D) LA MISE SOUS TUTELLE DE LA RÉVOLUTION
CAMBODGIENNE.
" Ce document
rédigé en Vietnamien ne parlait ni de la lutte
de classe, ni de la lutte contre les impérialistes
américains. Il y est dit que lorsque le Vietnam aura
remporté la victoire, il viendra en aide au
Kampuchea. Les Vietnamiens ont entrepris dans ce document
une attaque en règle contre la conception et la
position révolutionnaire du P.C.K. pour que celui-ci
renonçât à la lutte
révolutionnaire et attendit que les Vietnamiens aient
remporté leur victoire qui apporterait
automatiquement la victoire du Kampuchea"
Une telle ligne
n'est pas sans rappeler des positions bien connues des
révisionnistes: "Seule la révolution dans les
pays capitalistes permettrait la révolution dans les
pays colonisés"... ou encore la politique du PCF de
"Paix en Algérie".
"En 1968,
lorsque le mouvement de la lutte armée fut
déclenché au Kampuchea, les Vietnamiens de
nouveau s'y opposèrent...
1) en
organisant en secret des groupes anti-parti qui agissaient
ouvertement contre le P.C.K.
2) en
organisant en secret des réseaux clandestins dans les
rangs du P.C.K. en vue d'activités futures.
3) en
attaquant eux-mêmes directement le P.C.K. "
Tout ceci est
d'autant plus probable qu'on le sait, de nombreux cadres ont
été formés à Hanoï.
Les
vietnamiens eux-mêmes ne cachent pas qu'il y ait eu
des contradictions:
"On sait
(disent-ils dans "Études Vietnamiennes"), que les
relations entre le Vietnam et le Kampuchea pendant les
années de la résistance commune à
l'agression américaine étaient assez
complexes. D'une part, pour vaincre les américains
fantoches, le clan Pol Pot-Ieng Sary devait aider le Vietnam
et s'appuyer sur lui. Mais de l'autre, il cherchait par tous
les moyens à limiter le prestige et l'influence de la
révolution Vietnamienne, étouffer
l'amitié sincère entre les peuples et les
combattants des deux pays" (p 10 Dossier Kampuchea)
Ce texte,
assez arrogant, tout en voulant masquer l'essence des
problêmes ne fait que l'affirmer. Les Cambodgiens
luttaient de toutes leurs forces pour l'autonomie de leur
révolution contre "l'influence de la
révolution Vietnamienne". Les Cambodgiens se
regroupent autour des communistes qui à
l'époque affirment l'importance de compter sur ses
propres forces, de donner le primat aux causes internes, de
trouver les formes propres, nationales de la
révolution.
Aussi, un des
'crimes' qui leur est reproché par les Vietnamiens
est le suivant:
"Pendant la
révolution culturelle prolétarienne en Chine,
le petit Livre Rouge fut chaleureusement acclamé par
l'équipe dirigeante du P.C.K. qui en autorisait une
large diffusion dans les régions sous son influence.
Les mesures "originales" que l'on voit appliquées au
Kampuchea à l'heure actuelle, à quelles
sources s'inspirent-elles sinon dans cette Révolution
Culturelle"
En 1969,
nouvelle rencontre des deux partis. Nouvelle opposition.
Rencontre entre Pol Pot et Le Duan, Le Duc Tho, Vo Nguyen
Giap, Nguyen Duy Trinh. Les Vietnamiens voulaient que le
P.C.K. dépose les armes et ceci pour deux raisons,
disent les Cambodgiens. Des raisons d'ordre
stratégiques:
" Ils
redoutaient que le P.C.K. n'acquit des forces politiques et
militaires et des expériences de lutte armée
et ils craignaient que les forces révolutionnaires du
Kampuchea puissent se développer et se consolider
dans tous les domaines.
D'autre part,
les Vietnamiens devaient coopérer avec Lon Nol qui
était au pouvoir et ils craignaient de compromettre
cette coopération si la révolution au
Kampuchea engageait la lutte armée". "Le Duan a dit:
il vaut mieux que les camarades du Kampuchea attendent que
le Vietnam remporte la victoire. A ce moment-là, nous
frapperons d'un seul coup et nous libérerons Phnom
Penh".
