Soutenons le peuple albanais du Kosovo !

Dans le cadre de discussions avec divers groupes et organisations, Voie Prolétarienne a proposé le projet suivant de communiqué conjoint. Le débat n'est pas clos, et nous ne le publions que dans le cadre de l'actualité.

"Le pouvoir nationaliste serbe est passé à la répression militaire du peuple albanais du Kosovo en lutte pour la reconnaissance de ses droits nationaux et démocratiques légitimes. La négation de ces droits et la répression ne sont pas une réalité nouvelle. Lors de la constitution de la république fédérative de Yougoslavie, le peuple kosovar n'eut pas le droit à un statut de république et le Kosovo fut intégré dans la république de Serbie. Par leur lutte, néanmoins, les Albanais du Kosovo obtinrent en 1974 un statut d'autonomie dans le cadre de cette république. Ce statut leur donnait certains droits comme l'élection d'un parlement ou l'ouverture d'écoles en langue albanaise.

En 1981, leur lutte pour l'obtention d'un statut de république fut durement réprimée et un millier de Kosovar y laissèrent leur vie. En 1989, confronté à l'accentuation de la crise du capitalisme en Yougoslavie, Milosevic lança une violente campagne contre l'autonomie du Kosovo, présentée comme une agression contre les Serbes. Cette campagne qui consolidait son pouvoir sur des bases nationalistes réactionnaires, lui permit d'imposer la révision de la constitution de 1974, l'annulation de l'autonomie du Kosovo, la révocation des fonctionnaires d'origine albanaise, et l'interdiction de l'enseignement en langue albanaise.

En septembre 1991, le président de la Ligue Démocratique du Kosovo, Ibrahim Rugova, organisa un référendum clandestin et proclama une république du Kosovo dont il prit la tête. Le pouvoir serbe laissa faire, d'autant plus que la politique de résistance passive lui laissait les mains libres face à la Slovénie et la Croatie qui avaient elles-mêmes proclamé leur indépendance. Il en fut de même lors de la guerre en Bosnie. Les accords de Dayton ayant dans les faits consacré le partage de la Bosnie sur une base ethnique et avalisé les conquêtes des nationalistes serbes, Milosevic a maintenant les mains libres au Kosovo.

Face à cette nouvelle guerre qui ne peut que déboucher que sur l'exode de populations du Kosovo, les signataires affirment :
· Nous soutenons la juste lutte du peuple kosovar, contre le chauvinisme grand'serbe, pour la reconnaissance de ses droits nationaux, à parité avec les autres peuples. Et nous défendons la légitimité du recours à la lutte armée dans cette perspective.

· Que la lutte pour la reconnaissance de ce droit et pour l'égalité des nations, lutte démocratique s'il en est, ne détourne pas les travailleurs de la lutte des classes. Elle est une lutte pour l'égalité entre les nations et une lutte contre les préjugés nationaux qui font obstacle à l'union internationale des travailleurs. En s'associant ou en acceptant passivement la répression du peuple du Kosovo, les ouvriers serbes ne peuvent que servir la cause de leurs exploiteurs serbes qui en sortiront renforcés. Ils donneront aussi des arguments à ceux qui voudraient maintenir le mouvement démocratique kosovar dans le cadre strict des revendications démocratiques bourgeoises.

Les signataires :
· Dénoncent la responsabilité des puissances impérialistes, de la France en particulier, qui ont concocté les accords de Dayton qui consacrent la partition de la Bosnie sur une base ethnique, avalisant ainsi toutes les thèses racistes et nationalistes du régime de Milosevic. Ensuite, elles ont pris prétexte de quelques concessions de façade de Milosevic, pour lui manifester leur appui. Celui de la France ne lui a que très rarement fait défaut.

· Dénoncent les manoeuvres actuelles des impérialistes dans la région, et toutes les ingérences militaires ou diplomatiques, qui n'ont d'autre mobile que le maintien du statut quo dans la région. Aussi ne faut-il apporter aucun crédit aux rodomontades actuelles contre Milosevic, qui visent pour l'essentiel à mettre le mouvement démocratique kosovar dans la dépendance des forces impérialistes.

· Nous affirmons que les droits millénaires des peuples sur une terre n'existent pas plus pour les Serbes sur le Kosovo que pour les Juifs sur la Palestine. Seuls comptent les droits de ceux qui sont aujourd'hui en butte à l'oppression, à la spoliation ou à l'exploitation qu'elles soient de nature coloniale, sioniste ou capitaliste. Nous, internationalistes, pensons que les nations ne sont qu'un moment de l'histoire de l'humanité. Nous pensons aussi que la marche au communisme qui mettra fin à toutes ces formes d'exploitation suppose aujourd'hui la lutte contre toute oppression nationale, et la reconnaissance du droit de toute nation ou peuple opprimé à l'autodétermination.

