LE QUOTIDIEN DU PEUPLE n°668 -vendredi 31 mars 1978-

 

w Législatives : premier bilan du PCF 
LES LEÇONS TRES PARTICULIÈRES DE FITERMAN -pages 1 et 3-
w Le discours de Fiterman aux secrétaires fédéraux -page 3-
w Le socialo-centrisme à coeur ouvert -page 3-

page 1

 

Législatives :

premier bilan du PCF
LES LEÇONS
TRES PARTICULIERES
DE FITERMAN

 

 

 

     "Les leçons des législatives". C'est le titre du rapport présenté par Fiterman mercredi devant les secrétaires fédéraux du PCF. Avant d'examiner le contenu même de ce rapport, il faut signaler une anomalie de taille : alors que les secrétaires sont convoqués moins de 10 jours après le 2e tour, le comité central devra attendre encore 3 semaines avant de se réunir. Visiblement les contradictions à l'intérieur du PCF et de sa direction devaient être assez importantes pour que le BP décide de passer par dessus le CC pour tenter de colmater les brèches.
      Longtemps silencieuse, la direction du PCF a commencé à fixer les grands axes des "explications" qu'elle entend fournir sur le cuisant échec qu'elle a enregistré. Des explications qui vont laisser sur leur faim les millions de travailleurs, les dizaines de milliers de militants de base du PCF qui s'interrogent sur la ligne suivie par l'équipe Marchais.

"UNE ORIENTATION JUSTE"

      La cause essentielle de l'échec, explique Fiterman, c'est la désunion de la gauche dont le PS porte la responsabilité : l'explication n'est ni nouvelle ni surprenante. L'argumentation n'est pas non plus nouvelle et certainement pas convaincante ! Ce qui est reproché au PS c'est d'avoir refusé l'actualisation du Programme commun. Oui justement, mais que signifiait cette actualisation ? Les raisons du refus du PS on les connaît, il voulait continuer une sorte de plan Barre avec quelques réformes plus poussées que celles de Giscard. Mais quelles sont les raisons de l'insistance du PCF ? Les filiales, les ministères, les PDG des entreprises nationalisées, c'était bien cela les actualisations chères à Marchais ; et cela n'avait aucun lien, quoiqu'en dise Fiterman, avec les revendications fondamentales exprimées par les travailleurs. 

(lire en page 3)

-page 3-

ç

vers la page 8 è

Législatives : premier bilan du PCF 
LES LEÇONS TRES PARTICULIÈRES DE FITERMAN
 (suite de la page 1)

      En fait, toutes ces propositions visaient un but précis : favoriser l'installation d'un capitalisme d'état dans notre pays. Et c'est pourquoi le PCF en même temps qu'il avait besoin d'accéder au gouvernement pour promouvoir son projet, avait besoin d'un programme commun liant suffisamment le PS et permettant une transition vers le capitalisme d'État. "Nous n'avons pas voulu la défaite... Si le Parti socialiste avait voulu l'accord mutuellement acceptable que nous lui proposions, c'est évident nous aurions progressé les uns et les autres, la gauche tout entière aurait emporté la victoire", déclare Fiterman, répondant par là aux accusations de sociaux-démocrates taxant le PCF de n'avoir pas voulu accéder au pouvoir. Mais le problème n'est évidemment pas là : bien sûr le PCF voulait aller au gouvernement et jusqu'au bout il a manifesté cette volonté : le fait, par exemple, que les reports de voix du PCF sur le PS aient été, d'après les indications des sondages post-électoraux, ainsi que des résultats même du 2e tour, effectués au delà de 90 % alors que ceux du PS pour le PC ont été bien inférieurs, indiquent que jusqu'au bout le PCF a tenté d'obtenir la victoire. Aller au gouvernement, mais avec des garanties : l'installation des ministres PCF au gouvernement à des postes clef, une liste allongée de nationalisations, des postes de PDG d'entreprises nationalisées. Obtenir ces garanties tout en préservant la victoire de la gauche, c'est la difficile synthèse que l'équipe Marchais a essayé de réussir, pour finalement échouer, malgré la mascarade du 13 mars.

