement du capitalisme, de sa perpétuation pour faire face aux crises: la concentration capitaliste mène aux monopoles et aux monopoles d'État. Loin donc de s'opposer au capitalisme, la propriété d'État lui est nécessaire.
    2. La propriété d'État ne supprime pas " la qualité de capital des forces productives", le "rapport capitaliste". Les nationalisations ne brisent pas le monopole capitaliste de la production, ne sont pas des mesures socialistes.
    3. La propriété d'État est une forme particulière de la propriété capitaliste, l'État étant "capitaliste collectif".
    4. La propriété d'État conduit à un renforcement de l'exploitation capitaliste.
    Dans les années 30 au moment où Jules Moch, membre de la SFIO, réclamait les nationalisations des monopoles, Thorez répondait :

    " En période de crise, les prétendues nationalisations, les participations de l'État, dissimulent les subventions accordées par l'État aux entreprises capitalistes en difficulté, et cela au détriment des masses laborieuses. Les nationalisations dans le cadre du régime capitaliste ne pourraient conduire qu'à un renforcement de l'État bourgeois, à une plus grande concentration des moyens de domination et d'oppression entre les mains de l'oligarchie financière (...)"

(Rapport à l'assemblée d'information parisienne le 20/12/34)

    L'étude de ces quelques exemples pris dans l'histoire du mouvement ouvrier montre que les nationalisations, et plus généralement les réformes de structure ne sauraient remettre en cause, bien au contraire, le capitalisme tant que l'État capitaliste demeure. Il y a, en fait, trois sortes de nationalisations, correspondant aux trois types fondamentaux d'État.

    -- Les nationalisations capitalistes, faites sous le contrôle de l'État bourgeois. Elles sont une forme particulière de la propriété capitaliste, permettent de renforcer le capitalisme monopoliste d'État, et donc de mieux parvenir à assurer sa survie. Bien loin de conduire au socialisme, elles permettent à la bourgeoisie monopoliste de mieux asseoir sa dictature sur le prolétariat ;

    -- Les nationalisations socialistes, faites sous le contrôle du nouvel État, l'État de dictature du prolétariat. Elles sont alors faites au service des travailleurs, puisque l'État est entre leurs mains. Il s'agit alors réellement de l'expropriation des capitalistes par le prolétariat ;

    -- Les nationalisations des entreprises et capitaux impérialistes dans le tiers monde, faites sous le contrôle de l'État de démocratie nouvelle, "dictature conjointe de plusieurs classes anti-impérialistes" .Elles contribuent directement à renforcer l'indépendance économique des pays, le front uni mondial contre les deux superpuissances et le camp de la révolution socialiste prolétarienne mondiale.


Les ouvriers de Renault-Flins en 68 à l'avant-garde des luttes prolétariennes.
Les nationalisations sont-elles une solution pour eux ?

    Il y a toujours eu lutte entre ces deux lignes, nationalisations capitalistes d'une part, nationalisations socialistes ou de "démocratie nouvelle" d'autre part, dans le mouvement ouvrier, entre la voie bourgeoise et la voie prolétarienne. Les agents de la bourgeoisie dans les rangs ouvriers ont toujours présenté comme solution miracle les "nationalisations" .

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LA POLITIQUE RÉVISIONNISTE.
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    Rien d'étonnant à voir aujourd'hui ces traîtres à la classe ouvrière que sont Marchais et sa clique faire les louanges des entreprises nationalisées.
    Nos révisionnistes sont très fiers: les entreprises nationalisées sont à la pointe du progrès économique et social dans le système capitaliste. Si les résultats économiques et techniques des entreprises nationalisées sont, en effet, indéniables, les révisionnistes se gardent bien de parler de l'exploitation des travailleurs, des moyens employés par les gains records de productivité. Les ouvriers de chez Renault ou les postiers, pour ne citer qu'eux, en savent quelque chose !
    Et il n'y a pas de meilleur exemple que les entreprises dirigées par les révisionnistes eux-mêmes. Ainsi la CCAS (Caisse centrale d'activités sociales du personnel d 'EDF-GDF) qui gère les cantines et toutes les "activités sociales" avec 1 p. 100 des recettes d'EDF et de GDF versé par les directions. Les révisionnistes y sont les maîtres et en sont très fiers: "C'est la première entreprise de loisirs de France, avant le club Méditerranée ! " Ils y exploitent férocement les travailleurs: nombreux salaires tout juste au SMIC, heures supplémentaires non payées, interdiction de faire grève, tout ceci au nom de la "gestion ouvrière", "pour le bien des agents d'EPF-GDF". Pour faciliter les choses, ils encadrent les travailleurs par la CGT, les patrons (salaire supérieur à l million, voitures avec chauffeurs...) dirigeant aussi le syndicat, et font tout pour que ce soit un syndicat unique : mutations d'office de militants CFDT, carte CGT obligatoire à l'embauche pour les travailleurs des cantines, etc.
    En fait les révisionnistes "oublient" de parler de l'exploitation capitaliste dans les entreprises nationalisées.
    Les révisionnistes pourraient d'ailleurs relire leurs archives: "Contrairement à une légende fort répandue dans la petite-bourgeoisie, l'État est un capitaliste compétent, efficace: les travailleurs des services et industries d'État sont EXPLOITÉS AUSSI DUREMENT QUE CEUX DES GRANDS MONOPOLES PRIVÉS: de 1947 à 1952, la productivité a augmenté de 50 p. 100 à l'EDF ." (Economie et politique No 5-6 de 1954)...
    Les dirigeants du PCF veulent prouver le contraire. Dans leur traité "marxiste" d'économie politique, ils écrivent: "LE SECTEUR NATIONALISÉ CESSE D'ETRE PROPRIÉTÉ PRIVÉE, et si poussée que soit leur interpénétration avec l'État, LES MONOPOLES N'EN ONT PLUS L'USAGE DIRECT."
    D'une part les entreprises nationalisées ne seraient pas des monopoles capitalistes, puisqu'il n'y aurait pas de propriété privée. D'autre part, la bourgeoisie monopoliste n'en aurait plus l'usage direct. C'est toute la fausse conception du capitalisme monopoliste d'État du P"C"F qui est ici exposée.
    Economie et politique, en 1954, précisait pourtant :
    " Les entreprises nationalisées ne permettent pas seulement de passer des commandes aux trusts. SECTEURS DE CAPITALISME D'ÉTAT: ELLES SONT ELLES-MEMES DES MONOPOLES."...

A suivre. 

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