LE MARXISTE-LÉNINISTE n°35 -mensuel Mars-Avril 1979- journal maoïste de l'UCFML
- Groupe pour la fondation de l'Union des Communistes de France Marxistes-Léninistes

-pages 28 et 27-

DÉCLARATION DU 22 FEVRIER
sur l'action militaire chinoise
en territoire vietnamien

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NOUS SOMMES CONTRE

    Le groupe pour la fondation de l'Union des Communistes de France Marxistes-Léninistes (UCFML) désapprouve la pénétration militaire chinoise en territoire vietnamien, et estime que les troupes chinoises doivent se retirer inconditionnellement.
    Nous prenons cette position parce que nous sommes maoïstes. Parce qu'au moment où les peuples du monde se demandent comment lutter contre la montée de la guerre impérialiste, c'est un mauvais coup que de voir un État socialiste se livrer à l'invasion militaire, quelles que soient les raisons.
    Nous prenons cette position au moment même où nous sommes engagés dans une campagne active de dénonciation du Vietnam, et de soutien à la résistance du peuple du Kampuchéa et de son gouvernement contre l'envahisseur vietnamien.
    Il ne s'agit donc nullement d'être "pour" les vietnamiens. Notre position est que l'ensemble de cette opération militaire est nuisible aux peuples du monde. C'est une invasion injustifiée, et il faut y mettre fin.
    L'entrée des troupes chinoises sur le territoire vietnamien n'est justifiée ni par les provocations vietnamiennes à la frontière, ni par l'invasion du Cambodge par les vietnamiens, ni par l'inféodation du Vietnam au social-impérialisme russe.

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A PROPOS DES PROVOCATIONS VIETNAMIENNES

    Les provocations vietnamiennes aux frontières chinoises sont indiscutables. Le militarisme vietnamien a montré de quoi il était capable au Cambodge. L'expulsion massive des sino-vietnamiens a légitimement soulevé l'indignation de l'opinion chinoise et de son gouvernement.
    Ceci étant, la riposte à ces provocations ne peut à notre avis prendre la forme d'une action offensive de ce genre, d'une pénétration militaire sur le territoire étranger. Autre chose sont d'inévitables incursions localisées destinées à repousser les provocateurs, autre chose la pénétration en profondeur, massive et simultanée, de divisions entières avec tout leur équipement, autre chose l'occupation de villes importantes. Le bon sens montre qu'on a affaire, dans le second cas, à une opération offensive, délibérée, à un acte de guerre à grande échelle. Et c'est la Chine qui en a la responsabilité.
    Ce n'est cependant pas la première fois que la Chine est l'objet de provocations aux frontières. L'URSS, en 1969, avait déjà lancé des attaques militaires sur la frontière nord ( fleuve Oussouri ). Les provocations vietnamiennes elles-mêmes ne datent pas d'aujourd'hui. Jusqu'à présent l'action politique et la défensive militaire ont suffi à régler la question et ont, aux yeux de tous, affirmé le bon droit de la Chine.
    Le cas des affrontements avec l'Inde en 1962 est lui-même différent. A l'époque, l'Inde croyait pouvoir profiter de l'isolement de la Chine et de la rupture sino-soviétique pour s'assurer des positions de force sur la frontière dans l'Himalaya. La ligne Mac "Mahon", frontière fixée unilatéralement au détriment de la Chine par les Anglais leur servait de prétexte. Il y avait donc volonté d'annexion de territoire, et préparation à la guerre. L'agresseur était l'Inde soutenue par la collusion des USA et de l'URSS.
    La riposte foudroyante de l'armée chinoise a été suivie d'un repli total sur la frontière existante, avec restitution unilatérale du matériel et des prisonniers, et ceci alors que les Indiens étaient en déroute. Le problème soulevé par l'Inde a été réglé une fois pour toutes.
    Ajoutons qu'il était nécessaire à la Chine des années 60, dont l'URSS devenait un adversaire, de faire savoir à tout un chacun, y compris l'impérialisme américain, que ses frontières seraient défendues avec la plus grande énergie, et qu'elle en avait les moyens.
    Aucune de ces raisons ne vaut aujourd'hui. Si bien qu'en droit, quelles que soient les incessantes et arrogantes provocations locales des vietnamiens, dans l'action engagée le 17 février, c'est la Chine qui fait figure d'agresseur.
    L'inviolabilité des frontières est un principe qui, dans les circonstances actuelles, ne souffre pas d'exception, fût-elle limitée dans le temps et dans l'espace, fût-ce au nom de la volonté de "punition" d'un provocateur -expression de Teng Hsiao Ping bien peu conforme à la tradition diplomatique chinoise incarnée par Chou En Lai.

