L'HUMANITÉ ROUGE n°956- Samedi 21 et Dimanche 22 octobre 1978
Organe central du Parti communiste marxiste-léniniste

page 8 -rubrique : Reportage

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 1 000km à travers le Kampuchea démocratique (Cambodge) (8)

 Et les droits de l'homme ?

Quelques éléments pour comprendre

    Une première question jaillit spontanément des livres de tous ceux à qui nous racontons notre voyage au Kampuchea : "Et le génocide ? Les massacres ? Les droits de l'homme ? ".
Tant de boue a été déversée sur le Kampuchea démocratique, un tel flot d'accusations horribles, qu'il est bien difficile, en effet, de ne pas se préoccuper de cette question.

    A cela, nous pouvons apporter quelques éléments de réponse. De génocides, nous pouvons témoigner qu'il n'y en a point au Kampuchea. 

CE QUE NOUS AVONS VU

    Nous avons pu circuler librement partout où nous sommes passés, sortir seuls dans les rues de Phnom Penh, appareil photo en main (en nous accueillant, nos camarades cambodgiens regrettaient même que nous n'ayons pas apporter de caméra). Au long de notre longue route en voiture, émaillée d'arrêts imprévu, nous avons pu bavarder à notre gré avec les paysans, les charpentiers qui construisaient une maison neuve, les menuisiers qui sciaient des planches au bord de la route. Le geste furtif de ce vieux menuisier torse nu que nous avons dérangé dans sa sieste et qui s'est empressé de remettre sa chemise n'est qu'un réflexe de dignité et de courtoisie que nous avons souvent rencontré en Chine.
    Les gamins espiègles qui s'attroupaient un peu à distance pour nous observer ne tardaient pas à venir nous aborder et nous interroger. " Pourquoi ta peau n 'est-elle pas de la même couleur que la mienne ? " m'a demandé une petite fille, " De quel pays viens-tu ? ". Aux heures les plus chaudes nous avons observé les groupes de paysannes bavardant à l'ombre des arbres pendant la pause.
    A l'usine de transformation du latex, au fur et à mesure de notre visite, notre groupe grossissait d'ouvriers et d'ouvrières qui achevaient la visite avec nous et les sourires et applaudissements chaleureux saluant notre petit discours de remerciement n'avaient rien de télécommandé. Certes, les gens travaillent très dur, dans les conditions difficiles qu'expliquent la pénurie générale de l'économie et la tension qui règne à la frontière avec le Vietnam. Cela, joint à l'aspect encore inhabituel des visites d'étrangers, explique la gravité fréquente des visages qui nous accueillaient au début de notre visite. Mais ces mêmes visages étaient éclairés de sourires durant notre bref séjour parmi eux, quand nous disions notre émerveillement des succès remportés, notre volonté de les faire connaître dans notre pays, l'amitié et la solidarité dont nous étions porteurs.
    De génocide donc, il n'en est pas question. Pas plus de "paysans travaillant baïonnettes " dans le dos ou " labourant avec leurs mains ", comme on l'a si souvent écrit. Au contraire, les bras manquent pour mettre la terre en valeur et la défendre contre tout envahisseur. C'est pourquoi la natalité est encouragée, l'objectif était de passer rapidement des 8 millions d'habitants actuels à 20 millions. Quant aux prétendus porte-drapeaux des droits de l'homme au Kampuchea, force est de constater que chez eux l'injure ("gribouilles sanglants", "paysans aux fronts bas ", " loups sortis de la forêt " pour ne citer que quelques extraits du dernier ouvrage de Jean Lacouture), tient lieu d'argument. Le fait que certains qui crachent sur le Kampuchea aujourd'hui s'affirment respectueux de la révolution chinoise ne doit pas nous troubler non plus. Celle-ci a à son actif 30 ans de succès qui forcent l'estime. Mais parmi ceux-là même qui le reconnaissent aujourd'hui dans certains milieux, combien la soutenait à sa naissance et à ses premier pas ?
    " Bandits rouges ", " périls jaune ", " fourmis bleues ", " rideau de bambou " n'ont disparu que très récemment du vocabulaire d'une certaine presse évoquant la Chine.
    Au Kampuchea, les conseils de direction des coopératives et des usines sont élus démocratiquement par la masse des travailleurs, on nous l'a dit, nous n'ayons pas eu le temps de le vérifier ; la masse du peuple bénéficie désormais de ces droits fondamentaux de l'homme que sont le droit de manger à sa faim, le droit d'apprendre à lire, le droit de se soigner, que n'avait jamais pu lui assurer l'ancienne société. Cela nous en avons vu des signes de nos propres yeux. 