Lon Nol
était alors premier ministre de Sihanouk, et s'il
était un farouche anti-Vietnamien, son souci
était beaucoup plus d'anéantir les Khmers
Rouges. Il ne serait pas étonnant du tout que tout en
tentant de discréditer les Khmers Rouges en disant
qu'il n'y avait que des Vietnamiens, il encourageait les
contradictions entre Vietnamiens et Cambodgiens. Qu'au moins
au temps de Sihanouk les Vietnamiens aient obtenu quelques
garanties quant à leur présence au Cambodge,
c'est chose certaine. A partir de 70, le fait est plus
douteux. Mais pourquoi l'U.R.S.S. a-t-elle reconnu jusqu'au
dernier jour le gouvernement Lon Nol, sans reconnaître
le FUNK, reconnu lui par les Vietnamiens ? Était-ce
un partage des tâches ?
"Pendant le
séjour de la délégation à
Hanoï, Le Duan voulait l'amener à établir
des relations avec le P.C.U.S... La délégation
du P. C.K. a dit à Le Duan que le P.C.K.
n'était pas contre l'Union Soviétique. Il
travaillait seulement à atteindre son objectif qui
était de diriger la révolution du Kampuchea
à la victoire. Il ne voulait pas non plus intervenir
dans le différent sino-soviétique mais l'Union
Soviétique a manifesté son hostilité
à l'égard du P.C.K. En effet, en 1964,
l'ambassade soviétique à Phnom Penh a voulu
créer un autre parti communiste au Kampuchea et a
accusé le P.C.K. d'être un parti inepte ayant
une ligne absurde. Le Parti Communiste que l'URSS voulait
mettre sur pied devait comprendre d'une part, les
renégats du temps de la lutte contre les
colonialistes français, tels que Sivtteng et Pen
Youth qui sont devenus des agents de renseignements à
la solde de la clique de Lon Nol, et d'autre part des
étudiants de l'Institut Technique Supérieur
Khméro-Soviétique de Phnom Penh. Mais en fin
de compte, ce parti n'a pu voir le jour faute de soutien
populaire."
En
définitive, les contradictions qui opposent le PTVN
et le P.C.K. portent sur:
- quelle
lutte une fois l'indépendance formelle acquise ?
- par quelles
méthodes ?
- quel
programme ?
La
réponse des Cambodgiens est:
- lutte
contre l'impérialisme américain et contre la
classe la plus exploiteuse : les propriétaires
fonciers.
- lutte
armée.
- compter sur
ses propres forces donc prendre l'agriculture comme
base.
Celle des
Vietnamiens est:
- soutenir la
neutralité du Cambodge.
- lutte
politique légale contre le régime en
place.
- la victoire
des Vietnamiens éliminera l'impérialisme
américain et rendra la lutte politique plus
aisée.
Par ailleurs
qu'il y ait eu des divergences n'étaient pas
très grave en soi. Mais ne pas les accepter, tenter
par tous les moyens d'éliminer ceux qui vous sont
opposés, faire des pressions notamment sur la
question des armes, c'est déjà avoir une
politique de domination. On sait que les Vietnamiens ont
intercepté des armes envoyées par la Chine aux
Cambodgiens.
"Par
ailleurs, la délégation du P.C.K.
elle-même n'était pas très unie et avait
à faire face à des différents en son
sein. Son Ngoc Minh qui résidait au Vietnam en
faisait partie. Il s'employait à l'instigation des
Vietnamiens à soulever des questions telles que
"Comment le P.C.K. pourra-t-il mener la lutte armée
s'il n'a ni armes ni munitions ni médecins ni
médicaments" La délégation lui a
répliqué : combien Ho Chi Minh avait-il de
fusils lorsqu'il a commencé à lutter ?
".
IV) LA LIGNE DU P.C.K. S'EST
IMPOSEE:
L'ARROGANCE DES VIETNAMIENS DIMINUE.
Le 18 Mars 1970,
le coup d'État éclate au Kampuchea. Les
analyses Vietnamiennes ne tiennent plus:
l'impérialisme américain est là. Lon
Nol prend le pouvoir. Peu après, les
américains envahissent le pays. Par la suite, les
américains et les troupes de Thieu ont poussé
jusqu'au Mékong et à la route nationale No 4
qui relie Phnom Penh à Kampong Thom.
