DOSSIER
Entre le capital et le
prolétariat
Quel avenir
pour
les artisans ?
- Nous publions ici la contribution d'un lecteur
à propos des artisans. Sa correspondance vient en
- réponse à une lettre de lecteur qui, de
fait, assimilait les artisans, les cadres et techniciens
aux petits et moyens patrons et même aux
capitalistes monopolistes, ce qui bien sûr est
erroné. Si comme le souligne justement le
camarade, le "monde des artisans" ne constitue pas une
priorité d'implantation pour notre Parti,
l'appréciation correcte de leur place dans la
disposition des forces de classe dans notre pays n'en est
pas moins importante. En effet, c'est à partir
d'une telle analyse que la classe ouvrière pourra
établir les alliances qui lui sont
nécessaires pour triompher de la bourgeoisie
capitaliste et de l'État des monopoles. Seule, la
classe ouvrière ne peut vaincre. C'est le combat
de tout le peuple qu'elle doit organiser et diriger pour
en finir avec le système d'exploitation de l'homme
par l'homme. Dans ce sens, de telles contributions sont
précieuses.
-
- Je vais vous dire pourquoi j'étais
révolté.
- Je suis fils d'un artisan qui est mort pour les
monopoles. Mon père était
représentant mécanicien, et
- c'est usé qu'il devait décéder
dans un accident de la route !
- De son vivant, il employait mon frère sans le
payer. Et quand il est mort, mon frère prit sa
suite avec
- pour héritage 6 000 000 anciens francs de
dettes.
- Je fréquente des artisans dans ma famille,
parmi mes amis. Par ailleurs, pour le parti, dans ma
famille
- ou parmi mes amis, je fréquente des jeunes
ouvriers de Citroën ou autres qui n'ont qu'un
rêve, c'est de devenir artisan.
-
- POURQUOI DEVENIR ARTISAN ?
-
- Il faudrait se poser la question, qu'est-ce qui les
pousse à refuser la vie d'ouvriers ?
- D'abord par l'entourage familial ou autre, ils se
font vite une idée de l'esclavage que constitue le
travail
- à la chaîne.
- Ensuite, dans les CET (LEP) ou LT, qu'est-ce qu'on
est chargé de leur apprendre ?
- Il y a 10 ou 15 ans, on y formait de bons ouvriers,
connaissant les secrets de leurs métiers, pouvant
- maîtriser la machine. On apprenait à
réussir de belles pièces, de bons
assemblages... Depuis les professeurs ont
été chargés d'enseigner " les
séries ". Ceci consiste à ne
réaliser qu'une ou deux faces d'une pièce
mais en tenant des cadences. Le futur ouvrier commence
par ignorer la technique qu'il sera chargé
d'appliquer. Ce que Marx explique très bien quand
il dit que le capitalisme enlève le savoir, la
technique des mains de ceux qui sont chargés de
l'exécuter.
- Cette année, ça va encore plus loin
puisque le gouvernement essaie de
généraliser le " travail utile ",
- c'est-à-dire utilisable par les capitalistes.
- Dans ces conditions, la très grande
majorité des ouvriers rêvent de devenir
artisan où ils pourront réa-
- liser à leur rythme et selon leur
maîtrise un travail manuel.
- Ceci étant rappelé, à quelle
classe appartient ce monde des artisans.
- Il est vrai que pour les marxistes-léninistes,
cela ne constitue pas une priorité d'implantation
du parti.
- Mais quand on y regarde de plus près,
qu'est-ce qui diffère fondamentalement un petit
artisan d'un
- marin-pêcheur, d'un moyen voire d'un petit
paysan. Quand on cherche bien, on n'y trouve pas
grand-chose. A part que le premier emploie souvent des
ouvriers ou des apprentis.
- Mais il existe aussi des ouvriers ou apprentis chez
des moyens voire parfois chez des petits paysans.
- Alors quoi ? Ils ont un capital ? Les autres aussi.
Ils ne seraient pas productifs ? Voyons, ça ne
peut
- pas tenir debout.
- En fait de capital, ils ont souvent des emprunts
qu'ils ont du mal à rembourser. Un menuisier
travaillant
- seul m'a raconté que s'il prenait un ouvrier
avec lui, tous calculs faits, cela lui reviendrait
à 40 000 anciens francs par mois. Quand on ajoute
le travail de paperasse exigé, ces 40000 anciens
francs sont bien mérités.
