le Kampuchea démocratique (Cambodge) (2)
On peut le répéter sans honte : nous étions très émus à l'arrivée sur l'aéroport de Phnom Penh. Pochentong ! Au printemps 1975, des cargos US y atterrissent minute après minute, déversant du riz et surtout des armes, des munitions ; c'est le dernier fil qui relie la capitale à la puissance américaine. On entend le grondement des avions qui vont et viennent, le déchirement des rockets des patriotes, on voit les incendies, les avions US touchés. Ce sont les images de la télé américaine que nous avons gardées en mémoire. Aujourd'hui, ce 9 septembre 1978, Pochentong est calme et serein, nos amis, nos camarades qui ont vaincu la " première armée du monde ", nous attendent sur leur terre, dans cet aéroport dont ils sont devenus les maîtres. Un grand salon de réception a été détruit, mais sur l'élégante tour de contrôle aux vitres bleues, flotte le drapeau du Kampuchea démocratique : rouge avec au centre la silhouette jaune d'un temple. Aucun de nous ne connaissait Phnom Penh ; c'est vraiment stupéfiant : on dirait une " ville d'eau " française dans l'abondance de palmiers et d'autres arbres tropicaux. Les villas, des petits " châteaux " parfois, ont emprunté à tous les styles en vogue chez les richards de notre pays. Nous logeons dans l'une d'elles : c'est cossu, il y a une salle de bains pour chaque chambre, des climatiseurs partout, les colonialistes se soignaient bien : les jardins sont magnifiques, sur le bord du Bassac, qui bordent leurs anciennes propriétés, ils ont construit des débarcadères. ![]() L'Assemblée des représentants du peuple.
PHNOM PENH N'EST PAS UNE VILLE ABANDONNEE. La presse bourgeoise ici
s'indigne : " Phnom Penh est vide ". C'est vrai,
Phnom Penh est vide des colonialistes, et c'est une chose
qui nous réjouit. Sans doute certains
préféraient-ils le Phnom Penh de la guerre,
avec ses trois millions de paysans réfugiés
entassés dans des camps pour fuir les combats, alors
qu'au centre de la ville, les privilégiés,
hommes des Américains, et officiers lonnoliens
vivaient dans un luxe éhonté ? Le centre de la
capitale n'a pas été touché par les
destructions ; la ville est tombée comme un fruit
mûr grâce à la stratégie savamment
maîtrisée des Forces armées de
libération. Une seule destruction au centre : la
banque nationale khmère a été
violemment secouée par un puissant plasticage,
deux jours après la Libération,
assurément, les ennemis pro-américains
étaient organisés, et fortement
équipés à l'intérieur pour
préparer la subversion. LE NETTOYAGE DE LA VILLE Le travail de nettoyage est
gigantesque : on a enlevé presque tous les
barbelés à l'intérieur desquels les
villas s'étaient retranchées, on nettoie
activement l'intérieur des maisons et des jardins, on
rétablit l'électricité. Nettoyer Phnom
Penh n'est pas une mince affaire, car la nature n'y aide pas
; au moindre orage il faut ramasser les branches
cassées par le vent et il pleut chaque soir car c'est
la saison des pluies. La végétation pousse
vite, très vite. Pourtant les plates-bandes sont
impeccables dans les belles avenues, les arbres sont
élagués, le gazon coupé et l'on a
planté nouvellement de jeunes pousses et
arbres. ![]() Un vestige du passé colonial : l'immeuble d'IBM. TOURISME DANS PHNOM PENH Nous n'avons pas tout
visité bien sûr, mais notre première
impression s'est trouvée confirmée.
Commençons par le tourisme, qui n'est pas sans
signification politique d'ailleurs. Nous sommes allés
à la "Pagode d'Argent " ; elle a été
construite à la fin du XIXe siècle, au moment
où la capitale a été
transférée de la vieille ville de Udong
à Phnom Penh. C'est le grand-père de Norodom
Sihanouk qui a fait construire cette pagode. Une statue dans
le pur style Napoléon III, et faite à Paris,
le montre à cheval, avec l'effigie en français
et en Khmer : " Ses mandarins et son peuple
reconnaissants - 1860 ". (A suivre) Camille GRANOT | |