Un premier bilan.
Six mois après sa parution, la loi Aubry soulève de
plus en plus de méfiance et de désillusion. Le
gouvernement est obligé de reconnaître que les embauches
promises en carotte ne suivent pas.
Dans les accords signés, le temps de travail est réduit
sur le papier, mais les travailleurs se crévent plus au
boulot. La faute aux patrons ?
Non. La loi ne comptabilise la durée du travail qu'en terme de
présence réelle au poste de travail. Les patrons n'ont
qu'une idée : utiliser toutes les marges de manoeuvre
nouvelles données par la loi pour réorganiser et
aggraver l'exploitation. Et ils ramassent l'oseille, le plus souvent
sans faire une seule embauche en fixe.
Les dirigeants syndicaux continuent à faire de la pub à
la loi Aubry en répétant que les 35 heures seront ce
que les travailleurs en feront.
Mais eux que font-ils ? Embourbés dans des négociations
secteur par secteur, ils n'organisent quasiment aucune lutte pour
imposer le "tous ensemble" indispensable contre les appétits
patronaux.
" Une avancée
historique sans précédent depuis 1936 " ( Louis Viannet
) ?
La loi sur le temps de travail de 1936 était, elle, le
résultat d'une lutte d'ensemble : elle imposa aux patrons 40
heures à la semaine, pour tous les salariés, quelle que
soit l'entreprise, avec interdiction des heures sup. et les
congés payés !
La loi Aubry sur les 35 heures n'a rien à voir avec ça.
Finie la durée hebdomadaire fixe et commune à tous les
salariés : la loi développe la modulation et la
flexibilité. Finis les horaires collectifs : elle divise les
travailleurs par unité de travail, voire par métiers !
Elle soumet leurs conditions de vie et les embauches à la
compétitivité des entreprises. Que restera-t-il de bon
pour nous ?
Le bilan 12 ans après
en Allemagne
En Allemagne, les 35 heures ont été arrachées
par une longue lutte des métallos, de 1984 à 1987. Mais
les grèves se sont terminées en queue de poisson par un
compromis entre patrons et dirigeants syndicaux : flexibilité
et intensification du travail en contrepartie de la réduction
de l'horaire conventionnel... Le même marché de dupes
que propose la loi Aubry. Les dirigeants du syndicat et les patrons
avaient conclu sur cette base un accord de fin de grève. Mais
dans plusieurs grandes boites, avec l'opposition syndicale, des
métallos refusaient la flexibilité et pour ça,
ils voulaient continuer les grèves. Ils étaient
minoritaires, mais la suite des évènements leur a
donné raison.
Un syndicaliste oppositionnel nous explique : "Les conditions
collectives concrètes de passage aux 35h dans l'usine
n'étaient pas précisées et les patrons en ont
tiré parti boite par boite. Résultats pour les
travailleurs : perte de pouvoir d'achat, perte des pauses,
aggravation des cadences, étalement des jours de travail sur
les 6 ou 7 jours de la semaine, aucune embauche ou alors sous des
contrats précaires de plus en plus courts, heures sup...Sur
tous ces points il y a eu des luttes, mais il a été
très difficile de faire reculer les patrons."
Aujourd'hui, la direction du syndicat des métallos avance
l'objectif des 32 heures. Mais la base ne veut pas en entendre parler
: elle a été vaccinée !
Les travailleurs d'Allemagne n'ont pas abandonné pour autant
la lutte pour l'embauche et l'amélioration des conditions de
travail. Mais ils se battent le plus souvent sans la direction du
syndicat.
Exemple récent : une grève sauvage chez Opel Bochum
pour 50 embauches, directement dans les ateliers. Presque toute
l'usine était arrêtée et uniquement grâce
aux délégués de base. Les travailleurs disent
"Ca suffit maintenant ! On ne veut plus discuter
compétitivité parce que la charge devient insupportable
et qu'il n'y a plus de fin..." Après deux jours, la Direction
a cédé.
Rien à attendre :
luttons pied à pied
Si nous ne voulons pas être mangés à la
même sauce que les métallos allemands, c'est dès
maintenant qu'il faut se bagarrer. Contre les patrons. Mais aussi
sans rien attendre des dirigeants de gauche qui nous ont pondu
et vendu si cher un tel oeuf empoisonné ! Nous ne marnerons
pas plus, avec moins de salaire, des horaires imprévisibles et
pas d'embauche !
Opposons la solidarité et l'unité à la
concurrence et à la division.
Unité entre ouvriers de la même boite, de la même
branche et jusqu'au niveau international. Solidarité avec les
précaires et les chômeurs pour diminuer la charge de
travail par des embauches.
Rejetons le chantage à la compétitivité qui n'a
jamais de fin. Restons fermes et non flexibles sur le temps de vivre
(les horaires, les pauses, les congés). Enlevons aux
dirigeants collabos le monopole de l'organisation au-delà de
l'usine.
Reste un petit problème: comment des partis de gauche
peuvent-ils en arriver à servir aussi bien un système
pourri ? Nous y reviendrons dans le prochain tract.
Janvier 99
Ocml- Voie
Prolétarienne
BP n°48 93802 Epinay / Seine cedex<BR>