L'amiante tue. Comme le capitalisme.
Pour le profit.
La première provoque fibroses et cancers. Le second engendre
la misère et la guerre, les accidents de la route et du
travail, la pollution et l'ennui, le chômage et les
suicides.
Autre point commun : leur développement infernal n'est pas
fatal.
Mais pour cela il faut des solutions radicales : élimination
et remplacement.
Notre santé est
le dernier des soucis de ceux qui nous dirigent.
Des centaines de milliers de travailleurs en France ont
respiré des poussières d'amiante dans le bâtiment
et l'industrie, dans la construction navale et à la SNCF,
à la RATP et dans les centres de tri. Sans compter les
employés dans les bureaux floqués, les jeunes et les
enseignants dans les écoles, de la maternelle à
l'université (Jussieu...). Il est prévu que le nombre
annuel de morts dûes à l'amiante passe de 2000 à
10 000 environ dans les prochaines années. Autant de morts
couvertes par la désinformation et par la complicité
des administrations, de la majorité des scientifiques et des
dirigeants politiques mais aussi syndicaux...
Ça bouge
à force de luttes
Deux jugements
récents ont
porté des coups aux patrons à propos de l'affaire de
l'amiante : Eternit à Mâcon, le 11 septembre ;
GEC-Alsthom à Bobigny, le 28 juillet.
Le premier, surtout, a été remarqué : du fait
que les victimes et leurs familles n'avaient pas connaissance de la
gravité des faits au moment de la déclaration de la
maladie, le TASS (tribunal des affaires de la Sécurité
Sociale) a rejeté la défense du patron centrée
sur la notion de prescription - le dépassement du délai
maximal pour attaquer l'employeur pour faute inexcusable.
Le procès GEC-Alsthom est intéressant par ses
conclusions et par la lutte qui le sous tend. Le juge a
débouté la Direction qui contestait la décision
du CHSCT de faire appel à un autre expert que le sien. Et son
ordonnance se réfère au rapport de l'INSERM de juin
1996 : " Selon les données actuelles de la science, il n'y a
pas, à ce jour, de limite inférieure identifiable du
risque associé à l'exposition à l'amiante."
C'est d'autant plus remarquable que jusqu'à maintenant, tous
les patrons et les textes de lois utilisaient la notion de "
seuil minimum ".
Une lutte. Ces deux avancées juridiques sont
à mettre au compte de la combinaison de luttes locales avec la lutte
de l'Association Nationale de
Défense des Victimes de l'Amiante (ANDEVA). Dès sa
création en 1996 par regroupement de plusieurs collectifs de
lutte, I'ANDEVA avait déjà forcé le gouvernement
à améliorer une législation anti-amiante vieille
de 20 ans. 20 ans de
blocage, malgré des
évolutions autrement plus radicales à
l'étranger, malgré des années de gauche au
pouvoir et malgré des
syndicats qui n'ont pas aidé à l'indispensable
organisation nationale, voire internationale, des luttes locales
éclatées.
Ces avancées sont la démonstration que tout devient possible quand les travailleurs prennent leurs
affaires en main avec le concours d'une organisation nationale et de
bons " experts ".
L'exemple de
GEC-Alsthom Saint-Ouen
C'est la mobilisation d'ouvriers qui n'étaient ni militants,
ni syndiqués. Et dont certains se retrouvent, en quelques
mois, diffuseurs d'informations, organisateurs et
représentants capables de tenir tête au patron et aux
experts pourris.
Quels sont les
ingrédients de ce mélange explosif :
o I'exploitation des travailleurs, en l'occurence des dizaines
d'années d'utilisation de tonnes d'amiante sans information ni
protection,
o la
révolte devant la mort
d'un collègue, à l'origine de débrayages
massifs
o une
équipe de militants
révolutionnaires qui ne vont pas lâcher le morceau et
vont faire le pont avec les acquis des luttes antérieures et
les connaissances accumulées
o des experts qui se mettent au service des victimes du système
o le renfort d'une organisation nationale, I'ANDEVA.
Les points forts du mouvement
?
o Constitution des travailleurs en lutte en un Comité de
Défense de la Santé, plus large que le cadre syndical,
autour d'une plateforme de revendications claires exigeant le retrait
de l'amiante, I'information, la reconnaissance de l'exposition de
tous les salariés et la réparation pour les familles de
tout travailleur atteint,
o débrayages, regroupements réguliers dans 1'atelier,
élections de représentants dans tous les secteurs, o
informations et compte-rendus d'activité réguliers,
o lutte dirigée par le Comité de Défense de la
Santé et non réduite à l'institution CHSCT,
élargissement de ce dernier aux représentants du
Comité de Défense
o utilisation des droits syndicaux par les équipes CFDT et CGT
pour la formation du plus grand nombre et pour la maîtrise du
savoir. Cette lutte à la base va rendre très efficace
le travail des quelques " experts " de l'ANDEVA qui ont, eux, choisi
de se mettre au service des victimes de la barbarie patronale, dans
le prolongement de l'expérience du Comité Jussieu dans
les années 70.
Voilà pourquoi, depuis un an, la lutte, même
minoritaire, tient à GEC-Alsthom Saint-Ouen, et pourquoi elle
continue de faire baliser la Direction Générale du
groupe.
Quelques
leçons pour notre combat contre ce système
pourri
L'affaire de l'amiante donne un éclairage absolu sur
l'atrocité du système capitaliste et sur les moyens d'y
remédier. Le capitaliste use le
travailleur en
totalité
jusqu'à sa dernière parcelle de vie. Il n'y a aucun
aménagement possible, aucune position
intermédiaire tenable.
La gauche qui fonde sa légitimité sur un rôle
d'intermédiaire entre exploiteurs et exploités, a
laissé crever des générations de travailleurs.
Sauf exceptions rarissimes, les médecins du travail, les
décideurs de la Sécu, les fonctionnaires des
administrations, les scientifiques ont tous soigneusement
évité de
mordre la main qui les
nourrissait.
Tant que dominera la loi du profit, il y aura d'autres affaires de
l'amiante, d'autres vaches folles, d'autres catastrophes pas du tout
naturelles. La fibre de céramique, utilisée en
remplacement de l'amiante, provoque déjà les
mêmes dangers et les mêmes désinformations que
l'amiante. Il est urgent de faire table rase du capitalisme. Et de
mettre en place, non pas un
produit de remplacement
apparenté, comme cette version du capitalisme qui a vu,
à l'Est, I'État-Parti exploiter les travailleurs, mais
un système où ce sont les exploités qui
s'emparent toujours plus du savoir et du pouvoir pour éliminer
toute forme d'oppression .
Comment ? En tentant à grande échelle ce qu'ont fait
quelques dizaines de travailleurs à GEC Alsthom Saint-Ouen
dans la lutte contre l'amiante : ne pas s'en remettre aux
institutions, aux experts, aux dirigeants des organisations dites de
gauche. S'emparer du savoir et contester le pouvoir aux capitalistes.
S'organiser collectivement
à la base et au niveau national indépendamment des organisations
traditionnelles, toujours prêtes au compromis. La constitution
de l'Association Nationale de Défense des Victimes de
l'Amiante a été déterminante pour la lutte
contre l'amiante. Contre le capitalisme, ce qui nous manque
aujourd'hui, c'est une " Association Internationale de Défense
des Victimes du Capitalisme " : un Parti Révolutionnaire.
Octobre 97