Le
Comité Central du Parti Vietnamien au Sud-Vietnam
vient se réfugier au nord de Stung Trang sur la rive
Ouest du Mékong. Les Vietnamiens lançaient
leurs opérations contre les américains
à partir de Prek Prâsap.
Les relations
entre les deux partis, sans doute face à l'offensive
généralisée de l'ennemi,
s'améliorent.
Le 18 Mars,
la délégation dirigée par Pol Pot au
Vietnam se trouve alors à Pékin. Le prince
Norodom Sihanouk a quitté Paris, effectué une
visite à Moscou et le 19 Mars, il arrive à
Pékin. Pham Van Dong arriva quelques jours
après.
Le 23 Mars,
par la voix de Sihanouk, est annoncée la constitution
du "Front uni National du Kampuchea" le FUNK. La
déclaration en 5 points faite ce jour-là
semble être le fait d'une négociation entre la
délégation Cambodgienne et le prince Sihanouk,
par l'intermédiaire des Chinois. Il s'agit pour les
"Khmers Rouges" de rassembler toutes toutes les forces
nationales au delà de ce qu'ils appellent les forces
démocratiques. C'est ensuite la création du
Gouvernement Royal d'Union Nationale du Kampuchea, le GRUNK.
et de l'armée de Libération nationale- Forces
armées de Libération du Kampuchea
(FAPLK).
Outre le
ralliement des forces nationalistes proches de Sihanouk, ce
qui veut dire que désormais le Front Uni englobe la
quasi-totalité de la population, la constitution du
Front Uni permet aux Cambodgiens de pouvoir s'affirmer comme
les seuls maîtres de leur libération. La voie
"Cambodgienne" triomphe. Le gouvernement comporte 19
ministres - 9 résident à Pékin, ils ont
le titre mais aucun pouvoir. Les 10 autres dirigent la
résistance, contrôlent le pays, assurent une
politique offensive contre Lon Nol et les américains.
Khieu Samphan est vice premier ministre chargé de la
défense nationale. Hou Yuon ministre de
l'intérieur. Rath Samoeurn et Saloth Sar (Pol Pot)
dirigent le P.C.K. Sien An devient ambassadeur à
Hanoï, leng Sary sera à Pékin le
représentant de la résistance
intérieure.
Si à
la demande de Sihanouk les Vietnamiens envoient 2000 cadres
militaires, les anciens résistants, les officiers de
l'armée royale passés au maquis forment et
encadrent l'armée qui se lève.
"Au
début nous visions les positions les plus faibles de
l'ennemi dans les campagnes, en combinant des attaques
militaires menées par des forces constituées
et des unités de guérilla, avec des
insurrections populaires pour prendre le pouvoir au niveau
des villages et des communes".
- A)
RECONNAISSANCE DE L'AUTONOMIE DES 2 PARTIES.
Durant 2
années environ, la direction du P.C.K. s'étant
imposée, les rapports entre Vietnamiens et
Cambodgiens semblent se consolider. Le P.C.K. dit
aujourd'hui: "Les Vietnamiens avaient un besoin pressant de
nous" ? L'unité était sans doute une
nécessité du combat. La mobilisation des 2
peuples rendait seule possible la victoire.
Le 25 Avril
1970, conférence au sommet des peuples Indochinois
à l'initiative de Sihanouk. Cf à ce sujet le
texte édité à Pékin: "Victoire
grandiose de la solidarité militante des 3 peuples
d'Indochine"; "S'inspirant du principe que la
libération et la défense de chaque pays sont
l'oeuvre de son peuple, les différentes parties
s'engagent à faire tout leur possible pour se
prêter un soutien réciproque selon le
désir de la partie intéressée et sur la
base du respect mutuel"
- B) PAS DE
PARTAGE DU POUVOIR.
71, 72, les
communiqués de reconnaissance et de soutien abondent.
Cependant, à bien les lire, le souci
d'indépendance et de reconnaissance réciproque
des particularités de chaque État est sans
cesse réaffirmée. "Les parties Vietnamiennes
et Kampuchéenne affirment que les problèmes de
chaque pays d'Indochine doivent être
réglés par son propre peuple. C'est là
un droit sacré inaliénable. Les 2 parties
respectent strictement et soutiennent résolument leur
position respective en vue de la solution de leurs propres
problèmes conformément aux
particularités et intérêts de chaque
pays et à la situation générale en
Indochine".
