" La nation est une
communauté stable, historiquement constituée, de
langue, de territoire, de vie économique et de formation
psychique qui se traduit dans une communauté de culture (...).
Seule la réunion de tous ces indices pris ensemble nous donne
la nation " Le marxisme
et la question nationale, Staline 1913.
Les événements actuels au Kosovo donnent lieu à
des positions que ne partagent pas les communistes
marxistes-léninistes signataires du texte qui suit.
Ainsi, arguant des menés germano-américaines dans la
région des Balkans, certains points de vue en viennent
à condamner la lutte nationale des albanais du Kosovo (les
opprimés) et épargner ainsi la politique de l'Etat
nationaliste grand-serbe (l'oppresseur).
La réalité historique éclairée par la
doctrine Marxiste-Léniniste conduit, au contraire, à
soutenir en tant que telle et jusqu'à ce qu'elle soit
satisfaite, la revendication nationale albanaise au Kosovo.
I - LA VERITE HISTORIQUE
EST QUE LE KOSOVO EST UN TERRITOIRE ANCESTRAL DES
ALBANAIS
La propagande nationaliste grand-serbe fonde son refus de
reconnaître les droits nationaux des albanais du Kosovo sur un
postulat " historique " : celui du " Kosovo, berceau de la nation
serbe ". Selon cette " théorie ", le Kosovo aurait toujours
été serbe, et la population albanaise s'y serait
installée à la faveur et sous l'impulsion de
l'occupation turque-ottomane, essentiellement aux XVIIème et
XVIIIème siècles. Ces albanais " islamisés "
jouant le rôle de propagateurs de la civilisation musulmane en
direction de l'occident chrétien.
Tel est le fond prétendument " historique " sur lequel
s'appuie le chauvinisme grand-serbe anti-albanais.
TOUTE L'HISTOIRE DEMENT CETTE
FABLE :
L'origine de la présence des albanais actuels au Kosovo
remonte à l'antiquité.
Les lointains ancêtres des Kosovars (comme de l'ensemble des
albanais), sont les Illyriens, dont les tribus peuplaient cette
partie des Balkans où ils sont installés aujourd'hui,
et bien au delà, au Nord et à l'Est.
La continuité anthropologique, les données
archéologiques et linguistiques, de même que les
témoignages écrits établissent les preuves
scientifiques que les Illyriens peuplaient l'actuel Kosovo 2000 ans
avant l'ère chrétienne et que les Albanais actuels
-ceux du Kosovo comme les autres - sont leurs descendants
autochtones.
II - LES SERBES SONT
ARRIVES DANS LES BALKANS - ET DONC AU KOSOVO - AU VIème
SIECLE
Qu'advint-il des tribus Illyriennes autochtones ? Sans doute
s'opposèrent-elles à la pénétration slave
comme elles le firent face aux multiples invasions barbares
après s'être opposées à la colonisation
romaine et byzantine.
Ce qui est sûr, c'est que les Illyriens n'ont pas disparu de
cette région, et qu'ils résistèrent avec
succès à la disparition ethnique et à
l'assimilation culturelle en Dardanie (actuel Kosovo), en Epire
(actuelle Albanie) et quelques autres régions. Quelques
siècles plus tard, cette population réapparaît
dans l'histoire du Moyen Age sous le nom d'Albanais (du nom d'une
tribu Illyrienne, Albanoï).
III - LOIN D'AVOIR
ENVAHI LE KOSOVO AU XVIIIéme SIECLE AVEC L'AIDE DES TURCS ET
DES OTTOMANS LES ALBANAIS (CEUX DU KOSOVO COMME LES AUTRES) ONT
TOUJOURS COMBATTU LES TURCS.
A la bataille de Kosovo-Polje, en 1384, à laquelle les Serbes
accordent une valeur nationaliste mythique, des milliers d'Albanais
combattirent aux côtés des Serbes et de soldats d'autres
nations, face à l'armée ottomane. La présence
ethnique au Kosovo est attestée par cette participation
militaire.
De 1443 à 1468, jusqu'à sa mort, Skanderbeg, dirigeant
de la principauté de Kruja, dans le Nord de l'Albanie chassa
les Turcs d'Albanie et tint en échec, durant un quart de
siècle toutes les tentatives de reconquête turque.
