Les
nationalisations
Une solution
miracle ?
Les nationalisations d'entreprises
privées sont de plus en plus la tarte à la
crème autour de laquelle se battent les
différentes cliques bourgeoises en lutte pour le
pouvoir. Au travers de la discussion parlementaire sur la
réforme de l'entreprise, comme dans les instances
syndicales (par exemple lors de la préparation du
37è congrès CFDT) le PCF et ses alliés
ne manquent pas une occasion de mettre en avant le mot
d'ordre de "nationalisations".
De même
que dans les luttes revendicatives ce mot d'ordre, est un
levier pour entraîner les travailleurs à la
défense du Programme commun.
Pour
répondre à tous ceux qui s'interrogent et
combattre ce mot d'ordre mystificateur des bourgeois que
sont Marchais et Mitterrand, nous publions ici des extraits
d'un article de Raoul Quentin, déjà paru dans
la revue Prolétariat No 9.
Nationalisations, défense
des nationalisations, extension des nationalisations,
service public, intérêt
général..., autant de mots-clè, de
formules réponse-à-tout des dirigeants
révisionnistes du PCF et de la CGT:
-- Citroën a des
difficultés: "Il faut nationaliser Citroën"
;
-- Les compagnies
pétrolières font des profits énormes:
"Nationalisation" ;
-- EDF a du mal à
assurer le financement du programme nucléaire :
"Défendre et consolider les
nationalisations", "sauver EDF et GDF, patrimoine national"
;
-- "Il faut nationaliser
Rhône-Poulenc pour sortir de la crise" .
Dans "La politique du
PCF", après les présidentielles, Marchais
écrit comme la première des "réformes
indispensables" pour faire face à la crise: "Nous
préconisons, avec le Programme commun, la
nationalisation de neuf monopoles qui dominent des
secteurs-clés de notre économie, ainsi que la
nationalisation du secteur bancaire et financier. Alors il
sera possible de réduire les gaspillages, de
maîtriser les prix, de lutter contre l'inflation. Il
sera possible de préserver l'appareil productif
national des spéculations du grand capital
français ou étranger. Il sera possible de
coordonner judicieusement de puissantes forces productives
en un plan élaboré, non dans le secret des
cabinets des technocrates, mais démocratiquement,
avec la participation des travailleurs, des citoyens. Il
sera possible de maîtriser les investissements et
d'assumer le développement équilibré de
nos régions, consolidant ainsi l'unité
nationale."
Bref, les nationalisations
sont la solution-miracle et elles font l'objet depuis
plusieurs années, d'une propagande continuelle et
systématique de la part des révisionnistes.
Lors des luttes engagées par la classe
ouvrière, à l'automne 1974, pour refuser de
faire les frais de la crise du capitalisme, les
révisionnistes ont tout fait pour dévoyer la
combativité vers ces mots d'ordre.
----------------------------------
LES NATIONALISATIONS
DANS
L'HISTOIRE DU
MOUVEMENT
OUVRIER
------------------------------------
La question des
"nationalisations" et plus généralement des
"réformes de structure" à opérer dans
le cadre du système capitaliste n'est pas nouvelle.
Une lutte de lignes a toujours existé sur cette
question dans le mouvement ouvrier, entre la voie
bourgeoise, de défense et de perpétuation du
capitalisme, et la voie révolutionnaire
prolétarienne. Nous aborderons ici quelques exemples
de cette lutte.
Dans "Socialisme utopique
et socialisme scientifique" , Engels écrivait :
"Mais ni la
transformation en sociétés par actions, ni la
transformation en propriété d'État ne
suppriment la qualité de capital des forces
productives. Pour les sociétés par actions,
cela est évident. Et l'État moderne n'est
à son tour que l'organisation que la
société bourgeoise se donne pour maintenir les
conditions extérieures générales du
mode de production capitaliste contre les
empiètements venant des ouvriers comme des
capitalistes isolés. L'État moderne, quelle
qu'en soit la forme, est une MACHINE ESSENTIELLEMENT
CAPITALISTE: L'ÉTAT DES CAPITALISTES, LE CAPITALISME
COLLECTIF EN IDÉE. Plus il fait passer de forces
productives dans sa propriété, et plus il
devient CAPITALISTE COLLECTIF: EN FAIT, PLUS IL EXPLOITE DE
CITOYENS. Les ouvriers restent des salariés, des
prolétaires. Le rapport capitaliste n'est pas
supprimé, il est au contraire poussé à
son comble. "
Dans ce texte,
écrit à l'époque où le capital
monopoliste commence à apparaître, Engels fait
quatre remarques fondamentales :
1. Le passage à la
propriété d'État constitue une
nécessité objective du développement du
capitalisme, de sa perpétuation pour faire face aux
crises: la concentration capitaliste mène aux
monopoles et aux monopoles d'État. Loin donc de
s'opposer au capitalisme, la propriété
d'État lui est nécessaire.
2. La
propriété d'État ne supprime pas " la
qualité de capital des forces productives", le
"rapport capitaliste". Les nationalisations ne brisent pas
le monopole capitaliste de la production, ne sont pas des
mesures socialistes.
3. La
propriété d'État est une forme
particulière de la propriété
capitaliste, l'État étant "capitaliste
collectif".
4. La
propriété d'État conduit à un
renforcement de l'exploitation capitaliste.
Dans les années 30
au moment où Jules Moch, membre de la SFIO,
réclamait les nationalisations des monopoles, Thorez
répondait :
" En période de crise,
les prétendues nationalisations, les participations
de l'État, dissimulent les subventions
accordées par l'État aux entreprises
capitalistes en difficulté, et cela au
détriment des masses laborieuses. Les
nationalisations dans le cadre du régime capitaliste
ne pourraient conduire qu'à un renforcement de
l'État bourgeois, à une plus grande
concentration des moyens de domination et d'oppression entre
les mains de l'oligarchie financière (...)"