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UN CADEAU EMPOISONNE AU PEUPLE DU KAMPUCHEA

    Le Kampuchéa démocratique, envahi et occupé par les troupes vietnamiennes, doit être impérativement soutenu par tous les peuples du monde. Nous approuvons le soutien diplomatique de la Chine au Kampuchéa. Nous approuvons les livraisons d'armes. Nous menons campagne ici même pour une solidarité prolongée et organisée avec la résistance des Khmers rouges contre l'occupant, et jusqu'à la victoire finale.
    Mais en dernier ressort, c'est le peuple Khmer et son gouvernement qui mènent la guerre populaire prolongée contre les vietnamiens et les soviétiques. C'est cette guerre qui est juste, c'est elle qui est invincible. La contradiction oppose un peuple en armes à un hégémonisme régional soutenu par l'hégémonisme mondial de l'URSS. L'action des troupes chinoises en territoire vietnamien brouille les choses, fait croire qu'il s'agit d'un classique conflit de puis- sances, sème le doute sur qui est l'agresseur, qui est l'agressé.
    Cette action n'aide pas le peuple Khmer. Elle entrave le soutien mondial à sa lutte. Elle pourrait aussi bien viser à dessaisir le peuple Khmer et son gouvernement de la direction effective de la guerre et de toute maîtrise sur la situation régionale. Il doit être clair que le peuple du Kampuchéa se bat pour sa libération, et non pour les intérêts géopolitiques de l'État chinois: tout le passé du peuple du Kampuchéa, tout le passé du PCK, montrent qu'il en est bien ainsi. Pour être fidèles à cette leçon, et montrer qu'ils la servent vraiment, les Chinois doivent retirer leurs troupes du Vietnam, et auto critiquer leur intervention unilatérale.

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LES REVISIONNISTES VIETNAMIENS SERONT CHASSES
PAR LES PEUPLES, ET NON PAR UNE ARMEE ETRANGERE

    Le Vietnam est aujourd'hui un client de l'URSS, et un agent de l'expansion social-impérialiste. C'est un fait. Contre cela, il faut compter sur les peuples, notamment les peuples cambodgiens et lao, soumis à l'occupation, et en dernier ressort sur le peuple vietnamien lui-même. Les "punitions sanglantes" de Teng Hsiao Ping, loin d'aider la révolte contre le militarisme et le révisionnisme au Vietnam, vont au contraire souder autour de la direction Le Duan- Pham Van Dong une opinion militariste et nationaliste. Les actuels dirigeants vietnamiens vont y puiser des arguments pour rompre leur isolement international, justifier l'agression au Cambodge, isoler la Chine dans cette région.

