LE QUOTIDIEN DU PEUPLE n°554 -jeudi 10 novembre 1977-

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CINEMA
A propos du film "La guerre des étoiles"
 
QUAND LA SCIENCE-FICTION NE S'OCCUPE PLUS DU FUTUR
 
        "La guerre des étoiles", dernière super-production américaine lancée sur le marché fera sans doute recette. Parce que ce film de science-fiction parle de tout autre chose que de science-fiction.
        La trame de l'histoire d'abord. Une histoire moyenâgeuse de chevalerie : une princesse, vêtue de blanc et insipide à souhait, faisait partie de la rébellion contre l'Empire, le pouvoir dictatorial qui s'est imposé dans la galaxie. Faite prisonnière, elle envoie un message de détresse. Un jeune homme pur, qui reçoit ses pouvoirs d'un vieux chevalier vaincu et oublié, brave tous les dangers pour la délivrer et finalement abolir le pouvoir de l'Empire.
        Il y a de la Bible : le jeune homme pur, aux yeux bleus, c'est David, vainqueur de Goliath, David oint par le vieux Saül. Et qu'est-ce que cette planète désertique où de méchants hommes du désert harcèlent quelques familles européennes sinon la Palestine vue par le sionisme ?
        Il y a aussi du western : dans les recoins de cette galaxie, on trouve encore des villes aussi mal famées que celles du Far West, avec saloons, et hors-la-loi qui ne pensent qu'à l'argent mais qui ont quand même un grand cœur.
        Il y a enfin un remake de tous ces films "héroïques" de guerre où Hollywood se plaît à raconter l'attaque surprise de Pearl Harbour, le moment où l'armée U.S. a dû momentanément faire face à un ennemi supérieur.
        Les séquences finales, très bien fabriquées, n'ont rien à envier, du point de vue du suspense, aux meilleures scènes de combats aériens. Et les fusées interstellaires se pilotent comme de bons vieux zincs. On peut même les bricoler.
        Il y a sans doute un arrière-plan politique à tout cela : l'état-major de l'Empire ressemble étonnamment à une brochette de généraux de Brejnev. L'Empire totalitaire, technocratique et robotisant a déjà gagné une guerre terrible contre les chevaliers de Guddaï, ceux qui croient à la force de l'idéal, de l'intuition, de l'initiative individuelle, à un au-delà.
Mais tout est bien qui finit bien : individualistes et généreux à la fois, débrouillards, ingénieux et courageux, le dernier carré des hommes libres aura quand même raison de l'Empire...
        Les vertus yankees reprennent le dessus sur la lourdeur soviétique, un moment victorieuse.
        Bien sûr, tous ces poncifs d'Hollywood, rassemblés ici, ont un fond réactionnaire évident. Tout y passe : prêchi-prêcha religieux, obscurantisme, élitisme fascisant, racisme, relents de sionisme, etc.
        Est-ce pour autant que le public va prendre tout cela à la lettre ? Rien n'est moins évident.
        Si ces poncifs réactionnaires, accumulés, concentrés et schématisés, apparaissent si dérisoirement impropres à envisager l'avenir du monde, c'est qu'en retour, ils sont déjà périmés, aujourd'hui.
        Et il y a assez de clins d'œil du réalisateur pour montrer qu'il n'y croit pas lui-même.
 
        A la fin, la terrifiante Étoile noire, à la fois centre du pouvoir et arme absolue, explose, comme une baudruche qui crève, un cauchemar qui s'évanouit. La victoire des hommes libres apparaît tout aussi irréelle : une sorte de cérémonie boy-scout où la princesse récompense ses deux loyaux chevaliers servants.
        De ce film, outre les péripéties de l'aventure, toujours spectaculaires, on retient surtout cette caricature condensée de certains des films U.S., toute l'imagerie qui a longtemps servi, au cinéma, à déguiser l'impérialisme américain en défenseur de la liberté et autres valeurs éternelles. Mais si le film n'y croit plus, il se contente de s'en moquer, gentiment, et avec une certaine sympathie.

 

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