1
000km à travers le Kampuchea démocratique (Cambodge) (7)
Pour une bonne
santé du peuple
Au fil de la route -
interrompu dans la bonne humeur par quelques pannes de notre
" dodge " - on observe bien des choses. Les enfants,
notamment, qui accourent pour nous observer avec des
sentiments mélangés de curiosité et de
timidité et ces fous rires espiègles qui sont
le propre de tous les gamins du monde quand ils sont heureux
de vivre.
Contrairement à tant
d'autres pays du tiers monde où le spectacle des
enfants aux grands yeux mornes et au ventre gonflé
vous serre le cœur, ici rien de tel déjà.
Certes, beaucoup vont pieds nus et les plus petits galopent
tout nus vers la route pour nous accueillir. Mais il faut
dire que les ébats dans les rizières, ce
mélange permanent de terre, d'eau et de boue qui
cerne toutes les petites maisons sur pilotis, ne sont
guère compatibles avec les beaux habits neufs
reçus de la coopérative. Ici et là
quelques crânes tondus et passées au bleu
révèlent à la fois l'existence
d'impétigo et le fait qu'il est
soigné.
La coopérative
sert aussi de base au développement d'un
réseau sanitaire qui a déjà obtenu des
résultats remarquables. De petits dispensaires
existent un peu partout, en moyenne un pour cent familles,
avec trois membres du personnel sanitaire et une petite
fabrique de médicaments à base de
simples.
Le paludisme, ce
fléau qui a emporté déjà tant
d'adultes et d'enfants et qui, avant la libération du
pays, touchait plus ou moins 90 % de l'ensemble du pays est
déjà en voie de disparition totale : " Faut-il
prendre de la quinine ? " avions-nous demandé aux
médecins chinois, " Pas la peine ! " nous a-t-on
répondu, et de fait, pas une seule fois au cours de
notre voyage nous n'avons aperçu ne serait-ce qu'un
anophèle, le moustique géant vecteur de la
maladie. On nous confirmera sur place que désormais
10 % de la population seulement est touchée par le
paludisme. C'est un exploit dans ce pays où les
surfaces d'eau stagnantes abondent.
Contre le paludisme,
on a mené une véritable guerre populaire. Des
" médecins du peuple " recevant une formation
accélérée, ont parcouru tout le pays
expliquant la nature de l'ennemi, les causes qui le font
pulluler, la manière de l'exterminer. Tous les locaux
d'habitation ont été soigneusement
aspergés de DDT, les maisons neuves aussi sont
traitées avant d'être remises à leurs
locataires. Les marais sont comblés, les ordures sont
enterrées, les étables et porcheries
impeccablement tenues.
Chaque matin avant de
se rendre au travail, une activité fébrile
règne autour des bâtiments des
coopératives. Balais en mains, grands et petits
pourchassent la poussière et la saleté qui
portent en elles les germes de maladie et de mort. Une
alimentation enfin suffisante, qui tend progressivement
à se diversifier, contribue à faire ces gamins
aux joues rondes, solidement plantés sur leurs
petites jambes.
Une usine pour la santé
du peuple

Dans l'usine de médicaments, on
prépare des comprimés
à partir surtout des plantes (Photo
Kampuchea).
A Kompong Cham, au bord du
Mékong, nous visitons une petite fabrique de
distillation de plantes médicinales. A
l'entrée une petit jardin expérimental
où croissent des spécimens soigneusement
étiquettés. Dans le hall de la fabrique, de
grandes jarres de verre emplies de liquides multicolores et
odorants.
Sous un hangar, soigneusement empilées, des
écorces aux propriétés multiples. On
nous explique que la majorité du personnel court en
permanence les champs et les forêts pour cueillir la
matière première. Les paysans sont
mobilisés pour indiquer les endroits où
croissent les simples, leurs vertus multiples, la
manière de les préparer pour en obtenir le
plus d'effet.
Un peu plus loin se tient
l'usine de médicaments, un grand bâtiment
à étages impeccablement entretenu. De petits
comprimés bruns sont compressés, passés
au tamis, enrobés de sucre rosé " pour que les
enfants acceptent de les avaler ", nous explique-t-on. Il
ont des vertus multiples : pour la circulation sanguine, les
insomnies, les diarrhées qui sont un autre
fléau du passé. Pendant la guerre, on a
même su utiliser le jus naturel de noix de coco pour
en faire un sérum reconstituant pour les
blessés. Elles sont aujourd'hui encore " une usine de
jus de fruits naturels " bourrées de
vitamines.
Tout au long de la
route, on nous montrera nombre de ces petits bâtiments
neufs et pimpants où l'on s'affaire pour
améliorer la santé de tous.
A la maternité de Phnom
Penh

A la maternité de Phnom Penh
(Photo HR)
|

A la maternité de Phnom Penh (
Photo HR).
|
L'hôpital pour enfants
malades et la maternité de Phnom Penh sont
situés un peu à l'extérieur de la
ville. Une délégation nous attend à
l'entrée des jardins magnifiquement fleuris ; rien
que des femmes. La directrice de l'hôpital est une
jeune doctoresse ; ses études de médecine,
elle les a faites sous les bombes, dans le maquis.
Avec elle, nous
visitons les salles de maternité. Seules les femmes
ayant une grossesse difficile accouchent ici, les autres
accouchent dans les petits hôpitaux des
coopératives des districts. Les patientes nous
saluent en souriant. A côté de la salle
d'accouchement, des berceaux en fer bien alignés.
Coiffés d'un petit bonnet blanc, bordés de
couvertures écossaise aux couleurs éclatantes,
les nouveaux-nés dorment paisiblement. Un personnel
jeune et, nous a-t-il semblé très nombreux,
veille sur eux. Le matériel est simple, rudimentaire,
mais d'une propreté parfaite.
Dans un autre
bâtiment, ce sont les enfants malades :
diarrhées, maladies infantiles diverses ; ils se
reposent ou bavardent dans de petites chambres, à
cinq ou six et nous accueillent avec curiosité.
Lorsque nous partons les petits nez s'écrasent aux
vitres, les mains s'agitent et nombre de jeunes
infirmières se regroupent autour de nous pour une
souriante photo d'adieu.
Annie BRUNEL
Demain :
les droits de l'homme au Kampuchea

A l'hôpital des enfants malades (Photo
HR).

La délégation française
lors de sa visite à l'hôpital des enfants
malades (Photo HR).
|