Chers Camarades,
Voici les propos que j'ai tenus le 21
juin devant ce Congrès dans le cadre de la discussion
générale sur le texte proposé comme
"résolution politique", après le rapport des
secrétaires parisiens. ( de mémoire et donc "en substance"
)
" A Marseille nous sommes
particulièrment concernés par la montée
du racisme et du fascisme. Ce courant très
inquiétant était déja évident
avant les élections législatives du 16 mars
dernier. Je l'avais exposé devant le CC, mais
à l'époque nos dirigeants parisiens adoptaient
ou presque l'attitude des dirigeants socialistes minimisant
(objectivement) l'importance du Front national de Le
Pen.
Les deux mamelles du
fascisme sont le racisme et l'anticommunisme. Depuis
maintenant plusieurs années le double
développement de ces deux composants a
bénéficié du laxisme des grands Partis
"de gauche", même si le PCF a parfois
dénoncé dans les attaques constantes dont il
est l'objet un anticommunisme systématique. Mais ce
parti ne s'en plaint qu'en raison des coups que ces
campagnes lui portent sur le plan électoral. Alors
que l'anticommunisme porte beaucoup plus loin, contribuant
à diviser et annihiler la force propre à
classe ouvrière. Le PCF a de lourdes
responsabilités à ce sujet. Quand la classe
ouvrière et ses organisations sont affaiblies, et que
la droite classique est elle-même en
difficulté, alors la voie est largement ouverte au
fascisme. Je ne dis pas que le processus de prise du pouvoir
par des forces fascistes est imminent, mais que l'histoire
nous enseigne qu'il faut être extrêmement
vigilant quand les forces représentatives de courant
fasciste atteignent les scores électoraux que nous
avons pu constater à Marseille et même dans
toute la France.
Vous avez inventé le concept de
"pont" pour définir la fonction du PAC
vis-à-vis d'autres forces politiques de gauche ou de
l'ex-extême-gauche. Le contenu idéologique de
votre "pont" est conciliateur et
erroné.
Dans les collectifs
où j'interviens, je ne joue jamais le rôle de
"pont". Mais j'essaye d'avancer des propositions qui donnent
à des idées que j'ai toujours défendues
en tant que communiste un rôle dirigeant. C'est
seulement ainsi que je peux influencer dans un sens positif
les autres organisations, les autres militants. C'est ainsi
seulement que l'on aboutit à des décisions et
actions communes et concrètes allant dans le bon
sens.
Par exemple, l'an dernier,
au sein du Collectif antifasciste du 29 juin, il m'a fallu
lutter contre les positions de la LCR, qui, par
opportunisme, se soumettait à l'exigence des
socialistes pour que nulle critique ne soit faite dans
l'intervention centrale commune aux mesures du gouvernement,
à un moment où les décisions de
Georgina Dufoix comportaient de graves atteintes,
déjà, aux droits humains des travailleurs
immigrés (comme l'interdiction pratique du
regroupement familial par exemple). A force de lutter au
sein des trentes associations présentes, au lieu de
"faire le pont", j'ai finalement obtenu gain de
cause.
Le PAC central ne ma servi à
rien ou très peu. Le défaut du PAC central,
comme du PCML central au cours des dernières
années, est l'absence quasi constante de directives
d'actions concrètes et de caractère national.
On débat beaucoup, mais on n'agit pas ou peu. Et
quand il a action concrète, la plupart du temps, le
mérite en revient aux camarades de la base,
localement ou régionalement.
Bauby accuse dans le Monde le PCF
d'être gauchiste. Je ne suis pas d'accord. Cette
appréciation est celle des milieux socialistes. Je
peux critiquer certaines méthodes du PCF, mais il
n'est nullement gauchiste. Sa tendance historique est
d'être opportuniste de droite. Mais depuis sa sortie
du gouvernement, il a essayé de
corriger.
Quand les militants
communistes de la CGT poussent actuellement à des
grèves et autres formes de luttes revendicatives,
sont-ils gauchistes ? Nullement.
Quand le PCF, par son
organisation de JC, fait manifester 25000 jeunes contre le
racisme et le fascisme de l'apartheid en Afrique du Sud,
à Bobigny, est-il gauchiste ?
Nullement.
Quand le PCF, dans le
cadre de l'appel des cents qu'a signé Bauby, organise
le rassemblement national pour la paix, contre les armes
nucléaires, est-il gauchiste ?
Nullement.
Mais vous affirmez aussi
que le PCF identifie la droite et le Parti socialiste. Les
dirigeants socialistes disent même que les communistes
leur réservent plus de coups qu'à la droite.