- Aujourd'hui nous vivons sous le règne absolu
du capitalisme monopoliste d 'État.
- Toute la plue-value du travail d'un ouvrier chez les
artisans est prise par l'Etat sous forme de cotisa-
- tions diverses. Plus on monte dans la
hiérarchie capitaliste et plus les patrons
empochent de plus-value. Les monopolistes, eux, ont des
subventions d'Etat en plus des profits qu'ils
réalisent sur le dos des ouvriers.
- Ceci étant dit, il faut ajouter que souvent
ces artisans sont un rouage nécessaire pour les
capitalistes.
- Par exemple, prenons un mécanicien agricole.
Il travaille en réparant le matériel des
petits paysans. Ceux-ci étant endettés,
cela se répercute sur lui. Pourquoi pensez-vous
que Mac Cormic ou Renault n'emploient pas de
mécaniciens salarié. Les boites y trouvent
tout leur avantage. Elles exigent d'être
payées par les artisans qui, de leur
côté, sont coincés par les petits
paysans. S'ils n'existaient pas, c'est à ces
boites qu'auraient directement à faire les
paysans.
- Donc, c'est bien une forme de l'exploitation de
l'homme par l'homme que dénoncent les communistes.
- Maintenant du point de vue idéologique et
politique, c'est vrai que parmi ces hommes se
réfugient des
- idéologies réactionnaires. C'est vrai
que le plus souvent, ils sont un soutien politique au
grand capital ( " ils votent à droite " comme
dirait le PCF).
- C'est vrai qu'ils exploitent souvent des apprentis
par exemple, en les faisant travailler sans les payer.
- En un mot, c'est vrai qu'idéologiquement, ces
hommes et ces femmes sont coincés entre le
capitalisme monopoliste et le prolétariat.
- Mais Marx ne disait-il pas que de
l'émancipation de la classe ouvrière
devrait dépendre l'émancipa-
- tion de toute l'humanité ?
- Devons-nous accentuer ces tendances qui les font
aller vers le grand capital ou devons-nous appeler
- les plus exploités d'entre eux à s'unir
et à lutter contre le grand capital ?
- Prenons un exemple: Le problème des apprentis.
Si je choisis celui-là, croyez le, c'est
volontairement
- parce qu'il est le plus difficile à
résoudre.
-
- Avec le Plan Barre, bien des apprentis se sont vus
placer chez des artisans, souvent pas payés ou
peu, et apprenant les moindres travaux qui ne pouvaient
pas les former. J'applaudis des deux mains quand je sais
que la JCMLF essaie d'organiser ces jeunes à la
lutte. Encore faut-il bien voir la cible. La cible,
est-ce ces artisans qui souvent ne peuvent pas faire plus
ou est-ce l'Etat qui désocialise
l'éducation, qui se décharge sur eux des
besoins d'éducation de notre peuple ?
- A mon avis, la lutte doit avoir deux aspects, sur
cette question:
- -Exiger des artisans que ceux qui emploient des
jeunes, les forment réellement !
- -Exiger que les travaux effectués aux clients
soient payés aux apprentis qui les ont
réalisés.
- Mais aussi : -Exiger que l'Etat paye le temps
d'éducation fourni par un artisan et qu'il paye le
complément de salaire aux apprentis.
-
- Cela peut paraître tout-à- fait
secondaire d'aborder cette question aujourd'hui, mais je
ne le pense
- pas.
- D'une part, bien que ce soit loin d'être notre
axe prioritaire aujourd'hui, il faut éviter de
dire n'importe
- quoi quand on peut en rencontrer.
- Mais surtout, parce que je reste persuadé que
notre implantation dans les couches du peuple et sur-
- tout dans la classe ouvrière est et sera la
conséquence de notre ligne politique. Aussi il est
urgent de toujours la préciser davantage, de
saisir la cible de notre révolution.
- Et pourquoi ne dirions nous pas qu'avec notre
socialisme, le travail ne serait plus une
aliénation, que
- l'homme maîtriserait la machine. Mais que ceci
sera rendu possible que si tout le peuple, y compris les
artisans, se retrouvent contre le grand capitalisme.
-
- NDLR : Les intertitres sont de la rédaction
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