Editorial
Il y a 30 ans, à la
tribune de Tien An Men, Mao Zedong proclamait la fondation
de la République populaire de Chine, en
prononçant ces mots célèbres: "
Le peuple chinois est
debout", Après des
siècles et des siècles de domination
féodale, de souffrances sans nom, d'humiliations, de
famines, le peuple chinois l'avait finalement emporté
sur ses ennemis de l'intérieur et de
l'extérieur. La défaite du Kuomintang, soutenu
par l'impérialisme américain, marquait le
commencement d'une Chine nouvelle, préparée
par des dizaines d'années de lutte armée, sous
la conduite du Parti communiste chinois. Dans les pires
conditions matérielles, au prix de sacrifices
innombrables, les ouvriers et les paysans pauvres de Chine
accomplissaient la deuxième grande révolution
du XXe siècle.
Les caractéristiques
propres à cette révolution en faisaient un
événement d'une portée historique
considérable. Bien sûr, l'immensité du
territoire concerné, les centaines de millions
d'hommes libérés d'un système
d'oppression millénaire, donnaient à cette
révolution une de ses dimensions et attiraient
l'intérêt ou au contraire la crainte des
classes antagonistes en lutte dans le monde.
Mais plus fondamentalement,
c'était trente deux ans après la
révolution russe, une confirmation tangible du
caractère inéluctable, historique
nécessaire de la révolution
prolétarienne, en même temps qu'une
démonstration éclatante de l'essor pris par le
mouvement de libération nationale dans le
monde.
A la suite de la
révolution chinoise et puissamment encouragés
par son succès, les peuples d'Asie, d'Afrique et
d'Amérique latine vont renforcer leur lutte pour leur
libération, des guerres populaires vont voir le jour,
et sur cette base, un ample mouvement multiforme des peuples
et des pays va revendiquer, contre les impérialismes
occidentaux et leur domination coloniale,
l'indépendance nationale.
Tout au long des années
écoulées depuis le 1er octobre 1949, la
République populaire de Chine a apporté un
soutien considérable au mouvement
anti-impérialiste des peuples comme à la lutte
révolutionnaire du prolétariat. L'aspect
principal de ce soutien réside certainement dans
l'étroite liaison entre la pratique de la
révolution effectuée par le peuple chinois et
le développement de la théorie
révolutionnaire. Ainsi, ce que l'on appelle le
système de la pensée Mao Zedong et qui est
précisément la synthétisation par le
Parti communiste chinois, Mao Zedong à sa tête
de la pratique révolutionnaire de tout le peuple
chinois, a enrichi le marxisme-léninisme, parmi
d'autres, sur d'aussi importantes questions que : la guerre
populaire, le front uni, les transformations du
système impérialiste, la division du monde en
trois mondes, questions qui conditionnent la
réalité et la conséquence d'une lutte
efficace aujourd'hui contre l'impérialisme. Dans sa
lutte sans trêve contre la
dégénérescence révisionniste du
marxisme, le Parti communiste chinois a
éclairé la nature des transformations qui
avaient affecté, en définitive, le Parti
communiste de l'Union soviétique, sous l'impulsion,
notamment, de Khrouchtchev. La lutte de principes
antirévisionniste menée par le PCC a
favorisé le fait que commencent à se
structurer , dans l'opposition au révisionnisme, des
forces marxistes-léninistes. Au moment même
où la transformation capitaliste de l'Union
soviétique, commençait à
apparaître aux yeux d'une couche croissante de
révolutionnaires, les luttes successives
menées en Chine pour la consolidation du socialisme
offraient un contraste flagrant avec la situation de l'URSS.
C'est pourquoi, pour l'ensemble de ces raisons, la Chine a
représenté et représente aujourd'hui,
pour les marxistes-léninistes, un
élément déterminant du rapport de
forces entre révolution et contre-révolution
dans le monde. Et ce fait demeure, trois ans après la
mort de Mao Zedong. Il s'agit ici de re-préciser
notre rapport à la Chine.
Bien sûr, nous nous
insurgeons une fois de plus contre l'appellation que
révisionnistes et représentants de la
bourgeoisie accolent aux marxistes-léninistes en les
taxant de "pro-chinois". Cette dénomination est
particulièrement stupide, et, à notre sens,
particulièrement inexacte, car elle tente
d'accréditer l'idée d'un parti de
l'étranger, d'une servilité envers les
intérêts spécifiques du pays,
fût-il socialiste. Elle fonde sur une
réalité extérieure à la lutte
des classes dans notre pays la source de l'activité
révolutionnaire qui, bien évidemment,
correspond au développement de cette lutte de
l'intérieur du pays. De plus, elle s'inscrit en faux
avec la démarche constante du Parti communiste
chinois, consistant à refuser d'adresser aux
organisations et partis marxistes-léninistes quelque
directive que ce soit, démarche que l'on peut
aisément vérifier au vu des orientations
très différentes parfois qui
définissent, à l'intérieur du
même pays, la ligne suivie par des organisations et
partis marxistes-léninistes encore distincts. Cette
démarche du Parti communiste chinois, si elle entre
en rupture avec la pratique définie dans le
passé, dans les relations entre partis communistes,
tient compte aussi de sa propre expérience. Pour
triompher de ses ennemis, le PCC a dû résister
fermement aux pressions exercées par le Parti
soviétique, et ceci bien avant sa libération.