 L'ACCORD DU 13 MARS

      C'est assez gêné que Fiterman tente d'aborder cette question de l'accord du 13 mars. "Pourquoi ne pas avoir signé cet accord six mois plus tôt, le 22 septembre, demande-ton ? Eh bien d'abord parce qu'à ce moment là, le Parti socialiste n 'en voulait pas... Il faut ajouter qu'un accord comme celui du 13 mars - qui valait mieux à ce moment là que pas d'accord du tout comme l'a pensé le comité central - aurait été marqué, s'il avait été conclu le 22 septembre, des mêmes insuffisances qui ont été soulignées entre les 2 tours. Et la droite n'aurait pas manqué de tirer parti de ces divergences essentielles". Voilà qui est fort intéressant ! Ainsi donc l'accord présenté à l'époque comme un "bon accord" recouvrait des "divergences essentielles", c'est-à-dire ne garantissait rien du tout puisque les dites divergences devaient ré éclater aussitôt après. L'aveu de Fiterman ne fait que confirmer ce que nous avons dit et écrit dès le 14 mars : "l'accord est vide". Mais à l'époque spéculant sur le succès, la mascarade du 13 mars avait été louangé par les mêmes Fiterman, Marchais... Les militants de base du PCF apprécieront.

 LE GLISSEMENT SOCIAL-DÉMOCRATE DU PS 

      Après cette explication embarrassée, Fiterman relance ses attaques plus faciles contre le PS accusé de vouloir brader le Programme commun et l'Union de la gauche. Qui en doutait ? Faisant grief à Mitterrand de n'avoir pas parlé du Programme commun sur le perron de l'Elysée, et à Rocard de rechercher une stratégie de rechange, Fiterman appelle "à prendre en compte ce danger, et à aider le PCF à poursuivre son combat patient et constructif pour l'écarter". Voilà une perspective exaltante pour les militants du PCF : l'Union de la gauche est cassée, le Programme à l'eau et les seules propositions de Fiterman c'est d'engager un "combat patient et constructif" pour ressouder les choses... en attendant 1983 peut-être ? Le thème du "glissement social-démocrate" du PS, va donc être à nouveau martelé et tenir lieu d'explication à la défaite de la gauche, et à ses difficultés qui continuent, même si ce glissement social-démocrate se continue depuis... plus d'un demi siècle maintenant.

 POURSUIVRE LE 22e CONGRÈS 

 
      Indiquant ensuite les sujets de "réflexion" du BP, Fiterman en cite 2 : la volonté de changement des français n'est pas encore assez développée. Le caractère récent du 22e congrès n'a pas permis d'en tirer tous les fruits.
"Des travailleurs manuels et intellectuels mettent derrière le mot changement l'obtention des revendications immédiates... mais ils n'établissent pas nécessairement une liaison étroite entre la réalisation de tout cela et les changements profonds à apporter dans la vie économique, sociale et politique". Bref les travailleurs veulent faire aboutir leurs revendications, mais ils ne veulent pas du capitalisme d'État que propose le PCF : c'est le regret de Fiterman qui déploie au passage "les hausses de prix en URSS annoncée la veille du premier tour".
      Enregistrant le désaveu du projet du PCF par les travailleurs, Fiterman ne peut guère qu'appeler à renforcer le PCF, à faire agir les élus, y compris dans les municipalités PS-PC, et à aller de l'avant dans la voie ouverte au 22e congrès "dont il nous faut au reste nous même tirer toutes les conclusions dans tous les domaines d'activité du parti. Dans ces conditions il est également compréhensible que des hommes et des femmes aspirant au changement aient pu hésiter et rester à droite, où bien choisir le Parti socialiste parce qu'il conservait des prétentions à notre égard et que l'adhésion du Parti socialiste au programme commun rassurait".
      C'est que visiblement la direction du PCF n'a pas fini de tirer le bilan de son constat d'échec. La régression du score du PCF, l'absence de percée du PCF dans l'électorat des couches moyennes, rendent difficile la mise en oeuvre aujourd'hui du projet du PCF. Poursuivre la ligne du 22e congrès, d'"Union du peuple de France" tout azimut signifie que le PCF va essayer de combler ses déficiences dans ce domaine. Ce faisant il n'aura toujours pas répondu à toutes les questions posées, non pas par ces couches moyennes, mais par la classe ouvrière, par les travailleurs qui ont commencé à rejeter le projet du PCF, le capitalisme d'État.

 