(p103 "Dossier Kampuchea" Hanoi)
Si ces
déclarations étaient nécessaires afin
d'affirmer l'authenticité des mouvements de
libération nationale à l'opinion mondiale et
aux nationalistes Cambodgiens et Vietnamiens, elles
indiquent aussi un problème réel. La solution
retenue étant celle imposée par les
Cambodgiens.
Mais de
nouvelles contradictions surgissent sur le terrain. Les
Vietnamiens proposent aux Cambodgiens de créer dans
certaines provinces des commandements mixtes
Vietnamiens-Cambodgiens dans les villages, les communes, les
districts, voire même les hôpitaux. Cette
idée partait du fait qu'il existait au Cambodge des
lieux où les cadres locaux étaient
Vietnamiens. Il s'agissait de pouvoir d'État
parallèle notamment dans la zone Nord-Est.
Les
Cambodgiens non seulement refusèrent ces
commandements mixtes, mais c'est à ce moment qu'ils
lancent un plan de réorganisation administrative et
politique éliminant les Vietnamiens des pouvoirs
locaux. Cela ne se fera pas sans heurts.
"En 1972, une
véritable bataille rangée oppose près
de Siem Reap des unités Khmers Rouges et leurs
alliés d'hier qui refusent de quitter la place et
d'abandonner les cadres locaux qu'ils ont imposé.
L'écho de ces combats va jusqu'à Hanoï
où le représentant du FUNK réussit
à convaincre Pham Van Dong de donner à ses
troupes l'ordre de se replier. L'arrêt des
bombardements américains sur le Cambodge en
été 73 ne justifie plus leur
éparpillement et la majeure partie des 40 000
Nord-Vietnamiens ira lentement réoccuper les zones
stratégiques qu'ils avaient quittées en
1970"
p. Debré ouvrage
cité p 145
- C) REFUS DES
NÉGOCIATIONS.
Le
deuxième point d'opposition des années 70-75
surgit au moment où les négociations de Paris
se tiennent.
A partir de
72, les Vietnamiens commencèrent à exercer des
pressions sur le P.C.K. pour qu'il engage des
négociations pour cesser la guerre.
"A cette
époque les négociations entre Le Duc Tho et
Kissinger ont abouti à un accord de principe sur le
cessez-le-feu. Le Comité Central du PTVN chargea Pham
Hung de négocier avec le P.C.K.... pour qu'il ouvre
des négociations. Au mois d'Octobre 1972, les
pressions Vietnamiennes se sont faites plus
impératives. En effet, les américains et les
Vietnamiens ont déjà mis au point le projet
des accords de Paris dans ses grandes lignes. La raison pour
laquelle Kissinger a refusé de signer les accords en
Octobre 1972, c'était le refus du P.C.K. de se
soumettre aux pressions Vietnamiennes..." Enfin "Les
vietnamiens nous firent savoir que Kissinger a
demandé à Le Duc Tho d'informer la partie du
Kampuchea que si elle ne cessait pas le feu, les avions
stratégiques et tactiques US détruiraient le
Kampuchea en 72 heures".
Le même
jour, Lon Nol déclara: "il est demandé
à l'autre côté de venir négocier
le cessez-le-feu dans les 3 jours. Si l'autre
côté ne cessait pas le feu des mesures seraient
prises pour le détruire".
Lon Nol
Les
Cambodgiens se refusaient à toute négociation.
Pour eux, la paix ne pouvait intervenir qu'après une
victoire militaire complète de façon à
rendre impossible tout compromis à la fois avec les
Vietnamiens et avec les forces conservatrices.
Sur le
terrain, les Khmers Rouges détenaient toute
l'autorité sur les maquis et les populations des
zones libérées, les 3/4 du pays, notamment
toutes les rives du Mékong. Les convois d'armes, de
pétrole et de riz ne pouvaient plus ravitailler Phnom
Penh.
"Seul le
maréchal Lon Nol, cloué sur une chaise
roulante, muré dans sa ville transformée en
bunker, protégé par une garde
particulière, entouré d'astrologues de mages
et de devins continuait à croire à un
retournement miraculeux de la situation"
F. Debré ouvrage
cité p 201 ainsi qu'extraits page
précédente.