Plus tard, malgré l'occupation ottomane, la langue albanaise
résista à la politique d'assimilation culturelle et les
premiers livres écrits en Albanais furent écrits au
XVIéme siècle.
Durant les siècles qui suivirent, on ne compte pas le nombre
d'insurrections albanaises anti-turques dans tous les territoire
peuplés d'Albanais.
Mais, c'est surtout au XIXéme siècle que la
résistance albanaise à l'occupation ottomane va prendre
sa dimension nationale sous le nom de " Renaissance Nationale
Albanaise ".
L'acte fondateur de ce mouvement de renaissance nationale fut la
ligue de Prizren, crée le 10 juin 1878. La ligue de Prizren
affirma la nation albanaise comme une seule nation indivisible, le
maintien et l'inviolabilité de l'intégrité
territoriale nationale.
PRIZREN SE TROUVE AU
KOSOVO.
IV - LA DIVISION
TERRITORIALE DE LA NATION ALBANAISE EST UNE DECISION DES GRANDES
PUISSANCES QUE LE PEUPLE ALBANAIS N'A JAMAIS
ACCEPTE.
La ligue de Prizren se constitua à la suite du traité
de San Stefano (1878) où la Turquie, vaincue par la Russie dut
accepter que de nombreuses régions peuplées d'Albanais
passent aux Etats slaves des Balkans.
Cette décision entraîna de multiples révoltes
(1883,1885,1892,1898,1910), et le mouvement national albanais dut
combattre alors sur deux fronts : contre l'empire ottoman et contre
les monarchies slaves des pays voisins avides d'expansion.
La lutte tonale des albanais, qui culmine en 1912 avec la
proclamation de l'indépendance se déroule sur
l'ensemble des régions peuplées d'Albanais - y compris
et parfois principalement au Kosovo. En 1910, par exemple,
l'insurrection débuta à Prishtina (Kosovo). En 1912, le
comité général qui organisait l'insurrection
générale armée se trouvait également au
Kosovo.
Ce sont les grandes puissances, au traité de San Stefano
(1878), à la conférence des ambassadeurs de 1912-1913,
au traité secret de Londres en 1915, et à la
conférence de Paris en 1919, qui démembrèrent
l'entité territoriale et divisèrent la nation albanaise
au profit des monarchies slaves voisines et en particulier du Royaume
de Serbie. Les albanais n'ont jamais accepté ces diktats.
V - L'ATTRIBUTION DU
KOSOVO AU ROYAUME DE SERBIE FUT SUIVIE PAR UNE POLITIQUE DE
COLONISATION SYSTEMATIQUE visant à modifier le
caractère ethnique albanais du Kosovo.
L'objectif de modification ethnique mené par les serbes au
Kosovo utilisa au vingtième siècle plusieurs
méthodes :
1) Une politique de colonisation :
Commencé en 1912, la colonisation fut relancée en 1914,
en 1920 et en 1931 (c'est à dire après la
création de la Yougoslavie) par une série de
décrets-lois. Ces décrets attribuaient aux colons
serbes toutes les facilités pour s'installer au Kosovo
(transports sur place gratuits, construction gratuite de maisons,
exonérations d'impôts, aides financières,
expulsion des métayers albanais après l'appropriation
des terres albanaises).
2) Une oppression administrative et culturelle.
Le serbo-croate fut décrété langue officielle,
administrative, enseignée par l'Eglise, les publications en
albanais furent interdites, les fonctions administratives
réservées aux Serbes ...
3) Une présence policière et
militaire serbe accrue et active.
4) Et pour couronner le tout, une politique de
déplacement de la population albanaise. Ainsi, en 1928, un
traité signé entre la Yougoslavie et la Turquie
prévoyait la déportation de 400 000 albanais de
Yougoslavie vers la Turquie.
Malgré tout cela, la résistance des albanais fut la
plus forte. L'immense majorité resta au Kosovo.