Aussi, les signataires appellent :

- Tous ceux qui se sont mobilisés pour une Bosnie inter-ethnique et démocratique à se mobiliser contre les attaques contre le peuple albanais du Kosovo.
- Toutes les organisations syndicales, les organisations politiques progressistes ou révolutionnaires à manifester leur soutien au peuple albanais du Kosovo en lutte pour ses droits nationaux et démocratiques.


Quelques compléments pour mieux comprendre la situation au Kosovo
· La lutte des Albanais du Kosovo contre l'oppression nationale ne date pas d'aujourd'hui, comme expliqué dans la résolution. Dès la constitution de la Yougoslavie, l'existence du Kosovo a été contestée par les nationalistes serbes, qui y voient "le foyer de la nation serbe".
· L'autonomie du Kosovo avait été accordée en 1974 pour tenter de freiner ces prétentions. Mais la crise économique extrêmement forte de la Yougoslavie capitaliste (hyperinflation...) au début des années 80 a poussé Milosevic (alors président de la Banque centrale de Belgrade et dirigeant du PC) et ses comparses, à utiliser le drapeau nationaliste serbe pour détourner l'attention des travailleurs, et orienter leur colère contre les revendications nationales au Kosovo.
· La résistance au Kosovo depuis la répression de 1981 et surtout depuis 1989 s'est menée de manière passive et non-violente, sous l'autorité de la LDK de Ibrahim Rugova. C'était une impasse, qui a trouvé aujourd'hui ses limites.
· Le déclenchement de la lutte armée de l'UCK n'est pas un acte désespéré suite à l'accentuation de l'oppression, c'est un choix politique et militaire, préparé clandestinement depuis la même époque des années 80 par des militants qui ne croyaient pas à la voie non-violente et ne faisaient pas confiance à Rugova. Cette lutte armée est donc différente de la résistance bosniaque prise par surprise par l'agression fasciste. Par exemple, les déplacements des populations des zones de combats n'ont pour l'essentiel pas eu lieu dans la panique et la terreur comme en Bosnie, mais sous contrôle et protection (relative) des forces de l'UCK.
· Concernant l'origine des fondateurs de l'UCK, des informations concordantes soulignent l'influence d'anciens opposants au régime de Tito, alors emprisonnés pour "maoïsme", en fait pour la défense de l'Albanie socialiste.
· Contrairement à toutes les déclarations de la presse, l'UCK est soutenue par la population du Kosovo, et son influence politique et militaire est très forte. Les "défaites militaires" annoncées n'ont de sens que dans une conception très bourgeoises et diplomatiques de la lutte de libération nationale. Par ailleurs, l'UCK est massivement soutenue et armée par les Albanais de la diaspora qui reviennent clandestinement participer au combat. A noter que ces jeunes sont souvent cultivés et fortement motivés par ce qu'ils ressentent comme 20 ans d'impuissance face à l'oppression nationale.
· Le programme de l'UCK est peu connu, à un élément près : ils revendiquent l'instauration d'un seul état albanais regroupant l'Albanie actuelle, le Kosovo et une partie de la Macédoine. Au sein des Balkans, il n'est pas sûr qu'une telle revendication nationale soit juste : à l'époque de la Yougoslavie de Tito et de l'Albanie socialiste, cette dernière s'opposait à une telle revendication source de conflits sur une base nationaliste. Mais les conditions ont aujourd'hui changé...
· Ce qui est sûr, c'est que la situation du Kosovo est l'enjeu de multiples factions : l'ancien président Berisha d'Albanie, soutenu par les USA soutient et arme ouvertement l'UCK, ce dans le cadre du jeu politique nationaliste en Albanie même. Pour autant, il n'est pas possible d'affirmer comme ça que l'UCK est inféodée aux USA.

Quoiqu'il en soit, compte tenu de l'Histoire et de l'oppression nationale subie depuis des années, il est certain que l'heure n'est plus à la négociation mais à l'affrontement. La voie pacifique et non-violente a montré son échec et la population du Kosovo est déterminée, ce qui explique les succès de l'UCK. Reste à savoir ce sur quoi ce combat va déboucher... L'Histoire, encore elle, est pleine de ces luttes nationales qui ne débouchent que sur des impasses...
Cela ne veut évidemment pas dire qu'il faut rester spectateur et puriste... Le projet de résolution montre clairement pourquoi
il faut soutenir la lutte nationale et démocratique du peuple du Kosovo. Pour ce qui est du soutien à l'UCK, tout en reconnaissant son rôle dans le combat, nous attendrons d'en savoir un peu plus.
A.D.

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