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SOLIDAIRE -Hebdomadaire du Parti du Travail de Belgique- n°21 (839) 19 mai 1993. p13 Un autre regard sur Staline (première partie)
"J'ai été un antistalinien convaincu dés l'âge de dix-sept ans. L'idée d'un attentat contre Staline envahit mes pensées et mes sentiments. Nous étudiâmes les possibilités "techniques" d'un attentat. Nous passâmes à la préparation pratique (...) Lorsque Staline était encore en vie, je voyais ça autrement, mais maintenant que je peux survoler ce siècle, je dis: Staline a été la plus grande personnalité de notre siècle, le plus grand génie politique. Adopter une attitude scientifique à l'égard de quelqu'un est autre chose que son attitude personnelle". Ainsi parle Alexandre Zinoviev (1) Qu'un dissident soviétique célèbre, vivant en Allemagne "réunifiée", qu'un homme qui dans sa jeunesse poussait l'antistalinisme jusqu'à la préparation d'un attentat terroriste contre Staline, qui a rempli des livres et des livres pour dire tout le mal qu'il pensait de la politique stalinienne, qu'un tel homme se voit obligé, dans ses vieux jours, de rendre hommage à Staline, voilà qui laisse songeur. Beaucoup d'hommes qui se proclament
révolutionnaires et communistes n'ont pas fait preuve
d'autant de courage. De nos jours, toutes les forces qui
s'opposent, d'une façon ou d'une autre, à la
barbarie impérialiste, sont traquées et
pourfendues au nom de la lutte contre le
"stalinisme". l'historiographie bourgeoise sur la période de Staline Dans les partis communistes de par le monde, la lutte idéologique autour de la question de Staline présente de nombreuses caractéristiques communes. Dans beaucoup de cas où des révolutionnaires découvrent tout à coup les "graves erreurs et crimes" de Staline, une chose est frappante: leur ignorance des réalités de la lutte des classes telle qu'elle s'est développée en Union soviétique. La plupart des "critiques" de Staline proviennent des mêmes sources: elles reprennent simplement les calomnies et les versions bourgeoises de l'histoire de la lutte des classes, présentées depuis cinquante ans par la droite, la sociale-démocratie et le trotskisme. Toul écrit politique et historique est marqué par la position de classe de son auteur. Des années vingt jusqu'en 1953, la majorité des publications occidentales sur l'Union soviétique servaient le combat de la bourgeoisie et de la petite-bourgeoisie contre le socialisme soviétique. Les écrits des membres des partis communistes et des intellectuels de gauche défendant l'expérience soviétique constituaient un faible contre-courant de défense de la vérité sur l'expérience soviétique. Or, à partir de 1953-1956, Khrouchtchev et le Parti Communiste de l'Union soviétique reprendront pour leur compte, morceau par morceau, toute l'historiographie bourgeoise sur la période Staline. Depuis lors, tous les révolutionnaires du monde occidental subissent une pression idéologique terrible et incessante concernant les périodes cruciales de l'essor du mouvement communiste, surtout la période de Staline. Si Lénine a dirigé la révolution d'Octobre et a tracé les grandes orientations pour la construction du socialisme, c'est Staline qui a réalisé l'édification socialiste pendant une période de trente ans. Toute la haine de la bourgeoisie s'est concentrée sur le travail titanesque accompli sous la direction de Staline. Un communiste qui n'adopte pas de position de classe ferme vis-à-vis de l'information orientée, unilatérale, tronquée ou mensongère que répand la bourgeoisie se perdra irrémédiablement. Pour aucun autre sujet de l'histoire récente, la bourgeoisie n'a un tel intérêt à noircir et à dénigrer ses adversaires. Les opportunistes dans les différents partis n'osent pas contrecarrer de front l'offensive idéologique anti-Stalinienne dont le but anticommuniste est pourtant évident. Les opportunistes plient sous la pression, ils disent "oui a la critique de Staline", mais prétendent critiquer Staline "par la gauche". Aujourd'hui, nous pouvons faire le bilan de soixante-dix années de "critiques de gauche" formulées contre l'expérience révolutionnaire du Parti bolchevik sous Staline. Nous disposons de centaines d'ouvrages écrits par des sociaux-démocrates et des trotskistes, par des boukharinistes et des intellectuels de gauche "indépendants". Leurs points de vue ont été repris et développés par les khrouchtchéviens et les titistes. Nous pouvons mieux comprendre aujourd'hui le véritable sens de classe de tous ces ouvrages. Toutes ces critiques ont-elles abouti à des pratiques révolutionnaires plus conséquentes que celle incarnées dans l'oeuvre de Staline ? Les théories doivent-être jugées, en fin de compte, par la pratique sociale qu'elles suscitent. La pratique révolutionnaire du mouvement communiste mondial sous Staline a bouleversé le monde entier et a imprimé une nouvelle orientation à l'histoire de l'humanité. Au cours des années 1985-1990, principalement, nous avons pu voir que toutes les prétendues "critiques de gauche" contre Staline, telles d'innombrables ruisseaux, se sont jetées dans le grand fleuve de l'anticommunisme. Sociaux-démocrates, trotskistes, anarchistes, boukharinistes, titistes, écologistes, se sont tous retrouvés dans le mouvement "pour la liberté, la démocratie et les droits de l'Homme" qui a liquidé ce qui restait du socialisme en Europe de l'Est et en URSS. Toutes ces "critiques de gauche" de Staline ont pu aller jusqu'aux conséquences finales de leur option politique et toutes ont contribués à la restauration d'un capitalisme sauvage, à l'instauration d'une dictature bourgeoise impitoyable, à la destruction des acquis sociaux, politiques et culturels des masses travailleuses et, dans de nombreux cas, à l'émergence du fascisme et des guerres civiles réactionnaires. Ludo Martens (1) Zinoviev: Les confessions d'un homme en trop, éd. Olivier Orban, 1990, p.104,120; Interview Humo 25 février 1993, p.48-49 (2) (Patrice de Béer, Le monde, 7 août 1991 : La lente érosion) (3) (International Herald Tribune, 5 nov. 1991, p.l) | |