Or c'est faux. A plusieurs reprises, MARCHAIS lui-même
a démenti cette version. Il a souligné que le
PCF ne confond nullement la droite et le PS, mais que par
contre le PS a fait le lit de la droite. Il se peut que les
militants de base sectaire du PCF mettent sur le même
plan droite et PS, mais ce n'est pas la ligne réelle
du PCF. Vous pouvez être assurés que ce Parti
n'hésitera pas, le moment venu, à repasser des
accords électoraux avec le PS. D'ailleurs à
Marseille, tel est déja le cas à la Mairie,
par delà les discours publics, la coopération
socialo-communiste est effective. J'ajoute que je ne vois
pas comment les uns et les autres pourraient agir autrement.
L'affirmation de Bauby, publiée dans le Monde est
donc parfaitement subjectiviste et correspond à la
propagande anticommuniste développée par le
PS. En tout cas elle ne repose pas sur la
réalité.
Pierre Bauby a encore orienté
tout ce Congrès vers l'assurance que l'alliance avec
le PS est incontournable. Or c'est là encore
totalement inexact. Il peut y avoir des actions convergentes
ponctuelles, quand le PS adopte, sous la pression des masses
et de ses militants de base, des positions positives. Mais
c'est très rare. Des alliances sont possibles et
efficaces à l'heure actuelle avec le très
large courant de l'opinion ouvrière et populaire que
la politique du PS a indigné et qui n'a pas confiance
dans la politique, même rectifiée, du
PCF.
Mieux, dans certaines
circonstances, les dirigeants PS peuvent prendre des
initiatives dont les réalités les
dépassent. Ainsi la semaine dernière à
MARSEILLE, ayant invité au colloque d'Echanges
Méditerranée, des militants comme Samir AMIN
ou Gustave MASSIAH, ceux-ci, sans la nommer, ont recouru
à une analyse fondée sur la théorie de
MAO sur les trois mondes, de manière remarquable, ...
sous la présidence du Premier adjoint socialiste de
la ville, CORDONNIER !
Ceci prouve que si je
récuse l'idée que l'alliance avec le PS est
incontournable, c'est essentiellement parceque vous n'en
faites pas l'application concrète résultant
des enseignements de MAO : vous ne pratiquez que
l'alignement, critique de façon verbale, mais vous ne
recourez pas à la pratique de l'unité
combinée avec la lutte. En dehors de cette tactique,
vous ne pouvez rien obtenir et vous ne conduisez les
militants du PAC qu'à l'opportunisme néfaste
et désagrégateur. Le PAC disparait peu
à peu, et la plupart de ses adhérents n'aura
finalement plus aucune raison de ne pas rejoindre le PS,
"incontournable" !
Il Importe de partir des
réalités politiques et sociales et
économiques de la situation actuelle en France et
dans le monde. Presque trois millions et demi de
chômeurs, une politique réactionnaire tous
azimuts que la politique opportuniste et de gestion du
capitalisme des socialistes a rendue inéluctable.
D'ailleurs la politique de "cohabitation", qu'est-ce que
c'est, sinon l'union objective des dirigeants socialistes
avec les réactionnaires dans de nombreux
domaines.
Vous voyez que je suis en
désaccord avec toute votre orientation vers le Parti
socialiste, même si vous la dissimulez, de bonne foi,
sous une phraséologie critique de gauche. Entre le
verbe et l'action, il n'y a pas vraiment concordance depuis
des années. L'excellent numéro de
Prolétariat que vous aviez réalisé sur
la social-démocatie n'établissait nullement
que l'alliance avec le PS était incontournable, non
?
Pour conclure, bien que j'aurai
énormément à vous dire encore, je vous
fais savoir que ma position de rester ou non dans ce PAC
dépendra des résultats de ce Congrès et
que je tiendrai compte de la position des camarades de
MARSEILLE.
Je fixerai ma position
définitive à la fin. Il est tout à fait
possible que je ne reconnaisse pas du tout dans vos
positions et que je suive les camarades de MARTIGUES et de
GRENOBLE, déja précédés par de
nombreux militants qui sont partis sur la pointe des pieds
un peu partout dans le pays.
Je suis communiste depuis
ma jeunesse et ne me laisserai jamais entrainer vers la
social-démocratie, ce qui ne signifie pas que je sois
sectaire ou dogmatique, car je sais distinguer
stratégie et tactique, et je sais aussi distinguer
les militants socialistes ou PCF avec lesquels je peux faire
un bout de chemin utile. Toute mon activité militante
en cours à MARSEILLE en témoigne et les
résultats positifs obtenus ne peuvent que me
conforter dans mon point de vue fondamental.
21 juin 1986
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