ç

vers la page 8 è

-page 3-

ç

è

Le discours de Fiterman aux secrétaires fédéraux
 
(...) Pour porter une juste appréciation sur ces résultats, on ne saurait se contenter des chiffres. Des éléments politiques essentiels doivent être pris en considération. J'en citerai trois.
Premier élément : l'enjeu très élevé de la bataille.
(...) second élément: l'attitude de la grande bourgeoisie qui a mobilisé d'énormes moyens, y compris les plus indignes (...).
Et ceci m'amène au troisième élément : la situation de désunion de la gauche. (...)
Le Bureau politique s'est posé la question de savoir si l'orientation générale suivie par le parti dans cette bataille avait été juste.
A cette question, comme l'indique sa déclaration, il a répondu clairement et nettement par l'affirmative. (...)
(...) Cette union, nous étions prêts à la conclure, et à la conclure quel que soit, à ce moment-là, le rapport des forces entre partis de gauche. Car nous ne faisons pas, nous, de notre hégémonie la condition de l'union (...).
Nous n'avons pas voulu la défaite. Nous avons voulu gagner et changer, gagner pour changer. Si le Parti socialiste avait voulu l'accord mutuellement acceptable que nous lui proposions, c'est évident, nous aurions progressé les uns et les autres, la gauche toute entière aurait remporté les élections et se serait trouvée bien placée pour ouvrir la voie à un vrai changement. (...)
A ce sujet, je veux ici évoquer une question posée en liaison avec l'accord conclu le 13 mars, au lendemain du premier tour. Pourquoi ne pas avoir signé cet accord six mois plus tôt, le 22 septembre, se demande-ton ?
Eh bien, d'abord parce qu'à ce moment-là, le Parti socialiste n'en voulait pas. (...)
Il faut ajouter qu'un accord comme celui du 13 mars - qui valait mieux à ce moment-là que pas d'accord du tout comme l'a pensé le Comité central - aurait été marqué, s'il avait été conclu le 22 septembre, des mêmes insuffisances qui ont été soulignées entre les deux tours. Et la droite n'aurait pas manqué de tirer parti de l'absence de solutions de divergences essentielles. (...)
On peut d'ailleurs se demander si pour certains dirigeants socialistes, par exemple Michel Rocard, la violence des accusations de "défaitisme" portées contre nous n'a pas pour objet de couvrir ou de justifier un glissement social démocrate plus accentué, l'élaboration d'une stratégie de rechange dans laquelle la référence à l'Union de la gauche ne serait plus qu'un coup de chapeau sans aucune portée réelle. (...)
(...) ... nous ne sommes pour autant au bout de notre analyse. (...) Nous voulons à ce sujet vous faire part de deux ordres de réflexion du Bureau politique. Le premier touche à l'appréciation qu 'il faut porter sur la volonté de changement des Français et des Françaises. (...)
A cet égard, nous avons progressé depuis 1972. C'est incontestable. Mais il apparaît bien qu'il y a encore du chemin à parcourir. Des travailleurs manuels et intellectuels mettent derrière le mot changement l'obtention des revendications immédiates, concrètes qui sont les leurs, les améliorations précises et spécifiques qu'ils attendent. Mais ils n'établissent pas nécessairement une liaison étroite entre la réalisation de tout cela et les changements profonds à apporter dans la vie économique, sociale et politique. (...)
Une seconde donnée retient notre attention : c'est le fait que notre parti n'a pas pu et ne pouvait pas tirer tout bénéfice nécessaire de la politique définie par son XXIIe Congrès, en raison du caractère trop récent de celui-ci.
(...)

 

ç

vers la page 8 è

ç

vers la page 8 è

Le socialo-centrisme
à coeur ouvert

      Interviewé par Europe 1, Delors, conseiller économique de Mitterrand a déclaré : "On voit difficilement la poursuite de la politique économique de Raymond Barre compatible avec ce que vous appelez l'ouverture sociale. Il faut qu'il y ait quand même quelques biscuits au garde-manger pour lancer une nouvelle politique sociale et dégeler les rapports sociaux". Ainsi on voit ce promoteur de la politique réactionnaire de Chaban-Delmas venir dire au nom du PS qu'il faut donner du biscuit aux travailleurs pour les faire taire et pouvoir les exploiter dans de meilleures conditions. Ce monsieur n'en reste pas là et parlant des syndicats, il déclare : "Il faut parachever ce qu'on a commencé avec la loi de 68 qui a créé la section syndicale. Mais pour l'instant cette section syndicale n'a pas débouché, il faut lui donner l'occasion concrète de négocier", "par exemple, poursuit-il le programme annuel d'amélioration des conditions de travail le plan de formation ou la politique de l'emploi dans l'entreprise". On ne peut manquer d'être frappé par la similitude de cette logique avec celle qui imprègne les documents exclusifs dont nous avons publié la première partie dans notre édition d'hier. Giscard en effet comme Delors, prévoit "le renforcement de la capacité de négociation des partenaires sociaux (...) en accroissant le nombre des délégués syndicaux et en augmentant le montant des aides financières à la formation syndicale ainsi que l'association de syndicalistes à l'analyse de l'évolution des prix, des profits et des coûts" etc.. Pas de doute possible, il n'y a qu'une question de pure opportunité qui empêche ce genre de socialiste de rejoindre immédiatement Giscard.

 

ç

vers la page 8 è

RETOUR