La chute du
régime était proche. Les menaces des
américains de détruire le pays étaient
peu sérieuses. Par contre, le Prince Sihanouk qui
savait que la victoire était proche, probablement
sans lui, tentait de convaincre les U.S.A. d'abandonner Lon
Nol et de hâter son retour. Finalement, des
conversations eurent lieu à Pékin avec John
Holdridge, chef de l'United States Liaison Office (USLO). et
l'émissaire de Sihanouk.
Le 30 Mars,
les américains forcent Lon Nol à abandonner
Phnom Penh.
"Le 11 Avril,
tout était réglé, les U.S.A.
acceptaient les exigences de Sihanouk et étaient
prêts à participer au "scénario du
retour". Sihanouk venait de recevoir de la Maison Blanche le
télégramme suivant:
- le
gouvernement des U.S.A. soutient tout projet et initiatives
répondant aux aspirations du peuple Cambodgien. Il
est convaincu que seul le prince Sihanouk répond aux
suffrages unanimes du peuple Cambodgien.
- le
gouvernement des U.S.A. prépare tout ce qui est en
son pouvoir pour transférer au Prince Sihanouk et
à ses partissans le leadership de Phnom Penh
(...)
- une fois le
transfert du leadership effectué, les U.S.A.
exerceront toute leur autorité pour faire accepter
les exigences politiques du prince. "
F. Debré p 209
leng Sary,
représentant de la résistance à
Pékin était au courant de ce qui se tramait.
De tout côté, on voulait arracher la victoire
au peuple Cambodgien.
Quel
intérêt aurait-il eu à négocier,
et avec qui ?
"Si le P.C.K.
cessait le feu ne serait-ce qu'un jour, la clique Lon Nol
aurait l'occasion de reprendre du souffle. Si le P.C.K.
poursuit le combat, les américains et la clique Lon
Nol ne pourront transporter que 20 à 30% de leurs
besoins en armements et en vivres... Par ailleurs, un
cessez-le-feu sèmerait la confusion dans la
détermination de lutte du peuple et de l'armée
révolutionnaire du Kampuchea .
D'autre part,
dans la géographie politique de l'ensemble de l'Asie
du Sud-Est le Kampuchea jouait un rôle-clé. Si
la révolution du Kampuchea acceptait un
cessez-le-feu, la clique Lon Nol pourrait alors
élargir la zone sous leur contrôle, avoir plus
de population, s'étendre davantage jusqu'à ce
que la révolution s'effondre. Si la révolution
du Kampuchea continue sa lutte et sa marche en avant, elle
serait en mesure quelle que soit la situation, d'apporter sa
contribution au développement de la situation
révolutionnaire en Asie du Sud-Est".
Pour les
Vietnamiens, c'était un échec. Ils montraient
notamment aux États-Unis qu'ils n'étaient pas
les maîtres au Cambodge. La révolution
Cambodgienne affirmait son indépendance et la
possibilité de voie différentes dans la
manière de mener un mouvement de libération
à la victoire contre les U.S.A. Le 17 Avril ils
pénètrent dans Phnom Penh. Le 12 Avril les
américains avaient évacué leurs
conseillers, leur manoeuvre avec Sihanouk avait
échoué, seuls quelques maréchaux
attendent encore le Prince. Ce sont les Khmers Rouges qui
libèrent la capitale. Les Khmers Rouges,
c'est-à-dire les révolutionnaires Cambodgiens
ayant rompu toute dépendance à l'égard
des Vietnamiens. Ceux qui refusent de passer de
l'hégémonie américaine au
social-impérialisme, à
l'hégémonie Soviétique prennent le
pouvoir.
Et l'on
assiste, sans doute pour la première fois dans
l'histoire, à la tentative, par ceux qu'on pourrait
appeler les pro-Vietnamiens - comme on dit les
pro-soviétiques - avec l'appui des Vietnamiens sinon
à leur initiative, de récupérer le
pouvoir dont leur incapacité à mener une lutte
de libération nationale indépendante les avait
évincés.
Il ne reste
plus comme armes aux réactionnaires de tous poils que
les assauts ignominieux de la presse et de la
propagande.
-D) LES
DIFFICULTÉS DE LA VICTOIRE.