UNE COOPÉRATIVE C'EST UNE GRANDE FAMILLE

    La collectivisation forcée ? Certes, la vie au Kampuchea est organisée d'une manière très collective. Les trois repas sont pris en commun dans la cantine de la coopérative ou de l'usine. On part aux rizières, la houe sur l'épaule, en groupes nombreux qui s'étirent au fil de la route. Mais la famille n'est pas détruite comme en témoigne l'objectif de construire rapidement une maison par famille. Les traditions anciennes du pays étaient déjà très communautaires, le village tout entier se considérait comme une grande famille où l'on s'appelait " oncle " et " tante " et " neveu ". L'entraide dans les rizières faisait partie des traditions de mise en valeur des terres. Et les terribles épreuves de la guerre ont encore rapproché les hommes et les femmes de ces communautés villageoises. Les maisons épargnées s'ouvraient aux sinistrés, les orphelins retrouvaient une famille chez les voisins. Ensemble, on se réunissait pour discuter de la situation, des tâches de la lutte.

DES REGLEMENTS DE COMPTE NECESSAIRES 

    Bon, dira-t-on, peut-être, va pour le génocide ! Mais les massacres à la Libération, il y en a quand même bien eu ? A cela, nous devons d'abord répondre honnêtement : nous n'y étions pas, nous ne pouvons en témoigner. Mais il est quand même possible d'apporter certains éléments de compréhension.

    Qu'il y ait eu une certaine répression à la libération du pays, c'est là une chose inévitable et nécessaire. Le peuple cambodgien a été exploité, opprimé, réprimé, des dizaines d'années par le colonialisme français et des despotes locaux. Devant les interminables allées d'hévéas qui couvrent plusieurs milliers d hectares, on nous a rappelé qu'un dicton circulait parmi les ouvriers des plantations selon lequel " chaque arbre est planté sur le corps d'un ouvrier cambodgien ".
    Puis, la guerre d'agression américaine, soutenue par les fantoches de Lon Nol, a été un long calvaire pour le peuple : 5 000 tonnes de bombes par jour ont été déversées sur le pays en six mois. 800000 morts, 200000 invalides de guerre. Pour beaucoup, la prison, la torture ou la mort. Qu'on se souvienne de ces photos où des officiers de Lon Nol exhibaient fièrement les têtes coupées et martyrisées des patriotes assassinés, fouillaient les cadavres pour en arracher le foie. Qu'on se souvienne de ces gamins d'une douzaine d'années, au regard tragique, enrôlés de force dans l'armée fantoche pour servir de chair à canon. Oui, à la Libération, le peuple cambodgien avait des comptes à régler. Tout comme à la libération de notre pays, le peuple français a règle ses comptes avec les occupants nazis et leurs collaborateurs.

LA LIGNE DU PARTI COMMUNISTE DU KAMPUCHEA 

    Une répression nécessaire, mais n'a-t-elle pas été au-delà de ce qui était indispensable, n'a-t-elle pas frappé des innocents ou des gens simplement trompés ? Sincèrement nous ne pouvons répondre. Mais nous pouvons affirmer que la ligne actuelle du Parti communiste du Kampuchea est de régler correctement les contradictions au sein du peuple. Nous avions exposé très franchement aux dirigeants qui nous recevaient le trouble que la campagne de calomnies contre leur pays sème dans l'esprit de bien des gens de chez nous. A cela, le camarade Pol Pot, secrétaire du PCK, nous a répondu notamment : " Nous sommes parfaitement au courant de cela. Mais pour résoudre avec succès le problème des vivres, pour défendre avec succès notre pays, nous avons besoin des forces de tout le peuple. Sans cela, nous n'aurions pu résoudre le problèmes des vivres et défendre notre pays car les attaques déjà lancées contre nous ont été très puissantes et nous nous sommes défendus par nous-mêmes, en toute indépendance et souveraineté. Rien que l'examen de cette situation répond à cette question. S'il y avait réellement eu des massacres, le peuple soutiendrait-il cette politique ? Vous avez pu voir par vous-mêmes, en visitant nos provinces, s'il y a insécurité ou non. Notre politique est de mobiliser toutes les forces nationales qui, dans notre histoire, par le passé, étaient divisées. Nous en avons besoin pour édifier le pays. Si le peuple ne participait pas à la révolution, celle-ci échouerait certainement. Nous le savons parfaitement nous-mêmes, inutile que nos ennemis ou les forces réactionnaires nous le prédisent !
    Notre ligne est déterminée de la façon suivante : pour obtenir la victoire il faut deux conditions :
    - 1) Un parti communiste pour diriger la révolution /
    - Que le peuple y participe en tant que facteur fondamental de la victoire. Selon cette ligne, si le peuple ne participe pas, il est impossible d'obtenir la victoire. Tel est le fondement de notre politique ".

Annie BRUNEL


Quand Lon Nol était au pouvoir. Des actes que le peuple kampuchean n'a pas oubliés.
 

 

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