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LA LOGIQUE DES PEUPLES

    Au niveau d'ensemble, l'expédition chinoise succombe à la logique qui veut imposer la montée de la guerre inter-impérialiste, au lieu de tenir ferme sur la logique des peuples. La logique des peuples, c'est la paix, au besoin par les moyens de la défensive et de la guerre populaire quand l'agression se déchaîne. C'est cela que les peuples attendent des révolutionnaires et des États socialistes.
    Les peuples et les révolutionnaires qui les servent posent le principe du respect absolu et inconditionnel des frontières d'État. Seuls, traditionnellement, les expansionnistes foulent au pied ce principe, et mettent la guerre d'invasion et de rapine au poste de commandement. Lutter contre l'hégémonisme, notamment soviétique, lutter contre la guerre, c'est défendre avec acharnement le principe de l'intangibilité des frontières d'État. C'est créer une opinion publique forte et agissante autour de lui. Quelle faiblesse, si un pays socialiste prend sur lui de ne pas le respecter !
    Pour retarder la guerre mondiale, les pays -et spécialement les pays du Tiers Monde, y compris les pays socialistes -doivent défendre partout leur indépendance nationale dans tous les domaines, contre les impérialismes, et notamment contre les superpuissances. Il y a peu, c'est ce que les Chinois affirmaient, dans le cadre de la théorie dite des trois mondes. Qui croira que l'indépendance nationale de la Chine était menacée par les Vietnamiens ? Qui croira qu'elle la défendait ?
    L'acte de guerre des Chinois, acte offensif et agressif, est ainsi étranger à la conception populaire de l'indépendance nationale. Il relève d'une conception des tendances mondiales où seuls jouent les intérêts d'un petit nombre de puissances capables de porter la guerre à l'extérieur. C'est une très mauvaise chose. C'est risquer finalement l'aventure en devenant soi-même un acteur du jeu des puissances. C'est perdre le ressort de la force des peuples, notamment contre la guerre impérialiste, qui réside dans la différence qualitative de leur logique combattante.

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UNE POLITIQUE EXTERIEURE DOUTEUSE

    L'entrée des troupes chinoises en territoire vietnamien est le révélateur du caractère inquiétant, pour le peuple chinois et pour les peuples du monde, de la politique extérieure impulsée par Teng Hsiao Ping. Cette politique s'écarte nettement de la tradition politique de la révolution chinoise, tradition incarnée par Mao Tsé Toung et Chou En Laï.
    Pour nous en tenir au point qui nous occupe, il est clair que la politique de Teng Hsiao Ping s'écarte de l'internationalisme prolétarien, et aussi de la théorie des trois mondes, en pratiquant la logique de l'affrontement et celle des sphères d'influence.
    L'alliance américaine, si même elle est inévitable au vu de la rapacité expansionniste de l'URSS, ne justifie en rien le style dépourvu de toute dignité politique adopté par Teng Hsiao Ping lors de son voyage. Elle justifie encore moins le soutien, de type partage du monde, à tous les régimes anti-populaires mis en place dans les années 50 par la superpuissance américaine.
    La politique extérieure de Teng Hsiao Ping renonce progressivement à toute solidarité avec les aspirations démocratiques des peuples, comme on l'a vu en ce qui concerne l'Iran, pays à propos duquel, en pleine révolte de masse anti-impérialiste, Teng Hsiao Ping a souhaité que "les Américains fassent quelque chose".
    Cette politique risque fort même, d'abandonner le soutien cohérent aux aspirations à l'indépendance nationale. On l'a vu au Zaïre, Teng Hsiao Ping érigeant en modèle le débarquement des parachutistes français pour soutenir le régime fantoche de Mobutu. On risque de le voir au Cambodge, si la ligne chinoise actuelle est maintenue.

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RESTER MAOISTE EN TOUT

    Quant à nous, nous restons fidèles à l'ensemble des principes maoïstes. Le risque de guerre mondiale est réel. Il faut contrer l'hégémonisme soviétique, c'est vrai. Rien n'est plus nécessaire que de désigner clairement les fauteurs de guerre: les deux superpuissances, les impérialismes. Il ne doit y avoir aucune confusion sur ce point: les peuples luttent contre la guerre, ils en refusent la logique de rivalité barbare pour le pillage du monde.
    S'opposer à la guerre, c'est tenir ferme sur l'indépendance nationale conquise par la lutte de libération, par la révolution prolétarienne, et défendue par la guerre populaire.
    Les alliances entre États sont inévitables. Mais elles supposent l'indépendance de ces États et l'autonomie de classe des forces révolutionnaires sur toutes les questions, y compris celle de la guerre.
    Les peuples doivent avoir confiance dans leur capacité politique à retarder la guerre mondiale, et, si elle éclate, à agir de façon indépendante des bourgeoisies impérialistes, pour préparer la révolution à travers la guerre de résistance patriotique.
    La guerre victorieuse du peuple du Kampuchéa contre les vietnamiens et les soviétiques forge cette confiance. L'agression chinoise à la frontière du Vietnam sape au contraire la confiance des peuples ; elle répand le cynisme et le défaitisme. Elle est injuste. Elle doit cesser .

 

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