Terreur,
massacres, déportation; on crie au scandale. D'un
seul coup de propagande on voudrait faire oublier les
atrocités perpétrées dans toute la
région par les américains. Phnom Penh a
été vidée. C'es sans doute vrai. Mais
qu'était Phnom Penh ?
Très
vite après les débuts de leur intervention,
les américains ne tenaient plus qu'1/l0ème du
pays. En 73, ils passent, tactique bien connue, à la
khmérisation de la guerre. Mais là, pas de
"hameaux stratégiques" de concentration de
population. Dès qu'un village était prêt
à tomber, l'armée ramenait la population vers
Phnom Penh. Là pas de travail. Les jeunes hommes
étaient immédiatement enrôlés
dans l'armée, et comme ils étaient mal
payés, dès qu'ils avaient une arme entre les
mains, ils la vendaient. Quant aux familles, on leur
distribuait de temps en temps du riz. Misère,
maladie, mort, était monnaie courante dans ces camps
de réfugiés. Et ce n'était pas quelques
poignées de gens, mais des millions. De 600 000
habitants en 70, Phnom Penh était passée
à 3 millions !! Il y a en tout environ 7 millions
d'habitants au Cambodge.
Lorsque les
Khmers Rouges arrivent, ils trouvent donc une situation
catastrophique. Catastrophique en ce qui concerne la
population.
Comment la
nourrir ? Le problème était de taille, les
américains le savent bien, eux qui ne
réussissaient pas à enrayer la famine
malgré les 40 000 tonnes de riz qu'ils faisaient
parvenir à Phnom Penh.
Les
révolutionnaires Cambodgiens avaient prévu la
chose. Les paysans des zones libérées avaient
préparé depuis longtemps l'accueil des
populations urbaines, bien sûr, il y avait les
nombreuses régions bombardées, mais l'accueil
était prévu: il fallait partir.
Comment s'est
fait le départ. Écoutons le témoignage
de 2 coopérants français à Phnom
Penh.
"Un groupe de
maquisards passe devant la poste et dit 'il faut partir'. Si
on ne les écoute pas, on en voit passer un
deuxième qui répète ,il faut partir',
puis un 3ème... et ainsi de suite toute la
journée, toutes les heures la même phrase.
Jusqu'au jour où le quartier doit être
totalement vide: alors, prêt ou pas, il faut partir
tout de suite. Mais même à ce moment là,
pas une brutalité, pas une vexation. Dans les rues
où marchent d'un côté les gens à
pied ou ceux qui poussent un véhicule, où
roulent de l'autre ceux qui ont encore de l'essence et de la
place dans leur automobile, il est difficile de se frayer un
chemin. Des jeeps, des camions chargés de maquisards
suivent ou croisent lentement, sans bousculer personne, sans
même klaxonner. Cela ne laisse pas de surprendre, dans
cette ville où régnaient en maître les
militaires d'un temps révolu qui imposaient leur
passage tous phares allumés, klaxon bloqué et
même trop souvent à coup de rafales de
mitraillettes lorsqu'ils n'entraient pas à toute
volée dans la circulation, grillant
délibérément tous les feux
rouges".
(Phnom Penh
libérée de Jérôme et Jocelyne
Steinbach p 41 Ed. Sociales)
Mais dans cette
ville d'horreur, il n'y a pas que l'immense majorité
de la population pour qui l'entrée des maquisards
était la libération. Il y a aussi les autres.
Ceux qui ne se sont pas enfuis à temps. Soit qu'ils
attendaient Sihanouk, soit qu'ils avaient quelques missions
déléguées par le CIA. Sabotages et
attentats se multipliaient: incendies, centrales
électriques, station d'épuration de l'eau,
banques attaquées.
De
véritables réseaux de la
contre-révolution avaient été
organisés. Ils agissaient encore, et tentaient de
rendre sanglante la libération de Phnom Penh.
"On peut
imaginer leur dépit lorsqu'ils ont perdu tout moyen
de se dissimuler dans une ville déserte, le
désarroi de leurs agents aujourd'hui
disséminés à la campagne,
immobilisés dans une des 30 000
coopératives"
Phnom Penh Libérée
p 44
Que tout ceci ne
se soit pas passé sans heurts est évident.
Aller gagner son pain à la campagne, le produire,
quand on a été un parasite pendant plusieurs
années, on ne le fait pas toujours de bon gré.
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