(Rapport à l'assemblée
d'information parisienne le 20/12/34)
L'étude de ces quelques
exemples pris dans l'histoire du mouvement ouvrier montre
que les nationalisations, et plus généralement
les réformes de structure ne sauraient remettre en
cause, bien au contraire, le capitalisme tant que
l'État capitaliste demeure. Il y a, en fait, trois
sortes de nationalisations, correspondant aux trois types
fondamentaux d'État.
-- Les nationalisations
capitalistes, faites sous le contrôle de
l'État bourgeois. Elles sont une forme
particulière de la propriété
capitaliste, permettent de renforcer le capitalisme
monopoliste d'État, et donc de mieux parvenir
à assurer sa survie. Bien loin de conduire au
socialisme, elles permettent à la bourgeoisie
monopoliste de mieux asseoir sa dictature sur le
prolétariat ;
-- Les nationalisations
socialistes, faites sous le contrôle du nouvel
État, l'État de dictature du
prolétariat. Elles sont alors faites au service des
travailleurs, puisque l'État est entre leurs mains.
Il s'agit alors réellement de l'expropriation des
capitalistes par le prolétariat ;
-- Les nationalisations des
entreprises et capitaux impérialistes dans le tiers
monde, faites sous le contrôle de l'État de
démocratie nouvelle, "dictature conjointe de
plusieurs classes anti-impérialistes" .Elles
contribuent directement à renforcer
l'indépendance économique des pays, le front
uni mondial contre les deux superpuissances et le camp de la
révolution socialiste prolétarienne mondiale.

Les ouvriers de Renault-Flins en
68 à l'avant-garde des luttes prolétariennes.
Les nationalisations sont-elles
une solution pour eux ?
Il y a toujours eu lutte entre ces
deux lignes, nationalisations capitalistes d'une part,
nationalisations socialistes ou de "démocratie
nouvelle" d'autre part, dans le mouvement ouvrier, entre la
voie bourgeoise et la voie prolétarienne. Les agents
de la bourgeoisie dans les rangs ouvriers ont toujours
présenté comme solution miracle les
"nationalisations" .
-------------------------------------
LA POLITIQUE
RÉVISIONNISTE.
-------------------------------------
Rien d'étonnant à
voir aujourd'hui ces traîtres à la classe
ouvrière que sont Marchais et sa clique faire les
louanges des entreprises nationalisées.
Nos révisionnistes
sont très fiers: les entreprises nationalisées
sont à la pointe du progrès économique
et social dans le système capitaliste. Si les
résultats économiques et techniques des
entreprises nationalisées sont, en effet,
indéniables, les révisionnistes se gardent
bien de parler de l'exploitation des travailleurs, des
moyens employés par les gains records de
productivité. Les ouvriers de chez Renault ou les
postiers, pour ne citer qu'eux, en savent quelque chose
!
Et il n'y a pas de
meilleur exemple que les entreprises dirigées par les
révisionnistes eux-mêmes. Ainsi la CCAS (Caisse
centrale d'activités sociales du personnel d
'EDF-GDF) qui gère les cantines et toutes les
"activités sociales" avec 1 p. 100 des recettes d'EDF
et de GDF versé par les directions. Les
révisionnistes y sont les maîtres et en sont
très fiers: "C'est la première entreprise de
loisirs de France, avant le club Méditerranée
! " Ils y exploitent férocement les travailleurs:
nombreux salaires tout juste au SMIC, heures
supplémentaires non payées, interdiction de
faire grève, tout ceci au nom de la "gestion
ouvrière", "pour le bien des agents d'EPF-GDF". Pour
faciliter les choses, ils encadrent les travailleurs par la
CGT, les patrons (salaire supérieur à l
million, voitures avec chauffeurs...) dirigeant aussi le
syndicat, et font tout pour que ce soit un syndicat unique :
mutations d'office de militants CFDT, carte CGT obligatoire
à l'embauche pour les travailleurs des cantines,
etc.
En fait les
révisionnistes "oublient" de parler de l'exploitation
capitaliste dans les entreprises nationalisées.
Les révisionnistes
pourraient d'ailleurs relire leurs archives: "Contrairement
à une légende fort répandue dans la
petite-bourgeoisie, l'État est un capitaliste
compétent, efficace: les travailleurs des services et
industries d'État sont EXPLOITÉS AUSSI
DUREMENT QUE CEUX DES GRANDS MONOPOLES PRIVÉS: de
1947 à 1952, la productivité a augmenté
de 50 p. 100 à l'EDF ." (Economie et politique No 5-6
de 1954)...
Les dirigeants du PCF
veulent prouver le contraire. Dans leur traité
"marxiste" d'économie politique, ils écrivent:
"LE SECTEUR NATIONALISÉ CESSE D'ETRE
PROPRIÉTÉ PRIVÉE, et si poussée
que soit leur interpénétration avec
l'État, LES MONOPOLES N'EN ONT PLUS L'USAGE
DIRECT."
D'une part les entreprises
nationalisées ne seraient pas des monopoles
capitalistes, puisqu'il n'y aurait pas de
propriété privée. D'autre part, la
bourgeoisie monopoliste n'en aurait plus l'usage direct.
C'est toute la fausse conception du capitalisme monopoliste
d'État du P"C"F qui est ici exposée.
Economie et politique, en
1954, précisait pourtant :
" Les entreprises
nationalisées ne permettent pas seulement de passer
des commandes aux trusts. SECTEURS DE CAPITALISME
D'ÉTAT: ELLES SONT ELLES-MEMES DES MONOPOLES."...
A
suivre.
|