VI - LA REPUBLIQUE
SOCIALISTE FEDERATIVE DE YOUGOSLAVIE N'A PAS RESOLU LE PROBLEME DU
KOSOVO Durant la
lutte de libération contre l'occupation hitlérienne,
Tito et le Parti Communiste yougoslave promirent aux communistes
albanais le règlement de la question albanaise dans le sens de
la réunification nationale.
Mais, il apparut que la voie titiste de cette réunification
était tout à fait singulière : il s'agissait en
effet de réunifier l'ensemble des albanais dans le cadre d'une
république yougoslave !
L'opposition de l'Albanie à ce projet entraîna un repli
yougoslave sur la question du Kosovo - pourtant libéré
par l'armée de Libération Nationale Albanaise et les
partisans kosovars.
Le Kosovo fut maintenu dans la République Socialiste
fédérative yougoslave, dans la république de
serbie. Depuis lors, et comme par le passé, les albanais du
Kosovo refusent la domination serbe et l'inégalité de
leurs droits nationaux, et exigent d'être reconnus comme nation
à part entière avec l'ensemble des droits d'une
nation.
" Les albanais de Kosove
n'ont-ils pas tous les traits et les caractéristiques propres
à une nation, ne vivent-ils pas sur un territoire compact,
leur manque-t-il la langue, la culture et une constitution
spirituelle communes, ne sont-ils pas capables de se gouverner
eux-mêmes sans la tutelle d'autrui, sont-ils si peu nombreux
qu'il ne vaille pas la peine d'élever leur territoire au rang
de république ? N'y a-il pas d'autres républiques
fédérées en Yougoslavie et la république
que réclament les albanais du Kosovo constituerait-elle une
exception ? " Extrait de "
Pourquoi a-t-on recouru à la violence policière et aux
chars contre les albanais du Kosovo ? ", article du Zeri i popullit,
organe du comité central du Parti du Travail d'Albanie - 8
avril 1981.
Par leurs luttes, les Kosovars réussissent à obtenir en
1974 le statut de région autonome dans le cadre de la
république de Serbie. Par ce statut, un certain nombre de
revendications furent satisfaites : élection d'un parlement,
accès à la présidence de la république
socialiste fédérative yougoslave, l'ouverture
d'écoles en langue albanaise ...
Mais, outre que le statut de république ne fut jamais obtenu,
les dirigeants serbes firent tout pour anéantir les acquis de
l'autonomie, et l'éclatement de la R.S.F.Y. a
débridé leur volonté hégémonique
sur le Kosovo, d'autant que cette région renferme des
richesses minières et naturelles importantes.
Telle est la cause des événements actuels.
VII -
L'APARTHEID
En 1981, les albanais du Kosovo manifestent pour obtenir le statut de
république (au même titre que la Croatie, le
Monténégro, la Serbie, la Slovénie, etc.). La
répression féroce fera un millier de morts et de
nombreux jeunes doivent fuir vers l'étranger.
En 1989, pour galvaniser les serbes, Milosevic se lance dans une
campagne hystérique contre le prétendu
irrédentisme des albanais du Kosovo. Il décrète
la révision de la Constitution de 1974. Le Kosovo perd son
statut d'autonomie, ses Institutions politiques sont dissoutes, les
fonctionnaires d'origine albanaise sont révoqués, les
interdictions professionnelles se multiplient par dizaines de
milliers, l'enseignement en langue albanaise est interdit de la
maternelle à l'université. Il s'en suit une nouvelle
vague d'émigration.
En septembre 1991, un référendum " clandestin "
organisé par Ibrahim Rugova président de la Ligue
Démocratique du Kosovo, proclame une république du
Kosovo dont il prend la tête en 1992. Milosevic ne
reconnaît pas, bien sûr, cette république, mais il
laisse faire ! ! ! car la politique passive, à la Gandhi de la
Ligue Démocratique du Kosovo laisse les mains libres aux
Serbes pendant la guerre de Bosnie. Pour les mêmes raisons, les
grandes puissances et en particulier les USA soutiennent Rugova.
Les accord de Dayton sont signés en 1995 et aujourd'hui aucune
solution politique ne se dessine en faveur du Kosovo. Au contraire,
le chauvinisme serbe se renforce.
