L'actualité de Staline 

SOLIDAIRE -Hebdomadaire du Parti du Travail de Belgique- n°21 (839) 19 mai 1993. p13

 Histoire
Un autre regard sur Staline (première partie)

L'actualité de Staline


Une brigade de monteurs des Komsomols, qui vint aider à la construction d'un combinat métallurgique en 1931. C'est sous la direction de Staline que le socialisme fut construit en URSS.

"J'ai été un antistalinien convaincu dés l'âge de dix-sept ans. L'idée d'un attentat contre Staline envahit mes pensées et mes sentiments. Nous étudiâmes les possibilités "techniques" d'un attentat. Nous passâmes à la préparation pratique (...) Lorsque Staline était encore en vie, je voyais ça autrement, mais maintenant que je peux survoler ce siècle, je dis: Staline a été la plus grande personnalité de notre siècle, le plus grand génie politique. Adopter une attitude scientifique à l'égard de quelqu'un est autre chose que son attitude personnelle". Ainsi parle Alexandre Zinoviev (1) Qu'un dissident soviétique célèbre, vivant en Allemagne "réunifiée", qu'un homme qui dans sa jeunesse poussait l'antistalinisme jusqu'à la préparation d'un attentat terroriste contre Staline, qui a rempli des livres et des livres pour dire tout le mal qu'il pensait de la politique stalinienne, qu'un tel homme se voit obligé, dans ses vieux jours, de rendre hommage à Staline, voilà qui laisse songeur.

Beaucoup d'hommes qui se proclament révolutionnaires et communistes n'ont pas fait preuve d'autant de courage.
Parce que, du courage, il en faut, si l'on veut élever sa faible voix contre l'ouragan de la propagande antistalinienne. Un grand nombre de communistes se sentent mal à l'aise sur ce terrain de bataille. Tout ce que les plus violents ennemis du communisme avaient affirmé pendant trente-cinq ans, Khrouchtchev est venu le confirmer en 1956. Depuis lors, l'unanimité vocifératrice dans la condamnation de Staline, qui va des nazis aux trotskistes et du tandem Kissinger-Brzezinski au duo Khrouchtchev-Gorbatchev, semble s'imposer comme une preuve incontestable de vérité. Défendre l'oeuvre historique de Staline et du Parti bolchevik devient impensable, devient chose monstrueuse.
Aujourd'hui, chez un homme comme Zinoviev, le constat de la folie destructrice qui s'est emparée de l'ex-Union soviétique, avec son cortège de famine, de chômage, de criminalité, de misère, de corruption et de guerres inter-ethniques, a conduit à la remise en question de préjugés ancrés depuis l'adolescence.
Il ne fait aucun doute que, dans le monde entier, ceux qui veulent défendre les idéaux du socialisme et du communisme devront au moins en faire autant. Personne ne peut échapper à cette évidence: lorsqu'après 35 ans de dénonciations virulentes du "stalinisme", Gorbatchev en eut réellement fini avec toutes les réalisations de Staline, il a démoli dans la même foulée les statues de Lénine et a démontré qu'avec les funérailles du stalinisme, c'était aussi le léninisme qu'on enterrait.
Nous publions ici les premiers résultats de nos travaux sur la période de Staline, qui portent essentiellement sur la collectivisation et l'épuration, deux épisodes qui sont l'objet d'attaques particulièrement violentes. Dans un délai de 18 mois, nous comptons publier un ouvrage plus complet.
Nous aimerions échanger des points de vues et des informations sur toutes les questions concernant l'oeuvre de Staline, avec les camarades qui, dans différents pays et continents, gardent la conviction que le communisme est l'avenir de l'humanité.

Frénésie contre Staline sur les cinq continents

De nos jours, toutes les forces qui s'opposent, d'une façon ou d'une autre, à la barbarie impérialiste, sont traquées et pourfendues au nom de la lutte contre le "stalinisme".
Les médias ne manquent pas de nous rappeler régulièrement qu'il existe encore, malheureusement, un dernier carré de staliniens sur la planète. Les quatre pays qui maintiennent la voie socialiste (Cuba, Corée du nord, China et Vietnam, ndlr) sont excommuniés du monde civilisé au nom de Staline. Sur les cinq continents, toutes les forces de droite et d'extrême-droite se sont acharnées avec une telle frénésie contre Staline qu'aucun révolutionnaire ne peut échapper à une nouvelle évaluation de son oeuvre.
Ce n'est vraiment pas un hasard si l'on retrouve de nos jours, dans presque toutes les publications bourgeoises et petites-bourgeoises "en vogue", les calomnies et les mensonges à propos de Lénine et de Staline qu'on retrouvait dans la presse nazie pendant la guerre. En effet, quand la bourgeoisie clame l'échec définitif du communisme, elle utilise la faillite lamentable du révisionnisme pour réaffirmer sa haine de l'oeuvre grandiose réalisée dans le passé par Lénine et Staline. Mais ce faisant, elle pense plus à l'avenir qu'au passé. La bourgeoisie veut faire croire que le marxisme-léninisme est définitivement enterré, parce qu'elle se rend parfaitement compte de l'actualité et de la vitalité de l'analyse communiste. La bourgeoisie dispose d'une pléthore de cadres capables de faire des évaluations scientifiques de l'évolution du monde. Aussi, envisage-t-elle des crises majeures, des bouleversements d'ampleur planétaire et des guerres en tout genre. Après le rétablissement du capitalisme en Europe de l'Est et en Union soviétique, toutes les contradictions du système impérialiste mondial se trouvent exacerbées. Face aux gouffres du chômage, de la misère, de l'exploitation et de la guerre qui s'ouvrent devant les masses travailleuses du monde entier, seul le marxisme-léninisme peut apporter aux travailleurs du monde capitaliste et aux peuple opprimés du tiers monde les armes de leur libération. Tout le tapage sur la fin du communisme vise également à désarmer, en vue des grandes luttes futures, les masses opprimées du monde entier.