En réfutant la conception erronée du "parti
père" ou du "parti guide" qui avait perverti le
fonctionnement de la IIIe Internationale, le PCC se refuse
aux ingérences, dans l'action des
marxistes-léninistes. Il est d'ailleurs tout à
fait évident que le succès de la
révolution dans les pays capitalistes ne
dépend pas fondamentalement du devenir de la
révolution chinoise, mais bien du
développement des contradictions fondamentales
définissant ces pays et l'avancée du mouvement
révolutionnaire n'est que secondairement
déterminée par l'avancée de cette
révolution. Cependant, il faut bien examiner si, dans
notre pays, n'a pas été parfois forgé
un rapport à la révolution chinoise tel que la
place qu'elle occupe dans la perspective
révolutionnaire n'ait connu quelques défauts
unilatéraux et subjectivistes. Bref, ne devons-nous
pas clarifier quelques conceptions qui faussent les rapports
à la Chine ?
D'abord, il y ale fait
qu'extrêmement peu de personnes connaissent la
réalité concrète de la Chine,
l'état exact de développement des forces
productives du pays, la base matérielle de cet
état socialiste, et renforçant cette
réalité première, la nature de
l'information fournie par les publications chinoises a
été telle, pendant la période dite de
la Bande des Quatre, à la fin de la Révolution
culturelle, qu'il a été bien difficile de
mieux cerner cette réalité. En effet, ce sont
systématiquement les exemples les plus
avancés, les réalisations d'avant-garde, qui
ont été présentées, sans que
leur rapport au reste de la société chinoise,
à la masse des réalités
concrètes définissant en définitive
cette société, soit formulé. Ainsi, une
représentation idéalisée de la Chine a
pu se faire jour, sur la base à la fois de
l'ignorance certaine de la réalité
concrète de la Chine, d'une présentation
volontariste et erronée parce que trop partielle,
mais également de l'attente subjective, la
nôtre, d'une société en tous points
opposée à la société
capitaliste. Ainsi, la Chine a-t-elle pu figurer,
principalement à partir de 1966, le contraire absolu
du capitalisme tel qu'il domine notre société,
comme du capitalisme restauré en URSS. Certes, il y a
dans cette représentation une part essentielle de
vérité, mais secondairement une dose relative
de métaphysique, et notamment la sous-estimation des
entraves liées à la base matérielle,
comme des caractéristiques propres à toute
société de transition, qui met aux prises
l'ancienne société en décomposition et
le communisme naissant.
Car le principal danger
d'interprétation erronée de la
réalité chinoise réside dans le fait
qu'on ne connaît ici la Chine,
généralement, qu'au travers du discours.
Prenons un simple exemple: la manière dont sont
appréhendées ici les déviations de
"gauche" qui se sont fait jour dans le Parti communiste
chinois. Aux yeux d'une partie de ceux qui
s'intéressent à la Chine, ces
déviations présentent un caractère
beaucoup moins grave, quasiment anodin, en regard des
déviations de droite, comme si le
révisionnisme ne pouvait venir d'un seul
côté. Or, les faits concrets rapportés
par les communistes chinois, même s'ils sont parfois,
ici ou là, amplifiés, sur les effets de la
politique du courant gauchiste des Quatre, ne vont pas du
tout dans ce sens, pas plus d'ailleurs que le bilan d'autres
expériences révolutionnaires, dramatiquement
dénaturées par les déviations de
gauche. Que la phrase révolutionnaire, que le simple
discours puisse constituer un élément
décisif de jugement sur la réalité
politique d'un courant, du parti ou du pays n'a rien de
marxiste. Aussi, ce n'est pas l'affaire des
marxistes-léninistes en France de juger, au jour le
jour, des luttes politiques qui se déroulent en
Chine. Ils n'ont en l'affaire nulle véritable
compétence. De même, ce n'est pas leur affaire
de juger, de justifier ou de critiquer chaque acte de la
politique économique, intérieure ou
internationale de l'Etat chinois. Il faut bien
réfléchir à ce que représente
cette tentation de s'impliquer au contraire dans les
moindres péripéties de la vie politique
chinoise, cette disposition à l'inquiétude
permanente sur les risques de restauration du capitalisme en
Chine. A notre sens, elle signifie la recherche
idéaliste d'un modèle socialiste, qui par
définition ne peut exister, et en même temps,
la permanence d'une conception héritée des
défauts de l'histoire du Mouvement communiste
international, dans les moments où la politique
suivie par l'Union soviétique était comprise
comme la politique du Mouvement communiste tout entier. Tout
en affirmant cela, il est bien clair que les
marxistes-léninistes doivent s'efforcer de comprendre
ce qui se passe en Chine. De même, il leur faut
contrer les efforts déployés par la
bourgeoisie pour jeter le doute sur l'avenir de la
révolution, et faire grand bruit autour d'une
prétendue crise du marxisme, dans la mesure où
il s'agit d'une véritable agression
idéologique contre les forces révolutionnaires
en France. Insinuations, dénaturation.
exagérations de la réalité chinoise ont
souvent, en réalité, une fonction proprement
interne à notre société. En l'affaire,
le rôle objectif joué par le correspondant du
Monde à Beijing est assez remarquable. Aussi
appartient-il par contre aux marxistes-léninistes de
désarmer, dans la mesure de leurs moyens, cette
offensive qui les concerne.
Car si,
particulièrement aujourd'hui, la
société chinoise se trouve parcourue par de
grands débats, si de vastes questions d'histoire et
d'orientation font l'objet de discussions acharnées,
et de luttes, dans le cadre de la politique "Que cent fleurs
s'épanouissent, que cent écoles rivalisent",
il reste, et c'est là l'essentiel, que malgré
toutes les rumeurs de "démaoïsation" , les
bruits intéressés de bouleversements
spectaculaires, la Chine réaffirme son attachement au
système de la pensée Mao Zedong, à la
dictature du prolétariat, au socialisme, et que rien,
dans les faits, n'indique qu'il en aille autrement. N'y
a-t-il pas 30 ans que Mao Zedong proclamait : "
Le peuple chinois est
debout" .
M.C.
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