De plus en plus nombreux, les Kosovars se sentent floués. La
confiance en I. Rugova s'amenuise, la population se radicalise.
d'autres forces politiques se dégagent. (l'armée de
Libération du Kosovo, le Parti Social Démocrate, des
personnalités nationales) qui ont toutes refusé de
participer aux élections du 22 mars 1998, en plein
bombardements de la région de Drenica. I. Rugova s'est
retrouvé seul en lice.
VIII - LA LUTTE DES
KOSOVARS EST JUSTE
Passons en revue les positions de ceux qui condamnent la lutte de ce
peuple :
Il a ceux qui mettent dos à dos le chauvinisme serbe et la
lutte nationale des kosovars : cette position est indéfendable
car il s'agit d'oppresseurs et d'opprimés.
Il y a ceux qui prétendent que les albanais du Kosovo sont
manipulés : cela n'a pas de sens. Tout au long de leur
histoire, ils n'ont jamais eu besoin des grandes puissances pour
déclencher des luttes.
Dans la même veine, certains prétendent que la lutte au
Kosovo pourrait servir de prétexte aux grandes puissances pour
faire repartir la guerre dans les Balkans. Il est vrai que dans le
cadre du repartage du monde, les USA ont intérêt
à déstabiliser l'Europe et à l'affaiblir. Mais,
les grandes puissances n'ont nul besoin de la lutte d'un peuple pour
déclencher une guerre. Elles sont passées maîtres
dans l'art de fabriquer des provocations. De plus, comment peut-on
dire à un peuple : " ne luttez pas, laissez-vous asservir . .
. car vous pourriez être manipulés " ?
Enfin, d'autres disent que la lutte des albanais du Kosovo,
même si elle a un caractère de masse, n'est pas une
lutte de la classe ouvrière et que donc il n'y a pas lieu de
la soutenir. Dans " le Marxisme et la question nationale " Staline
répondait déjà en 1913 :
" La lutte nationale dans
les conditions du capitalisme ascendant, est une lutte des classes
bourgeoises entre elles. Parfois, la bourgeoisie réussit
à entraîner dans le mouvement national le
prolétariat, et alors, la lutte nationale prend en apparence,
un caractère "populaire général ", mais rien
qn'en apparence. Dans son essence, elle reste toujours bourgeoise,
avantageuse et souhaitable principalement pour la bourgeoisie. Mais
il ne s'en suit nullement que le prolétariat ne doit pas
lutter contre la politique d'oppression des nationalités. Les
restrictions à la liberté de déplacement, la
privation des droits électoraux, les entraves à l'usage
de la langue, la réduction du nombre des écoles et
autres mesures répressives atteignent les ouvriers autant que
la bourgeoisie sinon davantage Une telle solution ne peut que freiner
le libre développement des forces spirituelles du
prolétariat des nations assujetties. On ne peut parler
sérieusement du plein développement des dons spirituels
de l'ouvrier tatar ou juif, alors qu'on ne lui permet pas d'user de
sa langue maternelle dans les réunions et les
conférences, alors qu'on lui ferme ses écoles ...
".
Aujourd'hui, au Kosovo, ce sont bien les albanais qui sont dans la
situation de " l'ouvrier juif ou tatar " dont parle Staline en
1913.
Les marxistes-léninistes et les progressistes doivent soutenir
la lutte nationale des albanais du Kosovo.
Plutôt que de demander aux albanais d'enterrer leur lutte
nationale, les internationalistes doivent la soutenir. La classe
ouvrière serbe doit aussi la soutenir, car l'Etat bourgeois
serbe est à la fois son ennemi et l'ennemi du peuple
Kosovar.
C'est la seule base sur laquelle peut s'édifier
l'internationalisme prolétarien entre les classes
ouvrières de cette région.
Un peuple qui en
opprime un autre ne saurait être libre .
le 28 avril
1998.
· Collectif
Eugène Pottier (Communiste Marxiste-Léniniste).
· Centre d'Etude sur le Mouvement ouvrier et Paysan
International (CEMOPI), Maison des Syndicats et des Associations, 4
rue d'Arcole, 72000 Le Mans.
· Editions Prolétariennes, Mairie, Place de l'Hôtel
de Ville, 71700 Tournus.