Krouchtchev reprit pour son compte
l'historiographie bourgeoise
sur la période de Staline

Dans les partis communistes de par le monde, la lutte idéologique autour de la question de Staline présente de nombreuses caractéristiques communes. Dans beaucoup de cas où des révolutionnaires découvrent tout à coup les "graves erreurs et crimes" de Staline, une chose est frappante: leur ignorance des réalités de la lutte des classes telle qu'elle s'est développée en Union soviétique. La plupart des "critiques" de Staline proviennent des mêmes sources: elles reprennent simplement les calomnies et les versions bourgeoises de l'histoire de la lutte des classes, présentées depuis cinquante ans par la droite, la sociale-démocratie et le trotskisme. Toul écrit politique et historique est marqué par la position de classe de son auteur. Des années vingt jusqu'en 1953, la majorité des publications occidentales sur l'Union soviétique servaient le combat de la bourgeoisie et de la petite-bourgeoisie contre le socialisme soviétique. Les écrits des membres des partis communistes et des intellectuels de gauche défendant l'expérience soviétique constituaient un faible contre-courant de défense de la vérité sur l'expérience soviétique. Or, à partir de 1953-1956, Khrouchtchev et le Parti Communiste de l'Union soviétique reprendront pour leur compte, morceau par morceau, toute l'historiographie bourgeoise sur la période Staline. Depuis lors, tous les révolutionnaires du monde occidental subissent une pression idéologique terrible et incessante concernant les périodes cruciales de l'essor du mouvement communiste, surtout la période de Staline. Si Lénine a dirigé la révolution d'Octobre et a tracé les grandes orientations pour la construction du socialisme, c'est Staline qui a réalisé l'édification socialiste pendant une période de trente ans. Toute la haine de la bourgeoisie s'est concentrée sur le travail titanesque accompli sous la direction de Staline. Un communiste qui n'adopte pas de position de classe ferme vis-à-vis de l'information orientée, unilatérale, tronquée ou mensongère que répand la bourgeoisie se perdra irrémédiablement. Pour aucun autre sujet de l'histoire récente, la bourgeoisie n'a un tel intérêt à noircir et à dénigrer ses adversaires. 

70 années de "critiques de gauche" formulées contre Staline 

Les opportunistes dans les différents partis n'osent pas contrecarrer de front l'offensive idéologique anti-Stalinienne dont le but anticommuniste est pourtant évident. Les opportunistes plient sous la pression, ils disent "oui a la critique de Staline", mais prétendent critiquer Staline "par la gauche". Aujourd'hui, nous pouvons faire le bilan de soixante-dix années de "critiques de gauche" formulées contre l'expérience révolutionnaire du Parti bolchevik sous Staline. Nous disposons de centaines d'ouvrages écrits par des sociaux-démocrates et des trotskistes, par des boukharinistes et des intellectuels de gauche "indépendants". Leurs points de vue ont été repris et développés par les khrouchtchéviens et les titistes. Nous pouvons mieux comprendre aujourd'hui le véritable sens de classe de tous ces ouvrages. Toutes ces critiques ont-elles abouti à des pratiques révolutionnaires plus conséquentes que celle incarnées dans l'oeuvre de Staline ? Les théories doivent-être jugées, en fin de compte, par la pratique sociale qu'elles suscitent. La pratique révolutionnaire du mouvement communiste mondial sous Staline a bouleversé le monde entier et a imprimé une nouvelle orientation à l'histoire de l'humanité. Au cours des années 1985-1990, principalement, nous avons pu voir que toutes les prétendues "critiques de gauche" contre Staline, telles d'innombrables ruisseaux, se sont jetées dans le grand fleuve de l'anticommunisme. Sociaux-démocrates, trotskistes, anarchistes, boukharinistes, titistes, écologistes, se sont tous retrouvés dans le mouvement "pour la liberté, la démocratie et les droits de l'Homme" qui a liquidé ce qui restait du socialisme en Europe de l'Est et en URSS. Toutes ces "critiques de gauche" de Staline ont pu aller jusqu'aux conséquences finales de leur option politique et toutes ont contribués à la restauration d'un capitalisme sauvage, à l'instauration d'une dictature bourgeoise impitoyable, à la destruction des acquis sociaux, politiques et culturels des masses travailleuses et, dans de nombreux cas, à l'émergence du fascisme et des guerres civiles réactionnaires.

Ludo Martens

 (1) Zinoviev: Les confessions d'un homme en trop, éd. Olivier Orban, 1990, p.104,120; Interview Humo 25 février 1993, p.48-49

(2) (Patrice de Béer, Le monde, 7 août 1991 : La lente érosion)

(3) (International Herald Tribune, 5 nov. 1991, p.l) 

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